TA Nîmes, 17/04/2023, n°2301120

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2023, la SARL CPU, représentée par son gérant en exercice, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du département du Gard du 23 mars 2023 classant son offre pour le lot 13 irrégulière ;

2°) de réintégrer son offre irrégulièrement évincée ;

3°) de reprendre la procédure là où le manquement est apparu.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le Département du Gard a rejeté son offre comme étant irrégulière ; son offre était complète et respectait la législation applicable ; l'erreur relevée est une simple erreur de calcul de la TVA qui n'est qu'une erreur matérielle et ne pouvait être classée irrégulière en application de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2023, le département du Gard, représenté par sa présidente en exercice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'offre de la société requérante a été rejetée en raison de son irrégularité, tenant à une erreur de calcul sur le montant de la TVA dans le Détail Quantitatif Estimatif (DPE) élément indispensable à son analyse étant précisé qu'il avait choisi de mener l'analyse des prix par le biais des prix TTC ;

- il n'était pas tenu de demander à la société de régulariser son offre ; il a d'ailleurs rejeté toutes les offres irrégulières sans procéder à une régularisation ;

- aucun manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence n'est caractérisé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative ;

Le président du tribunal a désigné Mme Corneloup, présidente de la 2ème chambre, pour statuer sur les demandes en référé.

Au cours de l'audience publique tenue le 14 avril 2023 à 14 heures, Mme D a lu son rapport et entendu :

- les observations de Mme B, représentant la SARL CPU, qui conclut aux mêmes fins que ses écritures par les mêmes moyens ;

- les observations de M. E pour la carrosserie des Canaux et de M. A pour le garage A,

- et les observations de Mme C, représentant le département du Gard, qui reprend oralement ses observations écrites.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par avis de marché, envoyé pour publication au BOAMP et au JOUE le 8 décembre 2022, le département du Gard a lancé une procédure de consultation en vue de l'attribution d'un marché public de services ayant pour objet l'entretien et la réparation de la flotte de véhicules, poids lourds, engins agricoles, engins de TP et matériels de toutes marques du conseil départemental du Gard. Le département du Gard a fait le choix d'une procédure d'appel d'offres ouvert en application des articles L. 2124-2, R. 2124-2 1° et R. 2161-2 à R. 2161-5 du code de la commande publique. La SARL CPU, qui a été informée le 23 mars 2023 du rejet de son offre pour irrégularité pour le lot 13 " Entretien et réparation de a carrosserie de la flotte de véhicules, poids lourds, engins agricoles, engins de TP, VLU et matériels de toutes marques du Conseil Départemental- Toutes Marques- Secteur Géographique Gard " demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler l'ensemble des décisions se rapportant à la procédure de mise en concurrence pour l'attribution du lot 13.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du marché :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat". Aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. () ". Et, aux termes de l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".

3. En vertu des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.

4. Aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : "Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète ()". Aux termes de l'article L. 2152-1 de ce code : "L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il est interdit au pouvoir adjudicateur de modifier ou de rectifier lui-même une offre incomplète, comme telle irrégulière. Si le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'inviter un candidat à préciser ou à compléter une offre irrégulière, il peut toutefois demander à un candidat des précisions sur son offre si celle-ci lui paraît ambiguë ou incertaine, ou l'inviter à rectifier ou à compléter cette offre sans que le candidat puisse alors en modifier la teneur.

6. Il résulte de l'instruction que le DQE imposait le calcul d'un montant total Toutes Taxes Comprises (TTC). Il est constant que l'offre de la SARL CPU comprend une erreur de calcul de TVA dans le DQE, ainsi que le reconnaît d'ailleurs la société requérante. Par suite, et dès lors que la collectivité publique n'est jamais tenue de faire régulariser une offre, et qu'en l'espèce, les renseignements sollicités, dont la carence est constatée, sont nécessaires à l'appréciation des offres, c'est à bon droit que l'offre de la SARL CPU a été écartée comme irrégulière par le département du Gard. Par suite, le seul moyen soulevé par la société requérante dans ses écritures doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la SARL CPU n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure en litige.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la SARL CPU est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL CPU, au Département du Gard, à la carrosserie des Canaux et au garage A.

Fait à Nîmes, le 17 avril 2023.

Le juge des référés,

F. D

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2301120