TA de Rennes, 05 octobre 2023, n°2104277

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 août et 29 novembre 2021 et le

7 septembre 2023, la société Documenthom Centre Val de Loire, représentée par Me Louis des Cars, avocat de la SELARL Altana, demande au tribunal :

1°) d'annuler le marché conclu par la chambre d'agriculture de Bretagne avec la société Adventiel portant sur l'impression, l'appariement, la mise sous pli, l'affranchissement et l'expédition des documents officiels d'accompagnement des bovins (passeports/ASDA) ;

2°) de condamner la chambre d'agriculture de Bretagne à lui verser une somme de 84 086,679 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée ;

3°) d'ordonner, en tant que de besoin, la communication de l'annexe financière à l'acte d'engagement conclu entre la chambre d'agriculture de Bretagne et la société Adventiel ;

4°) de mettre à la charge de la chambre d'agriculture de Bretagne une somme de

4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son recours, introduit dans le délai de deux mois après la publication de l'avis d'attribution du marché litigieux, est recevable en sa qualité de candidate évincée du marché ;

- la notation qui lui a été attribuée pour six des critères techniques du marché est entachée de plusieurs erreurs ;

- la chambre d'agriculture de Bretagne a commis des erreurs manifestes d'appréciation dans la valeur respective de son offre et de celle de la société Adventiel et méconnu le principe d'égalité entre les candidats, les notes attribuées pour le critère portant sur la qualité des conditions de stockage des documents, le critère portant sur l'impression, le critère portant sur l'organisation de l'appariement, le critère portant sur les références et l'expérience sur des process similaires, le critère portant sur la capacité à répondre à l'exigence de réalisation quotidienne de l'activité et à la gestion de la variation quotidienne de la volumétrie, et le critère portant sur la gestion des dysfonctionnements et des réclamations n'étant pas justifiées ;

- elle a obtenu la note maximale de 30 s'agissant du critère du prix et la note maximale de 10 s'agissant du critère portant sur l'impact environnemental, de sorte que l'attribution de quatre points supplémentaires aurait suffi pour que son offre soit classée première ;

- l'importance de la dénaturation des termes de l'offre qu'elle a remise est telle qu'elle s'oppose à la poursuite du contrat conclu entre la chambre d'agriculture de Bretagne et la société Adventiel ;

- l'ampleur et l'importance des manquements de la chambre d'agriculture de Bretagne dans l'appréciation de son offre l'ont privée d'une chance sérieuse de remporter le contrat litigieux ;

- elle a été classée en deuxième position et est donc en droit de solliciter l'indemnisation de son manque à gagner ;

- la chambre d'agriculture de Bretagne doit être condamnée, en réparation de son éviction irrégulière, à lui verser la somme de 84 086,679 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, correspondant à la marge nette qu'elle aurait dû retirer de l'exécution du contrat litigieux d'une durée de deux ans et demi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2023, la chambre régionale d'agriculture de Bretagne, représentée par Me Héritier (société FIDAL), conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Documenthom Centre Val de Loire une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de la société Documenthom est irrecevable, l'offre qu'elle a transmise dans le cadre de la procédure de passation de contrat critiquée étant incomplète et devant donc être regardée comme irrégulière, ce qui ne lui permet pas de critiquer l'appréciation de l'offre de la société Adventiel ;

- la méthode de notation qu'elle a choisie, et qui a été publiée et communiquée aux candidats, consiste à attribuer la note de 0 lorsqu'aucun élément n'a été apporté à une information demandée ;

- l'analyse de l'offre de la société Documenthom, et notamment de son mémoire technique, révèle qu'elle n'a pas présenté tous les éléments de réponse aux spécifications techniques exigées par le dossier de consultation ou que sa réponse pour certains points d'analyse technique pourtant déterminants est imprécise et floue ;

- l'offre présentée par la société Documenthom avait la particularité de proposer d'effectuer la prestation attendue par une automatisation importante, sans toutefois établir l'exactitude des informations contenues dans les documents imprimés à l'issue du procédé ;

- la société Documenthom a peu expliqué la méthode qu'elle se proposait de mettre en œuvre, en laissant le soin au pouvoir adjudicateur, qui ne disposait pourtant pas des ressources nécessaires, d'interpréter les modalités techniques de ce dispositif qui lui était pourtant inconnu ;

- la note maximale ne pouvait être attribuée à la société Documenthom pour le critère portant sur la qualité des conditions de stockage des documents, en l'absence d'informations expliquant les modalités précises de ce stockage ;

