TA de Bordeaux, 15 novembre 2023, n° 2203727

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 juillet 2022 et 26 juin 2023, la société Planes M.D., représentée par la société Cabinet Taithe Panassac Associés, demande au tribunal :

1°) d'annuler ou, à défaut, de résilier le marché n°202203 portant sur la réalisation de missions de travail aérien dans le cadre du service de lutte aérienne contre les incendies de forêt pour le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Dordogne, que ce service a conclu avec la société ULM Tocane Saint Apre le 5 avril 2022 ;

2°) de condamner le SDIS de la Dordogne à lui verser la somme de 25 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction de l'attribution de ce marché, ainsi que du marché n°202115, dont l'objet est identique, que ce service a conclu avec le société Air Périgord le 4 janvier 2022 ;

3°) d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2022, date de la réception de sa demande indemnitaire, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge du SDIS de la Dordogne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'offre déposée par la société ULM Tocane Saint Apre dans le cadre de la procédure de passation du marché n°202203 est irrégulière dès lors que, d'une part, cette société, qui proposait un aéronef ultraléger motorisé (ULM) ne disposait pas, compte tenu des caractéristiques de cet appareil, d'un agrément " SPO ", qui correspond aux activités spécialisées prévues par le règlement (UE) n°965/2012 dit " B " et que, d'autre part, cet appareil ne dispose que d'une place " passager ", alors que la formation des personnels dans le cadre des stages de feux de forêt, qu'il doit être en mesure d'assurer, requiert deux places " passager " ;

- les documents de la consultation ne prévoient aucune méthode de notation pour le critère prix ;

- son offre a été dénaturée, dès lors que contrairement à ce qu'indique le pouvoir adjudicateur, elle ne prévoit pas de décollage depuis d'aérodrome de Belvès ;

- l'appréciation portée sur les mérites respectifs de son offre et de celle de la société ULM Tocane Saint Apre est erronée puisque, alors qu'elle a proposé un appareil deux fois plus performant que la société ULM Tocane Saint Apre, son offre n'a obtenu que 5.25 points de plus que celle de cette société sur le critère " type d'appareil (ailes hautes ou basses, nombre de places, puissance, autonomie) " ; en outre, alors qu'il est impossible pour l'aéronef de cette société, qui se trouve à la base ULM de Tocane, de se rendre au départ de l'aérodrome de Périgueux Bassilac, au départ duquel les pièces du marché prévoient que les vols ont lieu, et de redécoller en dix minutes, son offre est de 3 points inférieure à celle de cette société sur le critère " disponibilité et délais de mise en œuvre de l'aéronef et du pilote sur la durée du contrat " ;

- l'offre déposée par la société Air Périgord dans le cadre de la procédure de passation du marché n°202115 est irrégulière dès lors que cette société ne disposait pas d'un agrément " SPO " ; la circonstance que cette société ait déclaré détenir cet agrément est sans incidence sur l'obligation faite au pouvoir adjudicateur, d'écarter les offres irrégulières ;

- l'appréciation portée sur les mérites de son offre est erronée puisque, alors qu'elle a proposé le même appareil que la société Air Périgord, son offre a obtenu 5.25 points de moins que celle de cette société sur le critère " type d'appareil (ailes hautes ou basses, nombre de places, puissance, autonomie) " ;

- alors même que ce marché, qui n'a pas reçu d'exécution, a été résilié, et dès lors qu'elle a été classée en seconde position, elle est fondée à demander l'indemnisation des préjudices résultant de son éviction irrégulière ;

- elle est fondée à solliciter l'indemnisation du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière des deux marchés en cause dès lors qu'elle a été classée en deuxième position des deux procédures de passation menées, à l'issue desquelles elle aurait été attributaire si le pouvoir adjudicateur n'avait pas commis d'irrégularité dans les procédures suivies, et des frais de conseil et d'assistance qu'elle a exposés ;

- compte tenu du prix moyen par heure de vol proposé dans son offre, et des charges qu'elle supporte, son manque à gagner doit être évalué à 150 euros hors taxes par heure, soit 22 500 euros hors taxes pour les prestations objets du marché, qui correspondent à 150 heures ;

