TA Cergy-P, 04/04/2024, n°2404106


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars 2024 et le 3 avril 2024, la société DTP2I, représentée par Me de Baecke et Me Aleksandrowicz, demande à la juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler, au stade de l'examen des candidatures, la procédure de passation du lot n° 1 de l'accord-cadre à bons de commande du marché public de travaux d'entretien et de rénovation des ouvrages d'art du département du Val-d'Oise, avec toutes conséquences de droit ;

2°) d'enjoindre au département du Val-d'Oise de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des candidatures ;

3°) de mettre à la charge du département du Val-d'Oise la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable, dès lors qu'elle a un intérêt à agir en qualité de mandataire d'un groupement évincé et qu'à la date d'introduction de sa requête, le marché en litige n'avait pas été signé ;

- la candidature et l'offre présentées par le groupement d'entreprises composé des sociétés Entreprise de travaux Fayolle et Fils et B A est irrégulière dès lors que :

* aucune des deux sociétés, ni leur sous-traitante NGE Génie Civil, ne disposent de la qualification 7253 " remplacement et réparation des joints de dilatation sur chaussées " essentielle à l'exécution des travaux du marché en litige, relevant de la famille 72 du référentiel de la nomenclature des travaux publics, ni de l'avis technique de la commission " joints et chaussées " du service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (SETRA), relevant du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), en méconnaissance des stipulations des articles 2.11 et 3.25 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché ; elles ne sont donc pas en capacité d'exécuter dans les règles de l'art l'exécution des prestations de la rubrique 900 " joints de chaussée et de trottoirs " dont les prix représentent 19,55 % du montant du marché ; leur offre aurait donc dû être déclarée irrégulière, faute de respecter les prescriptions du 7° du A du point 5.1 du règlement de la consultation ; un tel manquement ne pouvant être régularisé au regard des dispositions de l'article R. 2144-7 du code de la commande publique, il y a donc lieu de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des candidatures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2024, le département du Val-d'Oise, représenté par Me Labetoule, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société DTP2I au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés, dès lors qu'il est remédié à l'absence de la qualification 7253 en débat par des attestations de garantie professionnelle établies par ses soins et ceux de la ville de Paris et que, en tout état de cause, les prestations concernées par le manquement allégué ne portent que sur 15 % seulement du montant du marché au regard de l'offre de prix détaillée du groupement attributaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2024, la société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils, représentée par Me Hourcabie, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société DTP2I au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés, dès lors qu'il est remédié à l'absence de la qualification 7253 en débat par des attestations de garantie professionnelle établies par le département du Val-d'Oise et la ville de Paris, gage de ses capacités techniques à exécuter le marché.

Par un mémoire distinct, enregistré le 3 avril 2024, la société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils, représentée par Me Hourcabie, a mentionné les motifs de son refus de soumettre au débat contradictoire des pièces jointes à sa requête et communiquées au greffe du tribunal selon les modalités prévues aux articles R. 412-2-1 et R. 611-30 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

En application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative,

le président du tribunal a désigné Mme Oriol, vice-présidente, pour statuer sur les requêtes présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 551-1 et L. 551-13 de ce même code.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 3 avril 2024 à 10 heures 30.

Ont été entendus au cours de l'audience publique, tenue en présence de M. Grospierre, greffier d'audience :

- le rapport de Mme Oriol, juge des référés,

- les observations de Me Aleksandrowicz, représentant la société DTP2I, qui conclut aux mêmes fins que ses écritures par les mêmes moyens ; elle ajoute qu'en l'espèce, il y a lieu de douter de la fiabilité des attestations versées à l'instance, qui ne peuvent à elles seules, en l'absence de respect des exigences techniques prévues par les pièces du marché, remédier au défaut de la qualification 7253 exigée ;

- les observations de Me Hourcabie, représentant la société la société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils, qui conclut au rejet de la requête en reprenant l'argumentaire de son mémoire en défense ;

- les observations de Me Labetoule, représentant le département du Val-d'Oise, qui conclut au rejet de la requête en reprenant l'argumentaire de son mémoire en défense.

