TA Guadeloupe, 10/05/2024, n°2400480


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 avril et 5 mai 2024, la société Coopératives des autocars réunis, représentée par Me de Baecke et Aleksandrowicz, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L.551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler, au stade auquel le manquement a été commis, la procédure de passation de l'accord-cadre à bons de commande relatif à l'exécution de prestations de services de transport public de voyageurs à vocation scolaire situés sur le périmètre du syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Martin (PCSM) - lots n° 1, 2, 6, 7, 12, 13, 14, 18, avec toutes conséquences de droit ;

2°) d'enjoindre au syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des candidatures ;

3°) de mettre à la charge du syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir, en sa qualité de mandataire du groupement évincé ;

- la procédure est entachée d'un vice constitutif d'une violation du principe de transparence et une rupture dans l'égalité de traitement entre les candidats dès lors que les candidats n'ont pu être informés du nombre de salariés à reprendre, de la nature des contrats à reprendre, des avantages dont disposent les personnels, leur expérience, leur ancienneté et leur qualification, pour l'ensemble des lots ; si ce défaut d'information aurait pu être corrigé par un complément a postériori du dossier de consultation, notamment par une réponse aux questions des candidats et un report de la date de remise des dossiers de candidature et d'offres, la réponse apportée ne remplit pas les exigences légales et conventionnelles car seule une partie des informations a été communiquée ; l'information a été apportée tardivement sans pour autant que le syndicat ne reporte le délai de remise des candidatures et des offres ; la réponse a été déposée sur le profil acheteur le 23 janvier 2024 pour une date limite de remise des candidatures et des offres le 8 février 2024 ; il en résulte que les candidats n'ont pu élaborer leurs offres en toute connaissance de cause ;

- la procédure est entachée d'un vice dès lors que l'acheteur n'a pas respecté son obligation de vérification des offres anormalement basses ; ainsi il est manifeste que les prix proposés par les sociétés attributaires révèlent des coûts manifestement sous-évalués ; en tant qu'acheteur diligent, le syndicat aurait dû déclencher la procédure de détection des offres anormalement basses et en s'abstenant de le faire, il a commis un manquement justifiant l'annulation de la procédure de passation ;

- la fixation d'un prix plafond de chaque circuit a porté atteinte à la liberté des prix, à la libre concurrence et ne lui a pas permis d'optimiser son offre ; ainsi sous-couvert d'une volonté affichée de respecter l'obligation d'assortir l'accord-cadre d'un montant maximum ou de respecter le budget prétendument alloué au marché, l'acheteur a, en réalité, d'une part, imposé des prix plafonds aux soumissionnaires, d'autre part, fixé ces plafonds de manière artificielle sans tenir compte de la réalité de l'exécution des prestations ;

- le pouvoir adjudicateur n'a pas exigé la fourniture par les candidats des pièces justifiant des informations fournies, en contravention avec la jurisprudence du Conseil d'État ;

- ces manquements l'ont nécessairement lésée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 et 6 mai 2024, le syndicat mixte des transports du petit Cul de Sac Marin, représenté par le cabinet Taithe Panassac Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Coopératives des autocars réunis, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 2 mai 2024, la société Transport Rosier conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 4 et 6 mai 2024, la société Pajamandy, représentée par Me Orier, conclut à l'irrecevabilité de la requête, à son rejet et à la mise à la charge de la société Coopératives des autocars réunis la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que les conclusions sont irrecevables et mal fondées concernant les lots n° 2, 7, 13 et 14 du marché public.

Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2024, la SARL Voyageurs, représentée par Me Durand, conclut à l'irrecevabilité de la requête, à son rejet et à la mise à la charge de la société Coopératives des autocars réunis de la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de lésion ;

- les moyens ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée, le 18 avril 2024, aux sociétés Transport du Centre, à la Compagnie guadeloupéenne de transports scolaires et à Navy Transcolaire, à l'adresse figurant dans la décision du 8 avril 2024 rejetant les offres, lesquels n'ont pas produit de mémoire.

Vu :

- l'arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l'attribution des contrats de la commande publique ;

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Mahé, vice-présidente, en application de l'article L.551-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 6 mai 2024 à 9 heures.

