TA de Rennes, 27 novembre 2023, n° 2305837
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 octobre et 9 novembre 2023, la société Livaden, représentée par la Selarl Chevallier et associés, demande au juge des référés, dans le dernier état de ses écritures, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la décision du ministre des armées du 16 octobre 2023 portant rejet de sa candidature pour l'attribution de l'accord-cadre n° M22B00139 ayant pour objet l'application de peinture sur les navires et matériels navals de la marine nationale, ensemble la décision d'attribution du contrat éventuellement notifiée ;
2°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de toutes les décisions se rapportant à la passation de ce contrat ;
3°) d'enjoindre au ministre des armées, s'il entend conclure ce marché, de reprendre la procédure d'attribution au stade de l'examen des candidatures ou, à titre subsidiaire, au stade de la négociation en apportant aux candidats toutes précisions utiles concernant les modalités de remise des offres modifiées dans le cadre des négociations ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- la requête est recevable ; le marché en litige n'est pas un marché de défense et de sécurité, au sens de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique, dès lors qu'il porte sur des prestations de peinture sur des navires et matériels de la marine nationale, et ne porte donc pas sur des travaux ayant des fins spécifiquement militaires ;
- en tout état de cause, les conclusions nouvellement présentées permettent de régulariser la requête ;
- son dossier de candidature et d'offre est complet ; les documents prétendument manquants ont été transmis ; elle est nécessairement lésée par la décision déclarant son dossier irrégulier pour incomplétude ;
- si l'offre doit en principe être transmise en une seule fois, toute transmission ne doit pas pour autant être qualifiée d'offre ; elle a transmis de nouveaux éléments, après la modification par le pouvoir adjudicateur de certains éléments du dossier de consultation, mais n'a pas transmis de nouveau l'intégralité de son offre ; ces éléments ne peuvent être regardés comme s'étant intégralement substitués à l'offre précédemment déposée ;
- elle n'a, effectivement, pas procédé à une nouvelle communication de l'intégralité des documents visés au règlement de la consultation, car, en toute bonne foi, elle ne pensait pas être invitée à le faire ; les modalités de la négociation, et de la communication des offres modifiées dans ce cadre, n'ont jamais été clairement explicitées par le pouvoir adjudicateur, ni dans le dossier de consultation, ni dans ses courriers et encore moins lors de la réunion de négociation ; son erreur résulte d'un manque d'information de la part du pouvoir adjudicateur, et ne peut justifier le rejet de son offre ;
- les tarifs d'application du barème objet du marché n'ont pas changés entre les versions 1 et 2 du marché ; les éventuelles remarques pouvaient être faites par le biais des annexes financières au cahier des clauses administratives particulières (CCAP), qui ont fait l'objet d'une nouvelle communication ; l'attestation d'absence de matière radioactive avait déjà été communiquée en début de procédure et restait incontestablement valable, de sorte qu'il n'y avait pas lieu, en toute logique, de la transmettre à nouveau.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Livaden la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la candidature de la société Livaden a été agréée, dès lors qu'elle a été admise à déposer une offre ;
- dans le cadre d'une procédure négociée, les offres initiales, intermédiaires et finales ne peuvent être confondues, chacune correspondant à une étape particulière de la procédure ;
- la société Livaden a transmis, en réponse à la seconde demande d'offre, un pli incomplet ; il n'appartient pas au pouvoir adjudicateur de reconstituer la meilleure et dernière offre d'un candidat, en combinant les différentes offres successivement déposées ;
- les documents manquants sont primordiaux dans l'analyse de l'offre et l'appréciation de sa régularité et de sa conformité par rapport aux exigences du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ; certaines exigences ont été modifiées et la seule circonstance que le premier tableau renseigné ait mentionné " sans réserve " pour chaque exigence et paragraphe ne saurait signifier qu'il en était nécessairement de même dans le cadre de la version 2 du marché ;
- le règlement de la consultation est obligatoire dans toutes ses exigences et celle en cause n'était pas manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des offres ;
