TA Lille, 18/04/2023, n°2302699

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2023, la société par actions simplifiée Sulo France, représentée par Me de Mets-Pazzis, demande au juge des référés :

1°) d'annuler la procédure de passation du lot n°1 de l'accord-cadre relatif à l'enquête de dotation initiale, la fourniture, la livraison de contenants pour la collecte des ordures ménagères résiduelles (OMR), des recyclables secs hors verre (RSHV), des biodéchets et du verre lancée par la communauté de communes Pévèle Carembault ;

2°) enjoindre à la communauté de communes Pévèle Carembault de reprendre la procédure de passation du lot n°1 conformément aux dispositions en vigueur ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Pévèle Carembault la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le pouvoir adjudicateur a méconnu son règlement de consultation ; l'article 4.3 du règlement de consultation prévoyait que les échantillons consistent en deux bacs et un bioseau ; il ressort de la lettre de rejet que la communauté de communes Pévèle Carembault s'est bornée à apprécier la valeur technique des offres au vu d'un bac et du bioseau ; elle n'a pas analysé le bac de 140 L ; s'agissant de la solidité des bacs, aucun test n'a été réalisé sur les échantillons ; à supposer qu'un test ait eu lieu, il n'est pas démontré qu'il ait été identique pour tous les candidats ; s'agissant du bruit des bacs, la lettre indique que le test a porté sur le bruit fait par le couvercle du bac 140 L (RSHV) qui en réalité de 240 L ; il n'est pas démontré que le test du bruit est identique pour la société attributaire ; par ailleurs, le pouvoir adjudicateur a limité les tests de bruit au couvercle, alors que les roues et les cuves devaient également être insonorisées selon le cahier des clauses techniques particulières ; elle a été lésée par ces différents manquements ; s'agissant de l'homogénéité du parc, le règlement de consultation reprenait une liste d'éléments parmi lesquels étaient mentionnés la solidité, le nombre de points d'injection, la couleur, la volumétrie et l'homogénéité du parc ; l'homogénéité du parc s'entend d'une certaine cohérence et unité entre les différents bacs proposés par le soumissionnaire quelque soit leur volume ; elle a été lésée par ce manquement ;

- l'offre de l'attributaire est irrégulière ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 2152-2 et R. 2152-1 du code de la commande publique ; l'article 2.5 du règlement de consultation prévoyait que les échantillons devaient être strictement identiques d'un point de vue technique aux équipements livrés par la suite dans le cadre de l'exécution de l'accord-cadre ; les échantillons fournis par l'attributaire ne sont pas conformes à ces caractéristiques techniques ; l'article 8.6 du CCTP prévoit que les bacs comportent un double marquage à chaud, un marquage à chaud du logo et un marquage à chaud des consignes de tri comportant les indications propres à la nature de la collecte sélective et à la collecte des ordures ménagères résiduelles apposés sur la face externe de chaque couvercle des bacs ; la société attributaire n'a pas fourni un bac témoin avec un marquage à chaud des consignes de tri sur la face externe du couvercle ; par ailleurs, l'article 8.4 du règlement de consultation prévoit que les bacs OMR et RSHV contiennent une puce électronique d'identification ; les échantillons devaient donc être pucés ; il est acquis que tous les échantillons n'étaient pas équipés d'une puce électronique ; enfin l'article 8.6 du règlement de consultation prévoit que le bac doit comporter une étiquette auto-adhésive dite étiquette-adresse qui sera apposée sur la face arrière du bac comportant des mentions précitées par le même CCTP ; au moins un des bacs de la société attributaire ne comportait pas d'étiquette adresse sur la face arrière ; l'annulation de la procédure est inévitable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2023, la communauté de communes Pévèle Carembault, représentée par Me Delgorgue, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Sulo France la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucune irrégularité n'a été commise pendant la procédure de passation du marché ; le règlement de consultation prévoyait que l'analyse du sous-critères techniques B se fait au regard du mémoire technique et des échantillons fournis par les candidats sans qu'il ne puisse être déduit du règlement de consultation que tous les échantillons devaient être analysés ; du point de vue, seule la couleur différencie les bacs OMR et RSHV ; il n'y a certes pas eu de fourniture d'un bac RSHV par la société Sulo France mais un bac OMR 140 L ; cette erreur de plume mentionnée dans la lettre de rejet n'a pas lésé la requérante ; un seul échantillon pour chaque candidat a été testé avec un volume identique de 140 L ; par ailleurs, il n'y a pas de différence technique entre les bacs OMR et RSHV ; le principe d'égalité n'a pas été méconnu ; elle a en outre effectué des tests de solidité sur les échantillons ; le moyen manque donc en fait ; le rapport d'analyse précise que la requérante et l'attributaire ont fait l'objet de tests de solidité identiques pour chacun des candidats ; le but du test était de s'assurer que les échantillons proposés par les candidats en vue de la collecte de déchets étaient assez solides pour supporter le système de préhension de la benne à ordures ménagères ; durant le test a été mis en évidence le fait qu'à la différence du bac proposé par la société Ese France, le bac de la requérante présentait une dégradation de sa lèvre ; l'insonorisation des échantillons a également été vérifiée ; le rapport d'analyse précise que le test d'insonorisation a bien été réalisé sur la cuve, les roues et le couvercle ; le rapport d'analyse mentionne que l'homogénéité du parc a été appréciée ;