Ont été entendus au cours de l'audience publique, en présence de Mme Cétol, greffière :

- le rapport de Mme Mahé, juge des référés ;

- les observations de Me Aleksandrowicz, avocat de la société Coopératives des autocars réunis, qui reprenant ses écritures, soutient que le pouvoir adjudicateur a méconnu ses obligations en matière de reprise de la masse salariale et que le montant de l'accord-cadre a été fixé par circuit non pas par lot, que le montant maximum était totalement décorrélé des caractéristiques de chaque circuit et que la fixation d'un prix plafond de chaque circuit a porté atteinte à la liberté des prix, à la concurrence et ne lui a pas permis d'optimiser son offre.

- les observations de Me Panassac, avocat du syndicat mixte des transports du PCSM qui reprend ses écritures et soutient, en substance, que son obligation d'information sur la masse salariale à reprendre ne constitue pas une caractéristique essentielle du marché ;

- les observations de l'entreprise Transport Rosier, représenté par son gérant ;

- les observations de Me Orier, avocat de la SARL Pajamandy, qui reprend ses écritures et ajoute que la société requérante ne démontre pas de lésion sur les lots pour lesquels elle a été désignée attributaire, qu'elle aurait dû être écartée dès lors qu'elle a modifié les critères du prix en augmentant le nombre de kilomètres ;

- les observations de Me Neveu, substituant Me Durand, avocat de la SARL Voyageurs.

La clôture de l'instruction a été fixée à l'issue de l'audience à 13 heures après que la requête et les mémoires aient été communiqués aux parties avant l'audience.

Le syndicat mixte des transports du PCSM, représenté par Me Panassac, a produit une note en délibéré enregistrée le 7 mai 2024.

La société requérante a présenté une note en délibéré, enregistrée le 10 mai 2024, précisant qu'elle se désistait des conclusions concernant les lots n° 6 et 18.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis public d'appel à la concurrence publié le 7 janvier 2024, le syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin (PCSM) a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert portant sur des prestations de services de transport public de voyageurs à vocation scolaire situés sur le périmètre de ce syndicat comportant 24 lots passés sous la forme d'accord cadre mono-attributaire à bons de commande pour une valeur totale de 13 000 000 euros HT. La

société Coopératives des autocars réunis qui a formé un groupement, dont elle est mandataire, avec les sociétés Transport Ramsamy Guy et Fils, C B et A, a présenté une offre visant au gain des lots n° 1, 2, 6, 7, 8, 12, 13, 14, 18 et 19. Par une lettre du 8 avril 2024, le syndicat mixte des transports du PCSM l'a informée que son offre n'avait pas été retenue sur les lots n° 1, 2, 6, 7, 12, 13, 14 et 18, celle-ci n'ayant pas été jugée économiquement la plus avantageuse au regard des critères de choix définis dans le règlement de consultation. Par la présente requête, la société Coopératives des autocars réunis demande au juge des référés, statuant par application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure d'attribution des marchés n° 1, 2, 6, 7, 12, 13, 14 et 18 et d'enjoindre au pouvoir adjudicateur la reprise de la procédure de passation de ces marchés.

Sur le désistement partiel :

2. Par une note en délibéré, enregistrée le 10 mai 2024, la société requérante déclare se désister des conclusions de sa requête concernant les lots n°6 et 18. Ce désistement est pur et simple. Il y a lieu de lui en donner acte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

3. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de son article L. 551-3 : " Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés".

4. En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. Le juge saisi peut ordonner à l'auteur d'un manquement aux dispositions auxquelles ces dispositions se réfèrent, de se conformer à ses obligations, suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, annuler ces décisions et supprimer des clauses ou des prescriptions destinées à figurer dans le contrat. Toutefois, les pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels par l'article L. 551-1 du code de justice administrative ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat.

En ce qui concerne l'absence d'information des candidats quant à la reprise du personnel :

5. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". Ces dispositions trouvent à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur. Constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre. Le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

6. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions précitées de l'article L. 1224-1 du code du travail s'appliquent, non de façon automatique en cas de dévolution d'un précédent marché à un nouvel opérateur, mais seulement si ce changement d'opérateur s'accompagne d'un transfert d'une entité économique autonome, tel que défini au point précédent. Or, en l'espèce, il n'est ni établi, ni même allégué que le nouveau titulaire du marché serait amené à reprendre, auprès du précédent, l'un des éléments d'actifs corporels ou incorporels nécessaires à l'exécution des prestations de transport visées par le marché en litige. A cet égard, s'il existe une continuité dans la fourniture des services entre le précédent marché et celui en litige, si la décomposition en lots est semblable à celle du précédent marché et si, enfin, les caractéristiques techniques principales des engins et véhicules amenés à être transportés sont, pour une part au moins, similaires, ces circonstances ne suffisent à établir l'existence d'un transfert d'une entité autonome entre le précédent titulaire du marché et le nouveau. Dès lors, il n'est nullement justifié que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail trouvaient à s'appliquer au marché en litige.

