TA de Bastia, 02 octobre 2023, n°2301101

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 28 septembre 2023, la SARL Autocars Nadizi, représentée par Me Felli et par Me Secchi, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre avant dire droit à la collectivité de Corse de communiquer dans un délai de 15 jours, d'une part, le prix de l'offre de la moins-disante du lot 12 et, d'autre part, la preuve qu'elle a sollicité, sur le fondement de l'article L. 2152-6 du code de la commande publique, les justifications de nature à expliquer le prix proposé par la SAS Transport Phoenix, ainsi que les précisions et justifications apportées par ladite société ;

2°) d'annuler la décision du 30 août 2023 par laquelle la collectivité de Corse a écarté son offre pour le lot n° TSA012 - LY231 - LY232 et lui a annoncé que la société Transport Phoenix était l'attributaire de ce lot ;

3°) d'annuler la procédure de passation du marché public relative au lot n° TSA012 - LY231 - LY232 ou, à tout le moins, de la reprendre au stade de l'analyse des offres ;

4°) de mettre à la charge de la collectivité de Corse la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- c'est à tort que la collectivité de Corse a écarté son offre comme inacceptable ;

- le règlement de consultation est irrégulier en tant qu'il favorise les entreprises nouvelles ;

- l'offre de la société Transport Phoenix est anormalement basse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, la collectivité de Corse, représentée par Me Lelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la SARL Autocars Nadizi sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La collectivité soutient que :

- elle a mis en œuvre la procédure d'interrogation prévue à l'article L. 2152-6 du code de la commande publique ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés et inopérants dès lors que la société requérante ne justifie pas avoir été lésée par les manquements qu'elle invoque.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2023, la SAS Transport Phoenix, représentée par Me Ganaye Vallette, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Autocars Nadizi sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que :

- le moyen tiré du fait que son offre serait anormalement basse n'est pas fondé ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés et inopérants dès lors que la société requérante ne justifie pas avoir été lésée par les manquements qu'elle invoque.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

En application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, le président du tribunal a désigné M. Pierre Monnier, vice-président, pour statuer sur les requêtes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du même code.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique du 29 septembre 2023 à 10 heures, tenue en présence de M. Baptiste Lelièvre, greffier :

- le rapport de M. Pierre Monnier, juge des référés ;

- et les observations de Me Secchi, avocat de la SARL Autocars Nadizi, celles de Me Lelièvre, avocate de la collectivité de Corse, ainsi que celles de Me Ganaye Vallette, avocate de la SAS Transport Phoenix.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié au BOAMP le 9 avril 2023 et au JOUE le 11 avril 2023, la collectivité de Corse a engagé une procédure d'appel d'offre ouvert, soumise aux dispositions des articles L. 2124-2, R. 2124-2 1° et R. 2161-2 à R. 2161-5 du code des marchés publics, en vue de la passation d'un marché de prestations de services, divisé en 94 lots, ayant pour objet le transport scolaire en Corse-du-Sud. La SARL Autocars Nadizi a déposé une offre pour le lot n° TSA012 - LY231 - LY232 correspondant à l'itinéraire Cauro / Ajaccio - Résidence Prunelli / Cauro. Par une lettre en date du 30 août 2023, la collectivité de Corse l'a informée que son offre avait été écartée comme inacceptable et que le lot était attribué à la SAS Transport Phoenix. Par la présente requête, la SARL Autocars Nadizi demande au juge du référé précontractuel, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la décision du 30 août 2023.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". L'article L. 551-2 du même code dispose que : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

En ce qui concerne le caractère inacceptable de l'offre :

4. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres () inacceptables () " et aux termes de l'article L. 2152-3 du même code : " Une offre inacceptable est une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché, déterminés et établis avant le lancement de la procédure ".

5. L'offre de la SARL Autocars Nadizi a été rejetée sans être analysée, au motif qu'elle était inacceptable, son montant étant supérieur à celui des crédits budgétaires alloués avant le lancement de la consultation.