- l'offre de l'attributaire n'est pas irrégulière ; le marquage et le coloris n'avaient pas à être respectés par les échantillons ; la société Ese France a en tout état de cause remis un échantillon comportant un double marquage à chaud conforme au CCTP ; l'étiquette auto-adhésive et les puces électroniques ne relèvent pas des caractéristiques techniques des bacs ; la signalétique était renseignée dans le mémoire technique ; il en est de même des puces électroniques.

Par un mémoire enregistré le 12 avril 2023, la société anonyme Ese France, représentée par Me Dehu, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis 7 000 euros à la charge de la société Sulo France au titre des frais liés à l'instance que la société Ese France a exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ; la requérante n'avait aucune chance de remporter le marché ;

- la méthode de notation n'est pas irrégulière ; le pouvoir adjudicateur ne pouvait analyser qu'un échantillon ; les bacs OMR et RSHV étaient techniquement identiques pour chacun des candidats ; elle n'a pas pu être lésée ; le règlement de consultation n'imposait pas de tester tous les échantillons ; il n'appartient pas au juge des référés précontractuels de se prononcer sur la valeur d'une ou le mérites respectifs des offres ; les exigences techniques visées par le CCTP permettent de procéder à une analyse globale des offres ; l'homogénéité des bacs a pu être étudiés avec les deux bacs d'échantillons fournis ; les deux offres ont été jugées conformes au CCTP ce qui permet de considérer que l'homogénéité des bacs a été appréciée ; l'insonorisation et la solidité des bacs a été manifestement testée ; le rapport d'analyse n'a pas à rendre compte d'éléments précis relevant du secret des affaires ;

- les échantillons fournis n'avaient pas à présenter de marquage ; il n'est pas démontré que les échantillons n'avaient pas de puces électroniques et d'étiquette adhésive ; son offre est régulière.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Lassaux, premier conseiller, pour statuer

sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 12 avril 2023 à 10 heures :

- le rapport de M. Lassaux, juge des référés,

- les observations de Me de Metz-Passis, représentant la société Sulo France, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

- les observations de Me Bultel, substituant Me Delgorgue, représentant la communauté de communes Pévèle Carembault qui reprend le contenu de ses écritures en défense ;

- et les observations de Me Déhu, représentant la société Ese France qui reprend le contenu de ses écritures en défense.

La clôture de l'instruction a été différée au 14 avril 2023 à 10 heures.