- la note de 5,6 qui a été attribuée à la société requérante pour le critère portant sur l'impression s'explique par le fait qu'elle n'a transmis aucun échantillon imprimé, permettant de justifier son expérience et son savoir-faire en matière d'impression de supports similaires à ceux du marché ;

- la note de 7 obtenue pour le critère portant sur la qualité de l'organisation de l'appariement résulte du caractère insuffisant des éléments de réponse apportés par la société Documenthom s'agissant de l'organisation technique de cet appariement, ne permettant pas une compréhension suffisante du procédé utilisé, alors même que celui-ci devait permettre de réduire de moitié le coût du marché, ainsi que d'imprécisions dans la présentation de sa méthode de contrôle de qualité ;

- la note de 6,8 attribuée pour le critère portant sur les références et l'expérience dans des process similaires s'explique par une absence de précision concernant la prise en compte des autres formules d'affranchissement demandées et par l'absence de tout élément pour répondre à la problématique soulevée par les demandes particulières ;

- la note de 6,3 attribuée pour le critère portant sur la capacité à répondre à l'exigence de réalisation quotidienne de l'activité et à gérer la variation quotidienne de volumétrie résulte du fait que la société requérante s'est abstenue d'évoquer la gestion des fermetures annuelles ;

- la note de 6 attribuée pour le critère portant sur la gestion des dysfonctionnements et des réclamations ne justifie pas l'absence de précisions relatives à la démarche management de la qualité et aux certifications éventuelles détenues ;

- dans un marché à bons de commandes sans minimum, le cocontractant ne bénéficie d'aucun droit à l'émission de ces bons, de sorte que le manque à gagner invoqué par la société Documenthom ne présente pas un caractère certain et ne peut être indemnisé ;

- la société requérante n'est pas davantage fondée à inclure dans ses prétentions indemnitaires la taxe sur la valeur ajoutée.

La procédure a été communiquée à la société Adventiel qui n'a produit aucun mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Thalabard,

- les conclusions de M. Blanchard, rapporteur public,

- et les observations de Me Lefebvre, représentant la société Documenthom Val de Loire et de Me Héritier, représentant la chambre régionale d'agriculture de Bretagne.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 26 janvier 2021, la chambre régionale d'agriculture de Bretagne a engagé, en qualité de coordinatrice du groupement de commande qu'elle forme avec le Groupement de Défense Sanitaire de Bretagne, une procédure de consultation en vue de procéder à l'attribution d'un marché public de prestations ayant pour objet l'impression, l'appariement, la mise sous pli, l'affranchissement et l'expédition des documents officiels d'accompagnement des bovins, passeports et attestations sanitaires à délivrance anticipée (ASDA). La société Documenthom Centre Val de Loire a remis une offre, ainsi que trois autres sociétés. La chambre régionale d'agriculture de Bretagne l'a informée, par courrier du 26 avril 2021, que son offre n'avait pas été retenue puis lui a précisé, par courrier du 11 mai 2021, que le marché avait été attribué à la société Adventiel, qui avait obtenu la note de 79,40 sur 100, et que son offre, qui avait obtenu la note de 76,40 sur 100, avait été classée en deuxième position. Le marché, sous forme d'accord-cadre à bons de commande, constitué d'un lot unique, a pris effet le 1er juin 2021 et se terminera le 31 décembre 2023, tout en étant susceptible d'être reconduit une fois pour une période de douze mois. Le 19 août 2021, la société Documenthom Centre Val de Loire a saisi la chambre régionale d'agriculture de Bretagne d'une demande préalable à fin d'indemnisation de son préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution du marché. Par la présente requête, la société Documenthom Centre Val de Loire demande l'annulation du marché conclu entre la chambre régionale d'agriculture de Bretagne et la société Adventiel ainsi que la condamnation de la chambre régionale d'agriculture de Bretagne à lui verser une somme de 84 086,679 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, en réparation de son manque à gagner.

Sur les conclusions en contestation de la validité du contrat :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Les tiers, autres que les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ou le représentant de l'Etat dans le département, ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

En ce qui concerne la recevabilité de l'offre présentée par la société Documenthom Centre Val de Loire :

3. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Selon l'article L. 2152-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ".

4. L'article 3.2 du règlement de consultation du marché public de prestations en litige, relatif aux conditions de participation, précise que : " Les candidats devront constituer un dossier de candidature comprenant : / a. Statut juridique et capacité professionnelle - références requises : / renseignements sur la situation juridique de l'entreprise : / ' Lettre de candidature ou imprimé DC1 / ' Déclaration du candidat ou imprimé DC2 / ' Pouvoir de la personne habilitée à engager le candidat. () ".

5. Dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres, le pouvoir adjudicateur est tenu d'écarter sans l'examiner ni la classer l'offre qui est irrégulière, inappropriée ou inacceptable et ne peut, en conséquence, inviter un candidat à la régulariser. Alors même qu'il aurait procédé à son examen et à son classement, il peut se prévaloir du caractère irrégulier, inapproprié ou inacceptable de l'offre présentée par l'auteur d'un recours en contestation de la validité du contrat pour soutenir, dans le cadre de cette instance, que celui-ci n'est pas susceptible d'avoir été lésé par les manquements qu'il invoque.

6. Toutefois, la production des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à engager un candidat, ainsi que le prévoit l'article 3.2 du règlement de consultation du marché cité au point 4, conditionne seulement l'examen des candidatures. Une offre ne saurait donc être regardée, par elle-même, comme irrégulière, au seul motif que le pouvoir adjudicateur ne dispose pas des documents attestant que le signataire de l'acte d'engagement est habilité à représenter l'entreprise candidate. Lorsque, comme en l'espèce, l'acte d'engagement a été signé par une personne qui se présente comme un responsable de cette entreprise, il est loisible au pouvoir adjudicateur, à supposer qu'il doute de la capacité du signataire à engager le candidat, de solliciter la production des documents justifiant de cette capacité. Par suite, et à défaut de s'être assurée en temps utile que l'acte d'engagement remis par la société Documenthom Centre Val de Loire avait bien été signé par une personne disposant d'un pouvoir pour engager la société, la chambre régionale d'agriculture de Bretagne ne saurait utilement se prévaloir du caractère irrégulier de son offre pour soutenir que cette candidate est, en conséquence, privée de la possibilité de critiquer l'appréciation des offres reçues dans le cadre de la procédure de passation litigieuse et n'a pu être lésée par les manquements qu'elle invoque.

En ce qui concerne l'appréciation de la valeur des offres :

7. L'article 4 du règlement de consultation du marché public de prestations en litige stipulait que l'appréciation des offres sur une base de 100 serait établie à partir de critères pondérés, constitués du prix pour 30 % et de sept critères techniques pour un total de 70 %. La chambre régionale d'agriculture de Bretagne expose que la méthode de notation des critères techniques, dont elle soutient, sans être contestée, qu'elle a été publiée et communiquée aux parties, prévoyait l'attribution d'une note de zéro si aucun élément de réponse n'était donné sur le point concerné, l'attribution d'une note de deux si le candidat donnait un élément de réponse mais très insuffisant ou non adapté, l'attribution d'une note de cinq si le candidat donnait des éléments de réponse mais insuffisamment précis ou adaptés à la demande, qui ne permettaient pas d'apprécier la maîtrise du point concerné, l'attribution d'une note de huit si les réponses apportées permettaient de penser que le candidat maîtrisait globalement le point concerné mais manquait d'informations complémentaires ou de précisions garantissant une maîtrise complète et l'attribution d'une note de dix si les réponses étaient conformes aux besoins et pouvaient même aller au-delà du besoin, le prestataire maîtrisant a priori complètement le point concerné.

8. La société Documenthom Centre Val de Loire, qui a obtenu la note maximale de

30 points s'agissant du critère du prix et de 46,40 sur 70 pour les sept critères techniques conteste la notation qui lui a été attribuée pour six de ces critères techniques et soutient que la chambre régionale d'agriculture de Bretagne a entaché son analyse de la valeur technique de son offre et de celle de la société attributaire d'erreurs manifestes d'appréciation ainsi que d'une rupture d'égalité entre les candidats.

S'agissant du critère portant sur la qualité des conditions de stockage des documents :

