TA de de Marseille, 10 novembre 2023, n° 2108825

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 octobre 2021, le 5 août 2022 et les 12, 13 et 18 janvier 2023, la société Arts et Loisirs Gestion (ALG), représentée par Me Lanzarone, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ou de résilier le contrat de délégation de service public passé entre la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements et la commune de Marseille portant sur la gestion, l'animation, l'exploitation, la maintenance et le gros entretien et les réparations des espaces culturels du Silo d'Arenc ;

2°) d'enjoindre à la commune de Marseille et à la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements de communiquer tous les éléments permettant de déterminer la réalité de la détention des licences de spectacle, la masse salariale, ainsi que l'importance des travaux supprimés en cours de procédure ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir dès lors la candidature de la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements aurait dû être écartée, or ayant été la seule société à déposer une offre, si sa candidature avait été rejetée comme irrégulière, la commune de Marseille aurait été contrainte de relancer la procédure à laquelle elle aurait pu participer, ce qu'elle n'a pas fait en méconnaissance de ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; de plus sur les quatre candidats admis à déposer une offre, trois ont renoncé à déposer une offre, seul l'occupant des locaux a été en mesure de le faire, la commune de Marseille a en outre refusé une seconde visite des lieux, destinée précisément à construire la réponse en termes d'aménagements et de travaux, a refusé de prolonger le délai de remise des offres et a posé des exigences durant la consultation pour les lever in fine au profit de la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements, ces éléments ayant été de nature décourager les trois autres candidats à déposer une offre et démontrent ainsi que la commune de Marseille a entendu favoriser la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements, qui était le délégataire sortant ;

- la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements attributaire aurait dû voir sa candidature rejetée dès lors que le dossier de candidature exigeait des candidats qu'ils disposent de trois licences de spectacle, qu'elle ne démontre pas détenir ces licences et qu'elle détenait seulement 70% des parts de la société Espace culturels du SILO d'Arenc, titulaire des licences exigées ;

- le bilan d'exploitation remis aux concurrents imposait que onze salariés devaient être repris alors que l'offre retenue n'en fait apparaitre que neuf, c'est donc sur la base d'une fausse information que les concurrents ont été invités à présenter une offre, qui a visé à dissuader les autres candidats de présenter une offre, de plus la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements n'a pas respecté son engagement de ne pas se séparer de ses salariés, dès lors qu'elle a ramené son effectif de onze à neuf salariés ;

- les documents initiaux prévoyaient que les concurrents devaient réaliser des travaux importants qui justifiaient la durée de dix ans de la concession or, aux termes de négociations avec l'attributaire, l'obligation de réaliser les travaux a disparu, cette dernière n'a donc servi qu'à dissuader les autres candidats de présenter une offre ;

- dans ces conditions, elle est fondée à demander l'annulation ou la résiliation du contrat de délégation de service public en litige passé entre la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements et la commune de Marseille ;

- il appartient à la commune de Marseille et à la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements, de communiquer dans tous les éléments permettant de déterminer la réalité de la détention des licences de spectacle, la masse salariale, ainsi que l'importance des travaux supprimés en cours de procédure.

Par des mémoires en défense, enregistré le 8 juin 2022, le 17 octobre 2022 et le 9 mai 2023, la commune de Marseille conclut dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint la suppression des passages injurieux et diffamatoires contenus en pages n° 7, 8 et 10 du mémoire de la société ALG du 12 janvier 2023 ;

3°) à ce que la société ALG soit condamnée à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts et 10 000 euros d'amende pour recours abusif ;

4°) à ce que soit mis à la charge de la société ALG la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que la société ALG ne démontre pas son intérêt à agir ni en quoi la conclusion du contrat en litige aurait lésé ses intérêts de manière suffisamment directe et certaine, la société requérante ayant délibérément fait le choix de ne pas remettre d'offre ;

- les moyens soulevés par la société ALG sont inopérants dès lors qu'aucun des moyens n'est en rapport direct avec son éviction puisque c'est précisément et uniquement son absence de remise d'offre qui l'a empêchée d'obtenir le contrat et qu'aucun des vices invoqués par la société ALG n'est d'une gravité telle que le juge devrait le relever d'office ;