Par deux mémoires, enregistrés le 13 avril 2023 à 8h59 et le 13 avril 2023 à 19 h33, la société Sulo France, représentée par Me de Metz-Passis conclut aux fins que la requête et par les mêmes moyens ; elle soutient également qu'elle a un intérêt à contester la procédure de passation de ce marché, dès lors qu'elle est soumissionnaire à la procédure en cause ; la valeur technique n'a pas été appréciée, comme le prévoyait le règlement de consultation, au regard des éléments d'appréciation de son sous-critère B ; si la prise en compte dans l'analyse des offres des échantillons relevait de la méthode de notation, elle avait été annoncée dans le règlement de consultation et devait être respectée ; la modification des règles de consultation la lèsent nécessairement ; le règlement de consultation est, en tout état de cause, ambigu ou contradictoire sur ce point ; les échantillons ne diffèrent pas seulement au regard des couleurs du couvercle mais également au regard de leur volume ; en outre, il n'est pas démontré qu'elle aurait effectivement comparé les bacs de 140 L des candidats ; s'agissant de la solidité, l'un des bacs fournis n'a pas été testé, comme le reconnaissent les parties défenderesses ; par ailleurs le bioseau n'a été testé au regard de la solidité, alors qu'il s'agit d'un élément d'appréciation important, comme le précise l'article 10 du CCTP au même titre que sa praticité ; le rapport d'analyse précise que seulement trois éléments ont été appréciés : la couleur, le volume et le couvercle ; elle a ainsi été lésée par ces manquements ; s'agissant du bruit, le test n'a porté que sur le couvercle et non sur les roues et la cuve ; il n'y a aucune mention de l'homogénéité du parc parmi les éléments appréciés par le pouvoir adjudicateur ; le nombre de points d'injection n'a pas été étudié, alors qu'il a été mis en avant par le règlement de consultation ; les points d'injection sont les endroits où la matière plastique est injectée dans le moule lors de la fabrication ; un nombre important de points d'injection permet de renforcer certaines parties du bac et de réduire globalement la quantité de plastique utilisée pour sa fabrication ; il s'agit d'un élément d'appréciation pertinent sur la performance de chaque bac ; ils n'ont pas été appréciés au regard des points d'injection ; l'offre de l'attributaire est irrégulière ; le marquage devait être fourni sur les échantillons car contrairement aux coloris qui seront soumis à approbation en début de marché, il n'en est pas de même du marquage qui doit proposer un projet de maquette pour les étiquettes adresse apposées aux bacs, comme le prévoit l'article 8.6 du CCTP.

Par un mémoire, en défense, enregistré le 13 avril 2023 à 14 h45, la communauté de communes Pévèle Carembault, représentée par Me Delgorgue, reprend le contenu de ses écritures en défense. Elle soutient également que les échantillons de bacs ont fait l'objet de test de solidité identique ; l'insonorisation et l'homogénéité du parc ont été analysés y compris au regard du mémoire technique ; le nombre de points d'injection a été étudié, puisque le rapport d'analyse reprend l'intitulé du sous-critère de la valeur technique en cause qui le mentionne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023 à 13h56, la société Ese France, représentée par Me Déhu, reprend le contenu de ses écritures en défense. Elle soutient également que le pouvoir adjudicateur n'a pas à faire état de l'ensemble des éléments d'appréciation dans le rapport d'analyse des offres ; le rapport d'analyse des offres est suffisamment détaillé en l'espèce ; le contrôle du juge est limité à l'erreur manifeste d'appréciation ; sur les sujets contestés ; l'homogénéité du parc a été mentionnée dans le rapport d'analyse des offres et chacun des candidats a proposé une gamme homogène de produit ; elle précise que dans son mémoire technique, elle a proposé une gamme homogène de bacs avec un RAL commun pour la cuve et des couleurs différentes pour le couvercle comme le demandait le pouvoir adjudicateur ; le sujet de l'insonorisation a fait l'objet d'une longue mention dans le rapport d'analyse des offres ; des certificats de mesures de bruit ont en outre été analysés ; s'agissant du nombre de points d'injection, elle précise que la requérante ne peut affirmer, comme elle le fait, que les points d'injection constitueraient à eux seuls un critère de solidité et de performance ; un bac avec une paroi fine même avec 12 points d'injection est plus fragile qu'un bac avec une paroi plus épaisse et moins de points d'injection ; en outre le nombre de points d'injection raccourcit le cycle de fabrication ce qui a un impact sur la solidité du plastique, diminue le poids du produit et dégrade la qualité du produit qui devient plus cassant en général ; les points d'injection ne constituaient pas un critère au sens du droit de la commande publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence, publié le 16 décembre 2022 au bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), la communauté de communes Pévèle Carembault a lancé une consultation suivant une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande portant sur l'enquête de dotation initiale, la fourniture, la livraison de contenants pour la collecte des ordures ménagères résiduelles (OMR), des recyclables secs hors verre (RSHV), des biodéchets et du verre divisé en quatre lots dont le lot n°1 relatif à l'enquête de dotation initiale pour la collecte des OMR et des RSHV, la livraison et la fourniture de bacs roulants pour la collecte des OMR et de RSHV et des biodéchets et la fourniture de bioseaux. Par courrier du 15 mars 2023, la communauté de communes Pévèle Carembault a informé la société Sulo France du rejet de son offre concernant le lot n°1, classée deuxième, et de l'attribution du contrat à la société Ese France. Par sa requête, la société Sulo France demande l'annulation de la procédure de passation.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. L'article L. 551-1 du code de justice administrative dispose que : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation (). Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Le I de l'article L. 551-2 de ce code précise que : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. " Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". Aux termes de son article L. 2152-2 : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ". Aux termes de son article R. 2152-1 : " Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées ". Enfin, aux termes de son article R. 2152-2 : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ". Le règlement de la consultation d'un marché étant obligatoire dans toutes ses mentions, le pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecte pas une de ses prescriptions.

