TA Cergy-P, 20/06/2024, n°2407729


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2024 et le 12 juin 2024, la société par action simplifiée (SAS) Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés, représentée par Me Gibert, demande au juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, d'annuler la décision du 23 mai 2024, par laquelle la présidente du Conseil départemental du Val-d'Oise a rejeté l'offre qu'elle avait présentée dans le cadre de la procédure du marché de maîtrise d'œuvre pour la construction d'un collège 700 à Argenteuil et d'enjoindre au département du Val-d'Oise de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres après avoir réintégré son offre ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la procédure de passation du marché public de maîtrise d'œuvre n° 2023911001, passée pour la construction d'un collège 700 à Argenteuil et initiée par le Conseil départemental du Val-d'Oise ;

3°) de mettre à la charge du département du Val-d'Oise la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et condamner le département aux entiers dépens.

La société soutient que le département du Val-d'Oise a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence :

- en qualifiant à tort son offre d'inacceptable dès lors que la seule circonstance qu'une offre soit supérieure au montant du marché estimé par l'acheteur ne suffit pas à la qualifier d'inacceptable, le département ne démontre pas que son offre dépassait le montant des crédits budgétaires alloués au marché, il a mal estimé son besoin et il ne respecte pas les dispositions de l'article 5-1 de la loi de 1977 sur l'architecture ;

- en soutenant que son offre est irrégulière, alors que l'exigence fixée à l'article 1.3 du règlement du concours est manifestement inutile et que son offre comportait l'ensemble des éléments demandés dans les documents de la consultation et respectait la législation applicable ;

- en retenant une offre irrégulière qui dépasse le montant des travaux prévus dans le règlement du concours et en appréciant les offres différemment, ce qui constitue une rupture d'égalité entre les candidats ;

- en méconnaissant son obligation de concurrence dès lors qu'une seule offre a été considérée recevable ;

- en entachant d'irrégularité la procédure dès lors, d'une part, que le budget des travaux a été mal estimé et que les candidats ont pu ventiler leur offre financière finale entre leur offre principale et le surcoût lié à l'application de la RE2020 et, d'autre part, que le critère prix ne permettait pas en conséquence de juger les offres de manière objective ;

- en méconnaissant l'obligation de clarté des documents de la consultation soumis aux candidats dès lors que le périmètre du coût prévisionnel des travaux ainsi que la définition sur livrables à rendre n'étaient pas suffisamment clairs ;

- en méconnaissant l'obligation de dématérialisation des procédures de passation des marchés publics en violation de l'article R. 2132-13 du code de la commande publique dès lors que la remise des pièces écrites et de la maquette a été prévue par voie non dématérialisée par dépôt auprès d'un commissaire de justice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2024, le département du Val-d'Oise, représenté par Me Labetoule, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'offre de la requérante a été rejetée comme irrecevable dès lors qu'elle ne respectait pas les exigences formulées dans le règlement du concours et non en raison de son caractère inacceptable, les moyens contestant ce dernier motif sont inopérants ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal, a désigné M. Ouillon, vice-président, en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les requêtes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 de ce même code.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 13 juin 2024 à 9 heures 30, tenue en présence de Mme El Moctar, greffière d'audience :

- le rapport de M. Ouillon, juge des référés,

- les observations de Me Gibert, représentant la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens qu'il expose à l'oral et soutient, en outre que, son offre n'est pas inacceptable, qu'elle n'est pas irrégulière dès lors que le critère lié au montant des travaux n'est pas utile puisque les stipulations du cahier des clauses administratives particulières prévoient un seuil de tolérance, que l'offre retenue par le département est irrégulière pour dépasser le montant estimatif des travaux fixés dans le règlement du concours, comme il ressort du rapport du jury du concours, que le critère du prix ne prenait pas en compte l'ensemble des travaux, que le département n'a admis la recevabilité que d'une seule offre caractérisant un défaut de concurrence, que si le manquement à l'obligation de dématérialisation des procédures de passation des marchés publics n'a pas lésé ses intérêts, la jurisprudence européenne entend sanctionner de tels manquements,