- le moyen tiré de l'absence de détention des licences exigées est infondé dès lors que l'article 10 du règlement de la consultation ne contenait aucune exigence quant à la détention des filiales et que la candidature de la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements était régulière, ayant justifié de la détention des trois licences d'entrepreneur de spectacles exigées par le règlement de la consultation ;

- le moyen tiré de la prétendue information erronée sur la masse salariale est infondé dès lors que la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements s'était engagée à maintenir son personnel, ainsi que cela figure en annexe D du contrat, que ce n'est nullement sur la base d'une fausse information que les candidats ont été invités à présenter leur offre puisque la masse salariale n'est pas fonction du nombre de salariés mais du montant cumulé des salaires et qu'enfin la société ALG ne démontre ni qu'elle n'aurait pas disposé des informations suffisantes lui permettant d'estimer la masse salariale des personnels à reprendre, ni que la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements n'aurait repris que neufs salariés ;

- le moyen tiré de la prétendue disparition de l'obligation de réaliser les travaux est également infondé dès lors que les travaux obligatoire ont été maintenus dans le cadre des négociations comme en atteste le rapport d'analyse de l'offre finale et ont simplement fait l'objet d'une modification, ce dont les candidats ont été informés plus de deux mois avant la date de remise des offres ;

- la société ALG affirme à tort que la commune de Marseille aurait cherché à favoriser le délégataire sortant en refusant de prolonger le délai de remise des offres, ce qui est faux puisque la ville a accepté de le prolonger une première fois et que seule la société ALG a sollicité une nouvelle prolongation ;

- ainsi, la société ALG n'est pas fondée à contester la validité du contrat en litige ; de plus, à les supposer fondés, aucun des moyens soulevés par cette dernière n'est de nature à justifier l'annulation ou la résiliation du contrat de délégation de service public ;

- enfin, elle est fondée à solliciter la suppression des affirmations à caractère injurieux, outrageants et diffamatoires avancés par la société ALG et sa condamnation à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 10 000 euros pour recours abusif.

Par des mémoires enregistrés le 6 mai 2022, le 15 septembre 2022 et le 16 mai 2023, la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements, représenté par Me Cabanes, conclut dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la société ALG soit condamnée à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

3°) à ce qu'il soit enjoint la suppression du passage suivant du mémoire de la société ALG : " Et la ville prétend ne rien avoir vu.ou n'avoir rien voulu entendre de la réponse à la question Ce qui est énorme et se qualifie aisément de délais de favoritisme "

4°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mis à la charge de la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que la société ALG ne peut se prévaloir d'un intérêt suffisamment direct et certain à contester la validité du contrat, l'absence de remise d'offre lui étant exclusivement imputable, ayant fait de choix de renoncer à présenter une offre en septembre dans le contexte de faible visibilité sur les conditions d'ouverture et d'exploitation des établissements culturels, la société ALG n'ayant d'ailleurs contesté la validité du contrat qu'en juillet 2021 à une période où les conditions sanitaires étaient plus favorables ;

- les moyens soulevés par la société ALG sont inopérants dès lors que les manquements invoqués ne sont pas la cause de son éviction volontaire et ne constituent pas des vices d'une particulière gravité ;

- le moyen tiré de l'absence de détention des licences exigées est en outre infondé dès lors que l'article 10 du règlement de consultation exigeait seulement que les candidats fournissent la copie des trois licences d'entrepreneur du spectacle afin de démontrer ses capacités professionnelles et techniques mais nullement que les licences soient exclusivement possédées par le candidat ou l'une de ses filiales détenues à 100%, la réponse apportée par la commune de Marseille à la question posée le 24 décembre 2019 ayant seulement précisé qu' " un candidat peut s'appuyer sur une filiale, qu'il détient à 100% " ;

