TA Grenoble, 16/05/2024, n°2104166


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2021, la société Saur, représentée par Me Tardy, demande au tribunal :

1°) de condamner la communauté de communes Bièvre Est au paiement d'une somme de 50 990 euros en réparation de son préjudice résultant de la résiliation du contrat de délégation de service public initialement conclu avec la commune de Bevenais ;

2°) de mettre à la charge de communauté de communes Bièvre Est une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient que :

- elle a droit à la réparation du préjudice subi du fait de cette résiliation pour un motif d'intérêt général ;

- les charges de personnel et de matériel immobilisés pour le contrat s'élèvent pour la période du 1er juillet 2021 au 31 décembre 2022 à la somme de 47 548,50 euros à laquelle s'ajoute une somme de 3 441,50 euros de frais de renouvellement.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2021, la communauté de communes Bièvre Est, représentée par Me Mollion conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Saur la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La communauté de communes Bièvre Est soutient que :

- la société SAUR n'a pas communiqué le rapport annuel du délégataire en méconnaissance de l'article L. 3131-5 du code de la commande publique ;

- les documents produits par la société Saur à l'appui de sa demande indemnitaire sont dépourvus de valeur probante ;

- il résulte des propres documents de la société Saur que le résultat étant déficitaire en 2018 et 2019, la société ne peut prétendre au versement d'une indemnité au titre du manque à gagner ;

- la société n'établit ni le nombre de personnes effectivement affectées sur le site d'exploitation, ni l'impossibilité de les reclasser au sein d'un effectif d'environ 11 700 personnes en 2021.

Vu la demande préalable indemnitaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doulat,

- les conclusions de M. Villard, rapporteur public,

- les observations de Me Senegas, représentant la communauté de communes Bièvre Est.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Bevenais a délégué à la société Saur la gestion du service public de l'eau potable par un contrat d'affermage d'une durée de douze ans qui arrivait à échéance le 31 décembre 2022. Cette compétence a été transférée à la communauté de communes Bièvre Est au 1er janvier 2018. Souhaitant harmoniser et reprendre en régie la gestion de l'eau sur l'ensemble de son territoire, Bièvre Est a prononcé la résiliation unilatérale du contrat pour un motif d'intérêt général à compter du 1er juillet 2021. Après des échanges et rencontres avec la communauté de communes Bièvre Est, la société Saur a par courrier du 22 février 2021 présenté une demande indemnitaire d'un montant de 50 990 euros, confirmée par courriel du 17 mars 2021. Suite au refus de la communauté de communes Bièvre Est de verser cette indemnisation, la société Saur demande au tribunal de condamner la communauté de communes Bièvre Est à lui verser la somme globale de 50 990 euros en réparation du préjudice résultant de la résiliation du contrat.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. La communauté de communes Bièvre Est a, par délibération du 14 décembre 2020, prononcé la résiliation pour un motif d'intérêt général du contrat de délégation de service public de distribution d'eau potable conclu avec la société Saur. Il n'est pas allégué par la communauté de communes Bièvre Est que le contrat résilié comporterait de clause particulière sur les modalités d'indemnisation en cas de résiliation. Par suite la société Saur est en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de cette résiliation anticipée tel que la perte des bénéfices découlant du résultat de l'exploitation du service et des dépenses exposées pour l'exploitation, qui auraient dû être couvertes au terme du contrat.

3. Pour justifier de son préjudice qu'elle évalue à la somme de 47 548,50 euros, la société Saur se borne à produire un tableau, réalisé par ses soins, faisant apparaître les produits non perçus sur la période restante d'exploitation, les travaux exclusifs et les produits accessoires, desquels elle déduit les charges économisées relatives à l'énergie électrique, les analyses, la sous-traitance et les irrécouvrables. La société Saur indique également qu'elle conserve des charges correspondant aux moyens matériels et humains qu'elle ne peut réaffecter immédiatement après la résiliation.

4. Toutefois, alors même que cela lui est opposé en défense, la société requérante ne produit aucune pièce probante à l'appui de ses prétentions, notamment pas les derniers comptes annuels d'exploitation qui n'ont pas été adressés à l'autorité délégante. Elle n'établit ainsi ni la réalité, ni le montant des dépenses matérielles et de personnel dont elle se prévaut, ces charges étant au surplus absentes dans le tableau qu'elle produit. Il résulte au contraire des comptes annuels d'exploitation des années 2018 et 2019 produits par la société que le résultat est déficitaire de 26 540 euros en 2018 et de 19 690 euros en 2019. Par suite, la société Saur, qui n'établit pas l'existence d'un quelconque préjudice, n'est pas fondée à obtenir réparation d'un manque à gagner de 31 699 par année.

Sur les frais du procès :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SAUR le versement à la communauté de communes Bièvre Est d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Bièvre Est, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société SAUR.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Saur est rejetée.

Article 2 : La société Saur versera à la communauté de communes Bièvre Est la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Saur et à la communauté de communes Bièvre Est.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient

Mme Triolet, présidente,

M. Doulat, premier conseiller,

M. Callot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.

Le rapporteur,

F. DOULAT

La présidente,

A. TRIOLET

La greffière,

J. BONINO

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.