La clôture de l'instruction a été fixée après l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 septembre 2023, le département du Val-d'Oise a lancé une procédure d'appel d'offres ouverte en vue de la passation d'un accord-cadre à bons de commande relatif à la réalisation de travaux d'entretien et de rénovation des ouvrages d'art départementaux, composé de deux lots géographiques, le n° 1 relatif aux secteurs Vallée de l'Oise et Vexin, le n°2 aux secteurs Rives de Seine, Vallée de Montmorency, Plaine et Pays de France. Le groupement composé des sociétés DTP2I et ACP.TP a déposé une offre pour le lot n° 1, d'une durée d'un an renouvelable trois fois, avec un minimum de 600 000 euros et un maximum de 2 400 000 euros hors taxes (HT). En vertu de l'article 8 du règlement de la consultation, les critères de sélection des offres annoncés pour ce lot n° 1 étaient au nombre de deux : le prix pour 60 % et la valeur technique pour 40 %, ce critère étant lui-même décomposé en trois sous critères : 30 % pour l'organisation des moyens spécifiquement dédiés à l'opération ; 60 % pour la pertinence des propositions en réponse au programme de l'opération, aux objectifs et contraintes ; 10 % pour la présentation du dossier permettant d'étudier le soin et le sérieux apportés par le candidat dans la rédaction des documents. Au terme de l'analyse des offres, le groupement composé des sociétés Entreprise de Travaux Fayolle et Fils et B A, assistées de la société sous-traitante NGE Génie Civil, a été déclaré attributaire du lot n° 1 avec une note finale pondérée de 39,60, devant le groupement composé des sociétés DTP2I et ACP.TP, avec une note finale pondérée de 39. La société DTP2I, mandataire, a été informée du rejet de l'offre de son groupement par courrier du 11 mars 2024 du département du Val-d'Oise. Par la présente requête, elle demande à la juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation relative au lot n° 1 et d'enjoindre au département du Val-d'Oise de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des candidatures.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge du référé précontractuel de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

En ce qui concerne les pièces soustraites au débat contradictoire :

4. Aux termes de l'article R. 611-30 du code de justice administrative : " Lorsqu'une partie produit une pièce ou une information dont elle refuse la transmission aux autres parties en invoquant la protection du secret des affaires, la procédure prévue par l'article R. 412-2-1 est applicable. ". Selon l'article R. 412-2-1 du même code : " Lorsque la loi prévoit que la juridiction statue sans soumettre certaines pièces ou informations au débat contradictoire ou lorsque le refus de communication de ces pièces ou informations est l'objet du litige, la partie qui produit de telles pièces ou informations mentionne, dans un mémoire distinct, les motifs fondant le refus de transmission aux autres parties, en joignant, le cas échéant, une version non confidentielle desdites pièces après occultation des éléments soustraits au contradictoire. Le mémoire distinct et, le cas échéant, la version non confidentielle desdites pièces, sont communiqués aux autres parties. / Les pièces ou informations soustraites au contradictoire ne sont pas transmises au moyen des applications informatiques mentionnées aux articles R. 414-1 et R. 414-2 mais sont communiquées au greffe de la juridiction sous une double enveloppe, l'enveloppe intérieure portant le numéro de l'affaire ainsi que la mention : "pièces soustraites au contradictoire-Article R. 412-2-1 du code de justice administrative". / Si la juridiction estime que ces pièces ou informations ne se rattachent pas à la catégorie de celles qui peuvent être soustraites au contradictoire, elle les renvoie à la partie qui les a produites et veille à la destruction de toute copie qui en aurait été faite. Elle peut, si elle estime que ces pièces ou informations sont utiles à la solution du litige, inviter la partie concernée à les verser dans la procédure contradictoire, le cas échéant au moyen des applications informatiques mentionnées aux articles R. 414-1 et R. 414-2. Si la partie ne donne pas suite à cette invitation, la juridiction décide des conséquences à tirer de ce refus et statue sans tenir compte des éléments non soumis au contradictoire. / Lorsque des pièces ou informations mentionnées au premier alinéa sont jointes au dossier papier, celui-ci porte de manière visible une mention signalant la présence de pièces soustraites au contradictoire. Ces pièces sont jointes au dossier sous une enveloppe portant la mention : "pièces soustraites au contradictoire-Article R. 412-2-1 du code de justice administrative ". / Lorsqu'un dossier comportant des pièces ou informations soustraites au contradictoire est transmis à une autre juridiction, la présence de telles pièces ou informations est mentionnée de manière visible sur le bordereau de transmission. ".

5. En l'espèce, les pièces communiquées par la société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils dans son mémoire distinct enregistrées le 3 avril 2024 consistent en des listes de références et des attestations de travaux de génie civil menés à bien pour le compte de plusieurs collectivités territoriales. Ces documents révélant des informations susceptibles de mettre en évidence son positionnement stratégique dans un secteur sur lequel elle est concurrence directe avec la société requérante, la société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils est fondée à soutenir que leur soumission au débat contradictoire porterait atteinte au secret des affaires. Si la juge du référé précontractuel peut néanmoins se fonder sur les éléments contenus dans ces pièces dans la réponse apportée aux moyens et arguments des parties, la motivation de son ordonnance sera nécessairement adaptée pour ne pas porter atteinte à ce secret.