9. Il résulte de l'instruction que la société Documenthom a obtenu la note de 6,5 sur 10 pour le critère portant sur la qualité des conditions de stockage des documents, lequel était évalué à partir de huit éléments d'appréciation, portant notamment sur les points suivants : " Descriptions propreté, critères d'ambiance ", " lutte contre les nuisibles " et " risque dégât des eaux ". Si la société Documenthom critique l'évaluation qui a été faite de son offre et particulièrement les notes de zéro attribuées concernant les deux derniers éléments d'appréciation, elle ne justifie pas avoir apporté les réponses attendues par le pouvoir adjudicateur en produisant un extrait de son mémoire technique comportant une photo de Big box, ayant pour seul commentaire : " Big box dans lesquels les cartons des documents Cerfa de la chambre d'agriculture seront stockés. En stockant les cartons dans ces " box ", la protection est totale ". Cette réponse sommaire, dépourvue de précisions sur les conditions d'ambiance, en particulier concernant la température et l'hygrométrie des locaux dans lesquels ces cartons seraient entreposés ainsi que de toute indication sur la lutte contre les nuisibles, d'une part, et les risques de dégâts des eaux, d'autre part, a pu justifier que la note de 7 lui soit attribuée pour le premier élément d'appréciation et la note de zéro pour les deux autres éléments. Alors que la société Adventiel a, pour sa part, obtenu une note globale de 9,4 pour ce critère, la chambre régionale d'agriculture de Bretagne fait valoir que celle-ci a fait état dans son offre, d'une part, concernant la propreté et l'ambiance, de locaux propres et aérés, faisant l'objet d'un contrat de nettoyage, d'autre part, concernant la lutte contre les nuisibles, d'un examen quotidien du site, en plus du contrat de nettoyage et enfin, concernant le risque de dégâts des eaux, de précisions sur la localisation du site en dehors d'une zone inondable, de l'absence de points d'eau et du stockage des documents sur des palettes, permettant, même en cas de dégâts des eaux ou d'humidité, d'éviter tout risque de dégradation des documents. La notation de l'offre de la société Documenthom n'est, en conséquence, pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur ce premier critère.

S'agissant du critère portant sur l'impression :

10. Il résulte de la lecture du règlement de la consultation du marché litigieux qu'après indication des critères d'évaluation des offres, il était précisé que " la fourniture d'échantillons imprimés issus de travaux réalisés par le candidat, similaires aux documents faisant l'objet du présent marché sera un plus ". S'il est constant qu'une telle mention ne rendait pas obligatoire la remise d'échantillons, la société requérante, qui admet ne pas avoir joint d'échantillon, ne saurait utilement contester la note de zéro qui lui a été attribuée, en conséquence, relative à l'appréciation des échantillons transmis, qui constituait l'un des cinq éléments permettant d'évaluer le critère portant sur l'impression, destiné à apprécier le savoir-faire des candidats sur des supports spécifiques similaires à ceux du marché. En outre, contrairement à ce que soutient la société Documenthom Centre Val de Loire, la transmission d'échantillons, issus de précédents travaux des sociétés candidates, ainsi qu'a choisi de le faire la société Adventiel, ne supposait pas que la chambre régionale d'agriculture de Bretagne fournisse préalablement un fichier test permettant l'impression de Cerfa. La notation de l'offre de la société Documenthom n'est, en conséquence, pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur ce deuxième critère.

S'agissant du critère portant sur la qualité de l'organisation de l'appariement :

11. Pour apprécier l'offre de la société Documenthom Centre Val de Loire sur le critère portant sur la qualité de l'organisation de l'appariement, évalué à partir de trois éléments de notation, " Organisation décrite ", " Stabilité du personnel affecté " et " Contrôle qualité ", la chambre régionale d'agriculture de Bretagne lui a adressé un courrier, le 19 mars 2021, par lequel elle sollicitait des précisions sur la solution proposée, dont elle souligne qu'elle était singulière pour ce type de marché, dès lors qu'elle prévoyait une automatisation très importante de la prestation, notamment lors de l'appariement et de la mise sous plis, alors que traditionnellement ces étapes sont réalisées manuellement afin de contrôler l'exactitude des informations portées sur les documents réglementaires émis, servant de preuve pour identifier les animaux lors des transactions et contrôles effectués chez les exploitants. Le pouvoir adjudicateur a plus particulièrement interrogé la société soumissionnaire sur l'impression d'un code-barre sur les documents finis, en plus des informations fournies par fichiers ainsi que sur la capacité des machines destinées à l'appariement et à la mise sous pli à lire les numéros d'exploitation imprimés sur les documents. En réponse, la société Documenthom Centre Val de Loire a indiqué, le 22 mars 2021, que son mémoire technique comportait une présentation générale de ses logiciels, sans qu'il ne soit envisagé d'ajouter de codes barre sur les documents relatifs au marché en cause, et que la solution proposée reposait uniquement sur la lecture des numéros d'exploitation et l'ajout d'un datamatrix sur le courrier d'accompagnement au niveau de la fenêtre de l'enveloppe. Si elle fournit également des précisions sur la procédure de calcul du poids des plis, il ne résulte pas de son courrier du 22 mars 2021 que la société requérante aurait apporté les éléments de réponse attendus sur la capacité des machines d'appariement et de mise sous pli à reconnaître les numéros de pli. Dès lors, la note de 6 qui lui a été attribuée pour l'élément d'appréciation " Organisation décrite " correspond à la méthode de notation du pouvoir adjudicateur rappelée au point 7.