4. Aux termes de l'article 2.5 du règlement de la consultation litigieuse : " dans le cadre de cette consultation, conformément à l'article R.2151-15 du code de la commande publique, il est demandé aux candidats des lots 1,3 et 4 de fournir les échantillons suivants : pour le lot 1, les candidats devront fournir obligatoirement un bac OMR et RSHV du volume de son choix ainsi qu'un bioseau, ayant les caractéristiques proposées dans l'offre () les équipements transmis pour échantillon devront être estampillé " échantillon témoin " et être strictement identiques d'un point de vue technique aux équipements livrés par la suite dans le cadre de l'exécution de l'accord cadre (exceptés coloris et marquage) ".

5. La société requérante soutient que la société Ese France, attributaire du lot 1 n'a pas livré des bacs servant d'échantillon pour la consultation sur lesquels étaient systématiquement installées les puces électroniques et apposés le marquage à chaud comprenant le logo de Pévèle Carembault et les consignes de tri ainsi qu'une étiquette auto-adhésive dite " étiquette-adresse ". Toutefois, il résulte du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) de ce marché qui constitue un élément du dossier de consultation remis aux candidats que les caractéristiques techniques des bacs sont définies exclusivement par les stipulations de son article 8.3 lesquelles ne visent pas, parmi les éléments attendus à ce titre, les puces électroniques, les marquages à chaud et les étiquettes adhésives, mais simplement les espaces pour recevoir lesdites puces électroniques. Ces éléments accessoires aux bacs sont définis par les articles 8.4 et 8.6 du même cahier des clauses techniques particulières, intitulés respectivement " Puces électroniques " et " Identification des bacs et signalétiques ". Il résulte, en outre, des stipulations de ce même article 8.6 du CCTP que le prestataire proposera un projet de maquette pour les étiquettes-adresse devant être apposées sur les bacs que le pouvoir adjudicateur se réserve le droit de valider ou de faire modifier. Ce projet de maquette a été présenté par les candidats au pouvoir adjudicateur au sein du mémoire technique. Il en est de même pour le choix des coloris des bacs que la communauté de communes Pévèle Carembault exprimera lors de la commande initiale, comme l'indique l'article 8.2 du CCTP. L'article 2.5 du règlement de consultation susvisé a, l'instar des marquages, expressément exclu les coloris des caractéristiques des bacs à présenter en tant qu'échantillons témoins. Les caractéristiques techniques des puces électroniques qui n'ont vocation à être activées que lors de l'exécution du marché ont, quant à elles, étaient renseignées dans le mémoire technique. Dans ces conditions, l'article 2.5 du règlement de consultation dont la finalité est pour le pouvoir adjudicateur de s'assurer, par des tests, principalement de la solidité, de la maniabilité et de l'insonorisation des fournitures ne pouvait être compris que comme imposant aux candidats de fournir des échantillons de bacs respectant les caractéristiques techniques définis à l'article 8.3 du CCTP. Dès lors qu'il n'est pas contesté que la société Ese France a fourni des échantillons conformes aux prescriptions définis par cet article du CCTP, il ne peut être soutenu, comme le fait la société requérante, que son offre serait irrégulière.

6. En second lieu, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Il n'est, en revanche, pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres.

7. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation. Une méthode de notation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.

