TA de VERSAILLES, 06 novembre 2023, n° 2308589
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 18 octobre 2023, la société par actions simplifiées (SAS) Praxy, représentée par Me Monzala, demande au juge des référés, statuant par application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la procédure de passation n°21R40003 engagée par le ministère des armées en vue de l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande portant sur l'élimination des déchets industriels issus de la maintenance des matériels de l'armée de terre ;
2°) d'enjoindre au ministre des armées, à titre principal, de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres afférents aux deux lots composant le marché, et à titre subsidiaire, de reprendre cette procédure au stade de l'analyse des offres qu'en ce qui concerne le lot n°2 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- son offre a été écartée comme irrégulière ;
- s'agissant du lot n°1 intitulé " Déchets dangereux ", il lui a été reproché de ne pas avoir renseigné les prix du poste n°5 " Prestations de traitement des déchets dangereux " dans la table des prix ; toutefois, elle n'a pas pu saisir la valeur " zéro " pour faire comprendre que les prestations qu'elle proposait étaient gratuites, le fichier Excel de la table de prix ne permettant pas de renseigner une telle valeur ; malgré cela, elle a répondu à une demande de compléments d'information du ministère des armées, en précisant bien que les prestations afférentes à ce poste étaient gratuites ; de même, il lui a été reproché de ne pas avoir rempli les lignes 103 et 106 de la table de prix ; or, d'une part, dès lors qu'elle en a informé l'acheteur, son offre ne pouvait être rejetée comme étant irrégulière, et d'autre part, la valeur " zéro " pouvait être déduite d'autres lignes de la table de prix ; c'est donc " par pur formalisme " que son offre a été rejetée ;
- s'agissant du lot n°2 " Déchets non dangereux ", le poste n°4 de la table des prix ne serait pas renseigné ; or cette ligne correspond à un matériel et non un déchet ; le chiffrage de l'enlèvement d'un matériel nécessite la prise en compte de nombreux paramètres, comme la nature exacte de ce matériel, ses caractéristiques techniques, ses dimensions, son poids, ou encore les contraintes tenant à son environnement immédiat ; cependant, aucune visite n'a été organisée par l'acheteur et elle a justifié dans sa réponse à la demande de compléments d'information et directement dans la table des prix, l'impossibilité de chiffrer cette prestation ; s'agissant du poste n°5 afférent au même lot, il lui est reproché à nouveau de ne pas avoir rempli certaines lignes de la table des prix ; cependant, il lui était impossible d'inscrire la valeur " zéro " pour rendre ces prestations gratuites ;
- les manquements aux obligations de mise en concurrence l'ont lésé ; il appartenait à l'acheteur de tenir compte des compléments d'information et d'apprécier la valeur de son offre.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 25 octobre 2023, dont le second n'a pas été communiqué, conformément à l'article R. 421-2-1 du code de justice administrative, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge de la société Praxy au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre liminaire, les conclusions aux fins d'annulation sont irrecevables dès lors que le juge du référé-précontractuel ne dispose pas d'une telle prérogative à l'encontre des marchés de défense et de sécurité ;
- le règlement de la consultation précise bien que la table des prix devait être renseignée en totalité ;
- il ne conteste pas que la table de prix mise à la disposition des soumissionnaires au titre de l'offre initiale et de l'offre intermédiaire comportait des paramètres restrictifs, la table des prix devant être utilisée pour l'offre finale, publié avec l'ensemble du dossier de consultation des entreprises (DCE) le 4 juillet 2023, ne comportait aucune restriction de valeur ; la société Praxy pouvait ainsi inscrire la valeur " zéro " pour les prestations qu'elle souhaitait rendre gratuites, ce d'autant plus qu'elle a téléchargé le DCE mis à jours le 6 juillet 2023 ; il a en effet été tenu compte des remarques formulées par la société dans son courrier du 30 janvier 2023, lors de la remise de son offre intermédiaire ; aussi, si la valeur " zéro " n'a pas pu être inscrite dans la table des prix de l'offre finale de la société Praxy, c'est en raison de la non-utilisation de la dernière table des prix, laquelle permettait cette faculté ; d'ailleurs, la société attributaire est parvenue à inscrire dans son offre finale la valeur " zéro ", ainsi que l'établissent les pièces soustraites au contradictoire ; dès lors, aucun manquement aux obligations de mise en concurrence n'a été commis ;
- il a été tenu compte des commentaires apposés par la société ; si de tels commentaires sont inscrits, c'est bien parce qu'il n'était pas évident que la valeur pour certaines prestations soit de zéro euro ; par ailleurs, un pouvoir adjudicateur ne peut pas compléter de lui-même une offre incomplète ; la société Praxy ne saurait donc soutenir qu'elle a communiqué au ministère l'ensemble des renseignements exigés puisque sa table des prix demeurait en dernier lieu incomplète.
