TA Guadeloupe, 07/06/2024, n°2400595


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mai et 6 juin 2024, la SARL Voyageurs, représentée par la SELARL APAC " affaires publiques ", demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L.551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure de dévolution du marché relatif à l'exécution de prestations de services de transport public de voyageurs à vocation scolaire situés sur le périmètre du syndicat Mixte des Transports du Petit Cul de Sac Marin - lots n°12 ;

2°) de mettre à la charge du syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir étant un candidat évincé ;

- la circonstance suivant laquelle un opérateur économique aurait déjà exercé un référé précontractuel ne fait pas obstacle à ce qu'il en forme un nouveau préalablement à la signature du contrat ;

- la société Transport Rosier ne s'est pas acquittée de son obligation de production des attestations de régularités fiscales et sociales en cours de validité dans le délai imparti ;

- elle est directement et assurément lésé par un tel manquement et dispose de l'intérêt à agir pour demander l'annulation de la procédure de mise en concurrence concernant le lot n°12 irrégulièrement attribuée à la société Transport Rosier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2024, le syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin, représenté par le cabinet Taithe Panassac et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Voyageurs de la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés et à l'absence de lésion de la société requérante.

Par un mémoire, enregistré le 6 juin 2024, la société transport Rosier, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 2000 euros, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- l'arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l'attribution des contrats de la commande publique ;

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Mahé, vice-présidente, en application de l'article L.551-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 6 juin 2024 à 14 heures.

Ont été entendus aux cours de l'audience publique, en présence de Mme Lubino, greffière :

- le rapport de Mme Mahé, juge des référés ;

- les observations de Me De Baecke, substituant Me Neveu, avocat de la société Voyageurs qui reprend oralement les moyens développés dans ses écritures ;

- les observations de Me Chicot, substituant Me Panassac, avocat du syndicat mixte des transports du PCSM qui confirme que les moyens ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée après l'audience à 15 heures après que la requête et les mémoires ont été communiqués aux parties avant l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis public d'appel à la concurrence publié le 7 janvier 2024, le syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin (PCSM) a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert portant sur des prestations de services de transport public de voyageurs à vocation scolaire situés sur le périmètre de ce syndicat comportant 24 lots passés sous la forme d'accord cadre mono-attributaire à bons de commande pour une valeur totale de 13 000 000 euros HT. La SARL Voyageurs a présenté une offre visant au gain des lots n°1, 3, 6, 10, 12, 15, 16, 17 et 18. Par une lettre du 8 avril 2024, le syndicat mixte des transports du PCSM l'a informée que son offre n'avait pas été retenue sur les lots n° 3, 10, 12, 15, 16, et 17, celle-ci n'ayant pas été jugée économiquement la plus avantageuse au regard des critères de choix définis dans le règlement de consultation. Celle concernant le lot n°1 n'a pas été retenue au motif qu'elle dépassait le budget alloué au lot. La société requérante demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L.551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de dévolution marché relatif à l'exécution de prestations de services de transport public de voyageurs à vocation scolaire situés sur le périmètre du Syndicat Mixte des Transports du Petit Cul de Sac Marin - lot n° 12.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de son article L. 551-3 : " Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés".

3. En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. Le juge saisi peut ordonner à l'auteur d'un manquement aux dispositions auxquelles ces dispositions se réfèrent, de se conformer à ses obligations, suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, annuler ces décisions et supprimer des clauses ou des prescriptions destinées à figurer dans le contrat. Toutefois, les pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels par l'article L. 551-1 du code de justice administrative ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat.

En ce qui concerne le moyen unique tiré de l'irrégularité de la procédure d'attribution du marché :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 2141-2 du code de la commande publique : " Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui n'ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale ou sociale ou n'ont pas acquitté les impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles. () ". Aux termes de l'article R. 2143-7 du même code : " L'acheteur accepte comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'exclusion mentionné à l'article L. 2141-2, les certificats délivrés par les administrations et organismes compétents. La liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales devant donner lieu à délivrance d'un certificat ainsi que la liste des administrations et organismes compétents figurent dans un arrêté () ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 22 mars 2019 susvisé : " I.- Sans préjudice du III, le certificat prévu aux articles R. 2143-7, () du code de la commande publique susvisé est l'attestation mentionnée à l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale. () ". Aux termes de l'article R. 2144-4 du code de la commande publique : " L'acheteur ne peut exiger que du seul candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché qu'il justifie ne pas relever d'un motif d'exclusion de la procédure de passation du marché. ". Enfin, aux termes de l'article R.2144-7 du même code : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des candidatures recevables ou des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 9 du règlement de consultation : " L'offre la mieux classée sera retenue à titre provisoire en attendant que le candidat produise les certificats et attestations des articles R. 2143-6 à R. 2143-10 du code de la commande publique () Le délai imparti par le pouvoir adjudicateur pour remettre ces documents ne pourra être supérieur à 10 jours () ".

6. Il est constant que le syndicat mixte des transports du PCSM a demandé les attestations fiscales et sociales à l'attributaire du lot n°12 par courrier du 8 avril 2024 en lui précisant qu'à défaut de réponse dans un délai de 10 jours à compter de la réception de ce courrier, son offre serait rejetée. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la société attributaire a remis, le 17 avril 2024, une attestation fiscale du 28 septembre 2023 qui n'était pas en cours de validité. Si le syndicat mixte des transports du PCSM précise que la société Transport Rosier n'était que le " titulaire pressenti ", il résulte néanmoins de la décision de rejet de l'offre de la SARL Voyageurs sur le lot n° 12, que l'attributaire a été désigné comme étant la société Transport Rosier dont l'offre avait été classée en première position. Ce courrier précise ainsi expressément que " le marché public ou l'accord cadre est attribué à Transport Rosier ". Or, en informant les sociétés concurrentes que ce lot était attribué à cette société sans avoir préalablement vérifié qu'elle ne se trouvait pas dans un cas d'exclusion en lui laissant un délai de 10 jours pour produire les attestations sociales et fiscales conformément aux dispositions de l'article 9 du règlement de consultation, le syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin a méconnu les dispositions précitées aux points 4 et 5. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que la société Transport Rosier a produit des attestations en cours de validité, et d'autre part, que l'offre de la société requérante a été classée en 5ème position sur ce lot, de sorte que la société requérante ne justifie pas avoir été lésée par ce manquement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L.2142-2 et R.2144-7 du code de la commande publique et de l'article 9 du règlement de consultation doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête présentée par la société Voyageurs doit être rejetée.

Sur les frais du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du syndicat mixte des transports du PCSM, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SARL Voyageurs et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SARL Voyageurs, le versement au syndicat mixte des transports du PCSM la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par la société Transport Rosier sur le même fondement.

ORDONNE :

Article 1er : La requête présentée par la SARL Voyageurs est rejetée.

Article 2 : La SARL Voyageurs versera au syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La demande présentée par la société Transport Rosier sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Voyageurs, au syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin, et à la société Transport Rosier.

Fait à Basse Terre, le 7 juin 2024.

Le Juge des référés,

Signé :

N. MAHE

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

L'adjointe à la greffière en chef

Signé :

A. Cétol

N°2400595