- le moyen tiré de la prétendue information erronée sur la masse salariale est irrecevable dès lors qu'il s'appuie sur le projet de contrat signé entre elle et la commune de Marseille qui est un document confidentiel, en outre, il est infondé dès lors que l'article L. 1224-1 du code du travail n'impose pas la réaffectation de l'ensemble des salariés à l'activité et que l'obligation de reprise ne s'impose qu'en cas de modification juridique de la situation de l'employeur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que de plus ce n'est pas parce que l'offre qui a été retenue ne compte plus que neuf salariés qu'elle n'a pas respecté l'obligation de reprise du personnel prévue à l'article 18 du contrat de délégation de service public, enfin la commune de Marseille a satisfait à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en communiquant aux candidats les dernières informations en sa possession lors du lancement de la procédure concernant la masse salariale à savoir les comptes d'exploitation des deux dernières années disponibles soit 2018 et 2019 avec la liste des personnels à jour ;

- le moyen tiré de la prétendue disparition de l'obligation de réaliser les travaux est également infondé dès lors que d'une part le contrat final comporte toujours l'obligation de réaliser des travaux obligatoires dans son article 27 et que d'autre part, tous les candidats admis à déposer une offre ont été informés plus de deux mois avant la date de remise des offres de l'évolution du périmètre des travaux obligatoires ;

- ainsi aucun des moyens soulevé n'a été de nature à affecter le consentement de la commune de Marseille ni à démontrer sa volonté de favoriser la société retenue et n'est donc pas susceptible de conduire à l'annulation du contrat, de plus à les supposer établis, aucun des moyens soulevé n'a eu de conséquence sur le choix de l'attributaire de l'offre et n'est donc susceptible d'entrainer la résiliation du contrat ;

- en tout état de cause, une remise en cause de la délégation de service public porterait une atteinte manifestement excessive à l'intérêt général compte tenu des conséquences qu'auraient une annulation ou une résiliation en termes de continuité de service public dû au temps nécessaire pour la conclusion d'un nouveau contrat ;

- elle est fondée à solliciter la suppression des écrits injurieux, outrageants diffamatoires tenu par la société ALG ayant affirmé que le contrat conclu entre elle et la commune de Marseille " se qualifie aisément de délais [sic] de favoritisme " ainsi que l'octroi de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 29 juillet 1881 ;

- le code de la commande publique ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Devictor ;

- les conclusions de Mme Dyèvre, rapporteure publique ;

- les observations de Me Thareau, représentant la commune de Marseille, et de Me Michaud représentant la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 11 décembre 2019, la commune de Marseille a lancé une procédure de mise en concurrence restreinte en vue de l'attribution d'un contrat de délégation de service public portant sur la gestion, l'animation, l'exploitation, la maintenance et le gros entretien et les réparations des espaces culturels du Silo d'Arenc d'une durée de dix ans. Quatre candidatures ont été reçues et admises à déposer une offre dont celle de la société ALG. Le règlement de consultation prévoyait initialement que les candidats devaient remettre une offre avant le 18 septembre 2020 mais, à la demande d'un candidat, la date de remise des offres a été repoussée au 2 octobre 2020. Par un courrier du 16 septembre 2020, la société ALG a demandé que la consultation soit ajournée ou repoussée d'un délai de six mois, demande à laquelle la commune de Marseille a opposé un refus. La société ALG a décidé de ne pas déposer d'offre. Par un avis d'attribution publié les 2 et 3 septembre 2021, la commune de Marseille a indiqué qu'elle concluait la délégation de service public en cause avec la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements. La société ALG demande l'annulation de ce contrat.

Sur la validité du contrat de délégation de service public :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'État dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité.

3. Si le représentant de l'État dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

Sur le moyen tiré de ce que le contrat aurait été attribué à une société dont la candidature était irrecevable :

4. Si la société soutient que la société S-Pass Théâtre Spectacles Événements attributaire aurait dû voir sa candidature rejetée dès lors qu'elle ne démontre pas détenir les licences exigées par l'article 10 du règlement de consultation et ne détenait que 70% des parts de la société espace culturels du SILO d'Arenc, titulaire de ces licences, il ne résulte cependant pas de l'instruction que la société requérante, dont la candidature a été admise, soit susceptible d'avoir été lésée par l'irrégularité ainsi invoquée. Le moyen doit par suite être écarté comme inopérant.