12. Concernant l'élément d'appréciation relatif au contrôle qualité, la société Documenthom Centre Val de Loire a confirmé, dans ce même courrier du 22 mars 2021, que " comme mentionné dans le mémoire technique, un contrôle visuel des plis sera assuré tous les 50 courriers. Ce contrôle sera effectué les premiers mois de la prestation mais aucun dysfonctionnement ne devrait être détecté à ce niveau ". Au regard de ces seuls éléments, s'agissant d'une procédure automatisée nouvellement mise en place, il ne saurait être sérieusement contesté que cette procédure de contrôle a pu apparaître insuffisante au pouvoir adjudicateur, ce qui a pu justifier que la note de 6 soit attribuée pour cet élément d'appréciation.

13. A l'inverse, la chambre régionale d'agriculture de Bretagne produit les extraits du mémoire technique adressé par la société Adventiel qui détaille l'étape d'appariement des documents, effectuée de manière manuelle et comportant un contrôle visuel par les techniciens d'éditique de la bonne impression des documents, ainsi que la procédure de contrôle qualité appliquée chaque jour, incluant notamment un contrôle croisé de chaque caissette, permettant ainsi la traçabilité des opérations de contrôles et une gradation dans leur intensité, en fonction des dysfonctionnements constatés dans l'appariement. La différence notable dans la présentation des offres de la société requérante et de la société attributaire justifie la différence d'évaluation qui en a été faite et l'attribution de la note de 9,7 sur 10 à la société Adventiel pour ce critère portant sur la qualité de l'organisation de l'appariement. La notation de l'offre de la société Documenthom n'est, en conséquence, pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur ce critère.

S'agissant du critère portant sur les références et l'expérience :

14. Il résulte du rapport d'analyse des offres que la société Documenthom Centre Val de Loire a obtenu la note de 6,8 sur 10 pour le critère portant sur les références et l'expérience sur des process similaires, incluant édition, mise sous pli, affranchissement et expédition, qui était évalué à partir de huit éléments d'appréciation, dont notamment les trois items " habilitation courrier industriel grand compte G2-G4 et prise en compte de ses contraintes ", " prise en compte des autres formules d'affranchissement " et " prise en compte des demandes particulières " pour lesquels elle a obtenu une notation inférieure à celle de la société attributaire du marché. Toutefois, la société requérante ne conteste pas sérieusement le caractère imprécis de son offre, concernant le premier de ces éléments, en faisant valoir que son mémoire technique comportait uniquement les précisions suivantes : " Documenthom a des contrats avec La Poste pour des envois en volume, en courrier G2, en courrier industriel G4, destineo, envoi presse Un autre contrat existe pour le ramassage des plis tous les jours à 16.30 heures par navette postale. Les plis sont donc ramassés directement par La Poste pour être acheminés au centre de tri de Blois. ". Elle ne saurait davantage prétendre qu'une telle réponse était suffisante pour répondre à l'élément d'appréciation " Prise en compte des demandes particulières ", pour lequel elle ne présentait aucune autre procédure, le pouvoir adjudicateur étant ainsi fondé à lui attribuer la note de zéro. Le mémoire technique présenté par la société Adventiel comportait, pour sa part, des réponses particulièrement précises s'agissant notamment des formules d'affranchissement pouvant être utilisées en dehors des procédures d'affranchissement industrielles classiques ainsi que pour la procédure proposée pour prendre en charge les demandes particulières, ce qui a pu justifier que les notes respectivement de 10 et 9 lui soient attribuées pour les deux éléments d'appréciation litigieux. La notation de l'offre de la société Documenthom n'est, en conséquence, pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur ce critère.

