CAA Toulouse, 09/07/2024, n°22TL21561

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Ecofilae a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler ou, à titre subsidiaire, de résilier le marché public  de services portant sur la réalisation d'une étude d'évaluation du potentiel de réutilisation des eaux usées traitées du territoire communautaire conclu entre la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et la société par actions simplifiée Cabinet d'Études René Gaxieu.

Par un jugement n° 2000951 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juillet 2022 et le 9 mai 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Ecofilae, représentée par Me Gaspar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler le marché public  portant sur la réalisation d'une étude d'évaluation du potentiel de réutilisation des eaux usées traitées du territoire communautaire conclu entre la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et la société par actions simplifiée Cabinet d'Études René Gaxieu ou, à titre subsidiaire, d'en prononcer la résiliation ;

3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et de la société Cabinet d'Études René Gaxieu une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors, d'une part, que le tribunal ne lui a pas communiqué l'unique mémoire en défense présenté par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole le 25 mars 2022, en méconnaissance de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, d'autre part, que le tribunal a omis de viser ses conclusions subsidiaires à fin de résiliation du marché, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative et, enfin, que le tribunal a omis de répondre aux moyens tirés des différents manquements commis par le pouvoir adjudicateur dans la procédure d'attribution du marché en litige lesquels sont en rapport direct avec l'intérêt lésé dont elle se prévalait ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'elle ne disposait d'aucune chance de remporter le marché et que l'irrégularité alléguée n'a pas pu la léser dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine lors de la passation du marché alors que les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence dont elle se prévalait sont en rapport direct avec son éviction ;

- la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole a méconnu le principe d'égalité de traitement et de transparence des procédures en raison des imprécisions entachant le format des réunions attendues et les modalités de la négociation mises en œuvre ;

- elle a dénaturé son offre en qualifiant d'offre modifiée la simple réponse assortie de mentions conditionnelles apportée à la demande de précisions formulée par le pouvoir adjudicateur ;

- elle a commis des manquements à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en mettant en œuvre une méthode de notation irrégulière pour apprécier la valeur technique des offres conduisant à neutraliser la pondération entre les critères en accroissant les écarts entre les offres et à inverser l'ordre de classement des candidats ;

- il existe un rapport direct entre les vices dont elle se prévaut et l'intérêt lésé qu'elle invoque.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2023, la société Cabinet d'Études René Gaxieu, représentée par Me Rigeade, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Ecofilae au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que : 

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;

- l'attribution automatique de la note maximale au candidat ayant présenté la meilleure offre sur le plan technique n'est pas contraire au principe d'égalité de traitement entre les candidats ;

- c'est à bon droit que le pouvoir adjudicateur a rejeté l'offre présentée par la société appelante comme irrégulière dès lors qu'elle ne respectait pas les exigences minimales formulées dans les documents de la consultation, en méconnaissance de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique  et que la négociation ne peut avoir pour objet de modifier les conditions initiales d'exécution du marché en modifiant substantiellement l'offre initiale du candidat ; en outre, la régularisation d'une offre irrégulière  n'est qu'une faculté pour le pouvoir adjudicateur en vertu de l'article R. 2152-1 du même code ;

- les éléments de réponse apportés par la société Ecofilae au cours de la phase de négociation engagée par le pouvoir adjudicateur ne constituent pas de simples pourparlers ou une simple proposition mais une modification substantielle de son offre initiale consistant à apporter une amélioration financière conditionnée à la réduction du nombre de réunions, lequel passe de 19 à 10, en contrepartie d'une baisse d'environ 10 % hors taxes du montant de son offre alors que les offres devaient, en application de l'article 4.2.1 du cahier des clauses techniques particulières, prévoir au moins la tenue de 19 réunions ; aucune stipulation du règlement de la consultation  n'exigeait la remise d'une offre finale après négociation mais les termes de la lettre du 25 octobre 2019 ne laissent aucun doute quant à l'ouverture de la phase de négociation prévue par ce même règlement ;

- le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé l'offre de la société Ecofilae en se limitant à rejeter l'offre de la société appelante au motif qu'elle comportait un nombre de réunions inférieur au nombre de réunions requises par les documents de la consultation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2023, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, représentée par Me Di Frenna, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Ecofilae au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est régulier ;

- quand bien même la société appelante aurait obtenu la note maximale sur le critère tenant au prix, elle ne démontre pas en quoi elle aurait pu obtenir le marché alors qu'un candidat lésé ne peut utilement se prévaloir que des vices en rapport direct avec ses intérêts lésés ;