7. Aux termes de l'article 47.3 de la convention collective régionale des transports routiers et activités auxiliaires du transport de la Guadeloupe : " Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise lorsqu'il remplit les conditions cumulatives suivantes : - Appartenir expressément soit à une catégorie de conducteur et être affecté au moins à 65% de son temps de travail calculé sur la base de la durée contractuelle, hors heures supplémentaires et complémentaires (ou, en cas de changement d'horaire dans les 12 derniers mois, sur la base de la moyenne constatée sur la même période) pour le compte de l'entreprise sortante sur le marché concerné, soit à une autre catégorie professionnelle (ouvrier, employé ou agent de maîtrise) et être affecté exclusivement au marché concerné ; - Être affecté sur le marché depuis au moins 6 mois et ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat () ". De même, l'article 47.5 de cette même convention stipule que : " L'entreprise sortante est tenue d'établir une liste de tout le personnel affecté au marché repris, en faisant ressortir les salariés remplissant les conditions énumérées à l'article 47.3 " Conditions d'un maintien dans l'emploi " du présent article. () ".

8. Par ailleurs, le coût correspondant à la reprise des salariés, en application des dispositions du code du travail ou d'un accord collectif étendu, est susceptible de constituer, une caractéristique essentielle du contrat, dont la connaissance permet aux candidats d'apprécier les charges s'imposant au futur titulaire du marché ou de la délégation et ainsi d'élaborer utilement une offre. Toutefois, l'absence de communication d'une information sur la reprise du personnel rendue obligatoire par le code du travail ou une convention collective étendue n'est pas, en elle-même, de nature à caractériser un manquement à une obligation de mise en concurrence lorsque cet élément ne constitue pas un élément essentiel du marché.

9. Or, il n'est nullement démontré que cette convention est applicable en l'espèce alors qu'il ressort d'un message du 3 mai 2024 de l'inspectrice du travail de la direction du travail de la Guadeloupe que la convention collective n°3028 relative au secteur du transport routier en Guadeloupe n'est pas étendue et qu'elle ne s'applique qu'aux entreprises de transport affiliées aux organisations syndicales signataires. Or, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante ou les sociétés sortantes soient affiliées aux organisations syndicales signataires. Il n'est donc pas justifié que les entreprises attributaires étaient susceptibles de devoir reprendre les salariés du titulaire du précédent marché sur le fondement d'obligations résultant de convention collective. D'ailleurs, la société requérante verse au dossier une réponse donnée par l'ancien prestataire du lot n° 14 qui précise qu'aucune convention n'est applicable ni aucun accord et protocole d'entreprise. En tout état de cause, il résulte de stipulations précitées au point 7 que seuls les conducteurs affectés au moins à 65% de leur temps de travail sur le marché en cause sont repris par le nouveau titulaire, sous réserve que les autres conditions prévues par la convention collective soient remplies. S'agissant des autres catégories de personnel, ils ne sont transférables qu'à condition d'être affectés exclusivement au marché concerné. Or, il n'est ni allégué ni même soutenu que sur les lots en litige à savoir les lots 1, 2, 7 , 12, 13 et 14, les conducteurs des prestataires sortant étaient affectés à plus de 65% sur un seul circuit scolaire ou même sur un seul lot de transport scolaire alors que les marchés scolaires en cause ont pour objet des circuits scolaires consistant en un trajet le matin et un trajet le soir, uniquement en période scolaire ni, s'agissant des agents relevant d'autres catégories de personnel, que les conducteurs, ne soient affectés à 100% à un seul circuit ou un seul lot de transport scolaire. En conséquence, au regard des caractéristiques des marchés publics en cause, les informations sur la masse salariale et le coût du personnel à reprendre ne sauraient, en tout état de cause, constituer des éléments essentiels du marché, aucun personnel n'apparaissant concerné par le transfert de son contrat de travail. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à reprocher aux documents de la consultation de n'avoir pas fait mention des informations relatives à la reprise du personnel de l'entreprise titulaire du précédent marché et le moyen tiré de ce que cette omission l'aurait privée de la possibilité d'établir ses offres de façon éclairée doit être écarté.

