Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 23 février 2024 et un mémoire en réplique enregistré le 5 mars 2024, les sociétés Transdev SA et Transdev Nîmes mobilité SAS, représentées par Me Letellier de la SELARL Symchowicz-Weissberg et Associés, demandent au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la procédure de publicité et de mise en concurrence lancée par la communauté d'agglomération Nîmes Métropole tendant à la conclusion d'une délégation de service public pour l'exploitation des services de transports urbains de voyageurs de Nîmes Métropole ;
2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Nîmes Métropole la somme de 10 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles ont intérêt à agir eu égard à leur activité et à la circonstance qu'elles ont été empêchées de soumissionner du fait du montant de la contribution forfaitaire ( 287 millions d'euros HT) ainsi que du caractère impératif du document programme et de l'offre de services afférentes et des réponses apportées par la Métropole à leurs courriers confirmant la contrainte budgétaire ; les éléments invoqués en défense, articles de presse et grèves sont inopérants ; les manquements qu'elles invoquent sont susceptibles de les avoir empêchées ou dissuadées de présenter leur offres ainsi que l'exige la jurisprudence pour leur conférer un intérêt à agir ;
- le forfait de charges et la configuration du service présentaient un caractère intangible au regard des termes du document programme ; le forfait de charge ne doit pas être confondu avec l'estimation de la concession visée à l'article 4.5 du document programme renvoyant à l'article R.3121-1 du code de la commande publique, son caractère impératif résulte également de la réponse de la Métropole au courrier du 5 mai 2023 ;
- le cahier des charges ne pouvait être adapté que de manière ponctuelle et résiduelle ; le dossier de consultation prévoyait la possibilité pour la métropole d'apporter des modifications de détails et au plus tard 15 jours avant la date limite de réception des offres ; les modifications financières et techniques ne sont pas des modifications de détail ;
- l'offre de l'attributaire pressenti est irrégulière, en la retenant l'autorité concédante a méconnu les dispositions de l'article L.3124-2 du code de la commande publique ;
- l'offre de la société Keolis s'est affranchie de l'exigence pécuniaire en prévoyant un montant de contribution forfaitaire fixé à 48.2 millions d'euros, soit bien au-delà de la prescription du cahier des charges ;
- elle s'est affranchie de certaines des techniques du cahier des charges tenant notamment à l'évolution de l'offre de services puisque la mise en œuvre des lignes structurantes a été temporellement décalée, ayant pour effet mécanique de faire baisser le forfait de charges moyen sur la durée du contrat de plusieurs centaines de milliers d'euros par an ;
- ces manquements l'ont lésée ;
- le délégant a manqué à ses obligations de transparence et d'égalité en méconnaissance de l'article L.3 du code de la commande publique ;
- il a méconnu les dispositions de l'article 9 du règlement dès lors que la contribution forfaitaire qui revêtait un caractère impératif a été modifiée de plus 10% au regard de la variante et de 14% au regard de l'offre de base et qu'elle s'est accompagnée d'évolutions des offres de services réduisant les charges du concessionnaire :
o un décalage temporel de la mise en œuvre de la ligne T5 qui était imposée en offre de base comme en variante obligatoire au 1er septembre 2024 et qui a finalement était décalée au 1er septembre 2025 alors même que les infrastructures nécessaires à son fonctionnement (aménagement d'un site propre sur son propre sur son parcours) ont été inaugurés en novembre 2023 ;
o un décalage temporel du prolongement de la ligne T4 à Caissargues Sud qui n'est plus évoquée alors qu'une mise en service en janvier 2027 était imposée dans le document de programme ;
o suppression du dispositif plus adapté pour desservir la gare TGV de Nîmes Pont du Gard (desserte de tous les TGV) pourtant évoqué dans le cahier des charges ;
o suppression de l'option vélo pourtant envisagée dans le cahier des charges. ;
o la mise à disposition d'un dépôt supplémentaire par l'autorité concédante ;
