TA de Montpellier, 18 décembre 2023, n° 2306762


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 novembre et le 13 décembre 2023, le Groupement d'Intérêt Public (GIP) Labos, représenté par Me Logeat, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre à l'ARS Occitanie de lui communiquer, sans délai, les informations utiles concernant le rejet de ses offres ainsi que les caractéristique et avantages de celles de l'attributaire pour l'ensemble des critères et des sous-critères et de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'ARS se conforme à ses obligations d'information ;

2°) d'annuler la procédure de passation des lots n° 6, 8 et 12 de l'accord-cadre portant sur le contrôle sanitaire des eaux en région Occitanie ;

3°) d'enjoindre à l'agence régionale de Santé (ARS) Occitanie, si elle entend poursuivre la procédure d'attribution de ce marché, de reprendre l'intégralité de la procédure d'attribution en amont de la publication de l'avis d'appel d'offres ;

4°) de mettre à la charge de l'ARS Occitanie la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en violation des dispositions des articles R. 2181-3 et R 2181-4 du code de la commande publique, en dépit de la demande qu'elle a adressée le 15 novembre à l'ARS Occitanie, elle n'a toujours pas été destinataire des informations utiles concernant le rejet de ses offres et le choix de celles de l'attributaire, notamment s'agissant des avantages de l'offre de l'attributaire, alors qu'elle ne peut comprendre qu'ayant fait une présentation identique du mémoire technique s'agissant des trois lots en litige, elle s'est vue attribuer trois notes différentes assorties chacune de commentaire différents peu circonstanciés ;

- en méconnaissance de l'article R. 2162-4 du code de la commande publique, aucune quantité ou valeur maximum de chaque lot de l'accord cadre n'a été portée à la connaissance des candidats, les montants " estimatifs " au CCAP n'ayant aucune valeur contractuelle ;

- sept des huit sous-critères du critère de la valeur technique pour la sélection des offres, et notamment celui de la " Présentation du mémoire technique ", sont trop imprécis en dépit des pièces annexes du règlement de la consultation et ils se confondent souvent, notamment au regard des stipulations du CCTP, de sorte qu'il n'a pas pu bâtir des offres les mieux adaptées au marché ;

- le critère " développement durable " subdivisé en deux sous-critères : " protection de l'environnement " et " mesures sociales " est insuffisamment précis et a permis de porter une appréciation discrétionnaire sur les offres ;

- le sous-critère : " mesures sociales " du critère " développement durable " et le sous-critère " présentation du mémoire technique " du critère de la valeur technique, qui sont dépourvus de tout lien avec l'objet du marché en cause, ont été établis de manière discriminatoire ;

- le critère de la valeur technique pondéré à 60% est neutralisé en raison de l'imprécision des sous-critères qui le composent et du fait de sa méthode de notation qui ne conduit pas à attribuer la note maximale au soumissionnaire présentant l'offre technique la meilleure contrairement à ce qui est prévu pour l'offre la moins-disante, s'agissant du critère prix ;

- son offre a été dénaturée, l'ARS ayant relevé, à tort, toutes les informations étant pourtant présentes dans le mémoire technique :

. pour le lot n° 6, d'une part, " l'absence d'éléments sur le sous-traitant SUBATECH et le manque d'information sur le co-traitant PEARL ", d'autre part, que la traçabilité des prélèvements effectués en urgence " semble insuffisamment détaillée ",enfin, que le " suivi de la facturation ou encore le rapport de synthèse " ne sont pas abordés,

. pour le lot n° 8, que " les rapports contractuels ne sont pas présentés ",

. pour les 6 et 8 que " l'envoi des planning prévisionnels n'est proposé que mensuellement et ne correspond pas à la demande ",

. pour les lots 6 et 12 que de " nombreuses capacité de stockage sont manquantes, avec des interrogations sur les mesures de préservation de la confidentialité ",

. pour le lot 8 que " les parties concernant la conservation et le transport des échantillons ainsi que la traçabilité et la priorisation des échantillons sont peu précises ",

. pour le lot n° 12 que des informations sont manquantes sur les spécificité du territoire et les moyens mis en œuvre pour y répondre ainsi que sur l'organisation des astreintes,

. enfin, s'agissant des lot 6 et 8 que la " présentation des mesures sociales et environnementales est partielle " ;

- et, tous ces manquements l'ont lésée.

Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2023, la SAS Carso Laboratoire Santé Environnement Hygiène de Lyon (LSEHL), représentée par Me Antoine, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête n'est pas assortie de conclusions aux fins qu'il soit enjoint à l'ARS Occitanie de communiquer l'ensemble des éléments susvisés, dans un délai imparti par le Tribunal ; en tout état de cause, ce défaut, à le supposer même avéré, ne vicie pas la procédure de passation en cause ;

- la requérante ne vient nullement expliquer dans quelle mesure les huit prétendues imprécisions alléguées entourant les conditions de mise en œuvre de sept des huit sous-critères du critère de la valeur technique ainsi que des deux sous-critères du critère " Développement durable " de sélection des offres l'auraient lésée de quelque manière que ce soit dans la conduite de la procédure de passation des lots n° 6, 8 et 12, alors qu'il s'agit pourtant d'une condition impérative de recevabilité d'un moyen présenté dans le cadre d'un référé précontractuel ; en tout état de cause, les sous-critères du critère de la valeur technique pour la sélection des offres, qui ne se confondent pas, le CCTP n'étant pas le document de référence pour leur appréciation, sont assortis de précisions et renvoient à des annexes du règlement permettant aux candidats de présenter utilement leurs offres techniques, ce qu'à, du reste, pu faire le requérant dont l'offre a été classée en première position sur deux des trois lots en litige ; en outre les précisions du règlement de la consultation ont aussi permis aux soumissionnaires d'élaborer leur offre en identifiant précisément les attentes du pouvoir adjudicateur au titre du critère n° 3 ;

- ces sous-critères et le critère 3 sont suffisamment précis et en lien direct avec l'objet du marché ;

- en suivant le raisonnement du requérant, l'attribution d'une note maximale de 60/60 à l'un des soumissionnaires sur le critère technique équivaudrait nécessairement à une absence d'appréciation de la valeur des offres, sous-critère par sous-critère, par le pouvoir adjudicateur, et c'est précisément la raison pour laquelle l'ARS a appliqué ce principe d'attribution mécanique de la note maximale au soumissionnaire ayant présenté l'offre la plus compétitive au titre du critère n° 2 du prix, lequel ne comporte aucun sous-critère ;

- le CCAP prévoit bien un montant estimatif par lot ;

- enfin, le requérant n'apporte pas le moindre commencement de démonstration des conséquences que les prétendues irrégularités invoquées auraient éventuellement emporté sur le classement final des offres.

Par un mémoire enregistré le 12 décembre 2023, l'agence régionale de Santé (ARS) Occitanie, représenté par Me Fernandez-Begault, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête n'est pas assortie de conclusions aux fins qu'il soit enjoint de communiquer l'ensemble des éléments susvisés, dans un délai imparti par le Tribunal, en tout état de cause, elle a communiqué, le 30 novembre 2023, à la société requérante toutes les caractéristiques et appréciations des offres de la société attributaire et de ses propres offres ;

- le requérant ne vient nullement expliquer dans quelle mesure les huit prétendues imprécisions alléguées entourant les conditions de mise en œuvre de sept des huit sous-critères du critère de la valeur technique ainsi que des deux sous-critères du critère " Développement durable " de sélection des offres l'auraient lésée de quelque manière que ce soit dans la conduite de la procédure de passation des lots n° 6, 8 et 12, alors qu'il s'agit pourtant d'une condition impérative de recevabilité d'un moyen présenté dans le cadre d'un référé précontractuel ; en tout état de cause, les sous-critères du critère de la valeur technique pour la sélection des offres, qui ne se confondent pas sont assortis de précisions et renvoient à des annexes du règlement permettant aux candidats de présenter utilement leurs offres techniques, ce qu'à, du reste, pu faire le requérant dont l'offre a été classée en première position sur deux des trois lots en litige ; en outre les précisions du règlement de la consultation ont aussi permis aux soumissionnaires d'élaborer leur offre en identifiant précisément les attentes du pouvoir adjudicateur au titre du critère n° 3 ;

- ces sous-critères et le critère 3 sont suffisamment précis et en lien direct avec l'objet du marché ;

