CAA Nancy, 10/05/2023, n°20NC00415
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté de communes d'Arcis, Mailly, Ramerupt a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner in solidum la SAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie, la SARL ISOBAC, la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est, la SAS ALUFEY BRIOTET et la Société Champenoise d'Etanchéité, à lui payer au titre du préjudice matériel la somme de 1 167 343,07 euros TTC augmentée de l'indice BT01 du bâtiment au jour du prononcé du jugement, outre les intérêts de droit à compter du jugement, de les condamner in solidum à lui payer au titre des préjudices immatériels les sommes de 34 699,62 euros pour perte d'exploitation, 10 000 euros pour préjudice de jouissance, 10 000 euros pour perte de service public, 25 051,57 euros pour préjudice financier et 12 000 euros pour préjudice de surconsommation énergétique, de les condamner in solidum à lui rembourser les frais d'expertise d'un montant de 47 436,68 euros et enfin de mettre à leur charge une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1702425 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, avant dire droit, statué sur la responsabilité décennale des constructeurs et a procédé à la désignation d'un expert afin de déterminer d'une part, la nature et le coût des travaux destinés à mettre fin aux désordres et d'autre part, la part de responsabilité de chacun.
Par un jugement n° 1702425 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a :
- condamné, dans son article 1er, in solidum la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie, la SARL ISOBAC, la société ALUFEY-BRIOTET et la Société Champenoise d'Etanchéité à verser à la communauté de communes d'Arcis, Mailly, Ramerupt une somme de 363 094,37 euros TTC en réparation des désordres concernant les dégradations au revêtement des lames de bardage ;
- jugé que la SELAS OCTANT Architecture sera garantie par la SARL SOJA Ingénierie, la SARL ISOBAC et la Société Champenoise d'Etanchéité à hauteur de 75 % de la condamnation prononcée à l'article 1er ;
- jugé que la SARL ISOBAC sera garantie par la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie et la Société Champenoise d'Etanchéité à hauteur de 60 % de la condamnation prononcée à l'article 1er ;
- condamné, dans son article 4, in solidum la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie et la Société Champenoise d'Etanchéité à verser à la communauté de communes une somme de 150 090,52 euros TTC en réparation des désordres concernant la dégradation des revêtements intérieurs du hall bassin ;
- jugé que la SELAS OCTANT Architecture sera garantie par la SARL SOJA Ingénierie et la Société Champenoise d'Etanchéité à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à l'article 4 ;
- condamné, dans son article 6, in solidum la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie, la société ALUFEY-BRIOTET et la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est à verser à la communauté de communes une somme de 12 187,76 euros TTC en réparation des désordres concernant la corrosion de la structure en poteaux métalliques du hall bassin ;
- jugé que la SELAS OCTANT Architecture sera garantie par la SARL SOJA Ingénierie, la société ALUFEY-BRIOTET et la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à l'article 6 ;
- jugé que la société ALUFEY-BRIOTET sera garantie par la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie et la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est à hauteur de 90 % de la condamnation prononcée à l'article 6 ;
- jugé que la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est sera garantie par la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie et la société ALUFEY-BRIOTET à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée à l'article 6 ;
- condamné, dans son article 10, in solidum la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie, la société ALUFEY-BRIOTET et la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est à verser à la communauté de communes une somme de 32 315,34 euros TTC en réparation des désordres concernant la concentration excessive de chloramines ;
- jugé que la SELAS OCTANT Architecture sera garantie par la SARL SOJA Ingénierie, la société ALUFEY-BRIOTET et la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à l'article 10 ;
- jugé que la société ALUFEY-BRIOTET sera garantie par la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie et la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est à hauteur de 90 % de la condamnation prononcée à l'article 10 ;
- jugé que la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est sera garantie par la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie et la société ALUFEY-BRIOTET à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée à l'article 10 ;
- condamné, dans son article 14, in solidum la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie et la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est à verser à la communauté de communes une somme de 12 348,11 euros TTC en réparation des désordres concernant la corrosion des circuits de production d'eau chaude et de chauffage ;
- jugé que la SELAS OCTANT Architecture sera garantie par la SARL SOJA Ingénierie et la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est à hauteur de 97,5 % de la condamnation prononcée à l'article 14 ;
- jugé que la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est sera garantie par la SELAS OCTANT Architecture et la SARL SOJA Ingénierie à hauteur de 10 % de la condamnation prononcée à l'article 14 ;
- condamné, dans son article 17, in solidum la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie et la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est à verser à la communauté de communes une somme de 29 987,36 euros TTC en réparation des désordres concernant l'oxydation d'éléments du circuit aéraulique de ventilation du hall bassin ;
- jugé que la SELAS OCTANT Architecture sera garantie par la SARL SOJA Ingénierie et la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est à hauteur de 95 % de la condamnation prononcée à l'article 17 ;
- jugé que la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est sera garantie par la SELAS OCTANT Architecture et la SARL SOJA Ingénierie à hauteur de 25 % de la condamnation prononcée à l'article 17 ;
- condamné, dans son article 20, in solidum la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie, la SARL ISOBAC, la société ALUFEY-BRIOTET, la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est et la Société Champenoise d'Etanchéité à verser à la communauté de communes une somme de 168 697,88 euros TTC en réparation des dépenses corollaires aux désordres ;
- mis, dans son article 21, in solidum les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 52 475,23 euros à la charge de la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie, la SARL ISOBAC, la société ALUFEY-BRIOTET, la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est et la Société Champenoise d'Etanchéité ;
- jugé que la SELAS OCTANT Architecture sera garantie par la SARL SOJA Ingénierie, la SARL ISOBAC, la société ALUFEY-BRIOTET, la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est et la Société Champenoise d'Etanchéité à hauteur de 78,2 % des condamnations mentionnées aux articles 20 et 21 ;
- jugé que la SARL ISOBAC sera garantie par la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie, la société ALUFEY-BRIOTET, la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est et la Société Champenoise d'Etanchéité à hauteur de 75,8 % des condamnations mentionnées aux articles 20 et 21 ;
- jugé que la société ALUFEY-BRIOTET sera garantie par la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie, la SARL ISOBAC, la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est et la Société Champenoise d'Etanchéité à hauteur de 99,25 % des condamnations mentionnées aux articles 20 et 21 ;
- jugé que la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est sera garantie par la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie, la SARL ISOBAC, la société ALUFEY-BRIOTET et la Société Champenoise d'Etanchéité à hauteur de 89,9 % des condamnations mentionnées aux articles 20 et 21 ;
- mis à la charge de la SELAS OCTANT Architecture, la SARL SOJA Ingénierie, la SARL ISOBAC, la société ALUFEY-BRIOTET, la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est et la Société Champenoise d'Etanchéité une somme de 500 euros à verser chacune à la communauté de communes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2020, la société ISOBAC représentée par la Selarl MMJ, agissant en qualité de mandataire judiciaire, représentée par Me Dugourd, demande à la cour :
1°) à titre principal :
- de réformer le jugement avant dire droit du 21 mai 2019 en tant qu'il a retenu sa responsabilité dans la survenance des désordres le revêtement des lames de bardage ;
- d'annuler l'ensemble des condamnations pécuniaires mises à sa charge par le jugement du 17 décembre 2019 au titre des dégradations au revêtement des lames de bardage, des dépenses corollaires au désordre ainsi que des frais d'expertise ;
2°) à titre subsidiaire :
- de réformer le jugement en réduisant sa part de responsabilité à 5 % ;
- de fixer en conséquence le montant de la réparation due à la communauté de communes d'Arcis, Mailly, Ramerupt à un montant de 29 213,37 euros TTC ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge des parties succombantes la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal , il ressort du rapport d'expertise que la responsabilité des désordres est exclusivement imputable au dysfonctionnement du servomoteur, installé par la société Chrystal, aux droits de laquelle intervient la société EIFFAGE Thermie Grand Est et si la responsabilité exclusive de la Société Eiffage ne devait pas être retenue, il ne pourra qu'être constaté que ces dommages relèvent de la responsabilité exclusive du maître d'œuvre qui a commis des erreurs dans la conception du bâtiment et dans la direction des travaux en ordonnant de réaliser les travaux litigieux et en les réceptionnant sans réserve ;
- à titre subsidiaire, sa part de responsabilité ne saurait dépasser 5 % : si elle a commis des malfaçons, c'est uniquement sur ordre du maître d'œuvre qui lui a imposé de fixer l'isolant sur un support bois non prévu au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché ; elle devra donc être garantie, pour chaque chef de préjudice, à hauteur de 95 % par les autres sociétés avec lesquelles elle serait condamnée.
Par trois mémoires enregistrés les 12 novembre 2020, 30 juillet 2021 et 23 novembre 2021, la société ALUFEY-BRIOTET, représentée par Me Rudermann, conclut :
1°) à titre principal :
- à l'annulation du jugement du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne en tant qu'il retient sa responsabilité dans ses article 1er, 6 et 10 ;
- à l'annulation, en conséquence, de la répartition des responsabilités entre les parties mais uniquement en ce qu'une fraction est retenue à son encontre ;
- au rejet de toute demande de condamnation à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire à la condamnation in solidum des sociétés OCTANT Architecture, SOJA, ISOBAC, EIFFAGE Thermie Grand Est et société champenoise d'étanchéité (SCE) à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge concernant l'ensemble des désordres, tant en principal, qu'en intérêts, frais, accessoires et anatocisme ;
3°) à la condamnation in solidum de toute partie succombante à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, elle ne peut être condamnée s'agissant des désordres décelables lors de la réception et qui auraient dû être réservés :
. s'agissant du mur-rideau : il présentait un désordre décelable à la réception et c'est donc à tort que le maître d'œuvre l'a réceptionné sans réserve ;
. s'agissant du bardage : elle n'est pas concernée par ce désordre, ce n'est que par une erreur de plume que l'article 1er du dispositif du jugement du 17 décembre 2019 a prononcé sa condamnation car le jugement avant dire droit du 21 mai 2019 et les motifs du jugement du 17 décembre 2019 précisaient bien qu'elle n'était pas responsable des désordres relatifs au revêtement des lames de bardage ; elle ne doit pas figurer dans les appels en garantie réciproques ;
. s'agissant de la corrosion de la structure : elle n'est que la résultante du désordre affectant le mur rideau qui aurait dû être décelé lors de la réception, de sorte que sa responsabilité ne peut pas être engagée ; elle ne doit pas figurer dans les appels en garantie réciproques ;
. s'agissant de la chloramine : l'expert a constaté que le désordre, imputable à un défaut du traitement de l'air, lui était imputable à 0 % ; elle ne doit pas figurer dans les appels en garantie réciproques ;
- à titre subsidiaire, si la cour devait maintenir l'article 1er du jugement du 17 décembre 2019, relatif aux lames de bardage et qui est entaché d'une erreur matérielle, elle est fondée à solliciter à être garantie à hauteur de 100 % par les sociétés OCTANT Architecture, SOJA, ISOBAC, EIFFAGE Thermie Grand Est et la SCE pour ce désordre.
Par un mémoire enregistré le 12 mars 2021, la communauté de communes de la région d'Arcis sur Aube, représentée par Me Weber, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la condamnation de la Selarl MMJ, agissant en qualité de mandataire de la société ISOBAC, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la demande de réformation du jugement du 21 mai 2019 est irrecevable : le principe de la responsabilité a été admis dès ce jugement et aucun recours n'a été engagé pour le contester dans le délai de deux mois à compter de sa notification ; par suite, ce n'est que la quote-part de responsabilité pour laquelle l'avis de l'expert a été demandé et décidée dans le jugement du 17 décembre 2019 qui peut faire l'objet d'une discussion devant la cour ;
- à titre subsidiaire, l'expert a bien identifié la responsabilité des acteurs de la construction et notamment celle de la société ISOBAC.
Par des mémoires enregistrés le 16 mars 2021 et le 27 octobre 2021, la société OCTANT Architecture, représentée dans le dernier état de ses écritures par Me Leblay mandataire judicaire, représentée par Me Morel, conclut :
1°) à titre principal au rejet de la requête et à la condamnation de la Selarl MMJ, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société ISOBAC et de la société ALUFEY-BRIOTET à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire des sociétés SCE, EIFFAGE Thermie Grand Est et SOJA à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient lui être infligées au profit de la communauté de communes d'Arcis, Mailly, Ramerupt en réparation du désordre n° 1 dégradation des lames de bardage et des préjudices associés ( dépenses corollaires aux désordres et frais d'expertise) et à la condamnation solidaire des sociétés SCE, EIFFAGE Thermie Grand Est et SOJA à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appel provoqué par la société ALUFEY-BRIOTET soulevant un litige distinct est irrecevable ;
- c'est par une exacte appréciation des faits que les premiers juges ont imputé une part de responsabilité de 40 % à la société ISOBAC pour le désordre des lames de bardage car elle a mis en place des ouvrages insolites (panneaux de contreplaqué) et n'a pas fixé mécaniquement l'isolant en laine de roche sur toute la hauteur du bâtiment ;
- si la cour devait diminuer la part de responsabilité de la société ISOBAC au titre du désordre n° 1 :
. il y aurait lieu de retenir également la responsabilité de la société EIFFAGE Thermie Grand Est pour ce désordre, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges :
. elle devrait alors être garantie par la SCE, qui n'a pas respecté les prescriptions du CCTP relatives à la pose de l'isolation sous l'étanchéité de l'acrotère du mur de refend ; par la société EIFFAGE Thermie Grand Est, le dysfonctionnement du servomoteur qu'elle a installé ayant contribué à l'aggravation du désordre n° 1 en raison de l'absence d'évacuation de la vapeur d'eau dégagée par les bassins et de l'absence de fourniture d'une sonde extérieure de température ; par la société SOJA car au sein du groupement de maîtrise d'œuvre , la conception du lot " charpente " lui incombait.
Par des mémoires enregistrés les 28 octobre 2021 et 29 novembre 2021, la société EIFFAGE Thermie Grand Est, représentée par la SCP Badré, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de l'appel principal et des conclusions de la société ALUFEY-BRIOTET ;
2°) à titre subsidiaire, au rejet de toute condamnation à son encontre ;
3°) à titre très subsidiaire, à la condamnation in solidum de la société OCTANT Architecture, de la société SOJA, de la société ALUFEY-BRIOTET et de la SCE à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au titre de la réparation des désordres concernant les lames de bardage ; en cas de condamnation au titre des désordres de corrosion de la structure métallique et de la concentration excessive de chloramine, à ce que la société OCTANT Architecture et la société SOJA la garantissent in solidum à hauteur de 50 % et, dans tous les cas, au rejet de toute demande modifiant la répartition faite au titre des dépenses corollaires aux désordres et des frais d'expertise ;
4°) à la condamnation in solidum de la Selarl MMJ, de la société ALUFEY-BRIOTET, de Me Leblay, de la société OCTANT Architecture à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'appel principal de la Selarl MMJ est irrecevable car le mandataire judiciaire de la société ISOBAC n'a pas intérêt à faire appel car la procédure collective n'a à supporter aucune créance en lien avec le présent litige au regard de l'état des créances déposé ; il n'y a aucune créance déclarée pour le compte du maître d'ouvrage, ni pour le compte de l'une des parties condamnées in solidum avec la société ISOBAC ;
- en tout état de cause, l'appel n'est pas fondé :
. l'expert a souligné amplement tous les manquements de la société ISOBAC à l'occasion des travaux qui lui ont été confiés ; il lui appartenait de refuser d'exécuter les travaux qu'elle considérait comme non-conformes aux règles de l'art ;
. il n'existe aucun lien de causalité entre les désordres des lames de bardage et ses travaux ; c'est donc à bon droit que les premiers juges n'ont pas retenu sa responsabilité pour ce désordre ;
. si la cour devait accueillir l'appel et qu'elle devait être condamnée, les autres intervenants, qui ont commis des erreurs, devront la garantir in solidum de toute condamnation à son encontre sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ;
- l'appel provoqué de la société ALUFEY-BRIOTET n'est pas fondé ; l'expert a retenu la responsabilité de cette dernière en ce qui concerne la corrosion de la structure en poteaux métalliques, ainsi que pour la concentration excessive de chloramine ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont consacré sa responsabilité décennale et mis à sa charge définitive 10 % du coût du préjudice ;
- si la cour devait accueillir l'appel provoqué de la société ALUFEY-BRIOTET, la condamnation mise à sa charge ne saurait être aggravée ;
. s'agissant de la corrosion des poteaux métalliques, de la concentration excessive de chloramines, des dépenses corolaires aux désordres et au titre des frais d'expertise, il conviendra alors de mettre à la charge de la société OCTANT Architecture et de la société SOJA une part de responsabilité à hauteur de 25 % chacune ; les sociétés OCTANT Architecture et SOJA devront alors la garantir in solidum à hauteur de 50 % des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
- l'appel provoqué de la société OCTANT Architecture tendant à solliciter à titre subsidiaire la garantie des autres constructeurs dans l'hypothèse où la cour retiendrait à la charge de la société ISOBAC un pourcentage de responsabilité moindre pour ce qui concerne le désordre lié au bardage, n'est pas fondé : il n'y a aucun lien de causalité entre les désordres affectant le bardage extérieur et le dysfonctionnement du servomoteur qui lui est reproché.
Les parties ont été informées, le 22 mars 2023, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la cour était susceptible de soulever le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par la société ALUFEY-BRIOTET, dont la situation ne serait pas aggravée en cas de rejet par la cour de l'appel principal présenté par la société ISOBAC représentée par son mandataire judiciaire.
La société ALUFEY-BRIOTET a émis des observations à ce moyen d'ordre public le 28 mars 2023 qui ont été communiquées aux parties.
Par une ordonnance du 03 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 2 janvier 2022 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, rapporteure,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;
- et les observations de Me Jean Baptiste, représentant la société ALUFEY-BRIOTET.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes d'Arcis-sur-Aube, devenue communauté de communes d'Arcis, Mailly, Ramerupt, a conclu, afin de construire un complexe aquatique, un marché de maîtrise d'œuvre le 20 mai 2008 avec un groupement solidaire composé notamment de la SARL Japac devenue SAS OCTANT Architecture, mandataire, de la SAS SOJETI INGENIERIE devenue la SARL SOJA et de la société ORFEA. Les marchés de travaux ont été conclus le 7 mai 2009 avec la SARL ISOBAC pour le lot n° 2 " Traitement des façades ", la SARL CMBT pour le lot n° 3 " Charpente bois lamellé-collé ", la Société Champenoise d'Etanchéité (SCE) pour le lot n° 4 " Couverture étanchéité ", la SAS ALUFEY-BRIOTET pour le lot n° 5 " Menuiseries aluminium ", la société Chrystal absorbée par la SAS EIFFAGE Thermie Est devenue SAS EIFFAGE Thermie Grand Est pour le lot n° 8 " Traitement d'air - chauffage ", la société Forclum EIFFAGE Energie Bourgogne Sud Champagne et la SAS Santin pour le lot n° 10 " Menuiseries intérieures bois ". La réception de l'ouvrage a été prononcée sans réserve le 10 juin 2011. Différents désordres étant apparus après la mise en exploitation du complexe aquatique, la communauté de communes a demandé au tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne la condamnation in solidum des sociétés OCTANT Architecture, SOJA Ingénierie, ISOBAC, EIFFAGE Thermie Grand Est, EIFFAGE Energie Bourgogne Champagne, ALUFEY-BRIOTET et la SCE, à lui verser, sur le fondement de la garantie décennale, la somme de 1 167 343,07 euros TTC augmentée de l'indice BT01 et des intérêts de droit à compter du jugement, au titre du préjudice matériel, les sommes de 34 699,62 euros pour perte d'exploitation, 10 000 euros pour préjudice de jouissance, 10 000 euros pour perte de service public, 25 051,57 euros pour préjudice financier et 12 000 euros pour préjudice de surconsommation énergétique et à lui rembourser les frais d'expertise d'un montant de 47 436,68 euros. Par un jugement avant dire droit du 21 mai 2019, le tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne a statué sur la responsabilité décennale des constructeurs et procédé à une mesure d'expertise. Par les jugements attaqués du 21 mai et 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, notamment, d'une part, retenu la responsabilité puis condamné la société ISOBAC in solidum avec plusieurs constructeurs à verser à la communauté de communes les sommes de 363 094, 37 euros TTC et 168 697,88 euros TTC au titre respectivement des désordres affectant le bardage et les dépenses corollaires ainsi qu'à prendre en charge les frais d'expertise et d'autre part, condamné certains des constructeurs à la garantir d'une partie de ces condamnations. Elle fait appel de ces points. Par la voie de l'appel provoqué, la société ALUFEY-BRIOTET sollicite l'annulation du jugement du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il l'a condamnée à indemniser la communauté de communes au titre des désordres affectant le bardage, la corrosion des poteaux de structure et le taux excessif de chloramine.
Sur les conclusions d'appel principal :
En ce qui concerne la responsabilité décennale de la société ISOBAC :
2. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'ont été constatées des dégradations au revêtement des lames de bardage, leur déformation avec un disjointement entre elles par ondulation et la chute de certaines lames au sol. La pose des lames relève du lot n° 2 " Traitement des façades ", dont la société ISOBAC était titulaire. L'expert précise dans son rapport que la pose de l'isolant extérieur sous bardage (ITE), dont la dégradation a été constatée, a été mise en œuvre par la société ISOBAC dans des conditions non conformes au cahier des clauses techniques particulières (CCTP), au détail d'exécution et au document technique unifié applicable (45.3 ITE) dans la mesure où elle ne permet pas la libre circulation de la lame d'air nécessaire entre le bardage et l'isolant. Il s'ensuit que les désordres relatifs aux lames de bardage ne peuvent être regardés comme étant totalement étrangers au lot dont la société ISOBAC avait la charge.
4. Par ailleurs, la circonstance que les sociétés EIFFAGE Thermie Grand Est, OCTANT Architecture et SOJA auraient également contribué au désordre en raison des fautes qu'elles auraient commises est, en application des principes rappelés au point 2 du présent arrêt, sans incidence sur l'engagement de la responsabilité décennale de la société ISOBAC dont il vient d'être dit que les désordres affectant le bardage lui sont, au moins en partie, imputables.
5. Il résulte de ce qui précède que la société ISOBAC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués du 21 mai et 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a retenu sa responsabilité puis l'a condamnée au titre de la garantie décennale.
En ce qui concerne la part de responsabilité de la société ISOBAC :
6. Comme cela a été dit au point 3, il résulte en particulier du rapport d'expertise judiciaire que les dégradations au revêtement des lames de bardage sont notamment dues aux poses défectueuses de l'isolant extérieur sous bardage réalisées par la société ISOBAC.
7. Le jugement du 17 décembre 2019 a condamné les sociétés OCTANT Architecture et SOJA à garantir la société ISOBAC à hauteur de 60 % de sa condamnation au titre du bardage. Si la requérante se prévaut d'une erreur de conception de la maîtrise d'œuvre, qui n'a pas prévu de support technique à l'isolant de sorte qu'elle a été contrainte par cette dernière de poser un support bois non prévu, cette circonstance, au demeurant non établie, n'est pas de nature à réduire sa part de responsabilité dès lors qu'elle est sans incidence sur la pose défectueuse de l'ITE.
8. Par suite, la requérante n'est pas fondée à demander que les sociétés OCTANT Architecture et SOJA la garantissent à hauteur de 95 % de sa condamnation.
9. Enfin, si la requérante a présenté des conclusions tendant également à l'annulation de sa condamnation concernant les dépenses corollaires à la réfection des désordres, elle ne fait valoir aucun moyen à l'appui de ses conclusions.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que les conclusions d'appel doivent être rejetées.
Sur les conclusions d'appel provoqué de la société ALUFEY-BRIOTET :
11. En l'absence d'aggravation de la situation de la société ALUFEY-BRIOTET par la solution donnée à l'appel principal, qui a été rejeté, ses conclusions d'appel provoqué, sont irrecevables et doivent être par suite rejetées.
Sur les frais d'instance :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société ISOBAC représentée par la Selarl MMJ, agissant en qualité de mandataire judiciaire, est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Selarl MMJ, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société ISOBAC, à la société ALUFEY-BRIOTET, à la communauté de communes d'Arcis, Mailly, Ramerupt, à Me Leblay en sa qualité de mandataire judiciaire de la société OCTANT Architecture, à la SARL SOJA Ingénierie, à la SAS EIFFAGE Thermie Grand Est et à la SCP Crozat Barault Maigrot, mandataire judiciaire de la Société Champenoise d'Etanchéité.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Sanson-Dye, présidente assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. A
La République mande et ordonne au préfet de l'Aube en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. A