TA de Paris, 16 janvier 2024, n° 2323926


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 et 27 octobre 2023 et le 22 décembre 2023, le centre hospitalier de Mâcon, représenté par Me Uzel, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre à la société Philipps, s'agissant de la suppression des données, de produire le rapport des actions mises en place depuis le mois de juillet 2023 avec notamment la mise en place d'un script ayant conduit à la suppression de 420 072 images, le correctif apporté et la date à laquelle il peut être considéré que la perte d'images a cessé, et ce dans un délai de deux jours suivant la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

2°) d'enjoindre à la société Philipps, s'agissant du problème de stockage, de réparer l'anomalie de stockage induisant un accès lent aux données du PACS pour permettre aux praticiens de consulter les imageries depuis tout ordinateur que ce soit en interne ou par des intervenants extérieurs, cette réparation devant être effective dans les six jours suivant la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; en outre, de lui remettre le rapport de levée des dysfonctionnements précisant les interventions réalisées, des réparations de l'anomalie de stockage, en précisant s'il s'agit d'une solution de contournement ou d'une solution pérenne ;

3°) d'enjoindre à la société Philipps d'informer le centre hospitalier de Mâcon des actions à mettre en œuvre et des actions mises en œuvre pour assurer le bon fonctionnement du PACS et de remettre au centre hospitalier de Mâcon un rapport détaillé des actions entreprises pour assurer le fonctionnement du PACS ;

4°) de mettre à la charge de la société Philips le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Paris est compétent en vertu de l'article 13.2 du CCAP ;

- l'urgence est caractérisée : l'anomalie de stockage empêche les praticiens de mener à bien leurs missions de soins et désorganise le service ;

- la mesure sollicitée est utile : en dépit de ses mises en demeure et des réunions aucun correctif n'a été apporté par la société ; l'intervention du juge est indispensable pour la contraindre à agir ;

- la mesure sollicitée ne se heurte à aucune contestation sérieuse : l'anomalie de gestion causant des difficultés d'accès d'imagerie est admise par la société Philips.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2023, la société Philips France Commercial, représentée par Me Bandon-Tourret, conclut au rejet de la requête, ou à défaut, à titre subsidiaire, au rejet des demandes d'astreintes formulées par le centre hospitalier de Mâcon, ou à défaut, à titre infiniment subsidiaire, à ce que le montant de l'astreinte soit réduit à 100 euros par jour de retard courant au plus tôt quinze jour à compter de la notification du jugement en ce qui concerne l'injonction de produire un rapport des actions mises en place depuis le mois de juillet 2023 et à ce que le montant de l'astreinte soit réduit à 100 euros par jour de retard courant au plus tôt deux mois à compter de la décision à intervenir en ce qui concerne l'injonction visant à réparer l'anomalie de stockage, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Mâcon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers frais et dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Paris n'est pas compétent ;

- le centre hospitalier de Mâcon n'est pas une partie au contrat liant le Réseau des Acheteurs Hospitaliers à la société Philips et n'a donc pas intérêt à agir ;

- il n'y a plus d'urgence dès lors que les anomalies de surconsommation de stockage et de suppression des données ont été traitées ;

- les mesures sollicitées par le centre hospitalier de Mâcon ne sont pas utiles ;

- la demande se heurte à une contestation sérieuse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Salzmann pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. La société Philips France Commercial (société Philips) a été retenue pour fournir des solutions de gestion, d'archivage et de transmission de données et images médicales numériques au centre hospitalier de Mâcon (CH de Mâcon) dans le cadre d'un appel d'offres ouvert passé par le Réseau des Acheteurs Hospitaliers (RESAH) en qualité de centrale d'achat. Le 24 juillet 2023, le centre hospitalier a alerté la société Philips de plusieurs dysfonctionnements relatifs à l'accès aux données numériques stockées. Par un courrier du 18 septembre 2023, le CH de Mâcon a mis en demeure la société Philips de réaliser un audit sur le site du CH de Mâcon afin d'identifier les causes des dysfonctionnements récurrents, d'établir un compte-rendu d'intervention avec définition des actions à mettre en place et de définir un calendrier précis des interventions à accomplir. Par un courrier du 12 octobre 2023, la société Philips a répondu à cette mise en demeure en exposant des solutions alternatives envisageables et, par un autre courrier du 18 octobre 2023, a annoncé la livraison d'un serveur tampon dans l'attente de la mise en place d'une solution pérenne. Par la présente requête, le CH de Mâcon demande au juge des référés d'enjoindre à la société Philips de prendre un certain nombre de mesures qu'elle énumère pour remédier aux problèmes de suppression de données et de stockage.

Sur l'exception d'incompétence opposée en défense :

2. L'article R. 312-11 du code de justice administrative dispose : " En matière précontractuelle, contractuelle et quasi contractuelle le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu prévu pour l'exécution du contrat. Si son exécution s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif ou si le lieu de cette exécution n'est pas désigné dans le contrat ou quasi-contrat, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel l'autorité publique compétente pour signer le contrat ou la première des autorités publiques dénommées dans le contrat a son siège, sans que, dans ce cas, il y ait à tenir compte d'une approbation par l'autorité supérieure, si cette approbation est nécessaire. / Toutefois, si l'intérêt public ne s'y oppose pas, les parties peuvent, soit dans le contrat primitif, soit dans un avenant antérieur à la naissance du litige, convenir que leurs différends seront soumis à un tribunal administratif autre que celui qui serait compétent en vertu des dispositions de l'alinéa précédent. "

3. Aux termes de l'article R. 221-3 du code de justice administrative : " Le siège et le ressort des tribunaux administratifs sont fixés comme suit : () Dijon : Côte-d'Or, Nièvre, Saône-et-Loire, Yonne ".

4. Si l'article 13.2 du cahier des clauses administratives particulières comporte une clause attributive de compétence au profit du tribunal administratif de Paris ainsi que le permettent les dispositions précitées de l'article R. 312-11 du code de justice administrative, cette stipulation du contrat ne vise que les litiges opposant le titulaire du contrat au RESAH. Or, le requérant, le CH de Mâcon, n'est pas titulaire du contrat mais la société Philips, et le CH a la qualité de tiers à l'accord-cadre. Il s'ensuit que le présent litige ne ressortit pas à la compétence du tribunal administratif de Paris mais du tribunal administratif de Dijon dans le ressort duquel le centre hospitalier est situé. Par suite, l'exception d'incompétence territoriale opposée par la société Philips doit être retenue. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par le CH de Mâcon doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

5. Il résulte de ce qui précède que la requête présentée par le CH de Mâcon doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du CH de Mâcon la somme que réclame la société Philips sur ce même fondement.

6. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens prévu par l'article

R.761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées à ce titre par la société Philips doivent être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Mâcon est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : Les conclusions de la société Philips sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au titre de l'article R.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Philips et au centre hospitalier de Mâcon.

Copie en sera adressée au Réseau des Acheteurs Hospitaliers.

Fait à Paris, le 16 janvier 2024.

La juge des référés,

M. Salzmann

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

N°2323926