- et les observations de Me Costes substituant Me Labetoule, représentant le département du Val-d'Oise qui conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense et précise que l'offre de la société requérante a été rejetée non comme inappropriée mais comme irrecevable dès lors que son offre dépassait le coût du projet mentionné dans le règlement du concours qui était impératif, que le taux de tolérance n'est pas prévu dans le règlement du concours mais dans le cahier des clauses administratives particulières et n'a pas vocation à s'appliquer lors de la phase de concours, que la requérante ne démontre pas que le budget prévisionnel des travaux n'était pas réaliste, qu'il n'y a pas méconnaissance de la loi de 1977 sur l'architecture dès lors qu'il appartient au maitre d'œuvre de répondre aux exigences du maitre d'ouvrage, qu'il n'y a pas de rupture d'égalité dès lors que tous les candidats ont bénéficié des mêmes informations et ont rempli les mêmes documents, que l'offre retenue n'est pas irrégulière dès lors qu'elle est inférieure au coût prévisionnel des travaux prévu dans le règlement du concours, que la concurrence n'est pas insuffisante dès lors que quatre candidats ont été admis à concourir et qu'il n'était pas tenu de déclarer infructueuse la procédure alors même qu'une seule offre a été déclarée recevable.

A l'issue de l'audience, la clôture d'instruction a été différée au 17 juin 2024 à 10 heures.

Un mémoire, enregistré le 17 juin 2024 à 9h14, a été présenté pour le département du Val-d'Oise, qui persiste dans ses conclusions et rappelle ses observations formulées au cours de l'audience publique.

Un mémoire, enregistré le 17 juin 2024 à 17h44, a été présenté pour la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés et n'a pas été communiqué.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence, publié notamment au bulletin officiel des annonces des marchés publics, le 24 février 2023, le département du Val-d'Oise a lancé une procédure de concours restreint de maîtrise d'œuvre portant sur la construction d'un collège 700 à Argenteuil. Suite à la réunion du jury de concours du 8 juin 2023, le département a retenu les candidatures de quatre équipes de conception, parmi lesquelles la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés, qui ont été admises à remettre une offre. Par une lettre du 23 mai 2024, le département du Val-d'Oise a informé la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés du rejet de son offre qui ne respectait pas les exigences formulées dans les documents de la consultation puisqu'elle dépassait le coût prévisionnel des travaux. Par ce courrier, cette société était informée que le groupement représenté par la société Tank Architectes était le lauréat du concours et que le marché négocié lui avait été attribué par délibération du conseil départemental du 26 avril 2024. La société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés demande au juge des référés, à titre principal, d'annuler la décision du 23 mai 2024 du département du Val-d'Oise du rejet de son offre et d'enjoindre au département de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres en réintégrant la sienne, et, à titre subsidiaire, d'annuler la procédure de passation du marché.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 de ce code : " I. - Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations () ". Aux termes de l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat () et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué (). ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

En ce qui concerne l'irrégularité de l'offre de la société requérante :

4. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes de l'article L. 2152-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ". Et aux termes de l'article L. 2152-3 du même code : " Une offre inacceptable est une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché, déterminés et établis avant le lancement de la procédure ". Il résulte de ces dispositions que l'acheteur doit éliminer les offres qui ne respectent pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, sauf, le cas échéant, s'il a autorisé leur régularisation. Un candidat dont la candidature ou l'offre est irrégulière n'est pas susceptible d'être lésé par les manquements qu'il invoque sauf si cette irrégularité est le résultat du manquement qu'il dénonce.

5. Aux termes de l'article 2 du chapitre I du règlement du concours : " Les critères de jugement des prestations des concurrents énoncés dans l'avis d'appel public à la concurrence sont les suivants : / - Respect du programme (PTC 2023) / - Conformité aux réglementations applicables / - Qualité d'usage du bâtiment et des espaces extérieurs / - Qualité architecturale / - Démarche de design et de conception proposée / - Coût des ouvrages et coût d'exploitation / - Qualité environnementale du projet ". L'article 4.5 du même chapitre dispose que " Pour préparer le jury d'évaluation des projets, la commission technique vérifie le contenu des prestations demandées, examine leur conformité au règlement du concours et procède à une analyse factuelle des projets en vue de leur présentation au jury. ". L'article 1.3 du chapitre I du règlement du concours prévoit que " Sous peine d'irrecevabilité du projet, le montant du coût prévisionnel des travaux ne devra pas dépasser 16 000 000 € TTC (valeur mai 2022) pour la construction du collège ". Le département du Val-d'Oise a précisé aux candidats en cours de procédure que le coût des travaux mentionné dans le règlement du concours ne prenait pas en compte le coût des travaux de fondations spéciales et de dépollution éventuelle ni le coût de travaux liés au respect la nouvelle réglementation énergétique et environnementale dite RE 2020. Les montants liés à ces travaux devaient faire l'objet d'un poste individualisé au sein du projet remis par les candidats. Enfin, l'article 2 du chapitre III prévoit que " La remise des prestations par les concurrents implique leur acceptation des clauses du règlement du concours. / Les divers manquements aux règles du concours sont soumis par l'organisateur au jury qui décide de l'exclusion éventuelle des concurrents, pour des motifs liés au non-respect partiel ou total des dispositions et règles du concours. / En remettant leurs prestations, les concurrents se soumettent aux décisions du jury et de l'Assemblée départementale, seuls compétents dans l'application des règles du concours ".