- en suivant le raisonnement du requérant, l'attribution d'une note maximale de 60/60 à l'un des soumissionnaires sur le critère technique équivaudrait nécessairement à une absence d'appréciation de la valeur des offres sous-critère par sous-critère par le pouvoir adjudicateur, et c'est précisément la raison pour laquelle l'ARS a appliqué ce principe d'attribution mécanique de la note maximale au soumissionnaire ayant présenté l'offre la plus compétitive au titre du critère n° 2 du prix, lequel ne comporte aucun sous-critère ;

- le CCAP prévoit bien un montant estimatif par lot ;

- enfin, le requérant n'apporte pas le moindre commencement de démonstration de l'éventuelle conséquence que les prétendues irrégularités invoquées auraient éventuellement emporté sur le classement final des offres.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique,

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Eric Souteyrand, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 13 décembre 2023 :

- le rapport de M. Souteyrand ;

- les observations de :

. Me Logéat, représentant le Groupement d'Intérêt Public (GIP) Labos;

. Me Denylauler pour l'ARS Occitanie ;

. Me Chaussat pour la Sasu Carso Laboratoire Environnement Hygiène de Lyon.

L'instruction a été close à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un appel public à la concurrence, l'Agence régionale de santé de l'Occitanie a lancé un appel d'offres ouvert pour la passation d'un accord-cadre à bons de commande divisé en dix-sept lots, conclu pour une durée d'un an à compter du 1er janvier 2024, renouvelable tacitement trois fois au maximum pour une durée similaire, en vue de la réalisation de prestations de prélèvements et d'analyses en laboratoire des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH), des eaux de loisirs (EDL), des eaux conditionnées (EC) et des eaux minérales naturelles (EMN) situées sur le territoire de la région Occitanie. Le Groupement d'Intérêt Public (GIP) Labos, classé en deuxième position derrière la Sasu Carso Laboratoire Environnement Hygiène de Lyon pour les lots n° 6 (département du Gers), n° 8 (département du Lot) et n° 12 (département du Tarn), et qui n'a pas été retenu, demande l'annulation de la procédure de passation.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations () ". Et, aux termes de l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

3.Aux termes de l'article L. 2181-1 du Code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". L'article R. 2181-1 du même code prévoit que : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. ". Et, l'article R. 2181-3 dudit code précise : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1. ". Enfin, aux termes de l'article R. 2181-4 de ce code : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : 1° Lorsque les négociations ou le dialogue ne sont pas encore achevés, les informations relatives au déroulement et à l'avancement des négociations ou du dialogue ; 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue. ".

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'à la suite de sa demande, l'Agence Régionale de Santé Occitanie a transmis, le 15 novembre 2023, au GIP Labos toutes les informations concernant les notes attribuées, sous-critère par sous-critère, à ses offres et à celle de l'attributaire ainsi que le motif du rejet de ses offres et les avantages de celles retenues. Par suite, les conclusions du GIP Labos tendant à ce qu'il soit enjoint à l'ARS Occitanie de lui communiquer les informations utiles concernant le rejet de ses offres ainsi que les caractéristiques et avantages de celles de l'attributaire pour l'ensemble des critères et des sous-critères et de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'ARS se conforme à ses obligations d'information, doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la procédure de passation pour les trois lots :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique: " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution (). Les offres sont appréciées lot par lot. Le lien avec l'objet du marché ou ses conditions d'exécution s'apprécie conformément aux articles L. 2112-2 à L. 2112-4. ". L'article L. 2152-8 dudit code prévoit que : " Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur et garantissent la possibilité d'une véritable concurrence. Ils sont rendus publics dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". Et, l'article R. 2152-7 du même code dispose : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : () 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants : a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; b) Les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. () ".

6. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors également porter sur les conditions de mise en œuvre de ces critères. Il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en œuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné. En outre, si l'acheteur peut, pour sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse, mettre en oeuvre des critères comprenant des aspects sociaux, c'est à la condition, notamment, qu'ils soient liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution et non à la politique générale de l'entreprise en matière sociale, apprécié au regard de l'ensemble de son activité et indistinctement applicable à l'ensemble des marchés de l'acheteur, indépendamment de l'objet ou des conditions d'exécution propres au marché en cause.