6. Il résulte de l'instruction que par l'article 9 de la délibération n° 23/023 AC en date du 9 mars 2023 portant approbation du budget primitif de la collectivité de Corse pour l'exercice 2023, l'Assemblée de Corse a approuvé le programme des transports scolaires les services de la collectivité de Corse pour un montant de 25 163 000 euros HT. Par l'arrêté n° 23/193 CE du 11 avril 2023, dont le rapport de présentation précisait que l'ensemble des circuits ferait l'objet pour le département de la Corse-du-Sud de 94 marchés pour un montant total de 10 461 265,35 euros HT, le président du Conseil exécutif de Corse a réparti cette somme entre les 94 lots de transports scolaires pour l'année scolaire 2023-2024, dont le lot en litige pour une somme de 133 996,38 euros, laquelle était déjà déterminée le 30 mars 2023. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction que la somme ainsi allouée au lot n° 12 était anormalement basse. Sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint avant dire droit à la collectivité de Corse de communiquer le prix de l'offre de la moins-disante du lot n° 12 ne saurait être accueillie dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'il n'y avait que deux offres et que l'offre de la SAS Transport Phoenix, d'un montant de 96 285 euros est donc nécessairement la moins-disante.

7. Il résulte de l'instruction que l'offre de la SARL Autocars Nadizi, d'un montant annuel de 150 584 euros HT excédait de plus de 12 % les crédits budgétaires alloués. La SARL Autocars Nadizi n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que la collectivité de Corse a écarté son offre comme inacceptable au sens des dispositions précitées de l'article L. 2152-3 du code de la commande publique.

En ce qui concerne le caractère anormalement bas de l'offre retenue :

8. Aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". Aux termes de son article L. 2152-6 : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsque une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. / Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État ".

9. Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre. Toutefois, pour estimer que l'offre de l'attributaire est anormalement basse, le pouvoir adjudicateur ne peut se fonder sur le seul écart de prix avec l'offre concurrente, sans rechercher si le prix en cause est lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché. Enfin, si le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait dû rejeter une offre anormalement basse est utilement invocable dans le cadre du référé précontractuel, le juge du référé précontractuel exerce sur un tel refus un contrôle limité à l'erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de l'instruction qu'après avoir constaté que le montant de l'offre proposé par la SAS Transport Phoenix était inférieur de plus de 20 % au montant de son estimation, la collectivité de Corse a informé le 14 juin 2023 cette société que sa proposition financière était suspectée d'être anormalement basse et lui a demandé sur le fondement des dispositions de l'article L. 2152-6 citées au point 8, de lui fournir des précisions et justifications sur le montant de son offre. Après avoir examiné les explications données, notamment le coût de roulage plus faible de 40 % du véhicule électrique de cette société par rapport à un véhicule thermique ainsi que le faible pourcentage des frais de structure, la collectivité de Corse a estimé que l'offre de la SAS Transport Phoenix n'était pas anormalement basse. En se bornant à se prévaloir de ce que la société Transport Phoenix offre un prix de 96 285 euros, tandis que le sien est de 150 584,35 euros, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation à l'issue de laquelle la collectivité de Corse n'a pas considéré l'offre de prix de la société attributaire comme anormalement basse serait entachée d'erreur manifeste. Le moyen susvisé doit donc être écarté sans qu'il soit besoin d'enjoindre avant dire droit à la collectivité de Corse de prouver qu'elle a sollicité, sur le fondement de l'article L. 2152-6 du code de la commande publique, les justifications de nature à expliquer le prix proposé par la SAS Transport Phoenix, ainsi que les précisions et justifications apportées par ladite société.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité du règlement de consultation :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. Les modalités d'application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire. Les offres sont appréciées lot par lot () ". Aux termes de l'article R. 2152-7 du même code : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : 1° Soit sur un critère unique qui peut être : a) Le prix, à condition que le marché ait pour seul objet l'achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d'un opérateur économique à l'autre ; b) Le coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie défini à l'article R. 2152-9 ; 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants: a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; b) Les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. Les critères d'attribution retenus doivent pouvoir être appliqués tant aux variantes qu'aux offres de base ".

12. S'il appartient au juge des référés précontractuels de relever un manquement aux obligations de mise en concurrence résultant de la définition par le pouvoir adjudicateur d'un système d'évaluation des offres susceptibles de conduire au choix de celle qui n'est pas économiquement la plus avantageuse, un tel manquement ne peut résulter que d'une erreur manifeste du pouvoir adjudicateur dans le choix des critères et de leurs modalités de mise en œuvre, eu égard aux diverses possibilités dont il dispose en la matière.