La requête a été communiquée à la société Trace Dépollution Recyclage, attributaire, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Delage, vice-président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les demandes en référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 26 octobre 2023 à 9 heures 30, en présence de Mme Laforge, greffière d'audience, M. Delage a lu son rapport et entendu :
- les observations de Me Monzala, représentant la société Praxy, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient en outre que ses oublis dans les mentions au sein de la table des prix n'étaient pas indispensables à l'examen des offres ; c'est donc par excès de formalisme que le ministère des armées a rejeté comme irrégulière son offre alors qu'il doit respecter le principe de l'effectivité des principes de la commande publique et en l'espèce celui de la bonne gestion des finances publiques ; il était en effet impossible de remplir la table des prix avec une valeur de " zéro " pour les prestations gratuites, ce qui est démontré par la voie d'un constat d'huissier ; au demeurant, il était possible pour certaines informations du lot n°1, comme le délai de traitement des déchets ou la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) de se référer aux colonnes à proximité, dès lors qu'elles concernaient des prestations analogues ; par ailleurs, sur la TGAP, il s'agit d'une taxe recouvrée par les centres de stockage et elle ne pouvait donc être chiffrée pour certaines catégories de déchets ; s'agissant du lot n°2, il était également impossible d'inscrire la valeur " zéro " dès lors que le document Excel fourni faisait l'objet d'une protection informatique, le constat d'huissier faisant encore foi jusqu'à preuve du contraire de ce que le ministère a volontairement restreint l'accès ; par ailleurs, si les prestations afférentes à l'enlèvement d'une déchiqueteuse à métal n'ont pas été chiffrées, ce n'est pas par oubli de la société requérante, mais par impossibilité de le faire, en l'absence de connaissance des contraintes propres à l'environnement de ce matériel ; s'agissant de la fin de non-recevoir opposée par le ministre, il ne s'agit pas en l'espèce d'un marché de défense et de sécurité au sens des dispositions de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique dès lors que le marché porte sur la maintenance industrielle ; aucun justificatif ne justifie l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- les observations de M. B, en présence de M. A et M. C, pour le ministre des armées, qui persiste dans ses écritures et soutient en outre qu'il demeure constant que la société Praxy n'a pas entièrement complété la table des prix, contrairement à ce qui avait été exigé dans le règlement de la consultation ; si effectivement il ne pouvait pas initialement être inscrit de valeur nulle dans la table des prix, le document Excel n'a plus fait l'objet de restrictions lors de l'émission de la meilleure et dernière offre en juillet 2023 ; la meilleure et dernière offre de la société Praxy a été déposée le 23 septembre 2023 ; elle a ainsi disposé de deux mois pour prendre connaissance de ce nouveau document, ce qu'elle a d'ailleurs fait, sans qu'elle puisse sérieusement se prévaloir du fait que ce changement de paramètre soit intervenu après un an de procédure ; par ailleurs, la société Praxy n'a pas alerté le ministère du fait que les cellules vides dans la table des prix de sa dernière offre signifiait qu'elle souhaitait rendre certaines prestations gratuites, alors même que la table des prix ne faisait plus l'objet de restrictions ; au demeurant, tout soumissionnaire pouvait, en copiant le tableur Excel, supprimer les éléments de protection ; s'agissant des omissions, le ministère ne pouvait raisonnablement savoir quelles étaient les intentions de la société Praxy ; les cellules de la table des prix n'étaient accompagnées d'aucun commentaire, alors même que les prestations n'étaient pas comparables avec d'autres pour lesquelles les cellules étaient remplies ; par exemple, s'agissant de la ligne 103, les délais de traitements concernaient un accumulateur électrique, alors que pour les autres prestations, il était question d'accumulateurs à l'amiante et au plomb ; or de tels délais sont essentiels pour le calcul des pénalités contractuelles et accueillir l'offre aurait méconnu le principe d'égalité ; s'agissant de la TGAP, les cellules n'ont pas été complétées, alors que cette taxe doit être versée par les opérateurs économiques ; sur la déchiqueteuse de métal, la société attributaire a pu parfaitement chiffrer la prestation ;