- les exigences et attentes étaient claires, et la société Livaden ne l'a pas questionné pour obtenir des précisions ou informations ;
- ni le code de la commande publique ni les documents de la consultation ne prévoient ou permettent la remise d'une offre, en procédure négociée, complétée au fur et à mesure des négociations ;
- la lettre d'invitation à déposer une seconde offre faisait explicitement référence à une " nouvelle offre ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2023, la société Altrad Prezioso, représentée par la Selarl Paillat, Conti et Bory, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la mise à la charge de la société Livaden la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable, dès lors que le juge des référés précontractuels ne peut, s'agissant d'un marché de sécurité et de défense, annuler les décisions se rapportant à la passation du marché ;
- elle est en tout état de cause mal fondée ; la société Livaden n'a pas transmis un document complémentaire non obligatoire à une offre préalablement transmise, mais s'est bien abstenue de fournir deux documents, dans le cadre de la transmission de sa nouvelle offre post-négociation, requis pour l'analyse de chacune des offres en vertu des stipulations de l'article 5.1 du règlement de la consultation ; son offre était donc incomplète et ne pouvait qu'être rejetée comme irrégulière ;
- à supposer même que les premiers documents transmis soient pris en considération, cela n'aurait pas d'incidence, dans la mesure où les documents en cause ne seraient précisément pas ceux issus des documents de la consultation dans leur dernière version en vigueur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Thielen, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique du 9 novembre 2023 :
- le rapport de Mme Thielen ;
- les observations de Me Hallouet, représentant la société Livaden, qui persiste dans ses conclusions écrites, par les mêmes moyens qu'il développe et qui soutient notamment que :
* le marché en litige n'est pas un marché de sécurité et de défense ; il n'est pas établi que les navires et bâtiments concernés sont militaires ;
* en tout état de cause, les conclusions ont été modifiées et sont recevables ;
* compte tenu de la teneur des modifications apportées aux documents de la consultation, la lettre invitant à déposer une nouvelle offre pouvait raisonnablement être lue comme demandant uniquement la transmission de documents complémentaires ;
* aucune nouvelle observation n'était à porter au CCTP et exiger une seconde transmission de l'attestation relative à la radioactivité qui procède d'un formalisme excessif ;
- les observations de M. A, adjoint à la cheffe du département d'expertise juridique au service de soutien de la flotte de Brest, représentant le ministre des armées, qui persiste dans ses conclusions écrites, par la même argumentation qu'il développe et fait également valoir que :
* le marché est bien un marché de défense et de sécurité ; en toute hypothèse, à supposer les prestations mixtes, le pouvoir adjudicateur peut choisir la procédure ;
* en procédure négociée, les documents de la consultation sont modifiés après chaque phase de négociation, et une nouvelle offre doit, à chaque fois, être remise ;
* aucune ambiguïté n'entache le courrier de demande ;
* les documents actualisés devaient être de nouveau transmis, pour vérification de la régularité de l'offre et de sa conformité aux exigences du pouvoir adjudicateur ;
* les documents de la consultation nouveaux font disparaître les précédents ; le premier tableau d'observations et réserves ne peut être regardé comme valable pour les seconds ;
* la seconde offre remise par la société Livaden comporte, au demeurant, des éléments et documents différents de ceux remis dans le cadre de la première offre, s'agissant notamment du mémoire technique ou du plan de management ;
- les observations de Me Conti, représentant la société Altrad Prezioso, qui persiste dans ses conclusions écrites, par la même argumentation qu'elle développe et fait également valoir que :
* le marché est bien un marché de défense et de sécurité ;
* la candidature de la société requérante a été admise ;
* les documents de la consultation ont été modifiés dans le cadre de la négociation et une nouvelle offre, complète, devait être remise ;
* les pièces transmises sont destinées à devenir contractuelles ; elles devaient nécessairement être actualisées et de nouveau incluses, dans une nouvelle offre complète ;
* la négociation n'a pas porté que sur le prix ;
* l'offre est en toute hypothèse irrégulière, dès lors que l'offre comporte les documents de la consultation en version 1 et non en version 2.