En ce qui concerne l'atteinte à la liberté des prix, à la libre concurrence et à l'obligation de fixer un montant maximum aux accords-cadres :

10. D'une part, aux termes de l'article R. 2121-8 du code de la commande publique : " Pour les accords-cadres et les systèmes d'acquisition dynamiques définis à l'article L. 2125-1, la valeur estimée du besoin est déterminée en prenant en compte la valeur maximale estimée de l'ensemble des marchés à passer ou des bons de commande à émettre pendant la durée totale de l'accord-cadre ou du système d'acquisition dynamique. ". Aux termes de l'article R.2162-4 du même code : " Les accords-cadres peuvent être conclus :

1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ; 2° Soit avec seulement un maximum en valeur ou en quantité. ".

11. D'autre part, aux termes de l'article L.2152-1 du même code : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes de l'article L.2152-3 du même code : " une offre inacceptable est une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché, déterminés et établis avant le lancement de la procédure. ".

12. Il résulte de l'appel d'offres que le marché est alloti en 24 lots et que chaque lot fait l'objet d'un accord cadre mono-attributaire séparé donnant lieu à bons de commande sans montant minimum mais avec un montant maximum qui est précisé pour chaque lot dans l'appel d'offres. La société requérante soutient que la fixation d'un prix plafond de chaque circuit tel que précisé dans le détail quantitatif estimatif a porté atteinte à la liberté des prix, à la libre concurrence et ne lui a pas permis d'optimiser son offre en faisant valoir que, sous-couvert d'une volonté affichée de respecter l'obligation d'assortir l'accord-cadre d'un montant maximum ou de respecter le budget prétendument alloué au marché, l'acheteur a, en réalité, imposé des prix plafonds aux soumissionnaires, et fixé ces plafonds de manière artificielle sans tenir compte de la réalité de l'exécution des prestations. Toutefois, d'une part, s'il est le juge des obligations de publicité et de mise en concurrence, le juge des référés précontractuels n'est pas le juge du droit de la concurrence en général. En outre, en application des dispositions précitées au point 10, le pouvoir adjudicateur pouvait régulièrement éliminer comme étant inacceptables des offres dont leur prix excédait le montant des crédits budgétaires alloués à chacun des lots. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que sur les lots en litige, le pouvoir adjudicateur aurait écarté la candidature de la société requérante comme étant inacceptable dès lors qu'elle dépassait le montant maximum de l'accord cadre. Toutes les offres qu'elle a présentées sur les lots en litige ont été analysées alors qu'il résulte du procès-verbal d'analyse des offres qu'elle a présenté sur certain lot un prix dépassant le maximum alloué au lot. Il ressort également que sur d'autres lots, elle a calculé le prix du km commercial sur une base plus importante que celle figurant dans le cahier des clauses techniques particulières et que le pouvoir adjudicateur a modifié le prix proposé en retenant la base réglementaire sans l'écarter. Elle ne saurait en conséquence soutenir que les montants maximums fixés par le pouvoir adjudicateur ne lui a pas permis d'optimiser son offre. Par ailleurs, la société requérante ne démontre pas que la méthode de fixation du montant maximum par accord cadre serait déconnectée des besoins du marché et aurait été déterminée de manière arbitraire de sorte qu'elle ne pouvait optimiser son offre. Par suite, son moyen sera écarté.

En ce qui concerne l'absence de mise en œuvre de la procédure de détection des offres anormalement basses

13. Aux termes de l'article L.2152-5 du code de la commande publique : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". Aux termes de l'article L.2152-6 du même code : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. Lorsqu'une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre.

Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ".

14. Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre. Toutefois, pour estimer que l'offre de l'attributaire est anormalement basse, le pouvoir adjudicateur ne peut se fonder sur le seul écart de prix avec l'offre concurrente, sans rechercher si le prix en cause est lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché. Enfin, si le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait dû rejeter une offre anormalement basse est utilement invocable dans le cadre du référé précontractuel, le juge du référé précontractuel exerce sur un tel refus un contrôle limité à l'erreur manifeste d'appréciation.

15. La société requérante soutient que les prix proposés par les sociétés attributaires révèlent des coûts manifestement sous-évalués de sorte que le syndicat mixte aurait dû déclencher la procédure de détection des offres anormalement basses et qu'en s'abstenant de le faire, il a commis un manquement justifiant l'annulation de la procédure de passation. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'analyse des offres que le syndicat mixte des transports du PCSM a mis en œuvre une procédure de détection des offres potentiellement anormalement basses et a interrogé systématiquement les entreprises concernées, et a analysé leurs réponses, avant de décider de retenir leur offre de prix ou de la rejeter. En outre, la société requérante ne démontre pas que les prix proposés par les sociétés attributaires des lots n° 1, 2, 7, 12, 13 et 14 révèlent des coûts manifestement sous-évalués.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence production de justificatifs permettant à l'acheteur de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats :

16. Lorsque le pouvoir adjudicateur prévoit, pour fixer un critère ou un sous-critère d'attribution du marché, que la valeur des offres sera examinée au regard du respect d'une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d'exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats.

