TA de Lille, 17 novembre 2023, n° 2308582
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2023, et un mémoire, enregistré le 13 octobre 2023, la société Europe Services Propreté, représentée par Me Pezin, demande au juge des référés :
1°) statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler l'ensemble des décisions se rapportant à la procédure de passation mise en œuvre par la commune de Oignies pour l'attribution du lot n° 1 de l'accord-cadre à bons de commande ayant pour objet le nettoyage de bâtiments communaux et d'ordonner la reprise de cette procédure conformément aux dispositions législatives et règlementaires en vigueur ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Oignies une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de Oignies, qui ne disposait pas des renseignements visés à l'article 4.2.1 du règlement de la consultation, n'a pas vérifié, avant l'analyse des offres, si les candidats présentaient des capacités économiques et financières et les capacités techniques suffisantes, en méconnaissance de l'article 6.2 de ce règlement ;
- avant l'attribution du marché à la société Essi Ambre, elle n'a pas non plus, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2144-3 du code de la commande publique, vérifié que cette société dispose de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle et des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché ;
- le sous-critère " Moyens humains affectés à la prestation " et le sous-critère " Moyens matériels affectés à la prestation " ont été appliqués de manière discriminatoire ;
- le rapport d'analyse des offres ne fait pas ressortir les éléments d'appréciation que la commune avait annoncé au titre du sous-critère " Moyens matériels affectés à la prestation ", ce qui révèle que la commune a modifié ses attentes au titre de ce sous-critère ;
- l'offre de la société Essi Ambre aurait dû être déclarée irrecevable, en application de l'article R. 2144-7 du code de la commande publique, dès lors qu'elle n'a pas fourni certains des documents exigés par l'article 4.2.2 du règlement de la consultation : l'extrait K-bis de la société Essi Ambre, établi le 4 novembre 2022, n'est pas à jour ; l'attestation de régularité fiscale de la société mère de cette société n'a pas été fourni avant l'attribution du marché ; la délégation expresse de la personne habilitée à engager la société Essi Ambre pour signer l'acte d'engagement n'a pas été fourni non plus ;
- la circonstance que M. A exerce les fonctions de conseiller municipal de Oignies ainsi que celles de responsable d'exploitation de la société Essi Ambre crée, d'une part, une situation de conflit d'intérêts qui aurait dû conduire la commune à exclure cette société de la procédure d'attribution sur le fondement de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique et, d'autre part, une distorsion de concurrence qui aurait dû conduire la commune à exclure la société de la procédure d'attribution sur le fondement de l'article L. 2141-8 du même code.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 12 et 15 octobre 2023, la commune de Oignies, représentée par Me De Bouteiller, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés et en particulier que :
- l'article 4.2 du règlement de la consultation dresse la liste des pièces relatives aux capacités financières devant être remise par le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché, et son article 6.2 ne prévoyant pas l'analyse de ces capacités au stade du jugement des offres ; la formulation selon laquelle " les offres des candidats présentant des capacités suffisantes ne constitue qu'une considération générale sur les conditions de principe pour présenter une candidature ;
- le moyen tiré du caractère discriminatoire de la mise en œuvre de deux sous-critères tend, en réalité, à contester l'appréciation portée sur les mérites respectifs des différentes offres, alors qu'il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur cette appréciation ; les notes attribuées sont en tout état de cause justifiées ;
- la société requérante ne précise pas en quoi le manquement qu'elle soulève, tiré du non-respect du système d'évaluation des offres, lui ferait grief ; le rapport d'analyse des offres se prononce, pour chaque offre, au regard des critères d'appréciation définis dans les documents de la consultation ;
- la société Essi Ambre a fourni l'intégralité des documents exigés par l'article 4.2.2 du règlement de la consultation ;
- M. A n'a pas participé, en sa qualité de conseiller municipal, à la procédure de passation du marché en litige, ni n'a été en mesure d'influer sur l'issue de celle-ci.
Par un mémoire distinct, présenté sur le fondement de l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative, enregistré le 12 octobre 2023, et qui n'a pas été communiqué, la commune de Oignies transmet au tribunal plusieurs pièces de la procédure.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Robbe, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 16 octobre 2023 à 10h30, en présence de Mme Deregnieaux, greffière, M. Robbe, juge des référés, a lu son rapport et entendu :
- Me Pezin représentant la société Europe Services Propreté ;
- et Me De Bouteiller, représentant la commune de Oignies.