13. Le règlement de consultation du marché prévoit que, pour apprécier l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde, d'une part, sur le critère du prix des prestations, pondéré sur 60, d'autre part, sur le critère de la valeur technique des prestations, noté sur 40, et comportant un premier sous-critère relatif à l'organisation de la continuité du service en cas d'aléa d'exploitation (panne de véhicules, indisponibilité du chauffeur), noté sur 25 points, un deuxième sous-critère relatif à la formation des conducteurs déclarés titulaires, noté sur 15, un troisième sous-critère relatif aux engagements contractuels pris par le candidat en matière de minimalisation du taux de kilomètres à vide sur les services scolaires au premier jour d'exécution du marché et un quatrième critère relatif à l'âge moyen des véhicules.

14. D'une part, la circonstance que la collectivité de Corse aurait modifié ses sous-critères de sélection de la valeur technique depuis la procédure d'appel d'offre lancée en 2019 ne saurait justifier une erreur manifeste d'appréciation dans le choix des critères ou leur pondération nonobstant la circonstance que ces modifications auraient eu pour effet d'avantager les sociétés bénéficiant de véhicules neufs. De même, la circonstance qu'un candidat ait pu être sélectionné en ayant la note de 0/20 au titre du sous critère " formation des conducteurs déclarés titulaires ", dont la notation se divisait en deux sous critère : " pourcentage des conducteurs titulaires formés à l'éco-conduite " et " pourcentage des conducteurs titulaires formés au transport d'enfant et accueil de jeunes publics " ne suffit pas entacher le règlement de consultation d'irrégularité. Enfin, il ne résulte pas davantage de l'instruction que la collectivité de Corse aurait entaché d'erreur manifeste d'appréciation son choix de ne pas recourir à des sous-critères relatifs à la maintenance du parc automobile ou tendant aux références professionnelles.

15. D'autre part, lorsque le pouvoir adjudicateur prévoit, pour fixer un critère ou un sous-critère d'attribution du marché, que la valeur des offres sera examinée au regard du respect d'une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d'exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats.

16. Toutefois, en l'espèce, s'il ressort des documents de la consultation que le sous-critère de la valeur technique relatif à l'organisation de la continuité du service en cas d'aléa d'exploitation serait évalué à l'aune de cinq sous critères liés, en premier lieu, au délai maximum de résolution complet du problème en cas de panne de véhicule ou dépôt au service ; en deuxième lieu, au délai maximum de résolution complet du problème en cas de panne du véhicule près du domicile du conducteur au début de service, en troisième lieu, au délai maximum de résolution complet du problème en cas de conducteur absent au début du service au dépôt ; en quatrième lieu, au délai maximum de résolution complet du problème en cas de conducteur malade au début du service si le véhicule est près du domicile du conducteur ; et, en cinquième et dernier lieu, à l'organisation spécifique mise en place pour être immédiatement informé des caractéristiques de l'incident et pour pouvoir immédiatement résoudre le problème, ces engagements contractuels ne relèvent pas de caractéristiques techniques déterminées dont la collectivité de Corse auraient été à même, avant la signature du contrat, de vérifier l'exactitude par la production de justificatifs.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 3 du Code de la commande publique : " Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ". () ". Aux termes de son article L. 2142-1 : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. ". Aux termes de son article R. 2142-13 : " L'acheteur peut imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié. A cette fin, dans les marchés de services ou de travaux et les marchés de fournitures nécessitant des travaux de pose ou d'installation ou comprenant des prestations de service, l'acheteur peut imposer aux candidats qu'ils indiquent les noms et les qualifications professionnelles pertinentes des personnes physiques qui seront chargées de l'exécution du marché en question ". Aux termes de son article R. 2142-14 : " L'acheteur peut exiger que les opérateurs économiques disposent d'un niveau d'expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. Toutefois, l'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier, à elle seule, l'élimination d'un candidat. ". Aux termes de son article R. 2144-1 : " L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, y compris en ce qui concerne les opérateurs économiques sur les capacités desquels le candidat s'appuie. Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles R. 2144-3 à R. 2144-5 " Enfin, l'article R. 2144-3 du même code dispose : " La vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché ".

18. Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur ne peut légalement sélectionner l'offre d'un candidat qui n'a pas justifié de ses capacités avant l'attribution du marché.

19. Il résulte de l'article 5.1 du règlement de consultation que les candidats devaient produire : " La licence communautaire ou licence de transport intérieur pour les circuits nécessitant un véhicule de 9 places maxi " et que " Les candidats qui ne pourraient pas justifier de leur délivrance et dont l'offre aurait été retenue, devront prouver avoir engagé des mesures en vue de leur obtention au plus tard à la date de la notification du contrat ". A supposer même que ces dispositions puissent être interprétées comme acceptant que les candidats puissent justifier des licences requises après l'attribution du marché, il résulte de l'instruction que la société Transport Phoenix disposait avant même le lancement de la consultation de licences de transport intérieur ou de licences communautaires en nombre suffisant, qui était du reste supérieur à celui de la société requérante. Par suite, cette dernière n'a pas été lésée par ce manquement.

20. Il résulte de ce qui précède que la SARL Autocars Nadizi n'est fondée à demander l'annulation ni de la décision du 30 août 2023, ni de la procédure de passation du lot n° 12.

Sur les frais liés à l'instance :

21. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité de Corse, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SARL Autocars Nadizi au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Autocars Nadizi, au profit de la collectivité de Corse et de la SAS Transport Phoenix, le versement de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la SARL Autocars Nadizi est rejetée.

Article 2 : La SARL Autocars Nadizi versera à la collectivité de Corse la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SARL Autocars Nadizi versera à la SAS Transport Phoenix la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SAS Transport Phoenix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Autocars Nadizi, à la SAS Transport Phoenix et à la collectivité de Corse.

Fait à Bastia, le 2 octobre 2023.

Le juge des référés,

Signé

P. MONNIER

La République mande et ordonne au préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

Le greffier,

H. MANNONI


REPUBLIQUE FRANCAISE 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS 


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 28 septembre 2023, la SARL Autocars Nadizi, représentée par Me Felli et par Me Secchi, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre avant dire droit à la collectivité de Corse de communiquer dans un délai de 15 jours, d'une part, le prix de l'offre de la moins-disante du lot n°  12 et, d'autre part, la preuve qu'elle a sollicité, sur le fondement de l'article L. 2152-6 du code de la commande publique, les justifications de nature à expliquer le prix proposé par la SAS Transport Phoenix, ainsi que les précisions et justifications apportées par ladite société ;

2°) d'annuler la décision du 30 août 2023 par laquelle la collectivité de Corse a écarté son offre pour le lot n°  TSA012 - LY231 - LY232 et lui a annoncé que la société Transport Phoenix était l'attributaire de ce lot ;

3°) d'annuler la procédure de passation du marché public  relative au lot n°  TSA012 - LY231 - LY232 ou, à tout le moins, de la reprendre au stade de l'analyse des offres ;

4°) de mettre à la charge de la collectivité de Corse la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- c'est à tort que la collectivité de Corse a écarté son offre comme inacceptable ;

- le règlement de consultation est irrégulier en tant qu'il favorise les entreprises nouvelles ;

- l'offre de la société Transport Phoenix est anormalement basse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, la collectivité de Corse, représentée par Me Lelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la SARL Autocars Nadizi sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La collectivité soutient que :

- elle a mis en œuvre la procédure d'interrogation prévue à l'article L. 2152-6 du code de la commande publique  ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés et inopérants dès lors que la société requérante ne justifie pas avoir été lésée par les manquements qu'elle invoque.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2023, la SAS Transport Phoenix, représentée par Me Ganaye Vallette, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Autocars Nadizi sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que :

- le moyen tiré du fait que son offre serait anormalement basse n'est pas fondé ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés et inopérants dès lors que la société requérante ne justifie pas avoir été lésée par les manquements qu'elle invoque.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique  ;

- le code de justice administrative.