6. La société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés a remis un projet dans lequel elle estimait le montant du coût prévisionnel des travaux pour la construction du collège à 16 143 000 euros toutes taxes comprises hors coûts des travaux de fondations spéciales, de dépollution et ceux liés au respect de la réglementation dite RE 2020. Il résulte de l'instruction que le département du Val-d'Oise n'a pas exclu du classement le projet de la société requérante comme inacceptable au sens de l'article L. 2152-3 du code de la commande publique, mais, comme il ressort des courriers de la collectivité des 23 mai 2024 et 3 juin 2024, au motif qu'il ne respectait pas les dispositions du règlement du concours, le montant du coût prévisionnel des travaux étant supérieur à celui fixé dans le règlement à 16 000 000 euros toutes taxes comprises. Il ressort des mentions de l'article 1.3 du chapitre I du règlement du concours que le montant du coût prévisionnel des travaux ainsi fixé et qui ne devait pas être dépassé, présentait un caractère impératif. Ce même article prévoyait qu'un projet supérieur à ce montant était considéré comme irrecevable. Ainsi, dès lors que son projet ne respectait pas une disposition impérative du règlement du concours, et a été exclu du classement pour ce motif, la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés ne peut utilement se prévaloir de ce que le département ne démontre pas que le coût prévisionnel des travaux retenu dans son projet, dépassait les crédits budgétaires alloués au marché. La société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés n'est pas fondée à soutenir que ce montant du coût prévisionnel des travaux prévu dans le règlement du concours, qui ne devait pas être dépassé, était dépourvu de toute utilité, dès lors que cette exigence permet à la collectivité de maîtriser le coût pour elle de la construction de l'ouvrage public. La seule circonstance que l'article 5.3 du cahier des clauses administratives particulières prévoit un seuil de tolérance égal au coût prévisionnel des travaux majoré du produit de ce coût par un taux de tolérance de 4%, applicable lors de la conclusion ultérieure des contrats pour la réalisation des travaux, ne rend pas inutile la fixation, dans le règlement du concours par la collectivité, d'un montant maximum du coût de ces travaux. Il appartenait aux candidats de se conformer aux dispositions impératives du règlement du concours sans tenir compte de ce seuil de tolérance. Par ailleurs, la circonstance que le département ait prévu dans le règlement du concours un coût prévisionnel maximum des travaux ne méconnaît pas non plus les dispositions de l'article 5-1 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture et ne limite pas la création, la qualité et l'innovation architecturales, les architectes devant prendre en compte le besoin exprimé par la collectivité notamment sur le plan financier.