La clôture de l'instruction a été fixée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis n° 2022/S 128-366253 publié le 6 juillet 2022 au Journal officiel de l'Union européenne, la direction du service de soutien de la flotte de Brest a lancé une consultation en vue de la passation, selon une procédure négociée avec publicité préalable, d'un accord-cadre à bons de commande n° M22B00139, d'une durée de 72 mois, portant sur des prestations d'application de peinture sur les navires et matériels navals de la marine nationale. La société Livaden a été informée, par courrier du 16 octobre 2023, du rejet de son offre pour irrégularité. Par la présente requête et dans le dernier état de ses écritures, la société Livaden demande au juge des référés précontractuels, à titre principal, d'annuler la décision du ministre des armées du 16 octobre 2023 portant rejet de sa candidature pour l'attribution de l'accord-cadre n° M22B00139 ayant pour objet l'application de peinture sur les navires et matériels navals de la marine nationale, ensemble la décision d'attribution du contrat éventuellement notifiée, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de toutes les décisions se rapportant à la passation de ce contrat et d'enjoindre au ministre des armées, s'il entend conclure ce marché, de reprendre la procédure d'attribution au stade de l'examen des candidatures ou, à titre subsidiaire, au stade de la négociation en apportant aux candidats toutes précisions utiles concernant les modalités de remise des offres modifiées dans le cadre des négociations.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Aux termes de son article L. 551-2 : " I.- Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. / II.- Toutefois, le I n'est pas applicable aux contrats passés dans les domaines de la défense ou de la sécurité au sens de l'article 6 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. / Pour ces contrats, il est fait application des articles L. 551-6 et L. 551-7 ". Aux termes de son article L. 551-6 : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations en lui fixant un délai à cette fin. Il peut lui enjoindre de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat ou à la constitution de la société d'économie mixte à opération unique. Il peut, en outre, prononcer une astreinte provisoire courant à l'expiration des délais impartis. / () ". Aux termes de son article L. 551-7 : " Le juge peut toutefois, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, écarter les mesures énoncées au premier alinéa de l'article L. 551-6 lorsque leurs conséquences négatives pourraient l'emporter sur leurs avantages ". Aux termes enfin de son article L. 551-10 : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat () et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions principales de la requête :
3. Aux termes de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique, reprenant les termes de l'article 6 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : " Un marché de défense ou de sécurité est un marché conclu par l'État ou l'un de ses établissements publics et ayant pour objet : / 1° La fourniture d'équipements, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous-assemblages, qui sont destinés à être utilisés comme armes, munitions ou matériel de guerre, qu'ils aient été spécifiquement conçus à des fins militaires ou qu'ils aient été initialement conçus pour une utilisation civile puis adaptés à des fins militaires ; / () / 3° Des travaux, fournitures et services directement liés à un équipement mentionné au 1° ou au 2°, y compris la fourniture d'outillages, de moyens d'essais ou de soutien spécifique, pour tout ou partie du cycle de vie de l'équipement. Pour l'application du présent alinéa, le cycle de vie de l'équipement est l'ensemble des états successifs qu'il peut connaître, notamment la recherche et développement, le développement industriel, la production, la réparation, la modernisation, la modification, l'entretien, la logistique, la formation, les essais, le retrait, le démantèlement et l'élimination ; / () ".
4. Le marché en litige porte sur des prestations de peinture sur les navires et matériels navals de la marine nationale, qui constituent des travaux nécessaires à leur entretien. Eu égard à son objet, il relève ainsi des marchés de défense et de sécurité au sens du 3° de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique, sans qu'ait d'incidence la circonstance éventuelle que certaines des prestations de peinture à réaliser concerneront des bâtiments ou équipements ne constituant pas du matériel de guerre et étant dénués de toute fin ou de tout usage militaire. Dans ces circonstances et ainsi que le fait valoir la société Altrad Prezioso en défense, les conclusions principales de la requête présentée par la société Livaden, qui tendent à l'annulation de la décision du ministre des armées du 16 octobre 2023 portant rejet de sa candidature, ensemble la décision d'attribution du contrat éventuellement notifiée, sont irrecevables et doivent être rejetées comme telles.
En ce qui concerne les conclusions subsidiaires de la requête :
5. Pour contester le rejet de son offre, la société Livaden soutient qu'elle ne pouvait être qualifiée d'irrégulière pour non-respect des exigences fixées à l'article 5.1 du règlement de la consultation.
6. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". Aux termes de son article L. 2152-1 : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, () ". Aux termes de son article R. 2152-1 : " Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. / Dans les autres procédures, les offres inappropriées sont éliminées. Les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables au cours de la négociation ou du dialogue, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. Lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin, les offres qui demeurent irrégulières ou inacceptables sont éliminées ". Ces dispositions sont applicables aux marchés de sécurité et de défense, en application de celles des articles L. 2352-1 et R. 2352-1.
7. Il résulte de ces dispositions que le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. L'administration ne peut en conséquence attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres. Par ailleurs, si le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'inviter un candidat à préciser ou à compléter une offre irrégulière, il peut toutefois demander à un candidat des précisions sur son offre si celle-ci lui paraît ambiguë ou incertaine, ou l'inviter à rectifier ou à compléter cette offre sans que le candidat puisse alors en modifier la teneur. Il est en revanche interdit au pouvoir adjudicateur de modifier ou de rectifier de lui-même une offre incomplète, contradictoire ou ambigüe.
8. Aux termes par ailleurs de l'article R. 2351-6 du code de la commande publique : " Le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois par tout moyen permettant de déterminer de façon certaine la date et l'heure de leur réception et d'en garantir la confidentialité. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l'acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres ".