En ce qui concerne la procédure de passation du marché :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Selon l'article L. 2152-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ". L'article L. 2142-1 du code de la commande publique dispose que : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. ". Selon l'article R. 2142-1 du même code : " Les conditions de participation à la procédure de passation relatives aux capacités du candidat mentionnées à l'article L. 2142-1, ainsi que les moyens de preuve acceptables, sont indiqués par l'acheteur dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt ou, en l'absence d'un tel avis ou d'une telle invitation, dans les documents de la consultation. ". En vertu de l'article R. 2143-3 du même code : " Le candidat produit à l'appui de sa candidature : / () 2° Les renseignements demandés par l'acheteur aux fins de vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles du candidat. ". L'article R. 2142-13 du même code dispose que : " L'acheteur peut imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié. A cette fin, dans les marchés de services ou de travaux et les marchés de fournitures nécessitant des travaux de pose ou d'installation ou comprenant des prestations de service, l'acheteur peut imposer aux candidats qu'ils indiquent les noms et les qualifications professionnelles pertinentes des personnes physiques qui seront chargées de l'exécution du marché en question. ". L'article R. 2142-14 du même code dispose que : " L'acheteur peut exiger que les opérateurs économiques disposent d'un niveau d'expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. Toutefois, l'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier, à elle seule, l'élimination d'un candidat. ". Selon le I de l'article 3 de l'arrêté du 22 mars 2019, pris sur le fondement de l'article R. 2143-11 du code de la commande publique, l'acheteur public peut notamment exiger des candidats : " 12° Des certificats de qualification professionnelle établis par des organismes indépendants. Dans ce cas, l'acheteur accepte tout moyen de preuve équivalent ainsi que les certificats équivalents d'organismes établis dans d'autres Etats membres. ". Enfin, en vertu de l'article R. 2142-25 du même code : " L'appréciation des capacités d'un groupement d'opérateurs économiques est globale. Il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des capacités requises pour exécuter le marché. ".

7. D'autre part, aux termes du 7° du A de l'article 5-1 du règlement de la consultation du marché en litige, les candidats à l'octroi du marché litigieux doivent fournir : " - Déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du candidat et l'importance du personnel d'encadrement pour chacune des trois dernières années ; / - Déclaration indiquant l'outillage, le matériel et l'équipement technique dont le candidat dispose pour la réalisation de marchés de même nature ; / - Certificats établis par des services chargés du contrôle de la qualité et habilités à attester la conformité des fournitures par des références aux spécifications techniques ; / - Présentation d'une liste des travaux correspondant à l'objet du marché exécutés au cours des cinq dernières années, appuyée d'attestations de bonne exécution pour les travaux les plus importants. Ces attestations indiquent le montant, l'époque et le lieu d'exécution des travaux et précisent s'ils ont été effectués selon les règles de l'art et menés régulièrement à bonne fin ; / La preuve de la capacité du candidat est apportée par les qualifications ou équivalent, accompagnées des certificats d'identité professionnelle ou des références de travaux attestant de la compétence de l'opérateur économique à réaliser les travaux pour lesquels il se porte candidat. / En ce sens, les entreprises constitutives de l'offre (Mandataire ET/OU cotraitant(s) ET/OU sous-traitants déclarés au stade de l'offre) doivent obligatoirement être détenteurs d'une carte professionnelle (valide à la date de l'offre) délivrée par la Fédération Nationale des Travaux A et attestant de la capacité desdites entreprises pour mener à bien les travaux répondant à la famille 72 du référentiel de la Nomenclature des Travaux A (édition de mars 2023) : " Travaux liés à la réparation-réhabilitation et au renforcement des structures de génie-civil " et notamment aux sous-familles 725, 726 et 727. / () ".

8. Enfin, aux termes de l'article 2.11 du cahier des clauses techniques particulières du présent marché : " Les joints de chaussée seront () choisis parmi le liste des joints ayant fait l'objet d'un avis de la part de la commission " joints de chaussée du SETRA. / Les joints seront également conformes au modèle de joints déposé lors de la demande d'avis. ". Selon l'article 3.25 du même cahier : " () La dépose des joints existants sera faite de façon soignée afin de ne pas créer de dommages aux éléments supports. () La pose sera réalisée selon les dispositions du document " Joint de chaussée des ponts routes - Avis technique " du SETRA et les spécifications du guide de pose tel qu'il a été rédigé au moment de la demande à l'avis technique. Ce guide de pose devra être présenté à tout moment au maître d'œuvre. ".

9. Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. Le pouvoir adjudicateur ne peut, dès lors, attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par ce règlement. Le choix de l'offre d'un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d'avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, quel qu'ait été son propre rang de classement à l'issue du jugement des offres, à moins qu'il ne résulte de l'instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l'offre qu'il présentait ne pouvait qu'être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable. Il résulte également des dispositions rappelées ci-dessus que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public et que cette vérification s'effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus par les prescriptions de l'arrêté ministériel précité. Les documents ou renseignements exigés à l'appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser. Le juge du référé précontractuel ne peut censurer l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les niveaux de capacité technique exigés des candidats à un marché public, ainsi que sur les garanties, capacités techniques et références professionnelles présentées par ceux-ci que dans le cas où cette appréciation est entachée d'une erreur manifeste.

10. En l'espèce, le département du Val-d'Oise ne disconvient pas que les sociétés Entreprise de Travaux Fayolle et Fils et B A, pas plus d'ailleurs que leur sous-traitante NGE Génie Civil, ne disposent pas de la qualification 7253 " remplacement et réparation des joints de dilatation sur chaussées " relevant de la famille 72 du référentiel de la nomenclature des travaux publics. Toutefois, il résulte de l'instruction que le groupement attributaire du marché a versé à sa candidature trois attestations, une du 20 octobre 2020 relative à des travaux réalisés sous la maîtrise d'œuvre de la ville de Paris et deux établies le 9 décembre 2021 par le département du Val-d'Oise, faisant état, pour l'une, de travaux d'aménagement (génie civil et VRD) de la sortie du tunnel routier des Halles dans la rue du Renard (Paris 4ème arrondissement), et, pour les deux autres, de travaux d'entretien et de rénovation des ouvrages d'art du département du Val-d'Oise, réalisés, s'agissant notamment du remplacement et de la réparation de joints de dilatation sur chaussée, objets de la qualification 7253 manquante, dans les règles de l'art et menés régulièrement à bonne fin. Ces attestations, dont le caractère douteux n'est pas objectivé, au surplus assorties de 45 autres de même nature non soumises au débat contradictoire conformément au point 5 de la présente ordonnance, sont conformes aux documents prévus par le 7° du A de l'article 5-1 du règlement de la consultation pour garantir de la bonne exécution des travaux objets du marché et peuvent donc, en l'espèce, être regardées comme équivalentes à la qualification 7253 " remplacement et réparation des joints de dilatation sur chaussées ", quand bien même deux d'entre elles ont été établies par le département du Val-d'Oise qui a attribué le marché en litige. Il résulte également de l'instruction que le groupement composé des sociétés Entreprise de Travaux Fayolle et Fils et B A, outre qu'il s'est déjà vu attribuer le lot n° 2 du précédent accord-cadre dont l'objet est strictement identique à celui en cause dans la présente instance, a par ailleurs obtenu, pour la période 2016-2019, l'accord-cadre de génie civil sur ouvrages d'art du réseau routier national attribué par la direction des routes d'Ile-de-France. Il doit donc être regardé, quand bien même les marchés précédemment obtenus l'auraient été en co-traitance ou en sous-traitance, au demeurant à l'issue de procédures dont il n'est pas démontré qu'elles auraient été irrégulières, comme étant manifestement en capacité d'exécuter le marché de travaux en litige, nonobstant l'absence de qualification délivrée par la Fédération Nationale des Travaux A conformément à l'article 3.1 de sa nomenclature, qui n'est au demeurant pas un préalable exigé par la loi, pas plus d'ailleurs que le guide relatif à l'entretien et à la réparation des équipements d'ouvrage du Syndicat national des entrepreneurs spécialistes de travaux de réparation et de renforcement des structures. Enfin, au stade de l'analyse des candidatures et des offres, le département du Val-d'Oise n'a en tout état de cause pas méconnu les stipulations précitées des articles 2.11 et 3.25 du CCTP portant sur les spécificités techniques des joints de chaussée auxquels il sera recouru au stade de l'exécution du marché. Par suite, le moyen tiré de ce que le département du Val-d'Oise a entaché d'erreur manifeste d'appréciation son choix d'attribuer le marché en litige au groupement composé des sociétés Entreprise de Travaux Fayolle et Fils et B A doit être écarté.

Sur les frais liés au litige :

11. Le département du Val-d'Oise n'étant pas la partie perdante à l'instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société DTP2I présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a également lieu de rejeter les conclusions du département du Val-d'Oise et de la société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils présentées sur le même fondement.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société DTP2I est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département du Val-d'Oise et de la société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société DTP2I, au département du Val-d'Oise, à la société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils et à la société B A.

Fait, à Cergy-Pontoise, le 4 avril 2024.

La juge des référés,

signé

C. Oriol

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.