TA Nice, 24/02/2023, n°2205597

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2022, le département des Alpes-Maritimes, représenté par Me Capia, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner l'expulsion, sans délai et si besoin avec le concours de la force publique, d'un huissier et d'un serrurier, de M. A B et de tous occupants de son chef de la parcelle cadastrée "section AL n° 317", sise impasse des Campelières 06110 Le Cannet, appartenant au domaine public départemental, qu'il occupe sans droit ni titre depuis le 31 mai 2022, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

2°) de condamner M. B au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 700 euros à compter du 1er juin 2022 jusqu'à parfaite libération des lieux ;

3°) de mettre à la charge de M. B une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le département des Alpes-Maritimes soutient que :

- la mesure sollicitée ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;

- la condition d'urgence est remplie dans la mesure où la parcelle occupée sans droit ni titre par M. B doit faire l'objet, de manière imminente, de travaux de désamiantage et de déconstruction pour lesquels un marché public a été conclu ;

- la mesure sollicitée est utile compte tenu de l'occupation illégale de ladite parcelle par M. B ;

- la mesure sollicitée ne fait obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ;

- la parcelle en cause fait partie du domaine public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2023, M. A B, représenté par Me Berthelot, conclut au rejet de la requête du département des Alpes-Maritimes et demande au juge des référés de condamner ce dernier à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de la présente affaire dans la mesure où le bien en cause appartient au domaine privé du département ; que la location en cause est un bail commercial ; que, dès lors, le présent litige relève de la compétence du juge judiciaire ;

- la condition relative à l'urgence n'est pas remplie ;

- la mesure sollicitée se heurte à des contestations sérieuses.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 8 février 2023, le département des Alpes-Maritimes doit être regardé comme maintenant l'ensemble des conclusions de sa requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision par laquelle la présidente du tribunal a désigné M. Soli, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 9 février 2023 à 10 heures 30 :

- le rapport de M. Soli, juge des référés ;

- les observations de Me Capia, représentant le département des Alpes-Maritimes ;

- et les observations de Me Francesconi, substituant Me Berthelot, représentant M. B.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, le département des Alpes-Maritimes demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion, sans délai et si besoin avec le concours de la force publique, d'un huissier et d'un serrurier, de M. A B et de tous occupants de son chef de la parcelle cadastrée " section AL n° 317 ", sise impasse des Campelières 06110 Le Cannet, appartenant au domaine public départemental, qu'il occupe sans droit ni titre depuis le 31 mai 2022, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Le département des Alpes-Maritimes sollicite également la condamnation de M. B au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 700 euros à compter du 1er juin 2022 jusqu'à parfaite libération des lieux.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Il résulte de l'instruction que le département des Alpes-Maritimes est effectivement propriétaire de la parcelle litigieuse depuis le 6 février 1980, comme en atteste l'acte de cession, lequel est suffisamment lisible pour constater que ladite cession a été consentie pour un montant de 220 000 francs ; que cette parcelle, ainsi entrée dans le domaine départemental à la suite d'une procédure d'expropriation, n'ayant jamais fait l'objet d'un déclassement et étant située dans l'emprise d'un projet d'aménagement routier, relève en conséquence du domaine public du département ; que c'est " à titre essentiellement précaire et révocable " que le conseil général des Alpes-Maritimes a consenti la location de la parcelle litigieuse à M. B par délibération en date du 3 juillet 1984, interdisant par cette même délibération tout branchement au réseau d'eau ou d'électricité. Par suite, les mesures sollicitées ne sont pas manifestement insusceptibles de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative.

3. Il résulte de ce qui précède que les moyens soulevés en défense et tenant à l'incompétence de la juridiction administrative, à la requalification en bail commercial de la convention d'occupation précaire et révocable du domaine public consentie à M. B par délibération du conseil général des Alpes-Maritimes en date du 3 juillet 1984 et à l'obligation pour le département de respecter un préavis de six mois et non de trois mois doivent être écartés.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Le juge des référés tient de ces dispositions le pouvoir, en cas d'urgence et d'utilité, d'ordonner l'expulsion des occupants sans titre du domaine public.

5. Lorsque le juge des référés statue, sur le fondement de l'article L. 521-3 précité du code de justice administrative qui instaure une procédure de référé pour laquelle la tenue d'une audience publique n'est pas prévue par les dispositions de l'article L. 522-1 du même code, sur une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il doit, eu égard au caractère quasi-irréversible de la mesure qu'il peut être conduit à prendre, aux effets de celle-ci sur la situation des personnes concernées et dès lors qu'il se prononce en dernier ressort, mettre les parties à même de présenter, au cours d'une audience publique, des observations orales à l'appui de leurs observations écrites.

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 2124-74 du code général de la propriété des personnes publiques : " L'occupant qui ne peut justifier d'un titre est susceptible de faire l'objet d'une mesure d'expulsion. / En outre, pour toute la période pendant laquelle il occupe les locaux sans titre, notamment dans le cas où son titre est venu à expiration, il est astreint au paiement d'une redevance () ".

7. Il résulte de l'instruction que M. A B, lequel avait été autorisé par le département des Alpes-Maritimes à occuper temporairement, à titre précaire et révocable, la parcelle cadastrée " section AL n° 317 ", sise impasse des Campelières 06110 Le Cannet, continue, à la date de la requête et de la présente ordonnance, d'occuper la parcelle en cause, ne justifie d'aucun titre d'occupation régulier et refuse de quitter les lieux. Son maintien sur ce terrain fait obstacle à ce que le département des Alpes-Maritimes puisse mettre en œuvre des opérations de travaux de désamiantage et de déconstruction, pour lesquelles un marché public a été conclu. Dans ces conditions, tant l'urgence que l'utilité de la mesure d'expulsion, laquelle ne se heurte à aucune contestation sérieuse, sont justifiées. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à M. A B, ainsi qu'à tous occupants de son chef, de libérer sans délai la parcelle cadastrée " section AL n° 317 ", sise impasse des Campelières 06110 Le Cannet. À défaut pour M. B et tous occupants de son chef de déférer à cette injonction, le département des Alpes-Maritimes pourra faire procéder à son expulsion aux frais, risques et périls de l'intéressé, en recourant à l'intervention d'un huissier, d'un serrurier, et de toute personne dont l'assistance sera utile, au besoin avec le concours de la force publique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette mesure d'injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente ordonnance.

Sur l'indemnité d'occupation du domaine public :

8. Il n'appartient pas au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, de prononcer la condamnation au paiement d'une redevance à l'encontre d'un occupant, fut-il sans titre, du domaine public.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. En revanche, les conclusions de M. B tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge du département des Alpes-Maritimes, qui n'est pas partie perdante dans le cadre de la présente instance, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : Il est enjoint à M. B et à tous autres occupants de son chef de libérer sans délai la parcelle cadastrée " section AL n° 317 ", sise impasse des Campelières 06110 Le Cannet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente ordonnance. À défaut pour M. B et tous occupants de son chef de déférer à cette injonction, le département des Alpes-Maritimes pourra faire procéder à son expulsion aux frais, risques et périls de l'intéressé, en recourant à l'intervention d'un huissier, d'un serrurier, et de toute personne dont l'assistance sera utile, au besoin avec le concours de la force publique.

Article 2 : M. B versera au département des Alpes-Maritimes une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du département des Alpes-Maritimes est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. B présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au département des Alpes-Maritimes et à M. A B.

Fait à Nice, le 24 février 2023.

Le juge des référés,

signé

P. SOLI

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation, la greffière,

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