- les frais de conseil et d'assistance qu'elle a exposés doivent être évalués à la somme de 3 000 euros hors taxes.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2022, le SDIS de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'offre de la société ULM Tocane Saint Apre n'est pas irrégulière dès lors qu'elle respecte la législation en vigueur, que la procédure de passation du marché n°202203 n'excluait pas le recours aux ULM, dès lors que ce recours est prévu par les pièces de la consultation, que l'agrément " SPO " n'est pas requis pour les ULM, et que, dans le cadre des réponses aux questions posées lors de la consultation, elle ne saurait être regardée comme ayant exigé des soumissionnaire un agrément " SPO " ;

- la prestation de formation que doit assurer l'aéronef proposé ne constitue qu'une éventualité ; un ULM ne disposant que d'une place assise en plus de celle du pilote est en mesure d'assurer la réalisation de prestations de formation ;

- l'appréciation des mérites respectifs des offres n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- en analysant l'offre de la société Air Périgord, déposée dans le cadre de la procédure de passation du marché n°202115, il n'a pas commis de manquement à la réglementation applicable ; la résiliation du marché a été prononcée compte tenu du défaut d'agrément SPO de cette société.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2023, la société ULM Tocane Saint Apre conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- son offre n'est pas irrégulière puisque l'aéronef CT180 qu'elle propose permet d'assurer des formations ;

- l'appréciation portée sur les mérites de son offre au titre du critère " type d'appareil (ailes hautes ou basses, nombre de places, puissance, autonomie) " n'est pas erronée puisque, contrairement à ce qu'indique la société requérante, elle propose un aéronef CT180 pour la mission de surveillance aérienne, dont les performances excèdent celles de l'ULM " skyranger ", qui est utilisé pour les seules formations.

Par une ordonnance du 28 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juin 2023.

Un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, a été produit pour la société ULM Tocane Saint Apre et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Denys ;

- les conclusions de Mme Jaouën, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Panassac, représentant la société Planes M.D., et de Mme A, représentant le SDIS de la Dordogne.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis de marché publié le 8 novembre 2021, le SDIS de la Dordogne, a engagé une consultation en vue de la passation, en procédure adaptée, d'un marché public de fournitures courantes et de services, référencé sous le n°202115, portant sur la réalisation de missions de travail aérien dans le cadre du service de lutte aérienne contre les incendies de forêt pour le SDIS de la Dordogne. Le point 7.2 du règlement de la consultation, relatif à l'attribution des marchés, a fixé trois critères d'attribution, parmi lesquels le prix des prestations, pondéré à 35 %, la disponibilité et les délais de mise en œuvre de l'aéronef et du pilote sur la durée du contrat, pondéré à 30 %, et le type d'appareil, et notamment la position de ses ailes, le nombre de place, sa puissance et son autonomie, pondéré à 35 %. La société Planes M.D., qui a déposé une offre pour ce marché, a été informée, par un courrier du 31 décembre 2021, du rejet de son offre, classée en deuxième position, et de l'attribution de ce marché à la société Air Périgord. Ce marché, dont le titulaire n'était pas déclaré en tant qu'exploitant " SPO " auprès de la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC), n'a pas reçu d'exécution et a été résilié, par une décision du 13 janvier 2022 du président du conseil d'administration du SDIS de la Dordogne, à compter de la même date. Par un avis de marché publié le 21 janvier 2022, le SDIS de la Dordogne, a engagé une consultation en vue de la passation, en procédure adaptée, d'un marché public de fournitures courantes et de services, référencé sous le n°202203, dont l'objet et les pièces sont identiques à ceux du marché qui a été résilié. La société Planes M.D, qui a déposé une offre pour ce marché, a été informée, par un courrier du 7 mars 2022, du rejet de son offre, classée en deuxième position, et de l'attribution de ce marché à la société ULM Tocane Saint Apre. Par un courrier du 26 avril 2022, la société Planes M.D. a sollicité du SDIS de la Dordogne l'annulation du marché référencé sous le n°202203 et l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction irrégulière des deux procédures de passation en cause. Par une décision du 30 mai 2022, le SDIS a rejeté ces demandes. La société Planes M.D. demande au tribunal d'annuler ou, à défaut, de résilier le marché référencé sous le n°202203, et de condamner le SDIS de la Dordogne à lui verser la somme de 25 500 euros.