S'agissant du critère portant sur la capacité à répondre à l'exigence de réalisation quotidienne de l'activité et de gestion de la variation quotidienne de la volumétrie :

15. Il résulte de l'instruction que le critère portant sur la capacité à répondre à l'exigence de réalisation quotidienne de l'activité et de gestion de la variation quotidienne de la volumétrie était évalué à partir des quatre éléments, " Engagement traitement totalité dans la journée ", " Gestion variation activité ", " Capacité à prendre en charge une arrivée des fichiers tardives " et " Fermeture annuelle ". Si la société Adventiel et la société Documenthom Centre Val de Loire ont obtenu les mêmes notes pour les deux premiers éléments d'appréciation et une note presque similaire pour le troisième, la société requérante conteste la note de zéro qui lui a été attribuée pour le dernier élément. Pour autant, elle n'établit pas, par l'extrait de son mémoire technique qu'elle produit, qu'elle aurait apporté la moindre précision sur son éventuelle fermeture annuelle. Contrairement à ce qu'elle soutient, la seule présentation du planning d'une journée type et de la composition de son équipe ne suffisait pas à déduire qu'elle proposait de réaliser ses prestations tous les jours ouvrés sans aucune fermeture annuelle, d'autant que le cahier des clauses techniques particulières du marché stipulait expressément la nécessité de préciser l'organisation permettant de réaliser les prestations tous les jours, y compris les jours de pont, à l'exception néanmoins des samedi, dimanche et jours fériés. Dans ces conditions, la société Documenthom Centre Val de Loire ne peut se plaindre de la note qui lui a été attribuée pour l'évaluation de l'item " fermeture annuelle ", laquelle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et par conséquent, pour ce cinquième critère technique.

S'agissant du critère portant sur la gestion des dysfonctionnements et réclamations :

16. La société Documenthom Centre Val de Loire conteste, enfin, l'évaluation qui a été faite de son offre au titre du critère portant sur la gestion des dysfonctionnements et réclamations, pour laquelle la note de 6 lui a été attribuée, en ce que, pour l'un des trois éléments d'appréciation retenus, portant sur la démarche de management de la qualité et les certifications en place, la note de zéro lui a été infligée. Cependant, elle ne soutient ni n'allègue qu'elle disposerait de certifications dont elle aurait fait état dans son offre. Elle ne justifie pas davantage avoir produit des éléments utiles à l'appréciation de la démarche de management de la qualité qu'elle serait effectivement en mesure de mettre en place par la seule mention, dans son mémoire technique, de considérations générales sur sa volonté de proposer des prestations de qualité et d'opérer des contrôles de production, en joignant un modèle de fichier, qui n'a toutefois pas été produit, permettant de contrôler que tous les documents sont traités depuis la remise des informations fournies par la chambre d'agriculture jusqu'à l'enlèvement des plis par les services postaux. Au demeurant, à supposer même que les éléments ainsi présentés dans le mémoire technique de la société requérante aient pu être seulement regardés comme très insuffisants, justifiant l'attribution d'une note de 2 plutôt que celle de zéro, une telle appréciation aurait été sans incidence sur son classement, compte tenu de la pondération de chacun des critères dans la note finale.

17. Au regard de ce qui a été développé aux points 7 à 16, la société Documenthom Centre Val de Loire n'est pas fondée à soutenir que l'analyse tant de son offre que de celle de la société Adventiel serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'une rupture d'égalité entre les candidats. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur aurait dénaturé les termes de son offre. Par suite, elle ne saurait utilement contester la validité du contrat conclu entre la chambre régionale d'agriculture de Bretagne et la société Adventiel.

18. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la société Documenthom Centre Val de Loire à fin d'annulation du contrat litigieux doivent être rejetées. Ses conclusions tendant à ce que soit ordonnée, en tant que de besoin, la communication de l'annexe financière à l'acte d'engagement conclu entre la chambre d'agriculture de Bretagne et la société Adventiel, qui ne présentent aucune utilité, doivent également être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

19. Il résulte de ce qui précède qu'aucune irrégularité entachant la procédure d'attribution du marché en litige n'a été la cause de l'éviction de la société requérante. Par suite, les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice que la société Documenthom Centre Val de Loire aurait subi en raison de son éviction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre régionale d'agriculture de Bretagne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société requérante demande au titre des dépenses exposées et non comprises dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par la société Documenthom Centre Val de Loire doivent dès lors être rejetées.

21. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Documenthom Centre Val de Loire une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la chambre régionale d'agriculture de Bretagne et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Documenthom Centre Val de Loire est rejetée.

Article 2 : La société Documenthom Centre Val de Loire versera à la chambre régionale d'agriculture de Bretagne la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Documenthom Centre Val de Loire, à la société Adventiel et à la chambre régionale d'agriculture de Bretagne.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Grenier, présidente,

Mme Plumerault, première conseillère,

Mme Thalabard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

signé

M. Thalabard

La présidente,

signé

C. GrenierLa greffière,

signé

I. Le Vaillant

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.