En application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, le président du tribunal a désigné M. Pierre Monnier, vice-président, pour statuer sur les requêtes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du même code.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique du 29 septembre 2023 à 10 heures, tenue en présence de M. Baptiste Lelièvre, greffier :

- le rapport de M. Pierre Monnier, juge des référés ;

- et les observations de Me Secchi, avocat de la SARL Autocars Nadizi, celles de Me Lelièvre, avocate de la collectivité de Corse, ainsi que celles de Me Ganaye Vallette, avocate de la SAS Transport Phoenix.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit : 

1. Par un avis d'appel public  à la concurrence publié au BOAMP le 9 avril 2023 et au JOUE le 11 avril 2023, la collectivité de Corse a engagé une procédure d'appel d'offre ouvert, soumise aux dispositions des articles L. 2124-2, R. 2124-2 1° et R. 2161-2 à R. 2161-5 du code des marchés publics, en vue de la passation d'un marché de prestations de services, divisé en 94 lots, ayant pour objet le transport scolaire en Corse-du-Sud. La SARL Autocars Nadizi a déposé une offre pour le lot n°  TSA012 - LY231 - LY232 correspondant à l'itinéraire Cauro / Ajaccio - Résidence Prunelli / Cauro. Par une lettre en date du 30 août 2023, la collectivité de Corse l'a informée que son offre avait été écartée comme inacceptable et que le lot était attribué à la SAS Transport Phoenix. Par la présente requête, la SARL Autocars Nadizi demande au juge du référé précontractuel, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la décision du 30 août 2023.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". L'article L. 551-2 du même code dispose que : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent. 

En ce qui concerne le caractère inacceptable de l'offre :

4. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique  : " L'acheteur écarte les offres () inacceptables () " et aux termes de l'article L. 2152-3 du même code : " Une offre inacceptable est une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché, déterminés et établis avant le lancement de la procédure ".

5. L'offre de la SARL Autocars Nadizi a été rejetée sans être analysée, au motif qu'elle était inacceptable, son montant étant supérieur à celui des crédits budgétaires alloués avant le lancement de la consultation.

6. Il résulte de l'instruction que par l'article 9 de la délibération  n° 23/023 AC en date du 9 mars 2023 portant approbation du budget primitif de la collectivité de Corse pour l'exercice 2023, l'Assemblée de Corse a approuvé le programme des transports scolaires les services de la collectivité de Corse pour un montant de 25 163 000 euros HT. Par l'arrêté n° 23/193 CE du 11 avril 2023, dont le rapport de présentation précisait que l'ensemble des circuits ferait l'objet pour le département de la Corse-du-Sud de 94 marchés pour un montant total de 10 461 265,35 euros HT, le président du Conseil exécutif de Corse a réparti cette somme entre les 94 lots de transports scolaires pour l'année scolaire 2023-2024, dont le lot en litige pour une somme de 133 996,38 euros, laquelle était déjà déterminée le 30 mars 2023. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction que la somme ainsi allouée au lot n°  12 était anormalement basse. Sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint avant dire droit à la collectivité de Corse de communiquer le prix de l'offre de la moins-disante du lot n°  12 ne saurait être accueillie dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'il n'y avait que deux offres et que l'offre de la SAS Transport Phoenix, d'un montant de 96 285 euros est donc nécessairement la moins-disante.

7. Il résulte de l'instruction que l'offre de la SARL Autocars Nadizi, d'un montant annuel de 150 584 euros HT excédait de plus de 12 % les crédits budgétaires alloués. La SARL Autocars Nadizi n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que la collectivité de Corse a écarté son offre comme inacceptable au sens des dispositions précitées de l'article L. 2152-3 du code de la commande publique. 

En ce qui concerne le caractère anormalement bas de l'offre retenue :

8. Aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique  : " Une offre anormalement basse  est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". Aux termes de son article L. 2152-6 : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsque une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. / Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret  en Conseil d'État ".

9. Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse  porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre. Toutefois, pour estimer que l'offre de l'attributaire est anormalement basse, le pouvoir adjudicateur ne peut se fonder sur le seul écart de prix avec l'offre concurrente, sans rechercher si le prix en cause est lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché. Enfin, si le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait dû rejeter une offre anormalement basse  est utilement invocable dans le cadre du référé précontractuel, le juge du référé précontractuel exerce sur un tel refus un contrôle limité à l'erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de l'instruction qu'après avoir constaté que le montant de l'offre proposé par la SAS Transport Phoenix était inférieur de plus de 20 % au montant de son estimation, la collectivité de Corse a informé le 14 juin 2023 cette société que sa proposition financière était suspectée d'être anormalement basse et lui a demandé sur le fondement des dispositions de l'article L. 2152-6 citées au point 8, de lui fournir des précisions et justifications sur le montant de son offre. Après avoir examiné les explications données, notamment le coût de roulage plus faible de 40 % du véhicule électrique de cette société par rapport à un véhicule thermique ainsi que le faible pourcentage des frais de structure, la collectivité de Corse a estimé que l'offre de la SAS Transport Phoenix n'était pas anormalement basse. En se bornant à se prévaloir de ce que la société Transport Phoenix offre un prix de 96 285 euros, tandis que le sien est de 150 584,35 euros, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation à l'issue de laquelle la collectivité de Corse n'a pas considéré l'offre de prix de la société attributaire comme anormalement basse serait entachée d'erreur manifeste. Le moyen susvisé doit donc être écarté sans qu'il soit besoin d'enjoindre avant dire droit à la collectivité de Corse de prouver qu'elle a sollicité, sur le fondement de l'article L. 2152-6 du code de la commande publique, les justifications de nature à expliquer le prix proposé par la SAS Transport Phoenix, ainsi que les précisions et justifications apportées par ladite société.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité du règlement de consultation :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique  : " Le marché est attribué au soumissionnaire  ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. Les modalités d'application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire. Les offres sont appréciées lot par lot () ". Aux termes de l'article R. 2152-7 du même code : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire  ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : 1° Soit sur un critère unique qui peut être : a) Le prix, à condition que le marché ait pour seul objet l'achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d'un opérateur économique à l'autre ; b) Le coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie défini à l'article R. 2152-9 ; 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants: a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; b) Les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. Les critères d'attribution retenus doivent pouvoir être appliqués tant aux variantes qu'aux offres de base ".

12. S'il appartient au juge des référés précontractuels de relever un manquement aux obligations de mise en concurrence résultant de la définition par le pouvoir adjudicateur d'un système d'évaluation des offres susceptibles de conduire au choix de celle qui n'est pas économiquement la plus avantageuse, un tel manquement ne peut résulter que d'une erreur manifeste du pouvoir adjudicateur dans le choix des critères et de leurs modalités de mise en œuvre, eu égard aux diverses possibilités dont il dispose en la matière.

13. Le règlement de consultation du marché prévoit que, pour apprécier l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde, d'une part, sur le critère du prix des prestations, pondéré sur 60, d'autre part, sur le critère de la valeur technique des prestations, noté sur 40, et comportant un premier sous-critère relatif à l'organisation de la continuité du service en cas d'aléa d'exploitation (panne de véhicules, indisponibilité du chauffeur), noté sur 25 points, un deuxième sous-critère relatif à la formation des conducteurs déclarés titulaires, noté sur 15, un troisième sous-critère relatif aux engagements contractuels pris par le candidat en matière de minimalisation du taux de kilomètres à vide sur les services scolaires au premier jour d'exécution du marché et un quatrième critère relatif à l'âge moyen des véhicules.

14. D'une part, la circonstance que la collectivité de Corse aurait modifié ses sous-critères de sélection de la valeur technique depuis la procédure d'appel d'offre lancée en 2019 ne saurait justifier une erreur manifeste d'appréciation dans le choix des critères ou leur pondération nonobstant la circonstance que ces modifications auraient eu pour effet d'avantager les sociétés bénéficiant de véhicules neufs. De même, la circonstance qu'un candidat ait pu être sélectionné en ayant la note de 0/20 au titre du sous critère " formation des conducteurs déclarés titulaires ", dont la notation se divisait en deux sous critère : " pourcentage des conducteurs titulaires formés à l'éco-conduite " et " pourcentage des conducteurs titulaires formés au transport d'enfant et accueil de jeunes publics " ne suffit pas entacher le règlement de consultation d'irrégularité. Enfin, il ne résulte pas davantage de l'instruction que la collectivité de Corse aurait entaché d'erreur manifeste d'appréciation son choix de ne pas recourir à des sous-critères relatifs à la maintenance du parc automobile ou tendant aux références professionnelles.