7. D'une part, il résulte de l'article 8.1 du règlement de la consultation que le mémoire technique sera rédigé obligatoirement à partir du cadre de réponse proposé aux annexes 1 à 3 et l'article 9.2 du même règlement de la consultation prévoit trois critères d'appréciation des offres, le prix, la valeur technique et le développement durable, respectivement notés sur 60, 30 et 10, le critère de la valeur technique est subdivisé en huit sous-critères et le sous-critère du développement durable est lui-même divisé en deux sous-critères : " protection de l'environnement " (sur 5) et " mesures sociales " (sur 5). Il résulte de l'instruction que l'annexe 1 au règlement de consultation précise la présentation du mémoire technique selon huit notes détaillées sur trois pages, correspondant à chacun des huit sous-critères du critère de la valeur technique, qui font référence aux articles et annexes qu'il mentionne, et précise que chacune de ces notes détaillent la prestation et, notamment, apporte les informations complémentaires demandées dans le CCTP, l'accent est mis pour assurer la continuité du service et il est également précisé que des annexes peuvent illustrer le contenu des documents. Quant à l'annexe 2 au dit règlement, elle fixe, pour les soumissionnaires, un cadre de renseignement précis pour l'organisation humaine, matérielle et le respect du programme des prélèvements et analyses. Enfin, l'article 9 précité du règlement précise que le critère du développement durable : " apprécié en tenant compte des mesures environnementales et sociales mises en œuvre dans le cadre de l'exécution des prestations. Seront notamment développées dans le mémoire technique la démarche et/ou les actions concrètes mises en place ou qui seront mises en place pour assurer une réduction des impacts négatifs des prestations sur l'environnement et sur la santé des personnes dans le cadre de ce marché () Les éléments avancés pour répondre à ces exigences environnementales et sociales devront être liés à l'objet du marché et devront être étayés par des éléments probatoires ", avec l'indication d'exemples figurant de manière détaillée dans une note 8.

8. Il en ressort, globalement, que tant le critère de la valeur technique que celui du développement durable sont, contrairement à ce qui est soutenu, définis avec suffisamment de précisions pour permettre aux candidats de présenter une offre adaptée. Ensuite, plus précisément, s'agissant du sous-critère " Présentation du mémoire technique " noté sur 4 du critère de la valeur technique, les candidats ont pu, pour présenter leur offre, s'appuyer utilement sur la trame du mémoire technique annexée au règlement de consultation. Enfin, d'une part, il n'est pas établi que la présentation particulière du mémoire technique susmentionné souhaitée par l'ARS Occitanie ne serait pas en lien avec l'objet du marché, d'autre part, contrairement à ce qui est soutenu, les références dans le sous-critère " la protection de l'environnement " à la sobriété énergétique, au recours aux énergies renouvelables et à la question du traitement des déchets ne sont pas dépourvues de lien avec les conditions de réalisation et de stockage des prélèvements objets du marché. En revanche, s'il est exact que le sous-critère " mesures sociales " est défini en termes trop généraux pour présenter un lien suffisant avec les conditions d'exécution du marché, le requérant qui a obtenu, en la matière, les notes de 3,5/5 pour le lot n° 6, de 3,75/5 pour le lot n° 8 et de 4/5 pour le lot n° 12 contre respectivement 2,75, 3 et 4,75 /5 pour la société attributaire, n'établit pas la lésion dont il se prévaut.

9. D'autre part, dès lors qu'il résulte des constats ci-dessus que les huit sous-critères du critère de la valeur technique, pondéré à 60%, sont suffisamment précis, le grief tiré de ce que cette pondération est neutralisée en raison de l'imprécision des sous-critères qui le composent et du fait de sa méthode de notation qui ne conduit pas à attribuer la note maximale au soumissionnaire présentant l'offre technique la meilleure, doit être écarté.

10. Il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré du défaut d'information et de l'imprécision des sous-critères en cause.