- ces manquements au principe d'égalité les lèsent, les exposantes ayant décidé de refuser de participer au regard des discours récurrents de la Métropole consistant à lui indiquer que le forfait de charges prévu était intangible (et que dans ce forfait devaient être réalisés tous les services prévus au cahier des charges, dans les conditions prévues par celui-ci) pour finalement conclure le contrat remettant en cause le forfait de charge et les services prévus au cahier des charges ;
- dire que Transdev a pratiqué une politique inflationniste sur le précédent contrat est erroné ;
- la réalisation des services convenus est impossible avec un forfait de charge de 44,1 millions d'euros ; les offres initiales dépassaient d'ailleurs le forfait ; il en va de même de l'offre retenue malgré une réduction des services représentant une économie d'investissement de 1 836 000 euros et qui se situe à + 10/14% du forfait de charge annoncé par la métropole ;
- elles n'avaient pas à introduire un référé antérieurement et sont recevables à invoquer toutes informations utiles à l'occasion du présent recours ; l'évocation de la violation du secret des affaires est inopérante ;
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2024, la communauté d'agglomération Nîmes Métropole, représentée par Me Hourcabie, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge des sociétés Transdev SA et Transdev Nîmes Mobilités SAS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- Transdev a délibérément refusé de candidater alors que la métropole l'avait incitée à le faire ;
- la société n'a engagé le référé précontractuel que neuf mois après sa décision de ne pas candidater et a privilégié des actions affectant la continuité du services (grève et débrayage) ;
- l'article 4.5 du document programme, dédié à l'estimation du montant de la concession, est en effet d'ordre purement informatif, non prescriptif, et se borne à porter à la connaissance des soumissionnaires, comme il appartient à toute autorité délégante de le faire, les modalités de calcul de l'estimation, et sa valeur telle que déterminée par la Métropole, sans ne jamais mentionner que son dépassement serait interdit ou rendrait irrégulière l'offre ;
- Transdev ne peut se prévaloir de la formule générale prévue en en-tête du document programme, qu'il n'y a pas de sens à donner à une simple " estimation " une portée prescriptive qu'elle ne peut par sa nature même avoir ;
- le document programme comporte des données prescriptives et donc impératives et des données purement informatives, au nombre desquelles figure le montant estimé de la concession, qui ne peuvent tromper l'opérateur raisonnablement vigilant tel que Transdev ;
- le caractère prétendument erroné du montant estimé de la concession n'est pas de nature à empêcher un opérateur économique de participer à une consultation ; une offre qui excède le montant estimé peut être présentée et même se voir attribuer le marché ; tel est le cas de concessions de service public récemment attribuées à Transdev et dont le document programme était rédigé dans les mêmes termes ;
- la lésion n'est pas caractérisée et les griefs sont inopérants et la requête est irrecevable ;
- les prétendues méconnaissances des principes de transparence et d'égalité de traitement qui auraient été commises plusieurs mois après que Transdev a renoncé à soumissionner sont tout aussi inopérantes ;
- Transdev ne démontre pas le caractère erroné du montant de la concession ;
- la circonstance que l'offre du soumissionnaire pressenti excèderait le montant estimé au jour du lancement de la procédure de passation ne la rendait pas irrégulière au sens de l'article L3124-3 du code de la commande publique ;
- les modifications apportées au contrat ont été réalisées dans le cadre du règlement de la consultation et n'ont pas remis en cause l'économie général du contrat ; le montant estimé de la convention n'a pas été modifié ;
- le décalage de la mise en service de la ligne T5 tient à la nécessité d'aménagements notamment entre les communes de Caveirac et Langlade sur la RD40 qui relèvent de la compétence du département du Gard et qui ne seront achevés qu'au cours de dernier trimestre 2024 et aux aménagement de voirie prévus par ces communes et ne représentent que 0,39% de l'enveloppe kilométrique globale sur la durée de la concession ; L'extension de la ligne T4 à Caissargues Sud est bien prévue dès janvier 2027 ; le dispositif pour desservir la gare TGV de Nîmes Pont du Gard n'était inscrit dans le document programme que comme une des pistes d'optimisation qu'il était suggéré aux soumissionnaires d'étudier ; s'agissant de l'option vélo le grief est infondé ; la mise à disposition du dépôt de la Rouvière constitue une modification de portée mineure ( concerne 20 véhicules sur 230) ;
