TA de Nîmes, 11 janvier 2024, n°2003425


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2020, la société structures bois couverture, représentée par la SCP Trias Verine Vidal Gardier, demande au tribunal :

1°) de condamner la commune de Nîmes à lui verser la somme de 7 929,58 euros, assorties des intérêts légaux au titre du solde du lot n°16 " revêtement platelage bois, parquet bois " du marché de construction du Musée de la romanité ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le décompte final du marché fait apparaitre que le montant total qu'elle a perçu s'élève à la somme de 416 445,43 euros et non à celle de 424 374,92 euros et que, par conséquent, la somme de 7 929,58 euros, correspondant à la somme de 15 710,02 euros de laquelle il convient de déduire un montant de 7 780,44 euros, versé par la commune en octobre 2019, lui est due.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 et 13 décembre 2021, la commune Nîmes conclut à l'irrecevabilité de la requête puis au rejet de celle-ci.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que le courrier de la société requérante du 6 mai 2019, qui ne comporte qu'un récapitulatif des paiements laissant apparaitre un solde débiteur de 15 710,02 euros, ne constitue pas un mémoire en réclamation du sens de l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicable en matière de travaux (CCAG-Travaux) ;

- la requête est irrecevable car tardive dès lors qu'à supposer que le courrier de la société requérante du 6 mai 2019 puisse être regardé comme un mémoire en réclamation, cette société n'a pas, en méconnaissance de l'article 50.3.2 du CCAG-Travaux, introduit sa requête dans le délai de six mois à compter de la réponse de la commune intervenue par courrier du 21 mai 2019 ;

- la somme réclamée par la société requérante correspond à l'avance forfaitaire versée au commencement des travaux que la requérante n'a jamais remboursée et dont elle ne peut se prévaloir.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chevillard,

- les conclusions de Mme Vosgien, rapporteure publique,

- et les observations de Mme A, agent mandaté, représentant la commune de Nîmes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 24 mars 2015, passé par la commune de Nîmes avec la société Structures bois couverture, cette dernière s'est vu attribuer le lot n°16 " revêtement platelage bois, parquet bois " du marché de construction du Musée de la romanité pour un montant de 352 426,60 euros hors taxes (HT), soit 422 911,92 euros toutes taxes comprises (TTC). Le montant du lot a été porté à la somme de 336 061,80 euros HT par un avenant n°2 du 17 mars 2017, à celle de 337 276,80 euros HT par un avenant n°3 du 21 septembre 2017, à celle de 344 876,80 euros HT par un avenant n°4 du 4 janvier 2018 et à celle de 351 546,80 euros HT par un avenant du 15 octobre 2018. La réception de l'ouvrage a été prononcée sans réserve par un procès-verbal du 20 septembre 2018. Par un courrier du 21 janvier 2019, la société Structures bois couverture a transmis au maître d'ouvrage le décompte général définitif faisant apparaitre un solde débiteur en sa faveur de 11 021,53 euros HT, soit 13 225 euros TTC. Par un courrier du 2 mai 2019, la commune a notifié à l'attributaire le projet de décompte général fixé à 360 129,47 euros HT, soit 432 155,36 euros TTC, avec un solde débiteur de 6 483,70 euros HT, soit 7 780 euros TTC en faveur de la société Structures bois couverture. Par un courrier du 6 mai 2019, cette dernière a contesté le projet de décompte final et revendiqué un solde débiteur en sa faveur de 15 710,02 euros. Par un courrier du 21 mai 2019, la commune de Nîmes a concédé une erreur de calcul d'un montant 7 780,44 euros TTC en faveur de la société Structures bois couverture, due notamment à l'absence de prise en compte de l'évolution des indices sur les derniers mois d'exécution. Par un courrier du 14 octobre 2019, la société Structures bois couverture a accusé réception de cette somme et a persisté à contester le projet de décompte du marché. Par un courrier du 12 novembre 2019, la commune a refusé de payer la somme demandée par l'attributaire. Par un courrier du 10 septembre 2020, la société Structures bois couverture a demandé à la commune le paiement de la somme de 7 929,58 euros. Par la présente requête, elle demande au tribunal de condamner la commune de Nîmes à lui verser cette somme.

Sur la recevabilité de la requête :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 50.1.1 du CCAG-travaux : " Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. ".

3. Il résulte de l'instruction que la société requérante, par un courrier du 21 janvier 2019, a communiqué le forfait définitif de ses honoraires au maître d'ouvrage, qui lui a répondu par courrier du 2 mai 2019 en lui notifiant le décompte général du marché. Par un courrier du 6 mai 2019, reçu le 9 mai 2019, intitulé " projet décompte final contestation " et comportant en annexe le récapitulatif des paiements reçus, la société requérante a exposé de façon détaillée et précise les chefs de la contestation ainsi que leurs montants et motifs. Ainsi, par ce courrier, la société Structures bois couverture doit être regardée comme ayant produit un mémoire en réclamation au sens des dispositions précitées.

4. Aux termes de l'article 50.3.2 du CCAG-Travaux : " Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. ". Aux termes de l'article 50.3.3 du CCAG-Travaux : " Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable. ". Aux termes de l'article 50.1.2 du CCAG-Travaux : " Après avis du maître d'œuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. ". Aux termes de son article 50.1.3. : " L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. ".

5. Il résulte de l'instruction, qu'à défaut de preuve de notification du courrier du 21 mai 2019 par lequel la commune de Nîmes a rejeté le mémoire en réclamation présenté le 9 mai 2019, une décision implicite de rejet de ce mémoire est intervenue le 9 juin 2019 et que la société requérante avait jusqu'au 9 novembre 2019 pour saisir le présent tribunal. Toutefois, la requête de la société Structures bois couverture a été enregistrée par le greffe du tribunal administratif de Nîmes le 10 novembre 2020, soit après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article 50.3.2 du CCAG-Travaux, sans que les échanges postérieurs entre les parties, intervenus après l'expiration de ce délai, ou la saisine d'un comité consultatif de règlement amiable, d'un conciliateur ou d'un tribunal arbitral, au demeurant ni démontrée ni alléguée, n'aient suspendu ou prorogé le délai précité. Par suite, la commune de Nîmes est fondée à soutenir que le décompte général était devenu définitif et que la contestation du décompte général était par suite irrecevable.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société requérante tendant à la condamnation de la commune de Nîmes à lui verser la somme de 7 929,58 euros, assorties des intérêts légaux au titre du lot n°16 " revêtement platelage bois, parquet bois " du marché de construction du Musée de la romanité sont irrecevables et doivent être rejetées comme telles.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nîmes, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Structures bois couverture une somme au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la société Structures bois couverture est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Nîmes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Structures bois couverture et à la commune de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Boyer, présidente,

M. Chaussard, premier conseiller,

M. Chevillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024.

Le rapporteur,

F. CHEVILLARD

La présidente,

C. BOYER

La greffière,

F. DESMOULIÈRES

La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2003425