CAA de Paris, 11 décembre 2023, n°23PA02737


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2021, la société Ateliers Bois a demandé au juge des référés, statuant en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Chessy à lui verser une provision de

80 087,58 euros TTC, assortie des intérêts moratoires en application de l'article 10.4 du cahier des clauses administratives particulières (" CCAP ") et majorée de l'indemnité pour frais de recouvrement à hauteur de 40 euros et de mettre à la charge de la commune de Chessy une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2110042 du 5 juin 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Chessy à verser à la société Ateliers Bois une provision de 88 041,08 euros TTC, augmentée des intérêts moratoires au taux de 8,00 % à compter du 9 avril 2021 jusqu'à la date de paiement effectif, ainsi que la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, a condamné la société Goudenège Architectes à garantir la commune de Chessy à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à l'article 1er et a mis à la charge de la commune de Chessy le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Ateliers Bois en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une première requête, enregistrée le 15 juin 2023 sous le n° 23PA02642, présentée par Me Sabatier pour le cabinet Peyrical et Sabatier associés, la commune de Chessy demande à titre principal à la Cour d'infirmer l'ordonnance n°2110042 du 5 juin 2023 , de rejeter comme infondée la demande de provision de la société Ateliers Bois, à titre subsidiaire, si elle devait entrer en voie de condamnation, de condamner la société Goudenège et associés à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et de mettre à la charge de la société Ateliers Bois une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le juge des référés a statué ultra petita, entachant ce faisant son ordonnance d'une erreur de droit, que c'est à tort qu'il a jugé que la créance n'était pas sérieusement contestable, alors que n'étaient pas en l'espèce remplies les conditions requises pour que le projet de décompte général établi par le titulaire du marché puisse devenir tacitement définitif et que l'article 50.1.1 du CCAG-Travaux impliquait l'obligation d'une réclamation préalable.

II. Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023 sous le n° 23PA02737, la société Goudenège architectes, représentée par Me Goulet, demande à la Cour d'annuler l'ordonnance n°2110042 du 5 juin 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun, de rejeter les conclusions présentées à son encontre et de condamner les succombants à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens que le décompte général n'avait pas acquis de caractère définitif et que la demande de garantie est infondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, la société Ateliers Bois conclut au rejet de la requête de la société Goudenège architectes et à sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens que le décompte général du marché avait acquis un caractère définitif et que les moyens développés par la requérante pour contester son obligation de garantir la commune ne sont pas recevables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2023, la commune de Chessy conclut à l'infirmation de l'ordonnance attaquée, au rejet de la requête de la société Ateliers Bois, à la condamnation de la société Goudenège et associés à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à ce que soit mis à la charge de la société Ateliers Bois le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens que le décompte général n'avait pas acquis de caractère définitif et que le maître d'œuvre a manqué en l'espèce à ses obligations.

Vu la décision par laquelle la présidente de la Cour a désigné M. Bouleau, président honoraire, pour statuer sur les appels formés devant la Cour contre les ordonnances des juges des référés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

Sur la jonction :

1. Les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables ou connexes et il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. A supposer que le projet de décompte général adressé le 26 février 2021 par la société Ateliers Bois à la commune de Chessy ait acquis tacitement le caractère d'un décompte définitif cette circonstance, eu égard aux effets qui peuvent s'y s'attacher, compte tenu de l'objet spécifique des dispositions des articles 13.3 et 13.4 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, applicable en l'espèce, qui déterminent la naissance d'un tel décompte dans l'hypothèse d'un manque de diligence du maitre d'ouvrage, ne saurait, nonobstant le caractère intangible du décompte, avoir pour conséquence d'écarter l'application de la règle de procédure, à caractère général, posée par l'article 50 du même CCAG, selon laquelle tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur implique la rédaction d'un mémoire en réclamation, mémoire dont ne peut tenir lieu le dépôt du projet de décompte général.

3. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle réclamation ait été, sous quelque forme que ce soit, présentée par la société Ateliers Bois alors qu'un différend était né du refus de la commune de Chessy de procéder au paiement sur la base du décompte litigieux.

4. Il suit de ce qui précède que, comme le soutient la commune de Chessy, la demande présentée par la société Ateliers Bois était irrecevable par application de l'article 50 du CCAG. Elle devait dès lors être rejetée. Dans ces conditions, l'ordonnance entreprise ne peut qu'être annulée et doivent être rejetées les conclusions de la demande, ce sans qu'il y ait lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par la commune.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er: L'ordonnance n° 2110042 du 5 juin 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée et les demandes présentées par la société Ateliers Bois sont rejetées.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'appel en garantie de la société Goudenège et associés présentées par la commune de Chessy

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Ateliers Bois, à la commune de Chessy et à la société Goudenège et associés.

Fait à Paris, le 11 décembre 2023.

Le président honoraire

M. BOULEAU

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.