9. Pour juger l'offre de la société Livaden irrégulière, le pouvoir adjudicateur s'est fondé sur la circonstance qu'elle ne comportait pas l'intégralité des documents exigés par le règlement de la consultation, dès lors que n'avaient pas été transmis le tableau dans lequel le soumissionnaire devait formuler ses remarques sur l'accord-cadre et le cahier des clauses techniques particulières en reprenant la totalité des paragraphes ou/et des exigences, ni l'attestation confirmant l'absence de toute source radioactive dans les matériels fournis et utilisés.
10. Aux termes de l'article 5.1 du règlement de la consultation, devaient être fournis à l'appui de l'offre : " Le projet d'accord-cadre valant acte d'engagement complété, daté et signé par une personne ayant pouvoir [d']engager la société ou le groupement ; / les annexes du cahier des clauses administratives particulières [CCAP] suivantes renseignées : - l'annexe financière 1 relative aux prix des prestations du barème ; - l'annexe financière 2 relative aux éléments de détermination des prix utilisés pour la valorisation des devis relatifs aux commandes pour aléas ; / () / un mémoire ou dossier technique descriptif structuré incluant toutes les informations explicatives nécessaires pour présenter l'offre, laquelle doit répondre à toutes les exigences définies au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ; / un tableau dans lequel le soumissionnaire formule ses remarques sur l'accord-cadre, le CCAP et le CCTP en reprenant la totalité des paragraphes et/ou des exigences. Une mention " sans réserve " est indiquée pour chaque paragraphe/exigence pour lesquels le soumissionnaire n'a pas de commentaire particulier ; / un projet de plan de management d'assurance qualité (PMAQ) ; / une attestation confirmant l'absence de toutes sources radioactives dans les matériels fournis et utilisés. / () ".
11. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la première réunion de négociation, le pouvoir adjudicateur a informé les sociétés admises à présenter une première offre et à négocier, dont la société Livaden, de la disponibilité pour téléchargement du dossier de consultation des entreprises dans sa version n° 2 (V2) et les a invitées à présenter leur nouvelle offre. Ce même courrier, d'une part, précisait que le dossier de consultation V2 ne comportait que les documents modifiés ou complémentaires par rapport à la version n° 1 (V1), soit le projet de CCAP valant acte d'engagement et ses annexes financières et un projet de CCTP mis à jour, les modifications en cause apparaissant en rouge, et, d'autre part, rappelait aux candidats de tenir compte des points et observations discutés lors des négociations dont les procès-verbaux avaient été remis en séance et de respecter le format et les unités des annexes transmises par le service.
12. Il résulte de l'instruction que la société Livaden n'a pas transmis, à l'appui de sa nouvelle offre, le tableau dans lequel elle devait formuler ses remarques sur l'accord-cadre et le CCTP en reprenant la totalité des paragraphes ou/et des exigences, ni l'attestation confirmant l'absence de toute source radioactive dans les matériels fournis et utilisés. Ces documents ne peuvent être considérés comme étant dépourvus d'utilité à l'examen de son offre. Par ailleurs, la lettre du pouvoir adjudicateur, adressée aux différentes sociétés candidates et les invitant à présenter leur nouvelle offre, précisait explicitement que celle-ci devait être adressée conformément aux modalités stipulées au règlement de la consultation, ce qui ne peut que s'interpréter comme signifiant que devaient être de nouveau transmis tous les documents exigés par le règlement, que ces documents aient ou non fait l'objet d'une modification par le pouvoir adjudicateur, ou que le candidat ait ou non décidé d'en modifié la teneur, comme il lui est loisible de le faire dans le cadre d'une procédure négociée. Dans ces circonstances, le ministre des armées a pu, sans erreur de droit ni erreur d'appréciation, qualifier d'irrégulière la seconde offre de la société Livaden, qui ne comportait pas l'intégralité des documents listés à l'article 5.1 du règlement de la consultation, sans que celle-ci puisse utilement faire valoir qu'elle n'avait émis aucune réserve dans les tableaux V1 à renseigner et que les prix n'ayant pas fait l'objet de négociation, elle n'avait pas davantage de réserves ou remarques à reporter dans lesdits tableaux V2.
13. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, les conclusions de la société Livaden tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de suspendre l'exécution de toutes les décisions se rapportant à la passation du marché en litige ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Livaden au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
15. Si, par ailleurs, une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut demander au juge l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services. En l'espèce, le ministre des armées se borne à demander une prise en charge des frais d'instance, sans aucunement justifier de quelconque frais exposés au sens de ces dispositions. Par suite, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
16. Il n'y a enfin pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Livaden la somme que la société Altrad Prezioso demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société Livaden est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre des armées et la société Altrad Prezioso au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Livaden, au ministre des armées et à la société Altrad Prezioso.
Fait à Rennes, le 27 novembre 2023.
Le juge des référés,
signé
O. ThielenLa greffière,
signé
P. Lecompte
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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