17. Aux termes de l'article 8-1 du règlement de consultation : " () Critère 2 : Valeur technique de l'offre (40 points) () Qualité du parc (âge, kilomètres au compteur) et énergie propre du parc de véhicules : 5, Age moyen du parc de véhicules : 2, Kilomètre moyen au compteur du parc de véhicules : 2, Energie propre des véhicules : 1 () ".

18. La société requérante soutient que l'acheteur a méconnu son obligation de demander les justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats alors qu'il a exigé des caractéristiques déterminées sur la qualité du parc. S'il résulte des stipulations précitées que l'acheteur a exigé un âge moyen et un kilomètre moyen du parc de véhicules, il a formulé un sous-sous critère " énergie propre des véhicules ", noté 1 point sur 5 points. Il ressort, en outre, du mémoire technique à remplir par les candidats que " Le recours à une énergie propre (électrique par exemple) permet d'obtenir une meilleure note que si le parc est intégralement en énergie Diesel. La note sera calculée sur la base du % de véhicules propres sur le total du parc de véhicules dédié au lot. Le % le plus élevé obtiendra 1 point. L'absence de véhicules à énergie propre (ou un parc 100% gazole) vaut 0 point. 50% des véhicules sont à énergie propre = 0,5 points. ". Dès lors, dans les circonstances de l'espèce le respect du recours à une énergie propre dans le sous critère qualité du parc était sanctionné par le système d'évaluation des offres et il est constant que le pouvoir adjudicateur n'a pas exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données sur ce point par les candidats. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sur ce point.

S'agissant de la lésion des intérêts de la société requérante :

19. Il résulte de l'instruction que sur les lots en litige à l'exception du lot n°12, la société requérante a obtenu une note, sur le critère technique noté sur 40, supérieure à celle obtenue par les sociétés attributaires qui ont reporté le lot en raison du critère du prix noté sur 60. Si elle avait pu obtenir une meilleure note sur le critère technique compte tenu du manquement précité en le majorant d'un point, elle n'aurait, en tout été de cause, pas remporté le lot n°1, où elle était classée 3ème avec un total de 73,43/100 et la société attributaire 81,24/100, le lot n° 2 où elle enregistre un total de 74,88/100 et la société attributaire 87,90/100, le lot n° 7 où elle enregistre un total de 83,13/100 et la société attributaire 85,94/100, le lot n° 12, où elle enregistre un total de 79,55/100 et la société attributaire 87,43/100, le lot n°13 où elle enregistre un total de 55,07/100 et la société attributaire 84,17/100, le lot n°14 où elle enregistre un score de 60,16/100 et la société attributaire 85,96/100. Par suite, au regard de ce classement, le manquement précité par le pouvoir adjudicateur n'a pas lésé les intérêts de la société requérante sur les lots en litige.

20. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête présentées par la société Coopératives des autocars réunis doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense.

Sur les frais du litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du syndicat mixte des transports du PCSM, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société Coopératives des autocars réunis et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Coopératives des autocars réunis le versement au syndicat mixte des transports du PCSM, à la société Voyageurs et à la société Pajamandy une somme de 1500 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : Il est donné acte au désistement partiel présenté par la SARL Coopératives des autocars réunis sur les lots n° 6 et 18.

Article 2 : Les conclusions de la requête présentée par la société Coopératives des autocars réunis sont rejetées.

Article 3 : La société Coopératives des autocars réunis versera à la société Pajamandy une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société Coopératives des autocars réunis versera à la société Voyageurs une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La société Coopératives des autocars réunis versera la somme de 1500 euros au syndicat des transports du PCSM sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Coopératives des autocars réunis, au syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Martin, à la société Pajamandy, à la société Voyageurs, à l'entreprise B Rosier et à la société Transport du Centre.

Fait à Basse Terre, le 10 mai 2024.

Le Juge des référés,

Signé

N. MAHE

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

L'adjointe de la greffière en chef,

Signé

A. CETOL

N°2400480