TA de Nancy 16 novembre 2023 n°2101071 

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2021, la commune de Damelevières, représentée par Me Richard, de la SELARL Richard et Lehmann, demande au tribunal :

1°) de condamner la société par actions simplifiée unipersonnelle STSI construction à lui verser la somme de 17 010,38 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2019 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 12 septembre 2020, au titre du règlement du solde du décompte du marché conclu le 16 juillet 2019 ;

2°) de mettre à la charge de la société STSI construction la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Damelevières soutient qu'elle est fondée à solliciter la condamnation de la société STSI construction à lui verser la somme de 17 010,38 euros dès lors que cette somme correspond au montant des travaux de reprise qu'elle a réalisés en raison de l'abandon du chantier par la société STSI construction.

La requête a été communiquée à la société STSI construction qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Philis,

- les conclusions de M. Bastian, rapporteur public,

- et les observations de Me Richard représentant la commune de Damelevières.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 juillet 2019, la commune de Damelevières a conclu avec la société STSI construction un marché de travaux portant sur le montage de charpentes métalliques sur des massifs bétons d'un bâtiment situé rue de la gare à Damelevières. Par la présente requête, la commune de Damelevières demande au tribunal de condamner la société STSI construction à lui verser la somme de 17 010,38 euros au titre du règlement du solde du décompte du marché correspondant au montant des frais qu'elle a engagés lorsqu'elle a repris les travaux de montage des charpentes métalliques du bâtiment.

Sur l'établissement du décompte général du marché :

2. D'une part, l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties.

3. D'autre part, il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que le maître d'ouvrage de travaux publics qui a vainement mis en demeure son cocontractant d'exécuter les prestations qu'il s'est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, dispose de la faculté de faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce ou par lui-même. La mise en régie, destinée à surmonter l'inertie, les manquements ou la mauvaise foi du cocontractant lorsqu'ils entravent l'exécution d'un marché de travaux publics, peut être prononcée même en l'absence de toute stipulation du contrat le prévoyant expressément, en raison de l'intérêt général qui s'attache à l'achèvement d'un ouvrage public. La mise en œuvre de cette mesure coercitive, qui revêt un caractère provisoire, qui peut porter sur une partie seulement des prestations objet du contrat et qui n'a pas pour effet de rompre le lien contractuel existant entre le maître d'ouvrage et son cocontractant, ne saurait être subordonnée à une résiliation préalable du contrat par le maître d'ouvrage. La règle selon laquelle, même dans le silence du contrat, le maître d'ouvrage peut toujours faire procéder aux travaux publics objet du contrat aux frais et risques de son cocontractant revêt le caractère d'une règle d'ordre public. Par suite, les personnes publiques ne peuvent légalement y renoncer.

4. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 12 septembre 2019, la commune de Damelevières a mis en demeure la société STSI construction, en raison de l'abandon du chantier par celle-ci, de reprendre les travaux pour les terminer avant le 24 septembre 2019. Compte tenu de l'inertie persistante de la société STSI construction, la commune a réalisé elle-même les travaux à ses frais et risques pour un montant de 17 010,38 euros. Ainsi, la commune de Damelevières a mis en régie les travaux de montage de la structure du bâtiment, de la poutre et des chéneaux, de la pose de la couverture et de la pose du bardage et des accessoires et a pu, à la suite de leur réalisation, prendre possession du bâtiment et réceptionner tacitement les travaux. La société STSI construction ne conteste pas le solde du marché à hauteur de 17 010,38 euros et correspondant aux travaux de reprise réalisés par la commune de Damelevières. Dans ces conditions, la commune de Damelevières est fondée à demander la condamnation de la société STSI construction à lui verser une somme d'un montant total de 17 010,38 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

5. La commune de Damelevières a droit aux intérêts afférents à la somme qui lui sera versée par la société STSI construction, à compter du 13 avril 2021, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Nancy.

6. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par la commune de Damelevières le 13 avril 2021 au tribunal administratif de Nancy. Il y a ainsi lieu de capitaliser les intérêts au 13 avril 2022, date à laquelle une année d'intérêts a été due, et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société STSI construction une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Damelevières et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La société STSI construction est condamnée à verser à la commune de Damelevières la somme de 17 010,38 euros.

Article 2 : La somme de 17 010,38 euros est assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2021. Les intérêts échus le 13 avril 2022 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La société STSI construction versera à la commune de Damelevières la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Damelevières et à la société STSI construction.

Délibéré après l'audience publique du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Di Candia, président,

Mme Bourjol, première conseillère,

Mme Philis, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.

La rapporteure,

L. Philis

Le président,

O. Di Candia

La greffière,

L. Bourger

La République mande et ordonne à la préfète de Meurthe-et-Moselle en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.