TA Polynésie f, 09/05/2023, n°2200936
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2022, la société Pacific Alu Industrie, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Fakarava a refusé de lui communiquer des documents relatifs à l'attribution d'un appel d'offres ayant pour objet l'acquisition de 50 cubitainers ;
2°) d'ordonner à la commune de Fakarava de procéder à cette communication sous peine d'astreinte d'un montant dont elle laisse au tribunal le soin de la fixation.
La SAS Pacific Alu Industries fait valoir que :
- elle a intérêt à agir en sa qualité de concurrent évincé ;
- la commune de Fakarava n'a pas répondu à ses nombreuses demandes de communication des documents relatifs à l'attribution de l'appel d'offres ayant eu pour objet l'acquisition de 50 cubitainers en méconnaissance des dispositions applicables en la matière ;
- elle a sollicité en particulier que lui soient communiqués les caractéristiques et avantages de l'offre retenue, le procès-verbal d'ouverture des plis, des candidatures ou des offres et le rapport d'analyse des candidatures et des offres et éléments de notation et de classement ;
- la CADA a émis le 5 octobre 2022 un avis favorable à sa demande.
Par des mémoires en défense enregistrés les 14 et 19 avril 2023, la commune de Fakarava conclut au rejet de la requête comme non fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code polynésien des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D,
- les conclusions de Mme C de Saint-Germain, rapporteure publique,
- les observations de M. B pour la société Pacific Alu Industrie.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que la Sarl Pacific Industrie a sollicité à plusieurs reprises auprès du maire de la commune de Fakarava, sa dernière demande étant en date du 11 mai 2022, la communication de documents relatifs à l'attribution d'un marché public ayant pour objet l'achat de 50 cubitainers pour la commune, pour lequel un rejet de son offre lui a été notifié par le maire de Fakarava le 15 décembre 2021. En l'absence de réponses de la part de la commune, il est né une décision implicite de rejet dont la Sarl Pacific industrie demande l'annulation. La commission d'accès aux documents administratifs (CADA) a émis le 5 octobre 2022 un avis favorable, sous réserves, à la communication à la société requérante des documents sollicités.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Contrairement à ce qu'expose en défense la commune de Fakarava, les dispositions applicables à la demande de la société Pacific Alu Industrie, formulée postérieurement à la conclusion du contrat, ne sont pas celles du code des marchés publics de la Polynésie française mais celles relatives à la communication des documents administratifs contenues dans le code des relations entre le public et l'administration, pour sa partie applicable en Polynésie française. A ce titre, l'article L. 300-1 de ce code dispose que : " Le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti par les dispositions des titres Ier, III et IV du présent livre en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents administratifs ". Aux termes de l'article L. 300-2 du même code : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions codes sources et décisions. () ". L'article L. 311-1 du même code dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre.". Aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / - dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret au secret en matière commerciale et industrielle, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles () ". L'article L. 311-7 du même code dispose que : " Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. ".
3. Les marchés publics et les documents qui s'y rapportent, y compris les documents relatifs au contenu des offres, sont des documents administratifs au sens des dispositions de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Saisi d'un recours relatif à la communication de tels documents, il revient au juge d'examiner si, par eux-mêmes, les renseignements contenus dans les documents dont il est demandé la communication peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret industriel et commercial et faire ainsi obstacle à cette communication en application des dispositions du 1° de l'article L. 311-6 de ce même code. Au regard des règles de la commande publique, doivent ainsi être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l'ensemble des pièces du marché. Dans cette mesure, si notamment l'acte d'engagement, le prix global de l'offre et les prestations proposées par l'entreprise attributaire sont en principe communicables, le bordereau unitaire de prix de l'entreprise attributaire, en ce qu'il reflète la stratégie commerciale de l'entreprise opérant dans un secteur d'activité et qu'il est susceptible, ainsi, de porter atteinte au secret commercial, n'est quant à lui, en principe, pas communicable.
4. La société requérante a sollicité la communication des caractéristiques et avantages de l'offre retenue, le procès-verbal d'ouverture des plis, des candidatures ou des offres et le rapport d'analyse des candidatures et des offres et éléments de notation et de classement.
5. En premier lieu, " les caractéristiques et avantages de l'offre retenue " et les " éléments de notation et de classement " ne constituent pas un document administratif identifiable et cette demande est donc sans objet. Au demeurant, le mémoire en défense de la commune de Fakarava comporte des éléments sur l'appréciation, notes et classement, portée sur son offre, qui étaient déjà contenus dans son courrier du 15 décembre 2021.
6. En second lieu, en ce qui concerne le procès-verbal d'ouverture des plis, des candidatures ou des offres et le rapport d'analyse des candidatures et des offres, ces documents sont communicables. Par suite, en refusant la communication de ces documents, sous réserve le cas échéant, conformément aux principes énoncés au point 3, de l'occultation préalable des mentions couvertes par le secret des affaires, la commune de Fakarava a entaché ses décisions d'une erreur de droit.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 311-9 du code des relations entre le public et l'administration : " L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration : / 1° Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ; / 2° Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ; / 3° Par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique () ".
8. L'exécution du présent jugement implique nécessairement qu'il soit enjoint à la commune de Fakarava de communiquer à la société Pacific Alu Industrie les documents mentionnés au point 6 ci-dessus, après occultation des mentions pouvant porter atteinte au secret des affaires. Il y a donc lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de Fakarava d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte de 25 000 F CFP euros par jour de retard passé ce délai.
D E C I D E :
Article 1er : La décision implicite de refus de communication de documents opposée à la société Pacific Alu Industrie est annulée en tant qu'elle refuse la communication du procès-verbal d'ouverture des plis, des candidatures ou des offres et le rapport d'analyse des candidatures et des offres du marché public ayant eu pour objet l'achat de 50 cubitainers pour la commune.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Fakarava de communiquer à la société Pacific Alu Industrie le procès-verbal d'ouverture des plis, des candidatures ou des offres et le rapport d'analyse des candidatures et des offres du marché public ayant eu pour objet l'achat de 50 cubitainers pour la commune, après occultation des mentions pouvant porter atteinte au secret des affaires, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Cette injonction est assortie d'une astreinte de 25 000 F CFP par jour de retard passé ce délai.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Pacific Alu Industrie et à la commune de Fakarava.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Devillers, président,
M. Graboy-Grobesco, premier conseiller,
M. Boumenjel, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023.
Le rapporteur,
P. D
L'assesseur le plus ancien,
A Graboy-Grobesco La greffière,
D. Germain
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Un greffier,