Sur les conclusions en contestation de la validité du marché n°202203 :

En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

2. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui d'un recours de plein contentieux contre un contrat, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

3. Il appartient au juge du contrat, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci.

En ce qui concerne la validité du contrat :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes de l'article L. 2152-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ".

5. Aux termes du point 5.1, relatif aux documents à produire, de l'article 5 du règlement de la consultation, qui porte sur la présentation des candidatures et des offres " () Pièces de l'offre () / Préciser le nombre de place(s) assise(s) que comporte le moyen aérien. La capacité minimum de l'aéronef doit être d'un passager en sus du pilote. Toutefois, pour des raisons de formation, il est vivement souhaité de disposer d'une capacité minimale de 2 passagers ; () Dans le cas où un opérateur prestataire répondrait avec un ULM Classe 3 (dite multiaxe) ou ULM Classe 4, ce dernier devra présenter : / Le dossier de calcul et les épreuves en vol et au sol justifiant des tests de l'ensemble des éléments intéressant la sécurité et la couverture de l'ensemble des utilisations prévues pour l'ULM (manuel de vol de la machine) ; / L'attestation qui justifie que l'ULM est entretenue conformément à son dossier d'utilisation ; / La copie de la Carte et de la fiche d'identification ; / Les caractéristiques du domaine de vol (VSO : vitesse de décrochage (ou vitesse minimale de vol si le décrochage n'est pas possible) dans les conditions de moteur réduit ou coupé, train sorti, volets sortis, centrage le plus défavorable, masse maximale, VNE : vitesse à ne jamais dépasser en vol, VC : vitesse de rafale maximale) ".

6. D'une part, il ne résulte pas des termes du point 5.1 du règlement de la consultation précité, que le pouvoir adjudicateur ait entendu exiger des soumissionnaires qu'ils proposent des aéronefs disposant de deux places assises en plus de celle du pilote. Si la société Planes M.D. fait valoir que le besoin exprimé par le pouvoir adjudicateur, lié à la formation du personnel, ne peut être assuré qu'avec un aéronef disposant de deux places assises en plus de celle du pilote, elle ne produit aucun élément permettant d'établir que cette formation ne pourrait être réalisée, conformément à la description qu'en fait le SDIS de la Dordogne dans ses écritures en défense, à l'aide d'un aéronef ne disposant que d'une place assise en plus de celle du pilote et d'un personnel au sol. Dans ces conditions, la société Planes M.D. n'est pas fondée à soutenir que l'offre de la société ULM Tocane Saint Apre, compte tenu des caractéristiques de l'aéronef qu'elle propose, ne répondrait pas aux exigences des documents de la consultation.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'en indiquant, au point 9.2 du cahier des clauses particulières en litige qui est relatif aux obligations réglementaires, avant de mentionner les obligations et formalités requises des exploitants d'ULM, que l'opérateur prestataire doit respecter les obligations et les formalités fixées par l'annexe relative aux activités spécialisées dites " SPO " du règlement (UE) n°965/2012, le pouvoir adjudicateur n'a pas entendu exiger des soumissionnaires qu'ils proposent des aéronefs soumis à cette réglementation, au nombre desquels ne figurent pas les ULM. Cette exigence ne résulte pas davantage des réponses apportées par le pouvoir adjudicateur aux questions qui lui ont été posées dans le cadre de la procédure de consultation, relatives à la possibilité d'avoir recours à un autre appareil que celui proposé par le soumissionnaire, en cas d'indisponibilité de celui-ci en cours d'exécution du marché, pourvu que l'appareil de remplacement dispose des mêmes caractéristiques que celui qui est remplacé, et respecte la même réglementation. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'offre de la société ULM Tocane Saint Apre, compte tenu de l'aéronef qu'elle propose, ne répondrait pas aux exigences formulées dans les documents de la consultation.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Planes M.D. n'est pas fondée à soutenir que l'offre de la société ULM Tocane Saint Apre présenterait un caractère irrégulier.

9. En deuxième lieu, si, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'indiquer dans les documents de consultation, les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre, il n'est, en revanche, pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation retenue pour apprécier les offres au regard de chacun de ces critères. Dans ces conditions, la société Planes M.D. ne peut utilement invoquer la circonstance que la méthode de notation, pour le critère prix, n'a pas été porté à la connaissance des soumissionnaires, pour contester la validité du contrat en cause.

10. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction qu'en considérant que l'aéronef de la société Planes M.D. décollerait de l'aérodrome de Belvès, qui constitue le lieu d'établissement de la société requérante, le pouvoir adjudicateur aurait dénaturé l'offre de la société Planes M.D, qui ne fait état d'aucun autre lieu depuis lequel cet aéronef pourrait décoller.

11. En quatrième lieu, d'une part, alors que la société ULM Tocane Saint Apre indique avoir proposé, dans le cadre de son offre et pour la mission de surveillance aérienne, un ULM CT180, dont la carte d'identification est produite à l'instance, il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci aurait proposé de mettre à disposition un ULM " skyranger " pour les besoins de cette mission. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, compte tenu des caractéristiques respective de l'aéronef qu'elle a proposé et de l'ULM " skyranger ", l'appréciation des mérites respectifs de son offre et de celle de l'attributaire sur le critère " type d'appareil (ailes hautes ou basses, nombre de places, puissance, autonomie) " serait erronée.

12. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les mérites de l'offre de la société ULM Tocane Saint Apre au titre du critère " disponibilité et les délais de mise en œuvre de l'aéronef et du pilote sur la durée du contrat " n'aurait pas été appréciée au regard de la capacité de l'un de ses pilotes et de l'aéronef mis à disposition pour rejoindre l'aérodrome Périgueux Bassilac dans le meilleur délai. Par ailleurs, si la société requérante soutient qu'il est techniquement impossible, pour l'ULM piloté par un agent de la société attributaire, de rejoindre en dix minutes l'aérodrome de Périgueux Bassilac depuis la base de Tocane, en dépit des termes de son offre, elle ne produit aucun élément permettant d'établir cette impossibilité. Dans ces conditions, alors qu'il n'est pas contesté que son offre prévoit un décollage sous une heure de l'aéroport de Périgueux Bassilac, la société Planes M.D. n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation des mérites respectifs de son offre et de celle de l'attributaire sur ce critère serait erronée.

13. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commis le SDIS dans l'appréciation des offres qui lui ont été soumises doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Planes M.D. n'est pas fondée à contester la validité du marché en litige.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

15. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

En ce qui concerne l'éviction du marché n°202115 :

16. L'entreprise candidate à l'attribution d'un marché public ne peut prétendre à une indemnisation de son manque à gagner si la personne publique a résilié le marché en litige avant que celui-ci ne reçoive un commencement d'exécution.

17. Il résulte de l'instruction que, si le marché n°202115 a été conclu avec la société Air Périgord, le SDIS de la Dordogne, qui a constaté que le titulaire de ce marché ne respectait pas la réglementation applicable à défaut d'être déclaré, en tant qu'exploitant " SPO " auprès de la DSAC, l'a résilié à compter du 13 janvier 2022, alors que celui-ci n'avait pas reçu un commencement d'exécution. Dans ces conditions, à supposer même que l'offre de la société Air Périgord ait été irrégulière et que l'appréciation portée sur les mérites respectifs des offres des soumissionnaires ait été entachée d'erreur manifeste, la société Planes M.D. n'est pas fondée à solliciter une indemnisation du manque à gagner issu de l'éviction dont elle a fait l'objet. Elle n'est pas davantage fondée à solliciter une indemnisation au titre des frais de conseil et d'assistance qu'elle aurait exposés du fait de son éviction irrégulière, qui entrent dans le champ d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne l'éviction du marché n°202115 :

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 13 que la société Planes M.D. n'a pas été irrégulièrement évincée à l'issue de la procédure qui a été engagée pour la passation du marché n°202115. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à solliciter une indemnisation au titre du manque à gagner que représente, pour elle, cette éviction ni, en tout état de cause, des frais de conseil et d'assistance qu'elle dit avoir exposés.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires de la société Planes M.D. doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS de la Dordogne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Planes M.D. demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Planes M.D. est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Planes M.D., à la société ULM Tocane Saint Apre et au SDIS de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Zuccarello, présidente,

- Mme Caste, conseillère,

- Mme Denys, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023.

La rapporteure,

A. DENYS

La présidente,

F. ZUCCARELLO La greffière,

I. MONTANGON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

N°2203727