Les parties ont été informée au cours de l'audience que la clôture de l'instruction était différée au 18 octobre 2023 à 12 heures
Par deux nouveaux mémoires, enregistrés le 17 octobre 2023, la commune de Oignies, représentée par Me De Bouteiller, produite de nouvelles pièces, maintient ses conclusions et précise que :
- l'attestation de candidature de la société Essi Ambre a été signée électroniquement ;
- si M. A a participé au vote de la délibération portant approbation des modalités de lancement de la procédure en litige, mais qu'il n'a exercé aucune influence particulière à cette occasion, ni n'a participé à la réunion de la commission d'appel d'offres, pas qu'il n'a obtenu d'informations ignorées des autres candidats.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 17 octobre 2023, la société Europe Services Propreté, représentée par Me Pezin, maintient ses conclusions et ajoute que :
- la déclaration par laquelle la société Essi Ambre a attesté sur l'honneur ne pas se trouver pas dans un cas d'exclusion n'est ni cachetée ni au format PDF, et que la case par laquelle il est attesté que le candidat n'est pas dans un cas d'exclusion n'a pas été cochée ;
- l'offre de la société Essi Ambre aurait dû être déclarée irrégulière dès lors qu'elle ne respecte ni l'exigence posée à l'article 6 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), imposant aux candidats de fixer les effectifs globaux nécessaires à l'exécution des prestations du marché, et la répartition quotidienne des effectifs nécessaires à l'exécution de toutes les opérations, ni celle posée dans le cadre de réponse technique imposant aux candidats de fournir un planning détaillé indiquant l'affectation des agents par site et les plages d'interventions.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Oignies a lancé une consultation pour l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande ayant pour objet le nettoyage de bâtiments communaux, comprenant trois lots. La société Europe Services Propreté, dont l'offre pour l'attribution du lot n° 1 (" vitrerie ") a été rejetée au profit de la société Essi Ambre, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler l'ensemble des décisions se rapportant à la procédure de passation mise en œuvre par la commune de Oignies pour l'attribution de ce lot et d'ordonner la reprise de cette procédure conformément aux dispositions législatives et règlementaires en vigueur.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ". Aux termes de l'article L. 551-10 de ce code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat ou à entrer au capital de la société d'économie mixte à opération unique et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge du référé précontractuel de se prononcer sur les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence incombant à l'acheteur, invoqués à l'occasion de la passation d'un contrat. En vertu de ces mêmes dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements de l'acheteur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge du référé précontractuel de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
En ce qui concerne la vérification des capacités économiques et financières et des capacités techniques :
4. Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. Aux termes de l'article R. 2144-3 du code de la commande publique : " La vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché ". Le règlement de la consultation indique expressément, en son article 4.1.1, que " Seul l'attributaire devra fournir les justificatifs relatifs à la candidature énumérés à l'article 4.2.1 ". Cet article 4.2.1 dresse la liste des " pièces de candidature devant être remises par le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché ". Et selon l'article 6.2 de ce même règlement, relatif au jugement des offres : " Les offres des candidats présentant des capacités suffisantes sont analysées au regard des critères de jugement des offres ".
5. Il ne résulte pas de la référence faite par cet article 6.2 aux " candidats présentant des capacités suffisantes " que le pouvoir adjudicateur ait entendu vérifier les capacités économiques et financières et les capacités techniques avant l'analyse des offres, dès lors que, précisément, l'article 4.2.1 du règlement de la consultation, a pour objet, ainsi qu'il vient d'être indiqué au point précédent et conformément à la mention précitée de l'article 4.1.1, de dresser la liste des pièces établissant ces capacités et " devant être remises par le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché ". La société Europe Services Propreté n'est ainsi fondée à soutenir ni que, en application de l'article 6.2 du règlement de la consultation, la commune d'Oignies devait procéder à cette vérification avant l'analyse des offres, ni, que, n'ayant pas procédé à cette vérification à ce stade de la procédure, elle a en conséquence attribué le marché en méconnaissance de cet article.
6. Les articles 4.2.1 et 6.2 précités du règlement de la consultation prévoient la vérification des capacités économiques et financières et des capacités techniques avant l'attribution du marché, et le tableau d'ouverture des plis annexé au rapport d'analyse des offres fait clairement apparaître que, contrairement à ce que soutient la société Europe Services Propreté, l'aptitude de la société Essi Ambre à exercer l'activité professionnelle, sa capacité économique et financière et ses capacités techniques et professionnelles ont été vérifiées avant l'attribution du marché.