- la société Trace Dépollution Recyclage n'étant ni présente ni représentée.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 14 mai 2021 au Bulletin officiel des annonces de marchés publics (BOAMP) et au Journal Officiel de l'Union européenne (JOUE), le ministère des armées a engagé une procédure formalisée avec négociation pour l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande portant sur l'élimination des déchets industriels issus de la maintenance des matériels de l'armée de terre. La société Praxy a déposé une offre correspondant aux deux lots de ce marché. Par un courrier du 9 octobre 2023, le ministère des armées l'a informée du rejet de son offre, au motif qu'elle était incomplète, et donc irrégulière, et de l'attribution du marché à la société Trace Dépollution Recyclage. Estimant avoir été évincée irrégulièrement, la société Praxy demande par la présente requête, l'annulation de cette procédure de passation.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge du référé précontractuel de se prononcer sur les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence incombant à l'acheteur, invoqués à l'occasion de la passation d'un contrat. En vertu de ces mêmes dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements de l'acheteur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge du référé précontractuel de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
4. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières () ". Aux termes de l'article L. 2152-2 de ce code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète () ". Aux termes de l'article R. 2152-1 du même code : " Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. Dans les autres procédures, les offres inappropriées sont éliminées. Les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables au cours de la négociation ou du dialogue, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. Lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin, les offres qui demeurent irrégulières ou inacceptables sont éliminées " et aux termes de son article R. 2152-2 : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ". Enfin, aux termes de l'article R. 2132-1 du même code : " Les documents de la consultation sont l'ensemble des documents fournis par l'acheteur ou auxquels il se réfère afin de définir son besoin et de décrire les modalités de la procédure de passation, y compris l'avis d'appel à la concurrence. Les informations fournies sont suffisamment précises pour permettre aux opérateurs économiques de déterminer la nature et l'étendue du besoin et de décider de demander ou non à participer à la procédure " et de l'article L. 2124-3 de ce code : " La procédure avec négociation est la procédure par laquelle l'acheteur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques ". Aux termes de l'article 5 du règlement de la consultation : " Le dossier d'offre doit contenir les pièces suivantes : 1) la table des prix numérisée (). Ce document doit être renseigné en totalité pour le ou les lots pour lequel le candidat soumissionne () ". Aux termes de l'article 7.1 du règlement : " () L'acheteur négocie avec les soumissionnaires les offres initiales ". Aux termes de l'article 7.2 de ce règlement : " L'acheteur peut demander autant d'offres intermédiaires qu'il le juge nécessaire. Il peut également ne pas demander d'offre intermédiaire et demander une offre finale juste après la négociation des offres initiales () " et aux termes de l'article 7.3 : " A l'issue des négociations, l'acheteur demande à chaque soumissionnaire la remise de sa meilleure et dernière offre. Si un soumissionnaire ne remet pas de meilleure et dernière offre dans le délai imparti, l'offre qui est considérée comme telle est la dernière offre conforme reçue dans les délais ". L'annexe n°3 du règlement de la consultation prévoit notamment qu'une offre est écartée comme irrégulière si l'une des pièces mentionnées à l'article 5 du règlement est incomplète.
5. Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'un candidat dont la candidature ou l'offre est irrégulière n'est pas susceptible d'être lésé par les manquements qu'il invoque sauf si cette irrégularité est le résultat du manquement qu'il dénonce et, d'autre part, que le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. L'administration ne peut en conséquence ni attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement, ni attribuer à l'offre de ce candidat une note.