7. Pour contester l'exclusion du classement de son projet, la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés soutient également que le département a réalisé une mauvaise estimation du budget de l'ouvrage public, objet du projet. Toutefois, le département fait valoir en défense que ce coût des travaux de 16 000 000 euros toutes taxes comprises, a été déterminé par référence aux coûts des dernières opérations de construction de collèges qu'il a réalisées et la seule circonstance qu'un candidat pendant le concours aurait estimé que " les dernières opérations de collège auditées pour comparaison sortent entre 20 à 50 % de plus que le budget prévu pour l'opération " en cause, ne suffit pas à établir que le coût prévisionnel des travaux n'était pas cohérent avec le programme de construction de l'ouvrage. Il n'est pas établi ainsi que le département aurait entaché d'une erreur manifeste la définition de son besoin. Par ailleurs, la société requérante se prévaut de ce que le coût fixé dans le règlement du concours ne comprenait pas, comme l'avait indiqué le département, le coût des fondations spéciales et de dépollution éventuelle ni le coût de travaux liés au respect la réglementation dite RE 2020, le département précisant que l'entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation est intervenue au moment du lancement de la procédure de concours et que le coût des travaux prenant en compte le respect de cette réglementation n'a pu être intégré dans le budget prévisionnel de l'ouvrage à construire. Toutefois, la société requérante était suffisamment informée du périmètre du coût prévisionnel des travaux mentionné à l'article 1.3 du chapitre I du règlement du concours. Elle a pu faire, par ailleurs, apparaître dans le document dénommé " Données relatives au coût prévisionnel des travaux ", produit à l'appui de son projet de manière individualisé comme il lui était demandé, le coût des travaux de fondations spéciales et de dépollution et celui lié au respect la réglementation dite RE 2020, sans que le coût de ces derniers travaux ne soient pris en compte pour apprécier le respect du coût maximum des travaux, mentionné dans le règlement du concours. La société requérante n'établit pas que les candidats pouvaient librement ventiler le coût prévisionnel de l'ouvrage entre le coût des travaux hors impact de l'application de la réglementation dite RE 2020 et le coût lié au respect de cette réglementation ceci à seule fin de respecter le montant maximum du coût des travaux fixés dans le règlement du concours. Il ressort de ce règlement que les candidats devaient justifier du coût de l'ensemble des travaux de leur projet, y compris le coût des travaux hors impact de l'application de la réglementation dite RE 2020, en produisant le cadre d'analyse du coût de ces travaux ainsi que la décomposition par corps d'état des travaux. Aussi, la société requérante n'a pas été désavantagée sur ce point par rapport aux autres candidats.

8. Dans ces conditions, le projet de la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés, qui ne répondait pas aux conditions imposées aux candidats par le règlement du concours en ce qu'il dépassait le coût prévisionnel des travaux, et quelle que soit l'importance de ce dépassement, devait être exclu du classement. Par suite, les manquements tirés de l'absence de clarté du règlement du concours s'agissant de la définition des livrables et de l'irrégularité du critère du prix pour le classement des projets, invoqués par la société requérante, doivent être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne l'irrégularité du projet de l'attributaire du marché :

9. La circonstance que l'offre du concurrent évincé, auteur du référé précontractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire du contrat en litige.

10. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le montant des travaux prévu dans le projet présenté par le groupement représenté par la société Tank Architectes, lauréat du concours et attributaire du marché, qui était de 15 994 800 euros toutes taxes comprises, ne dépassait pas le montant maximum des travaux prévu par le règlement du concours, fixé par le département à 16 000 000 euros toutes taxes comprises. Ainsi, le projet de ce lauréat respectait les conditions mentionnées dans le règlement du concours s'agissant du montant maximum du coût des travaux et n'était pas irrégulier pour ce motif. La société requérante n'apporte pas d'éléments précis permettant d'établir que le montant du coût des travaux, hors fondations spéciales, dépollution et respect de la norme RE 2020, mentionné dans le projet du lauréat aurait été sous-évalué. La circonstance que des membres du jury du concours, au cours de la sélection du projet, se soient interrogés sur la différence entre le montant du coût des travaux prévu dans le projet du lauréat et l'évaluation de l'économiste, supérieure à celle du lauréat, mais dont le montant n'est pas mentionné dans les pièces du dossier, ne suffit pas à remettre en cause l'évaluation faite par le lauréat. De même, la circonstance qu'un membre du jury aurait indiqué que " le marché sera signé avec le chiffrage du candidat incluant des taux de tolérance " ne suffit pas à démontrer que le montant du coût prévisionnel des travaux mentionné dans le projet du groupement représenté par la société Tank Architectes dépassait effectivement le maximum fixé dans le règlement du concours, contrairement à ce qui était indiqué dans ce projet, ni que le jury aurait pris en compte pour apprécier sa recevabilité, le montant du coût des travaux de ce projet en y appliquant un seuil de tolérance. Ainsi, la société requérante n'établit pas l'irrégularité du projet de l'attributaire du marché ni l'existence d'une rupture d'égalité entre les candidats.