Sur le moyen tiré des fausses informations sur la masse salariale à reprendre :

5. La société ALG n'établit pas en quoi l'obligation de reprise de onze salariés, qui ressortait selon elle du bilan d'exploitation communiqué par les documents de la consultation, l'aurait dissuadée de déposer une offre. Ainsi, en vertu des principes rappelés ci-dessus, le vice invoqué par la société requérante, tiré de ce que la société attributaire ne se serait engagée à ne reprendre que neuf salariés, à le supposer établi, n'est pas en rapport direct avec l'éviction de la société requérante. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

Sur le moyen tiré de la disparition des travaux obligatoires à l'issue des négociations :

6. Il résulte de l'instruction que l'obligation de réaliser certains travaux prévue par le projet de contrat figure toujours dans le contrat signé par la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements dans le même article 27. En outre, le contrat prévoyait initialement dans son annexe 5 que les travaux obligatoires portaient sur l'accessibilité, la terrasse publique et logistique, la salle des Mamelles et la clôture d'enceinte pour une durée totale de 108 mois soit neuf ans. Par un courrier du 24 juillet 2020, la commune de Marseille a transmis à l'ensemble des candidats admis une note informative indiquant une modification de l'annexe 5 concernant les travaux obligatoires, dont le périmètre a été modifié et ne portait plus que sur l'accessibilité sur une période de 18 mois. Ainsi, la société ALG n'est pas fondée à soutenir que les travaux obligatoires auraient disparu aux termes des négociations. Par ailleurs, si l'obligation de réaliser des travaux a bien été modifiée au cours de la consultation, les candidats admis - dont la société ALG - en ont été informés par la commune de Marseille plus de deux mois avant la date limite de dépôt des offres. Par suite, alors que la société ALG a été informée en amont de la modification de teneur des travaux à réaliser, dont l'ampleur a été largement réduite et pour laquelle elle avait déjà fait les études nécessaires, elle n'établit pas en quoi ce changement de circonstances l'aurait empêchée de déposer une offre. Ainsi, en vertu des principes rappelés ci-dessus, le vice invoqué par la société requérante, à le supposer établi, n'est pas en rapport direct avec son éviction. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir et sans qu'il soit besoin d'enjoindre à la commune de Marseille et à la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements de communiquer à la société requérante les documents demandés, que la société Arts et Loisirs Gestion n'est pas fondée à demander la résiliation du contrat de délégation de service public en litige.

Sur la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires :

8. Aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : / " Art. 41, alinéas 3 à 5.-Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. / Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. / Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers" ".

9. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.

10. Les passages du mémoire du 12 janvier 2023 de la société ALG indiquant " ce qui est énorme et se qualifie aisément de délit de favoritisme " et " compte tenu de la gravité et de la succession de vices y compris pénaux " présentent un caractère diffamatoire. Par suite, il y a lieu d'en prononcer la suppression. En revanche, les passages du même mémoire mentionnant " a délibérément violé tout à la fois son règlement de consultation et l'interprétation qu'elle en donné en cours de procédure, afin de pouvoir déclarer recevable la candidature et l'offre du délégataire sortant. Le délit est évident et force l'admiration " et " il lui est reproché d'avoir surestimé la masse salariale, de même que l'effectif à reprendre " n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'allouer la somme réclamée par la commune de Marseille à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 741-2.

Sur l'amende pour recours abusif :

12. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

13. Le prononcé de la condamnation prévue par ces dispositions étant un pouvoir propre du juge, les conclusions présentées par la commune de Marseille sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Marseille, qui n'a pas la qualité de partie perdante, au titre des frais d'instance non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Arts et Loisirs Gestion la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Marseille et à la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements chacune au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Arts et Loisirs Gestion est rejetée.

Article 2 : Les passages du mémoire du 12 janvier 2023 de la société ALG indiquant " ce qui est énorme et se qualifie aisément de délit de favoritisme " et " compte tenu de la gravité et de la succession de vices y compris pénaux " sont supprimés en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.

Article 3: La société Arts et Loisirs Gestion versera la somme de 3 000 euros chacune à la commune de Marseille et à la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Arts et Loisirs Gestion, à la commune de Marseille et à la société S-Pass Théâtre Spectacles Évènements.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Gonneau, président,

Mme Devictor, première conseillère,

Mme Charpy, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé

É. DevictorLe président,

Signé

P-Y. Gonneau

La greffière,

Signé

A. Martinez

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,