- la société mentionne dans sa requête des éléments caractérisant les offres des deux soumissionnaires à ce jour confidentielles et couvertes par le secret des affaires.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2024, la société Kéolis, représentée par Me Frêche et Me de Moustier de la société Frêche et Associés AARPI conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Transdev SA et de la société Transdev Nimes Mobilités au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir dès lors qu'aucun manquement de la métropole n'est démontré qui aurait conduit Transdev à renoncer à soumissionner et que Transdev n'établit pas avoir renoncé à raison des moyens invoqués dans sa requête ;
- la critique de l'estimation du montant de la concession n'est constitutive d'aucun manquement à la procédure de concurrence ;
- Transdev s'est vu attribuer des concessions dans les mêmes conditions et RATP Dev a également candidaté au présent marché ;
- les irrégularités invoquées de l'offre de Keolis sont forcément postérieures à la décision de ne pas candidater ; il en va de même des prétendues modifications du contrat ;
- A titre subsidiaire les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Boyer, vice-présidente, en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme Noguero, greffière d'audience, le 5 mars 2024 à 10 heures, Mme Boyer a lu son rapport et entendu les observations de :
- Me Letellier pour les sociétés Transdev qui reprend les conclusions et moyens de sa requête et insiste sur la position particulière des sociétés attributaires du précédent contrat de concession et des difficultés financières tenant à son exécution, sur la confusion des notions d'estimation de la concession et de forfait à charge et sur le caractère impératif de ce dernier ; que le forfait à charge présenté dans le document de programme est impératif, il n'était pas en adéquation avec le service mais ne pouvait être modifié dans les proportions d'environ 10 à 14% à la hausse ; la réponse du 15 mai 2023 de la métropole confirmait ce caractère impératif et a dissuadé les sociétés Transdev de présenter une offre ; les aspects techniques ont également été modifiés dans des proportions non admises par le cahier des charges ; elles ont intérêt à agir car les moyens développés sont en lien avec leur absence de participation à l'appel d'offre ; les moyens étant fondés ils sont opérants et établissent la lésion des sociétés; la polémique sur la demande indemnitaire pour le précédent contrat est hors sujet ; le montant retenu démontre que le forfait à charge était insuffisant, les modifications des règles du jeu ont entrainé un forfait de charge de +10% et avec les modifications techniques de +13% ; Transdev n'a pas participé en raison de la réponse de la métropole.
- Me Hourcabie pour la communauté d'agglomération Nîmes Métropole qui reprend la teneur de ses écritures et précise le contexte du dossier, les requérantes étant le candidat sortant, rappelle le litige indemnitaire qui oppose Transdev à la métropole actuellement pendant devant le tribunal et concernant l'exécution de la précédente concession et le caractère erroné du calcul du forfait à charge de Transdev, celui-ci intégrant sa demande indemnitaire ; la métropole a proposé une optimisation des couts d'exploitation et a identifié des leviers d'optimisation après audit auquel ont participé les sociétés Transdev ; le forfait à charge n'est qu'estimatif, que Transdev avait pris la décision de ne pas concourir avant même que la métropole n'ait reçu son courrier du 5 mai 2023, réceptionné le 10 mai 2023 en informant la presse et le personnel de sa décision ; la demande de Transdev de modifier une estimation n'a pas de sens ; son recours est tardif et témoigne de l'absence d'illégalité justifiant son abstention ; le document de programme est rédigé en termes habituels qui n'ont pas trompé les autres candidats ni même Transdev notamment lors de sa participation à la consultation d'Arles dont le programme était rédigé dans les mêmes termes ; Transdev n'a pas intérêt à agir dès lors qu'elle a volontairement renoncé à sa participation ; les irrégularités invoquées postérieures à la décision de renoncer sont inopérantes ; l'irrégularité du forfait n'est pas démontrée ; aucune lésion n'est démontrée ; les modifications apportées l'ont été dans le cadre de la négociation prévue par le règlement ; aucune modification n'est intervenue sur la ligne T4, la modification de la date de mise en service de la ligne T5 et la mise à disposition d'un dépôt entrainent des baisses de charge résiduelles ; l'option vélo pouvait ne pas être présentée ; Transdev ne pouvait se méprendre sur le contenu du dossier de consultation étant donné son expérience et sa participation à des marchés identiques ; son évaluation qui inclut l'indemnité qu'elle poursuit pour l'exécution du précédent contrat dans le courrier du 5 mai 2023 ne démontre pas qu'elle aurait été empêchée de concourir ; l'estimation de la métropole est exacte et la métropole ne pouvait faire une autre réponse sans donner à Transdev une information privilégiée ;
- Me Benzakki pour la société Kéolis qui reprend la teneur de ses écritures et précise la qualité de candidat sortant de Transdev et son expérience dans ce genre de concession ; aucun élément apporté par Transdev ne permet de démontrer qu'elle aurait été empêchée de concourir ; l'irrégularité de l'offre de Kéolis et les modifications techniques sont des évènements postérieurs à sa renonciation et donc sans incidence ; le document de programme ne donne qu'une valeur estimée, l'article 4.5 du cahier des charges ne mentionne pas la notion de forfait de charge et l'article 4.3 relatif au régime financier impose un équilibre impératif ne reposant que sur la mécanique financière ; le courrier du 15 mai 2023 témoigne de la justesse de l'estimation et non de son caractère impératif ; Transdev est aguerrie à ce type de contrat avec négociation ; en présentant une offre de + 10% Keolis s'est rapprochée de l'objectif fixé ; l'article 2.3 du dossier de consultation donne une large place à la négociation ; ni l'objet ni la durée du contrat n'ont été modifiés ; les modifications évoquées sur la ligne T4 et sur la desserte de la gare TGV (ligne 33) sont factuellement fausses ; la modification de la ligne 33 envisagée comme une piste d'optimisation n'a pas été modifiée par l'offre de Kéolis ainsi le coût reste inchangé ; les modifications effectives soit ont été faites dans le cadre de la négociation et ont une incidence mineure sur le montant de la concession ( ligne T5 et nouveau dépôt) soit n'ont concerné que le non affermissement d'une option ( vélos) ; la métropole n'avait pas à modifier le cahier des charges ainsi que Transdev le demandait car il y avait place à la négociation ; l'insoutenabilité économique n'est pas démontrée ; l'ampleur des modifications n'est pas démontrée ;
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté d'agglomération Nîmes métropole a lancé le 12 mars 2023 une procédure d'appel d'offre à la concurrence pour le renouvellement du contrat de délégation du service public pour l'exploitation des services de transports urbains de voyageurs de Nîmes Métropole pour la période du 1er juillet 2024 au 31 décembre 2030, la précédente délégation confiée à la société Transdev SA qui l'a transférée à une société dédiée la société Transdev Nîmes Mobilité sa filiale, venant à expiration le 30 juin 2024. Les sociétés Transdev SA et Transdev Nîmes Mobilité demandent au juge du référé précontractuel d'annuler la procédure de publicité et de mise en concurrence lancée par la communauté d'agglomération Nîmes Métropole tendant à la conclusion d'une délégation de service public pour l'exploitation des services de transports urbains de voyageurs de Nîmes Métropole.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".
3. Aux termes de l'article L. 551-10 du code de justice administrative : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat () et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué (). ". Toute personne est recevable à agir, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, lorsqu'elle a vocation, compte tenu de son domaine d'activité, à exécuter le contrat, y compris lorsqu'elle n'a pas présenté de candidature ou d'offre si elle en a été dissuadée par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu'elle invoque.