- la méthode de notation retenue à l'article 7.2 du règlement de la consultation  pour évaluer la valeur technique des offres ne méconnaît ni le principe d'égalité entre les candidats ni les obligations de publicité et de mise en concurrence ; en outre l'irrégularité de cette méthode de notation n'a aucun lien direct avec le caractère irrégulier de l'offre présentée par la société Ecofilae à l'origine de son éviction de la conclusion du marché ;

- en vertu de l'article 7.2 du règlement de la consultation  et de l'article 4.2.1 du cahier des clauses techniques particulières, la tenue de 19 réunions fait partie des conditions d'exécution méthodologiques minimales du marché sur lesquelles chaque candidat devait nécessairement s'engager, sans que la société appelante puisse utilement se prévaloir de la possibilité de remplacer les réunions par des points techniques organisés par téléphone ou par visioconférence, ces temps d'échanges étant exigés en sus de l'organisation de réunions en vertu du même article 4.2.1 du cahier des clauses techniques particulières ;

- contrairement à ce que soutient la société appelante, la lettre du 25 octobre 2019 ne constitue pas une simple question mais une demande de négociation limitée au seul prix initialement proposé par les soumissionnaires, sans que les améliorations financières proposées lors de la phase de négociation remettent en question les qualités substantielles des offres initiales ; en outre, la réponse apportée lors de cette phase de négociation ne constitue pas une simple proposition mais une offre modifiée.

Par une ordonnance du 6 mars 2023, la clôture de l'instruction fixée au 9 mai 2023, à 12 heures.

Par un courrier du 17 juin 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de résiliation du marché, le marché en litige étant parvenu à son terme d'exécution.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique  ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;

- les observations de Me Welcklen, représentant la société Ecofilae, et celles de Me Rigeade, représentant la société Cabinet d'Études René Gaxieu.

Considérant ce qui suit :

1. Dans un contexte de raréfaction de la ressource naturelle en eau conduisant à mobiliser d'autres gisements, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole a souhaité se doter d'une étude d'évaluation du potentiel de réutilisation des eaux usées traitées. En 2019, cet établissement public a fait appel public à la concurrence pour l'attribution d'un marché public  de services, conclu en procédure adaptée  ouverte avec possibilité de négociation en application des articles L. 2123-1 et R. 2123-1 du code de la commande publique, portant sur la réalisation d'une étude d'évaluation du potentiel de réutilisation des eaux usées traitées à l'échelle du territoire communautaire. La société Ecofilae, qui a constitué un groupement conjoint avec la société Pure Environnement, a présenté une offre. Par une lettre du 25 octobre 2019, le pouvoir adjudicateur a engagé des négociations écrites en l'invitant à consentir à une amélioration financière à son offre sans incidence sur la qualité et la fiabilité de celle-ci. La société Ecofilae a répondu par une lettre du 31 octobre suivant. Par une lettre du 25 novembre 2019, la société Ecofilae a été informée du rejet de son offre en raison de son irrégularité et de l'attribution du marché à la société Cabinet d'Études René Gaxieu. Le marché public  de services conclu entre la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et la société Cabinet d'Études René Gaxieu a été signé le 25 novembre 2019. La société Ecofilae relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à contester la validité de ce contrat.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Montpellier que les parties ont été destinataires d'un avis d'audience fixant l'audience au 31 mars 2022 et que le premier mémoire en défense produit par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole a été enregistré le 25 mars 2022 au greffe du tribunal, soit avant la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date de l'audience en vertu de l'article R 613-2 du code de justice administrative. Ce premier mémoire en défense, qui a été visé et examiné par le tribunal, n'a toutefois pas été communiqué aux autres parties à l'instance, cette circonstance étant de nature à affecter le caractère régulier de la procédure. En outre, il ressort des motifs du jugement, en particulier du point 8, que le tribunal a fondé sa décision sur des éléments de fait ou de droit contenus dans l'unique mémoire en défense produit par le pouvoir adjudicateur en statuant au fond sur la demande présentée par ce dernier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le défaut de communication de ce mémoire en défense affectant le respect du caractère contradictoire de la procédure à l'égard de la société Ecofilae, son défaut de communication doit, par suite, être regardé comme ayant préjudicié à ses droits des parties, ce qui rend le jugement irrégulier.

4. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de la régularité du jugement, la société Ecofilae est fondée à soutenir que le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de lui communiquer l'unique mémoire en défense présenté par la communauté urbaine Montpellier Méditerranée Métropole. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Ecofilae devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions en contestation de la validité du contrat :

En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

5. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif  et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif  susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération  autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif  ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

6. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'État dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice du consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice  découlant de l'atteinte à des droits lésés.

En ce qui concerne le rejet de l'offre de la société appelante comme irrégulière :

7. Ainsi qu'il a été dit au point 6, un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que des manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec son éviction. Au titre de tels manquements, le concurrent évincé peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée comme irrégulière. Un candidat dont l'offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable ne saurait en revanche soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres. Il ne saurait notamment soutenir que ces offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, un tel manquement n'étant pas en rapport direct avec son éviction et n'étant pas, en lui-même, de ceux que le juge devrait relever d'office. Il en va ainsi y compris dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, toutes les offres ont été écartées comme irrégulières ou inacceptables, sauf celle de l'attributaire, et qu'il est soutenu que celle-ci aurait dû être écartée comme irrégulière ou inacceptable.

8. Aux termes de l'article 7.2 du règlement de la consultation  : " Le jugement des offres sera effectué dans les conditions prévues aux articles L. 2152-1 à L. 2152-4, R. 2152-1 et R. 2152-2 du code de la commande publique  et donnera lieu à un classement des offres. L'attention des candidats est attirée sur le fait que toute offre irrégulière ou inacceptable pourra être régularisée pendant la négociation, et que seule une offre irrégulière  pourra être régularisée en l'absence de négociation. En revanche, toute offre inappropriée sera systématiquement éliminée. Toute offre demeurant irrégulière pourra être régularisée dans un délai approprié. La régularisation d'une offre pourra avoir lieu à condition qu'elle ne soit pas anormalement basse () ". Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique  : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". L'article L. 2152-2 du même code précise que : " Une offre irrégulière  est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ".

9. En application des articles 1 à 3 du cahier des clauses techniques particulières, l'étude attendue devait se dérouler en quatre phases distinctes assorties d'objectifs, la première dédiée à un état des lieux précis et exhaustif de la thématique de la réutilisation des eaux usées traitées, la deuxième consacrée au recensement des usages et projets connus ou souhaités dans ce domaine au moyen d'un questionnaire, la troisième dédiée à l'étude des futurs éventuels projets de réutilisation des eaux usées traitées à l'échelle du territoire communautaire au regard des entités dotées d'un potentiel technique suffisant pour accueillir un tel projet et, enfin, la quatrième consacrée à une étude détaillée des territoires sélectionnés et à l'établissement d'une hiérarchie entre eux. L'article 4.1 de ce même cahier précise le déroulement général des prestations en prévoyant la constitution d'un comité technique et d'un comité technique restreint chargés d'émettre des propositions et d'un comité de pilotage chargé de prendre les décisions dont les missions précises sont décrites aux articles 4.1.1, 4.1.2, 4.1.3. Afin de donner un cadre méthodologique à l'étude, l'article 4.2 de ce même document contractuel prévoit un tableau synthétisant le nombre et le format des réunions de travail attendues, selon qu'elles concernent le comité technique restreint, le comité technique élargi, le comité de pilotage, l'agence régionale de santé et la direction départementale des territoires et de la mer, ces réunions étant au nombre minimal de 19, ainsi que les livrables attendus. En complément de ces réunions, dont l'article 4.2 du cahier des clauses techniques particulières précise que leur liste " n'est pas exhaustive ", ce même article impose au bureau d'étude de " rend[re] compte de son travail au maître d'ouvrage  a minima toutes les 3 semaines selon deux médias : / - une réunion téléphonique ou physique calée de façon récurrente en début d'étude ; / - un CR [compte-rendu] de cette réunion traçant les points importants, accompagné d'un document montrant l'état d'avancement (traduit en pourcentage) de la mission, est envoyé dans les délais contractuels ".