En ce qui concerne l'insuffisance de concurrence :

11. Il résulte de l'instruction, comme le rappelle le département en défense, qu'après publication d'un avis d'appel public à la concurrence, pour procédure de concours restreint de maîtrise d'œuvre, les candidatures de quatre équipes de conception ont été retenues pour présenter un projet parmi une centaine de candidats. Un premier candidat n'a pas entendu poursuivre le concours et deux autres candidats, dont la société requérante, ont vu leur projet non classé en raison du non-respect du règlement du concours. Un seul candidat, le groupement représenté par la société Tank Architectes, a vu son projet examiné par le jury et a été désigné lauréat du concours et retenu comme attributaire du marché. Si l'insuffisance de la concurrence peut constituer un motif d'intérêt général qui aurait pu conduire le département à renoncer à poursuivre la procédure de concours, il n'était pas tenu d'y renoncer dès lors que le projet du groupement lauréat était régulier, comme indiqué précédemment, et répondait aux critères énumérés dans le règlement du concours. La société requérante ne se prévaut d'aucune circonstance permettant d'établir que le département aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne renonçant pas au concours et à la conclusion du marché.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'obligation du recours à une plateforme sécurisée :

12. Aux termes de l'article L. 2132-2 du code de la commande publique : " Les communications et les échanges d'informations effectués dans le cadre de la procédure de passation d'un marché sont réalisés par voie électronique, selon des modalités et sous réserve des exceptions prévues par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article R. 2132-2 du même code : " () / Pour les marchés qui répondent à un besoin dont la valeur estimée est égale ou supérieure à 40 000 euros hors taxes et dont la procédure donne lieu à la publication d'un avis d'appel à la concurrence, cette mise à disposition s'effectue sur un profil d'acheteur à compter de la publication de l'avis d'appel à la concurrence () ". Aux termes de l'article R. 2132-12 du même code : " L'acheteur n'est pas tenu d'utiliser des moyens de communication électronique dans les cas suivants : / () 6° Lorsque les documents de la consultation exigent la présentation de maquettes, de modèles réduits, de prototypes ou d'échantillons qui ne peuvent être transmis par voie électronique ; () ". Enfin, le dernier alinéa de l'article R. 2132-13 du code mentionné ci-dessus dispose : " Pour chaque étape de la procédure, les candidats et soumissionnaires appliquent le même mode de transmission à l'ensemble des documents qu'ils transmettent à l'acheteur. ".

13. L'article 4.3 du chapitre I du règlement du concours prévoit que " () Les concurrents remplissent l'ensemble des pièces administratives du marché et les mettent sous enveloppe cachetée portant la mention " projet de marché ". / Le projet de marché est remis avec le reste des prestations à l'huissier indiqué ci-dessous. / () Les projets comprenant des documents ne pouvant être transmis par voie dématérialisée (article R. 2132-12 du Code de la commande publique), la totalité des documents demandés ci-dessous, dans le cadre du présent concours, devra OBLIGATOIREMENT être transmis par voie matérialisée en respectant les principes de l'anonymat énoncés ci-dessous. / En tout état de cause, toute remise dématérialisée de tout ou partie du projet par les concurrents, via le Profil Acheteur Maximilien, ne sera pas prise en compte. Le pli ne sera pas soumis au jury, et l'offre sera déclarée irrégulière ".

14. Il n'est pas contesté que le règlement du concours prescrivait la présentation d'une maquette, qui ne pouvait être transmise par voie électronique. Par suite, l'ensemble des pièces requises par le règlement de concours devait, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article R. 2132-13 du code de la commande publique, être transmis selon les mêmes modalités que la maquette. Le département n'a donc pas méconnu les dispositions citées au point 12 dans le cadre du règlement du concours. En tout état de cause, la société requérante ne conteste pas avoir respecté les prescriptions du règlement du concours et a déposé l'ensemble des documents constituant son projet auprès de l'étude d'huissier dans les délais requis et ne se prévaut donc sur point d'aucun intérêt lésé.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le département du Val-d'Oise aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence dans la désignation de l'attributaire du marché en cause. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative à fin d'annulation et d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

17. Les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Val-d'Oise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés la somme que demande le département du Val-d'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Val-d'Oise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Atelier d'architecture Brenac-Gonzalez et Associés, au département du Val-d'Oise, à la société BEGC, à la société Venathec, à la société Antea France, à la société Empeering, à la société ECB, à la société Energelio, à la société HDM Ingenierie SAS, à la société Vraiment vraiment et à M. B A.

Fait, à Cergy, le 20 juin 2024.

Le juge des référés

Signé

S. Ouillon

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.