4. D'une part, par un courrier du 5 mai 2023, la société Transdev, actuel concessionnaire des services de transports urbains de voyageurs de Nîmes Métropole, après avoir rappelé les difficultés auxquelles elle a dû faire face, la crise sanitaire en 2020/2021, la crise énergétique en 2022/2023 et le passage 32h85 de travail à 34h85, son professionnalisme et son sérieux pour gérer ces évènements et ses bons résultats, indique que dans le cas de la procédure de renouvellement de la délégation qui a démarré le 10 mars 2023, le dossier de consultation des entreprises ( DCE) précise que " le montant total de la concession est estimé sur la durée du contrat à : 287 M€ 2023 ", que " compte tenu des objectifs financiers du DCE et des engagements à prendre en terme d'évolution de réseau ( ), Transdev n'est pas en mesure de présenter une offre réaliste et équilibrée permettant à la société dédiée Transdev Nîmes Mobilité de continuer à gérer le service public de transport, de manière efficace, professionnelle dans un cadre social apaisé et en respect du niveau de qualité exigé ". Elle indique que " sauf à ce que Nîmes Métropole reconsidère l'enveloppe financière indiquée au DCE de manière significative ", elle ne se portera pas candidate à la procédure de consultation. Par courrier du 15 mai 2023, Nîmes métropole expose la fiabilité de son estimation, renvoie à la phase de négociation pour trouver les leviers d'optimisation nécessaires et invite la société Transdev à candidater. Par courrier du 7 juin 2023, la société Transdev indique que la somme de 287 M€ est un impératif qui ne peut être atteint et indique qu'elle ne se portera pas candidate à la procédure de consultation. Par suite, et contrairement à ce que les sociétés requérantes soutiennent sa décision de ne pas candidater a été prise en raison de l'évaluation du montant total estimé de la concession et non d'un " forfait à charge ", notion qu'elle introduit dans son courrier du 7 juin 2023 auquel il n'a pas été répondu et qu'au demeurant elle semble tirer du montant total estimé de la concession sur sa durée de six années et demi ramené à l'année.
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 3121-1 du code de la commande publique " La valeur estimée du contrat de concession est calculée selon une méthode objective, précisée dans les documents de la consultation mentionnés à l'article R. 3122-7. Elle correspond au chiffre d'affaires total hors taxes du concessionnaire pendant la durée du contrat. Le choix de la méthode de calcul utilisée par l'autorité concédante ne peut avoir pour effet de soustraire le contrat de concession aux dispositions du présent livre qui lui sont applicables, notamment en scindant les travaux ou services. ". Et aux termes de l'article R. 3121-2 du même code : " Pour estimer la valeur du contrat de concession, l'autorité concédante prend notamment en compte : 1° La valeur de toute forme d'option et les éventuelles prolongations de la durée du contrat de concession ; 2° Les recettes perçues sur les usagers des ouvrages ou des services, autres que celles collectées pour le compte de l'autorité concédante ou d'autres personnes ; 3° Les paiements effectués par l'autorité concédante ou toute autre autorité publique ou tout avantage financier octroyé par l'une de celles-ci au concessionnaire ; 4° La valeur des subventions ou de tout autre avantage financier octroyés par des tiers pour l'exploitation de la concession ; () ".
6. Aux termes de l'article 4.5 du DCE : " Estimation de la Concession. /Pour estimer la valeur du contrat de concession, conformément à l'article R.3121-1 du code de la commande publique, l'autorité concédante a pris en compte :1° La valeur de toute forme d'option et les éventuelles prolongations de la durée du contrat de concession ; 2° Les recettes perçues sur les usagers des ouvrages ou des services, autres que celles collectées pour le compte de l'autorité concédante ou d'autres personnes ; 3° Les paiements effectués par l'autorité concédante ou toute autre autorité publique ou tout avantage financier octroyé par l'une de celles-ci au concessionnaire ; 4° La valeur des subventions ou de tout autre avantage financier octroyés par des tiers pour l'exploitation de la concession ; 5° Les recettes tirées de toute vente d'actifs faisant partie de la concession ; 6° La valeur de tous les services et fournitures mis à la disposition du concessionnaire par l'autorité concédante, à condition qu'ils soient nécessaires à l'exécution des travaux ou à la prestation des services ; 7° Toutes primes ou tous paiements au profit des candidats ou des soumissionnaires./ Le montant total de la concession est estimé sur la durée du contrat à : 287 M€/A 2023. ". Aux termes de l'article 2.3 du règlement de la consultation : " la négociation : Au vu de l'avis de la Commission, l'autorité habilitée à signer la convention engagera ensuite librement des négociations avec l'une ou les entreprises candidates admises à présenter une offre. Celles-ci pourront porter sur tous les aspects du futur contrat, notamment des aménagements techniques et financiers aux propositions initiales. En aucun cas, les négociations ne pourront conduire les candidats à remettre en question l'économie générale du contrat établie par Nîmes Métropole, notamment son objet et sa durée. ".