10. En premier lieu, il résulte des stipulations claires et non équivoques citées au point 9 que le titulaire du marché était tenu, d'une part, d'organiser un minimum de 19 réunions de travail multipartites sans que ce nombre soit exhaustif et, d'autre part, de rendre compte de manière périodique de l'avancement de ses travaux sous la forme de points téléphoniques ou physiques donnant lieu à un compte-rendu, ces réunions de travail multipartites et ces points techniques n'ayant pas le même objet ainsi que cela résulte de la description qui en est donnée par l'article 4 du cahier des clauses techniques particulières. Par suite, indépendamment du silence du marché sur le format des réunions multipartites attendues, lesquelles doivent, du reste, être présumées se tenir en présentiel, en l'absence de mention autorisant la possibilité d'échanges téléphoniques ou par visioconférence, contrairement aux points techniques pour lesquels le format par échange à distance est possible, les offres attendues devaient au moins prévoir 19 réunions multipartites, les variantes n'étant pas autorisées en application de l'article 2.3 du règlement de la consultation. Dès lors que le rejet de l'offre présentée par la société Ecofilae comme irrégulière repose sur sa non-conformité au regard du nombre minimal de réunions multipartites attendues et non quant au format suivant lequel ces dernières doivent être organisées et qu'il lui était loisible de régulariser son offre ou de solliciter tout complément d'information utile si elle s'y croyait fondée, celle-ci n'est pas fondée à se prévaloir de l'imprécision des documents de la consultation quant au nombre et au format des réunions multipartites attendues.

11. En deuxième lieu, il est constant que l'offre initiale de la société Ecofilae prévoyait l'organisation des 19 réunions comme exigé par l'article 4.2.1 du cahier des clauses techniques particulières. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'invitée à consentir un effort financier sur le prix de son offre par une lettre du 25 octobre 2019, sans que cette remise ait d'incidence sur la qualité et la fiabilité de celle-ci dans le cadre de la première phase de négociation engagée par le pouvoir adjudicateur, la société appelante a, par une lettre du 31 octobre suivant, proposé de réduire ce nombre à 10 en se prévalant de son expérience dans le domaine de la réutilisation des eaux usées traitées et d'augmenter, en contrepartie, la fréquence des points dédiés à la restitution sur l'avancement de ses travaux lesquels se tiendraient toutes les deux semaines au lieu de trois, ces deux ajustements permettant de réduire le prix de son offre d'environ 10 % hors taxes, soit une réduction de 5 800 euros. Eu égard aux prestations et au nouveau prix qu'elle comporte, la lettre du 25 octobre 2019 a le caractère d'une nouvelle offre présentée après une première phase de négociation, dont la forme était libre en l'absence de stipulations contractuelles en ce sens, et ne saurait se limiter à de simples pourparlers ou à une simple réponse à une demande de précision de la personne publique comme le soutient la société appelante. Par ailleurs, eu égard à sa portée, la nouvelle offre ainsi émise dans le cadre de la première phase de négociation revient clairement à réduire le volume et la nature des prestations minimales attendues en ce qui concerne les réunions multipartites, indépendamment de l'augmentation de la fréquence des points techniques, cette circonstance étant sans incidence alors que l'objet de la négociation se limitait au prix du marché. Par suite, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, qui ne peut être regardée comme ayant dénaturé le contenu de l'offre de la société Ecofilae, était fondée à estimer que cette nouvelle offre après négociation ne respectait plus les prescriptions contractuelles et, par suite, à l'écarter comme irrégulière.

En ce qui concerne les autres irrégularités invoquées au titre de la procédure de passation du marché en litige :

12. Un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

13. La société Ecofilae dont l'offre a été écartée comme irrégulière, ainsi qu'il a été dit aux points 10 et 11, ne peut utilement se prévaloir des vices qui entacheraient la méthode de notation mise en œuvre par le pouvoir adjudicateur pour apprécier la valeur technique des offres de nature à caractériser des manquements à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Ecofilae tendant à contester la validité du marché de services conclu entre la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et la société Cabinet d'Études René Gaxieu doivent être rejetées.

Sur le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de résiliation :

15. Si la validité du marché en litige est susceptible d'être affectée par les conditions de sa passation, sa résiliation n'a, en tout état de cause, plus d'objet dès lors qu'il a été entièrement exécuté, l'article 5 de l'acte d'engagement prévoyant un délai global d'exécution de dix mois ne devant pas dépasser vingt-quatre mois. Il en résulte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de résiliation présentées, à titre subsidiaire, par la société Ecofilae.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et de la société Cabinet d'Études René Gaxieu, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Ecofilae demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Ecofilae une somme de 750 euros à verser tant à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole qu'à la société Cabinet d'Études René Gaxieu au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2000951 du 12 mai 2022 est annulé.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par la société Ecofilae tendant à la résiliation du contrat.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par la société Ecofilae devant le tribunal administratif de Montpellier est rejeté.

Article 4 : La société Ecofilae versera à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et à la société Cabinet d'Études René Gaxieu une somme de 750 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Ecofilae, à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et à la société par actions simplifiée Cabinet d'Études René Gaxieu.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.