11. En deuxième lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en méconnaissant ou en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

12. Le GIP Labos se prévaut de ce que les pièces annexes qu'il a produites à l'appui de son offre pour les trois lots en cause contredisent, pour l'appréciation de certains sous-critères de la valeur technique, des mentions figurant dans la réponse que lui a transmise l'ARS Occitanie à la suite de sa demande du 13 novembre 2023, d'une part, pour le lot n° 6, " l'absence d'éléments sur le sous-traitant Subatech et le manque d'information sur le co-traitant Pearl ", la traçabilité des prélèvements effectués en urgence " semble insuffisamment détaillée ", que le " suivi de la facturation ou encore le rapport de synthèse " ne sont pas abordés, l'envoi des plannings prévisionnels n'est proposé que mensuellement et ne correspond pas à la demande ", de " nombreuses capacité de stockage sont manquantes, avec des interrogations sur les mesures de préservation de la confidentialité, la " présentation des mesures sociales et environnementales est partielle, d'autre part, pour le lot n° 8 " les rapports contractuels ne sont pas présentés ", " l'envoi des planning prévisionnels n'est proposé que mensuellement et ne correspond pas à la demande ", " les parties concernant la conservation et le transport des échantillons ainsi que la traçabilité et la priorisation des échantillons sont peu précisés " et " la présentation des mesures sociales et environnementales est partielle, enfin pour le lot n° 12 " de nombreuses capacités de stockage sont manquantes, avec des interrogations sur les mesures de préservation de la confidentialité " et " des informations sont manquantes sur les spécificités du territoire et les moyens mis en œuvre pour y répondre ainsi que sur l'organisation des astreintes ". Il résulte de l'instruction que si les constats de la requérante sont en majeure partie établis par les pièces qu'elle produit, d'une part, cette circonstance n'est pas de nature à établir une dénaturation de ses offres pour les lots 6 et 8, dès lors que ces erreurs ne se sont pas traduites par une notation manifestement dégradée des sous-critères correspondant à ces appréciations, d'autre part, s'agissant du lot n° 12, en admettant que les deux erreurs susmentionnées ont pu affecter la notation de l'offre au regard des sous-critères " organisation générale " noté 4,13/10, " astreintes " noté 2,5/5 et " conservation et transport des échantillons " noté 3,44/ 7, le GIP Labos n'établit pas, au regard de l'écart de plus de 22 points séparant son offre de celle de l'attributaire, qu'elles ont été susceptible de l'avoir lésée.

13. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 2162-4 du code la commande publique : " Les accords-cadres peuvent être conclus : () 2° Soit avec seulement un maximum en valeur ou en quantité. ".

14. En l'espèce, il résulte de l'article 2.3 du règlement de la consultation que : " Le montant maximum du marché est de 50 millions d'euros TTC sur la durée totale de 4 ans. Le montant estimatif par lot est indiqué à l'article 1.4 du CCAP ". Et à l'article 1.4 figure bien, pour chacun des 12 lots, " en estimation 2023 ", le montant annuel HT et le montant global HT sur 4 ans. Par suite, le moyen tiré de l'absence de fixation d'un, montant maximal pour les trois lots en litige doit être écarté en tant qu'il manque en fait.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête du Groupement d'Intérêt Public (GIP) Labos aux fins d'annulation de la procédure de passation des lots n° 6 (département du Gers), n° 8 (département du Lot) et n° 12 (département du Tarn) pour l'accord-cadre à bons de commande en vue de la réalisation de prestations de prélèvements et d'analyses en laboratoire des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH), des eaux de loisirs (EDL), des eaux conditionnées (EC) et des eaux minérales naturelles (EMN) situées sur le territoire de la région Occitanie, doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ARS Occitanie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le Groupement d'Intérêt Public (GIP) Labos au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Et, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du Groupement d'Intérêt Public (GIP) Labos une somme de 1 500 euros à verser respectivement à l'ARS Occitanie et à la Sasu Carso Laboratoire Environnement Hygiène de Lyon au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête du Groupement d'Intérêt Public (GIP) Labos est rejetée.

Article 2 : Le Groupement d'Intérêt Public (GIP) Labos versera la somme de 1 500 euros respectivement à l'ARS Occitanie et à la Sasu Carso Laboratoire Environnement Hygiène de Lyon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Groupement d'Intérêt Public (GIP) Labos, à l'agence régional de Santé (ARS) Occitanie et à la Sasu Carso Laboratoire Environnement Hygiène de Lyon.

Fait à Montpellier, le 18 décembre 2023,

Le juge des référés,

E. Souteyrand

La greffière

M-A. BarthélémyLa République mande et ordonne au préfet de la région Occitanie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 19 décembre 2023.

La greffière,

M-A. Barthélémy