TA Besançon, 21/08/2024, n°2401501


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 et 19 août 2024, la société de travaux publics et industriels (STPI), représentée par Me Madjri, demande à la juge des référés, sur le fondement des dispositions des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure de passation du marché public relatif à la mise en conformité du système d'assainissement (collecte et traitement) de la commune de Confracourt et au renouvellement des réseaux AEP associés ;

2°) d'enjoindre à la commune de Confracourt et au syndicat intercommunal des eaux (SIE) de Saint-Antoine de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la procédure de passation en litige ;

3°) d'enjoindre à la commune de Confracourt et au SIE de Saint-Antoine de reprendre la procédure de passation en litige à compter du stade de l'analyse des offres ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Confracourt et du SIE de Saint-Antoine une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les écritures en défense de la commune de Confracourt sont irrecevables dès lors que le maire n'est pas habilité à défendre la commune dans la présente instance ;

- les écritures en défense du SIE de Saint-Antoine sont irrecevables dès lors que le président n'est pas habilité à défendre le syndicat dans la présente instance ;

- la commune de Confracourt et le SIE de Saint-Antoine, en méconnaissance de l'article R. 2152-6 du code de la commande publique, n'ont tenu compte que du critère financier alors que la méthode de notation prévoyait également un critère technique ce qui n'a pu ainsi conduire à retenir l'offre économiquement la plus avantageuse ;

- en se fondant sur le seul critère du prix, ils auraient dû choisir l'offre de la STPI pour le lot n° 1 s'ils avaient correctement calculé le prix de son offre ;

- ils ont justifié ne pas avoir tenu compte du critère technique au motif que le cabinet chargé de l'analyse des offres aurait des liens avec la STPI ;

- ils n'ont pas motivé leur rejet ni ne l'ont informé de façon régulière des motifs de celui-ci ;

- ils ont estimé que la même entreprise devait réaliser l'ensemble des travaux alors que le règlement de consultation ne précisait aucunement qu'une seule et même entreprise devait être choisie pour les lots n° 1 et n° 2 et ce, en méconnaissance des principes de transparence, d'égalité de traitement entre les candidats et de liberté d'accès à la commande publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2024, la commune de Confracourt conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la STPI lui verse une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que les moyens soulevés par la STPI ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2024, le SIE de Saint-Antoine, conclut à sa mise hors de cause.

La procédure a été communiquée à l'entreprise Roger Martin qui n'a pas produit d'observations.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme Marquesuzaa, en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 20 août 2024 à 10h30, en présence de Mme Matusinski, greffière :

- le rapport de Mme Marquesuzaa, juge des référés ;

- les observations de Me Madjri, pour la STPI.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Une note en délibéré, présentée pour la STPI, a été enregistrée le 20 août 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Confracourt et le SIE de Saint-Antoine ont lancé un marché de mise en conformité du système d'assainissement (collecte et traitement) de la commune et de renouvellement des réseaux AEP associés. La STPI a répondu aux lots n°1 " Réseaux " et n°2 " Création d'une station de traitement des eaux usées de 250 EH ". Par un courrier en date du 17 juillet 2024, la STPI a été informée du rejet de ses offres et de l'attribution des lots en cause à l'entreprise Roger Martin. Par la présente requête, la STPI demande à la juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation litigieuse.

Sur la demande de mise hors de cause du SIE de Saint-Antoine :

2. Il résulte de l'instruction que la commune de Confracourt et le SIE de Saint-Antoine, qui sont les pouvoirs adjudicateurs du marché litigieux, sont ainsi responsables de la procédure de passation de celui-ci. Par suite, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause le SIE de Saint-Antoine.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative :

3. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". L'article L. 551-2 du même code dispose que : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".

4. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

5. Si aucun texte législatif ou réglementaire ne limite le pouvoir qui appartient à la personne publique de choisir librement le titulaire d'un marché public, le principe du libre choix du prestataire ne fait pas obstacle à ce que le pouvoir adjudicateur organise, pour la sélection de son cocontractant, une procédure dont il définit les modalités. Dans un tel cas, le pouvoir adjudicateur est tenu de respecter les règles qu'il a lui-même instituées et n'est pas autorisé à abandonner, en cours de procédure, un critère de jugement des offres qu'il a lui-même défini.

6. Le règlement de consultation établi indique que le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse se fera selon deux critères. En ce qui concerne le lot n° 1, les critères retenus sont pondérés pour le prix des prestations de 60% et pour la valeur technique de 40%. En ce qui concerne le lot n° 2, les critères retenus sont pondérés pour le prix des prestations de 40% et pour la valeur technique de 60%. Il résulte du rapport d'analyse des offres que celles de la STPI étaient classées en première position. Les lots litigieux ont toutefois été attribués à l'entreprise Roger Martin au motif notamment que ses offres, prises dans leur ensemble, présentaient un prix inférieur à celui proposé par la STPI. Il résulte ainsi de l'instruction que la commune de Confracourt a fait du prix son seul critère de choix et a abandonné, en cours de procédure, le critère de la valeur technique des offres. Compte tenu de l'importance de ce critère, ce manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence a été susceptible de léser les intérêts de la société requérante.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et sur la recevabilité des écritures en défense, la STPI est fondée à demander l'annulation de la décision en date du 17 juillet 2024 par laquelle ses offres ont été rejetées ainsi que l'annulation de la procédure de passation en litige au stade de l'analyse des offres.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Il y a lieu d'enjoindre à la commune de Confracourt et au SIE de Saint-Antoine, s'ils entendent poursuivre la passation des lots n°1 et n°2 du marché en litige, de la reprendre au stade de l'analyse des offres.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la STPI, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Confracourt demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Confracourt et du SIE de Saint-Antoine une somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés par la STPI et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La décision du 17 juillet 2024 par laquelle les offres de la STPI ont été rejetées est annulée.

Article 2 : La procédure de passation des lots n°1 " Réseaux " et n°2 " Création d'une station de traitement des eaux usées de 250 EH " du marché de mise en conformité du système d'assainissement (collecte et traitement) de la commune et de renouvellement des réseaux AEP associés est annulée au stade de l'analyse des offres.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Confracourt et au SIE de Saint-Antoine, s'ils entendent poursuivre la passation des lots n°1 et n°2 du marché en litige, de la reprendre au stade de l'analyse des offres.

Article 4 : La commune de Confracourt et le SIE de Saint-Antoine verseront à la STPI une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la société de travaux publics et industriels, à la commune de Confracourt, au syndicat intercommunal des eaux de Saint-Antoine et à l'entreprise Roger Martin.

Fait à Besançon, le 21 août 2024.

La juge des référés,

A. Marquesuzaa

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Saône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière