TA Bastia, 09/03/2023, n°2100488

Vu la procédure suivante :

Par un déféré, enregistré le 4 mai 2021, le préfet de la Haute-Corse demande au tribunal d'annuler le troisième avenant signé le 23 décembre 2020 par la commune d'Oletta et la société Technic Alarm pour la modification du marché de travaux de réhabilitation du groupe scolaire Paul Peretti du lot n° 3, " électricité - courants forts et faibles " en raison de travaux supplémentaires relatifs au préau extérieur et à la salle polyvalente d'un montant de 2 068 euros hors taxes.

Il soutient que :

- l'avenant attaqué, cumulé avec les deux qui l'ont précédé, augmente de 25 % le montant global du marché, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2194-8 du code de la commande publique qui limite à 15 % la modification du montant initial d'un marché de travaux ;

- l'avenant modifie l'équilibre économique initial du marché en faveur du titulaire, en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article R. 2194-7 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, la société Technic Alarm conclut au rejet du déféré.

Elle soutient que les travaux du marché ont été réceptionnés sans qu'aient été exécutés ceux prévus par l'avenant attaqué dont la commune a fait préparer l'annulation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2022, la commune d'Oletta, représentée par Me Muscatelli, conclut au rejet du déféré et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la modification doit être regardée comme devenue nécessaire au sens de l'article R. 2194-2 du code de la commande publique dès lors qu'elle a été préconisée dans le cadre d'un contrôle technique de conformité et qu'il n'était pas envisageable de confier les travaux supplémentaires à un autre opérateur ;

- la modification n'affecte ni l'objet ni l'équilibre économique du marché ;

- l'inclusion de la modification dans le marché initial n'aurait pas permis d'attirer davantage d'opérateurs économiques, d'en admettre d'autres ni de choisir une autre offre.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A,

- les conclusions de M. Halil, rapporteur public,

- et les observations de Me Muscatelli, représentant la commune d'Oletta.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Oletta a lancé au cours du mois d'octobre 2019 une consultation selon procédure adaptée, en onze lots, ayant pour objet la réalisation de travaux de réhabilitation du groupe scolaire Paul Peretti. Une nouvelle consultation a été lancée au mois de mai 2020 pour les trois lots qui n'ont pu être attribués, dont le lot n° 3 " Electricité - courants forts et faibles ". Le marché a été conclu le 24 juin 2020 avec la société Technic Alarm pour un montant de 17 341 euros hors taxes (HT). Le marché a été modifié par deux avenants, respectivement pour le remplacement de l'alarme incendie et de luminaires dans le préau. Par une délibération du 23 décembre 2020, le conseil municipal d'Oletta a autorisé le maire à signer un troisième avenant, pour la réalisation de travaux supplémentaires dans le préau extérieur et une salle polyvalente, portant ainsi le montant du marché à 21 946,80 euros HT. Le 16 février 2021, le préfet de la Haute-Corse a formé à l'encontre du troisième avenant, signé le 23 décembre 2020, un recours gracieux que la commune a rejeté le 26 février 2021. Le préfet de la Haute-Corse défère le troisième avenant au tribunal.

2. Si la société Technic Alarm fait valoir que les travaux prévus au marché ont été réceptionnés, que ceux prévus par l'avenant attaqué n'ont pas été exécutés, que l'acompte qui lui avait été versé a donné lieu à un avoir et que la commune a demandé à son conseil de préparer l'annulation du troisième avenant, il ne résulte pas de l'instruction que le déféré du préfet de la Haute-Corse aurait perdu son objet en cours d'instance.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique : " Un marché peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence dans les conditions prévues par voie réglementaire, lorsque : 1° Les modifications ont été prévues dans les documents contractuels initiaux ; 2° Des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires ; 3° Les modifications sont rendues nécessaires par des circonstances imprévues ; 4° Un nouveau titulaire se substitue au titulaire initial du marché ; 5° Les modifications ne sont pas substantielles ; 6° Les modifications sont de faible montant. / Qu'elles soient apportées par voie conventionnelle ou, lorsqu'il s'agit d'un contrat administratif, par l'acheteur unilatéralement, de telles modifications ne peuvent changer la nature globale du marché. " L'article L. 2194-3 du même code dispose que " Les prestations supplémentaires ou modificatives demandées par l'acheteur au titulaire d'un marché public de travaux qui sont nécessaires au bon achèvement de l'ouvrage et ont une incidence financière sur le marché public font l'objet d'une contrepartie permettant une juste rémunération du titulaire du contrat. "

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 2194-2 du code de la commande publique : " Le marché peut être modifié lorsque, sous réserve de la limite fixée à l'article R. 2194-3, des travaux, fournitures ou services supplémentaires, quel que soit leur montant, sont devenus nécessaires et ne figuraient pas dans le marché initial, à la condition qu'un changement de titulaire soit impossible pour des raisons économiques ou techniques tenant notamment à des exigences d'interchangeabilité ou d'interopérabilité avec les équipements, services ou installations existants achetés dans le cadre du marché initial. " L'article R. 2194-3 du même code prévoit que " Lorsque le marché est conclu par un pouvoir adjudicateur, le montant de la modification prévue à l'article R. 2194-2 ne peut être supérieur à 50 % du montant du marché initial. / Lorsque plusieurs modifications successives sont effectuées, cette limite s'applique au montant de chaque modification. / Ces modifications successives ne doivent pas avoir pour objet de contourner les obligations de publicité et de mise en concurrence. " Selon l'article R. 2194-7 : " Le marché peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence lorsque les modifications, quel que soit leur montant, ne sont pas substantielles. / Pour l'application de l'article L. 2194-1, une modification est substantielle, notamment, lorsque au moins une des conditions suivantes est remplie : 1° Elle introduit des conditions qui, si elles avaient été incluses dans la procédure de passation initiale, auraient attiré davantage d'opérateurs économiques ou permis l'admission d'autres opérateurs économiques ou permis le choix d'une offre autre que celle retenue ; 2° Elle modifie l'équilibre économique du marché en faveur du titulaire d'une manière qui n'était pas prévue dans le marché initial ; 3° Elle modifie considérablement l'objet du marché ; 4° Elle a pour effet de remplacer le titulaire initial par un nouveau titulaire en dehors des hypothèses prévues à l'article R. 2194-6. " Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2194-8 : " Le marché peut être modifié lorsque le montant de la modification est inférieur aux seuils européens qui figurent dans l'avis annexé au présent code et à 10 % du montant du marché initial pour les marchés de services et de fournitures ou à 15 % du montant du marché initial pour les marchés de travaux, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si les conditions prévues à l'article R. 2194-7 sont remplies. " Enfin, aux termes de l'article R. 2194-9 : " Lorsque plusieurs modifications successives relevant de l'article R. 2194-8 sont effectuées, l'acheteur prend en compte leur montant cumulé. "

5. Les modifications résultant du troisième avenant consistent en la fourniture et la pose d'un tableau électrique étanche, de trois projecteurs avec leurs ampoules et de deux prises de courant dans le préau extérieur, en l'alimentation électrique du préau et de son éclairage et en trois percements de la façade pour recentrer les luminaires. Il ne résulte pas de l'instruction que cet avenant aurait introduit des conditions qui, si elles avaient été incluses dans la procédure de passation initiale, auraient attiré davantage d'opérateurs économiques ou permis l'admission d'autres opérateurs économiques ou permis le choix d'une offre autre que celle retenue. L'avenant attaqué n'a pas non plus pour effet de modifier l'équilibre économique du marché en faveur du titulaire d'une manière qui n'était pas prévue dans le marché initial. Enfin, l'objet du marché n'est pas modifié considérablement par cet avenant. La modification résultant du troisième avenant n'étant pas substantielle, il suit de là que le marché pouvait, quel que soit le montant de cette modification, être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence, conformément aux dispositions du 5° de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique et à celles de son article R. 2194-7.

6. Il résulte de ce qui a été indiqué au point précédent que le moyen invoqué par le préfet de la Haute-Corse et tiré de ce que l'avenant méconnaît les dispositions de l'article R. 2194-8 du code de la commande publique est inopérant.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet n'est pas fondé à demander l'annulation du troisième avenant signé le 23 décembre 2020 par la commune d'Oletta et la société Technic Alarm.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Oletta et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le déféré du préfet de la Haute-Corse est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la commune d'Oletta une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au préfet de la Haute-Corse, à la commune d'Oletta et à la société Technic Alarm.

Copie en sera transmise au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 février 2023, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- Mme Castany, première conseillère,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.

Le président-rapporteur,

Signé

T. AL'assesseure la plus ancienne

dans l'ordre du tableau,

Signé

C. CASTANY

La greffière,

Signé

R. ALFONSI

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Corse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

R. ALFONSI