En ce qui concerne la situation de conflit d'intérêts :
7. Au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, qui implique l'absence de situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure de sélection du titulaire du contrat. Aux termes de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique : " L'acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédié par d'autres moyens. / Constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché ". L'existence d'une situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure d'attribution du marché est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d'entacher la validité du contrat.
8. La société requérante soutient que les conditions dans lesquelles la procédure litigieuse a conduit à l'attribution du marché sont de nature à faire naître un doute légitime sur l'impartialité du pouvoir adjudicateur, au motif que l'impartialité de M. D.D, conseiller municipal, peut elle-même être mise en doute compte tenu de ce qu'il exerce par ailleurs les fonctions de responsable d'exploitation de la société Essi Ambre, attributaire du marché. Cependant, la seule circonstance qu'un membre du conseil municipal exerce des responsabilités au sein d'une société ne justifie pas, à elle seule, d'écarter par principe l'offre de celle-ci. La société requérante n'établit, ni même n'allègue sérieusement que M. A, qui n'a participé qu'à la délibération autorisant le principe et les modalités de lancement de la procédure de passation en litige, aurait exercé une influence particulière sur le vote. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que la commune de Oignies aurait dû, sur le fondement des dispositions ci-dessus reproduites au point précédent, exclure la société Essi Ambre de la procédure de passation en litige.
En ce qui concerne la distorsion de concurrence :
9. Aux termes de l'article L. 2141-8 du code de la commande publique : " L'acheteur peut exclure de la procédure de passation d'un marché les personnes qui : / () par leur participation préalable directe ou indirecte à la préparation de la procédure de passation du marché, ont eu accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de concurrence par rapport aux autres candidats, lorsqu'il ne peut être remédié à cette situation par d'autres moyens ". Aux termes de l'article R. 2111-2 de ce code : " L'acheteur prend les mesures appropriées pour que la concurrence ne soit pas faussée par la participation à la procédure de passation du marché d'un opérateur économique qui aurait eu accès à des informations ignorées par d'autres candidats ou soumissionnaires, en raison de sa participation préalable, directe ou indirecte, à la préparation de cette procédure ./ Cet opérateur n'est exclu de la procédure de passation que lorsqu'il ne peut être remédié à cette situation par d'autres moyens, conformément aux dispositions du 2° de l'article L. 2141-8. ". Il résulte des dispositions que l'acheteur public n'est tenu d'exclure un candidat que si celui-ci a eu accès à des informations ignorées des autres candidats et susceptibles de créer une distorsion de concurrence.
10. En soutenant que M. A a eu accès, 20 jours avant le lancement de la procédure de passation en litige, aux informations relatives à la durée de l'accord-cadre, au périmètre de l'allotissement, au montant de chacun des lots, et au caractère réservé du lot n° 2, soit des informations en tout état de cause ultérieurement obtenues par l'ensemble des candidats, la société n'établit pas que l'intéressé aurait eu accès à des informations ignorées d'eux. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que la commune de Oignies aurait dû, sur le fondement des dispositions ci-dessus reproduites au point précédent, exclure la société Essi Ambre de la procédure de passation en litige.
En ce qui concerne les attestations :
11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2141-2 du code de la commande publique : " Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui n'ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale ou sociale ou n'ont pas acquitté les impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles. () ". Aux termes de l'article R. 2143-6 du même code : " L'acheteur accepte, comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'exclusion mentionné aux articles L. 2141-1 et aux 1° et 3° de l'article L. 2141-4, une déclaration sur l'honneur ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2143-7 du même code : " L'acheteur accepte comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'exclusion mentionné à l'article L. 2141-2, les certificats délivrés par les administrations et organismes compétents. La liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales devant donner lieu à délivrance d'un certificat ainsi que la liste des administrations et organismes compétents figurent dans un arrêté du ministre chargé de l'économie annexé au présent code ". Selon son article R. 2143-8 : " Le candidat produit, le cas échéant, les pièces prévues aux articles R. 1263-12, D. 8222-5 ou D. 8222-7 ou D. 8254-2 à D. 8254-5 du code du travail ". Aux termes de l'article R. 2144-4 de ce code : " L'acheteur ne peut exiger que du seul candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché qu'il justifie ne pas relever d'un motif d'exclusion de la procédure de passation du marché ". Aux termes de l'article R. 2144-7 : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. / Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des candidatures recevables ou des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables ".
12. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédents que le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché doit produire des documents attestant notamment qu'il est à jour de ses obligations fiscales et sociales avant la signature du marché. À défaut, son offre doit être rejetée, le candidat dont l'offre a été classée immédiatement après la sienne pouvant se voir attribuer le marché.
13. La société requérante soutient qu'en méconnaissance des dispositions précitées et de celles du B. de l'article 4.2.2 du règlement de la consultation, la société Essi Ambre n'a pas fourni, avant l'attribution du marché, les pièces suivantes : l'attestation de régularité fiscale en cours de validité de la société Essi Ambre ; l'attestation de régularité fiscale en cours de validité de la société mère de la société Essi Ambre ; l'extrait k-bis de moins de six mois ; la délégation expresse de la personne habilitée à engager la société Essi Ambre pour signer l'acte d'engagement, et la déclaration sur l'honneur par laquelle la société Essi Ambre atteste l'honneur ne pas se trouver pas dans un cas d'exclusion.
14. En réponse à ce moyen, la commune de Oignies fait valoir que ces attestations et certificats ont été fournis par la société Essi Ambre, et produit à cet effet certaines pièces. Au nombre de celles-ci, figure une attestation de régularité fiscale de la société Essi Ambre, délivrée le 28 octobre 2022 par le service des impôts des entreprises Lille-Seclin. Cette attestation précise que, pour justifier de la régularité de sa situation fiscale, la société Essi Ambre doit joindre l'attestation justifiant du paiement de l'impôt sur les sociétés ou de la taxe sur la valeur ajoutée par sa société mère. Or, il ne résulte pas de l'instruction que cette attestation aurait été fournie par la société Essi Ambre.
15. En outre, le modèle de " Candidature simplifiée - attestation et déclaration sur l'honneur ", tel qu'établi par la commune, et devant être renseigné par les candidats, comporte une case à cocher par le candidat, valant déclaration sur l'honneur ne pas se trouver dans un cas d'exclusion. Or, il apparaît que cette case n'a pas été cochée dans le formulaire rempli par la société Essi Ambre et fourni par elle auprès de la commune de Oignies. Ce formulaire ne peut ainsi être regardé comme la déclaration sur l'honneur exigée par l'article R. 2143-6 et le règlement de la consultation.
16. Dans ces conditions, la société Europe Services Propreté est fondée à soutenir que le marché a été attribué en méconnaissance des dispositions combinées des articles ci-dessus reproduits du code de la commande publique et du B de l'article 4.2.2 précité du règlement de la consultation.
17. Le choix de l'offre d'un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d'avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, à moins qu'il ne résulte de l'instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l'offre qu'il présentait ne pouvait qu'être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable. En l'espèce, il n'est ni allégué ni établi que la candidature de la société Europe Services Propreté est irrecevable, ou que son offre ne revêtirait pas un caractère approprié, régulier et acceptable. Dès lors, le choix d'une offre présentée par un candidat irrégulièrement retenu est susceptible de l'avoir lésée, quel qu'ait été son propre rang de classement à l'issue du jugement des offres.
18. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé des autres manquements invoqués et non écartés par la présente ordonnance, il y a lieu, d'une part, de prononcer l'annulation de la procédure de passation du marché au litige à compter de l'examen des candidatures, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune Oignies de se conformer à ses obligations de mise en concurrence en reprenant la procédure à compter de ce stade, si elle entend poursuivre la passation du marché.
Sur les frais liés au litige :
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Oignies une somme de 1 200 euros, à verser à la société Europe Services Propreté, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Europe Services Propreté, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme réclamée au même titre par la commune de Oignies.
O R D O N N E :
Article 1er : La procédure engagée par la commune Oignies pour l'attribution du lot n° 1 de de l'accord-cadre à bons de commande ayant pour objet le nettoyage de bâtiments communaux, est annulée à compter de l'examen des candidatures
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Oignies, si elle entend poursuivre la conclusion d'un marché ayant le même objet que celui de ce lot n°1, de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des candidatures conformément aux motifs de la présente ordonnance.
Article 3 : La commune de Oignies versera à la société Europe Services Propreté une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Oignies présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Europe Services Propreté, à la commune de Oignies et à la société Essi Ambre.
Fait à Lille, le 17 novembre 2023.
Le juge des référés,
signé
J ROBBE
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N°2308582