15. D'autre part, lorsque le pouvoir adjudicateur prévoit, pour fixer un critère ou un sous-critère d'attribution du marché, que la valeur des offres sera examinée au regard du respect d'une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d'exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats.

16. Toutefois, en l'espèce, s'il ressort des documents de la consultation que le sous-critère de la valeur technique relatif à l'organisation de la continuité du service en cas d'aléa d'exploitation serait évalué à l'aune de cinq sous critères liés, en premier lieu, au délai maximum de résolution complet du problème en cas de panne de véhicule ou dépôt au service ; en deuxième lieu, au délai maximum de résolution complet du problème en cas de panne du véhicule près du domicile du conducteur au début de service, en troisième lieu, au délai maximum de résolution complet du problème en cas de conducteur absent au début du service au dépôt ; en quatrième lieu, au délai maximum de résolution complet du problème en cas de conducteur malade au début du service si le véhicule est près du domicile du conducteur ; et, en cinquième et dernier lieu, à l'organisation spécifique mise en place pour être immédiatement informé des caractéristiques de l'incident et pour pouvoir immédiatement résoudre le problème, ces engagements contractuels ne relèvent pas de caractéristiques techniques déterminées dont la collectivité de Corse auraient été à même, avant la signature du contrat, de vérifier l'exactitude par la production de justificatifs.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 3 du Code de la commande publique  : " Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique  et la bonne utilisation des deniers publics ". () ". Aux termes de son article L. 2142-1 : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. ". Aux termes de son article R. 2142-13 : " L'acheteur peut imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié. A cette fin, dans les marchés de services ou de travaux et les marchés de fournitures nécessitant des travaux de pose ou d'installation ou comprenant des prestations de service, l'acheteur peut imposer aux candidats qu'ils indiquent les noms et les qualifications professionnelles pertinentes des personnes physiques qui seront chargées de l'exécution du marché en question ". Aux termes de son article R. 2142-14 : " L'acheteur peut exiger que les opérateurs économiques disposent d'un niveau d'expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. Toutefois, l'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier, à elle seule, l'élimination d'un candidat. ". Aux termes de son article R. 2144-1 : " L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, y compris en ce qui concerne les opérateurs économiques sur les capacités desquels le candidat s'appuie. Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles R. 2144-3 à R. 2144-5 " Enfin, l'article R. 2144-3 du même code dispose : " La vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché ".

18. Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur ne peut légalement sélectionner l'offre d'un candidat qui n'a pas justifié de ses capacités avant l'attribution du marché.

19. Il résulte de l'article 5.1 du règlement de consultation que les candidats devaient produire : " La licence communautaire ou licence de transport intérieur pour les circuits nécessitant un véhicule de 9 places maxi " et que " Les candidats qui ne pourraient pas justifier de leur délivrance et dont l'offre aurait été retenue, devront prouver avoir engagé des mesures en vue de leur obtention au plus tard à la date de la notification du contrat ". A supposer même que ces dispositions puissent être interprétées comme acceptant que les candidats puissent justifier des licences requises après l'attribution du marché, il résulte de l'instruction que la société Transport Phoenix disposait avant même le lancement de la consultation de licences de transport intérieur ou de licences communautaires en nombre suffisant, qui était du reste supérieur à celui de la société requérante. Par suite, cette dernière n'a pas été lésée par ce manquement.

20. Il résulte de ce qui précède que la SARL Autocars Nadizi n'est fondée à demander l'annulation ni de la décision du 30 août 2023, ni de la procédure de passation du lot n°  12.

Sur les frais liés à l'instance : 

21. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité de Corse, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SARL Autocars Nadizi au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Autocars Nadizi, au profit de la collectivité de Corse et de la SAS Transport Phoenix, le versement de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la SARL Autocars Nadizi est rejetée.

Article 2 : La SARL Autocars Nadizi versera à la collectivité de Corse la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SARL Autocars Nadizi versera à la SAS Transport Phoenix la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SAS Transport Phoenix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Autocars Nadizi, à la SAS Transport Phoenix et à la collectivité de Corse.

Fait à Bastia, le 2 octobre 2023.

Le juge des référés,

Signé 

P. MONNIER

La République mande et ordonne au préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

Le greffier,

H. MANNONI