6. Il résulte de l'instruction que la société Praxy a reçu, après avoir soumissionné en vue de l'attribution de l'accord-cadre en litige, un courrier du 13 janvier 2023 par lequel le ministre des armées a constaté que son offre était incomplète, en ce qui concerne la table des prix, et que certains prix paraissaient excessifs. Il l'a en conséquence invitée à déposer une offre intermédiaire, conformément aux dispositions de l'article 7.2 du règlement de la consultation, en veillant tout particulièrement à assortir d'une offre de prix chaque ligne de la table des prix. Ce courrier prévoyait ainsi d'indiquer la mention " zéro euro " dans la table, et, dans l'hypothèse où cela s'avérerait impossible, de justifier de l'impossibilité technique d'inscrire une telle mention. La société Praxy a transmis le 30 janvier 2023 une offre intermédiaire en réponse à ce courrier, dans laquelle elle précisait que le fichier Excel de la table des prix fourni par le ministère des armées ne permettait pas de renseigner des tarifs à zéro euro, de telle sorte que ce montant a été indiqué dans les commentaires des cellules concernées. Il a été établi, tant au regard des écritures en défense du ministre que par les observations orales des parties, que l'impossibilité d'inscrire la valeur " zéro euro " résulte d'un paramétrage de la table des prix par l'acheteur. Par un courrier du 3 juillet 2023, le ministre des armées a invité la société Praxy à déposer une meilleure et dernière offre, au sens de l'article 7.3 du règlement de la consultation. Une dernière offre a été transmise le 10 juillet 2023. Cette offre ayant été rejetée comme irrégulière, eu égard au caractère incomplet de la table des prix, la société Praxy se prévaut d'un excès de formalisme et de ce que les éléments non remplis dans la table des prix n'étaient pas indispensables à l'examen de sa dernière et meilleure offre. Toutefois, les dispositions pertinentes du règlement de la consultation rappelées au point 4 de la présente ordonnance prévoyaient une obligation pour le soumissionnaire de remplir en totalité la table des prix, faute de quoi son offre pouvait être rejetée comme irrégulière. Par ailleurs, la société Praxy ne saurait sérieusement se prévaloir du fait que les éléments non complétés dans la table des prix ne seraient pas indispensables à l'examen de son offre, dès lors que cette incomplétude ne permet plus au pouvoir adjudicateur de déterminer, en application des dispositions de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique, l'offre économiquement la plus avantageuse, et alors que le critère du prix était pondéré à hauteur de 85% en l'espèce. Enfin, si certains éléments non complétés de la table n'étaient pas directement afférents aux prix, comme les délais de traitement des déchets, ils demeurent pour autant indispensables à l'infliction d'éventuelles pénalités de retard pour le futur cocontractant, le représentant du ministre ayant au surplus fait valoir à l'audience que, dans ces conditions, accueillir l'offre aurait méconnu le principe d'égalité. S'agissant de l'excès de formalisme invoqué par la société Praxy, il résulte de l'instruction, quand bien même la première table des prix fournie dans le dossier de consultation des entreprises (DCE) ne permettait pas de renseigner la valeur " zéro euro ", que le ministre des armées a mis à disposition des soumissionnaires lors de la remise de la meilleure et dernière offre, un nouveau DCE comportant une table des prix admettant les propositions de prestations gratuites, ce qui résulte des éléments produits par ce dernier et soustraits au contradictoire. Il résulte également de l'instruction que la société Praxy a téléchargé ce nouveau DCE, et donc la nouvelle table des prix, le 4 juillet 2023. Or, en voyant sa meilleure et dernière offre rejetée comme irrégulière en raison de l'incomplétude de sa table de prix, alors que la dernière table permettait d'intégrer des valeurs nulles, il apparaît que la société Praxy a présenté cette offre au moyen de l'ancienne table de prix. Or il appartenait à l'intéressée de tenir compte de cette nouvelle version de la table de prix, dans la formulation de sa meilleure et dernière offre, ce qu'elle n'a pas fait. Cette dernière offre était donc nécessairement irrégulière. Si la société Praxy se prévaut du fait que l'acheteur avait connaissance des valeurs nulles qu'elle proposait dans sa dernière offre, au regard des éléments qu'elle a fournis dans le cadre de son offre intermédiaire, il résulte clairement de l'article 8 du règlement de la consultation que seules sont examinées les offres remises à l'issue des négociations et que celles demeurant à ce stade irrégulières sont automatiquement éliminées. Enfin, si la société Praxy invoque son incapacité, en l'absence de précisions de l'acheteur ou d'une visite des lieux, de renseigner certaines informations, portant notamment sur la déchiqueteuse à métal ou encore sur la TGAP, il résulte des éléments relatifs à l'offre de l'attributaire et soustraits au contradictoire que ce dernier est parvenu à remplir sur ces points la table de prix, alors que la requérante ne justifie pas de son impossibilité à renseigner la TGAP en se bornant à soutenir qu'elle n'a pas le statut de collecteur de la taxe. Dès lors, eu égard à l'ensemble de ce qui précède, le ministre des armées pouvait valablement rejeter l'offre de la société Praxy comme irrégulière.
7. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre, que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative par la société Praxy ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur les frais de l'instance :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
9. Si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance.
10. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par la société Praxy et non compris dans les dépens, et d'autre part, à ce que la somme demandée par le ministre des armées, qui n'est étayée par aucune pièce justificative, soit mise à la charge de la société Praxy, partie perdante.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société Praxy est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le ministre des armées sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Praxy, au ministre des armées ainsi qu'à la société Trace Dépollution Recyclage.
Fait à Versailles, le 6 novembre 2023.
Le juge des référés,
signé
Ph. Delage
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°2308589