7. En premier lieu, il résulte des dispositions citées aux points 5 et 6 et notamment de l'article 4.5 du DCE que la société Transdev ne pouvait se méprendre sur la portée estimative de la somme de 287 M€, somme correspondant à la valeur estimée du contrat de concession telle que définie à l'article R. 3121-1 précité du code de la commande publique. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'indication par la communauté d'agglomération Nîmes métropole de ce montant était de nature à la dissuader de candidater en raison de son caractère impératif.
8. En deuxième lieu, la circonstance que les modifications financières et techniques apportées au contrat auraient méconnu l'article 9 du règlement de consultation selon lequel " Nîmes Métropole se réserve le droit d'apporter des modifications de détail ou des compléments au Dossier de Consultation. Ces modifications pourront être notifiées aux soumissionnaires au plus tard quinze jours francs avant la date et heure limites de réception des offres. ", n'est pas davantage de nature à avoir influencé la décision de la société Transdev de ne pas participer à la consultation compte tenu des termes des courriers des 5 mai 2023 et 7 juin 2023.
9. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'elle aurait été empêchée de présenter sa candidature au motif que l'offre de la société Kéolis serait entachées d'irrégularités, à un titre ou un autre, au regard du dossier de consultation et qu'elle aurait dû être écartée en application des dispositions de l'article L.3124-2 du code de la commande publique. En tout état de cause, la circonstance soutenue par Transdev que l'offre retenue de Kéolis s'établirait à un montant de 10% supérieur au montant estimé ne permet d'établir compte tenu de l'objet du contrat et de sa durée ni que l'estimation aurait été erronée ni que les conditions financières du contrat au demeurant soumises à négociation seraient de nature à remettre en cause l'équilibre du contrat en méconnaissance des dispositions de l'article 2.3 du règlement de la consultation cité au point 6. Il en va, en tout état de cause, de même des modifications techniques dont il résulte de l'instruction et des débats qu'elles n'ont porté que sur le décalage de la mise en service de la ligne T5 en raison de travaux de voirie exécutés par d'autres acteurs publics, la mise à disposition d'un dépôt supplémentaire pour une vingtaine de véhicules sur les deux cent trente utilisés pour assurer l'exécution de la concession et l'abandon de l'option vélo et qui n'apparaissent pas même cumulées à la modification des conditions financières comme ayant été de nature à bouleverser l'économie générale du contrat au stade de la négociation.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 3 du code de la commande publique : " Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. ". La société Transdev qui a volontairement renoncé à participer à la procédure d'appel d'offres lancée par la communauté d'agglomération Nîmes Métropole ne peut davantage utilement se prévaloir des principes de transparence et d'égalité de traitement dus aux seuls candidats à cette procédure.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête des sociétés Transdev SA et Transdev Nîmes mobilité SAS doit être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les sociétés Transdev SA et Transdev Nîmes mobilité SAS demandent soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Nîmes Métropole. Il y a lieu en revanche dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge des sociétés Transdev SA et Transdev Nîmes mobilité SAS une somme de 1 200 euros à verser à la communauté d'agglomération Nîmes Métropole et une somme de 1 200 euros à verser à la société Kéolis au titre de ces dispositions.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête des sociétés Transdev SA et Transdev Nîmes mobilité SAS est rejetée.
Article 2 : Les sociétés Transdev SA et Transdev Nîmes mobilité SAS verseront une somme de 1 200 euros à la communauté d'agglomération Nîmes Métropole et une somme de 1 200 euros la société Kéolis au titre de l'article L.761-1.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Transdev SA, à la société Transdev Nîmes Mobilité, à la communauté d'agglomération Nîmes Métropole et à la société Kéolis.
Fait à Nîmes, le 6 mars 2024.
La juge des référés
C. BOYER
La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.