8. Il résulte de l'article 4.3 du règlement de la consultation litigieuse que pour le lot 1, la valeur technique est appréciée au regard de deux sous-critères dont l'un d'eux, intitulé " Caractéristiques techniques des fournitures et des échantillons livrés : solidité, nombre de points d'injection, couleur, volumétrie homogénéité du parc, " est pondéré à hauteur de 15 points. L'article 8.3 du CCTP, intitulé " Caractéristiques techniques des bacs " stipule que " () la Pévèle Carembault attachera une grande importance aux critères de solidité ainsi qu'au respect de la règlementation technique. Par ailleurs les bacs devront présenter : une bonne stabilité aux rayons ultraviolets, une très grande tenue intempéries et aux variations de température ; une grande résistance aux chocs ; une bonne insonorisation aussi bien au niveau de la cuve, des roues que du couvercle. Les bacs devront respecter les autres caractéristiques suivantes : compatibilité avec la préhension frontale standard ; comptabilité avec le matériel de collecte utilisé emplacement pour puce d'identification sur les bacs OMR et RSHV ; pièces acier traitées anticorrosion ; présence de poignées assurant une manœuvre aisée du bac et du couvercle () ". L'article 10 du CCTP intitulé " fourniture de bioseaux " indique qu'une attention particulière sera portée à la praticité et à la solidité du matériel et au pourcentage de matière recyclée composant le produit

9. La société requérante conteste, tout d'abord, le fait que la communauté de communes Pévèle Carembault n'a, pour procéder à l'évaluation des offres au regard du sous-critère décrit au point précédent, analysé que les échantillons correspondant au bioseau et à un seul des bacs fournis par les candidats. Il résulte du rapport d'analyse des offres dont l'exactitudes des mentions n'est pas sérieusement contestée que le pouvoir adjudicateur a évalué les seuls bacs remis durant la consultation d'un volume de 140 L, indépendamment de la catégorie dont il relève. Toutefois, il ne résulte pas des termes de l'article 4.3 du règlement de consultation que le pouvoir adjudicateur était tenu, pour évaluer les offres, d'analyser chacun des échantillons qui lui ont été remis au cours de la consultation. Il n'est pas contesté qu'hormis le volume des bacs et la couleur des couvercles, les bacs RSHV et OMR ont, pour chacun des candidats, des caractéristiques identiques. Par ailleurs, la société Sulo France n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les bacs de volumes différents obtiendraient nécessairement, du seul fait de la différence de gabarit, des résultats aux tests pratiqués sans aucun rapport entre eux, faisant ainsi obstacle une évaluation ciblée des échantillons. La société requérante ne peut, dans ces conditions, soutenir que cette méthode d'évaluation des bacs aurait méconnu le principe d'égalité entre les candidats ou privé de portée ce sous-critère dont l'objectif est principalement, comme il a été rappelé au point précédent, pour le pouvoir adjudicateur de s'assurer de la solidité, de la résistance, de la maniabilité et de l'insonorisation des fournitures.

10. La société requérante soutient ensuite que la communauté de communes Pévèle Carembault n'a pas évalué les fournitures et échantillons livrés au regard de l'insonorisation, de l'homogénéité du parc et du nombre points d'injection qui sont pourtant des éléments appréciation du sous-critère en cause, expressément visés dans le règlement de consultation. Toutefois, s'agissant de l'insonorisation, il résulte du rapport d'analyse des offres que le pouvoir adjudicateur a procédé à des tests de bruit des bacs remis par les candidats notamment au niveau du couvercle et, dans le cadre de l'étude du mémoire et des fiches techniques, analysé les certificats de mesures de bruits qui ont été fournis par les candidats et qui devaient porter sur la cuve, le couvercle et les roues. S'agissant de l'homogénéité du parc, il résulte de l'instruction que l'attributaire et la société requérante ont proposé dans leur mémoire technique une gamme complète de bacs avec des volumes comprenant a minima les volumes indiqués à l'article 8.2 du CCTP avec un même " RAL " de la couleur grise de la cuve pour chacun des bacs proposés. Ainsi, et à supposer même que la communauté de communes n'ait pas procédé à une analyse de " l'homogénéité du parc " de bacs, ce qu'elle conteste dans ses écritures en défense, estimant avoir étudié cet aspect à l'occasion de l'évaluation des coloris proposés par les candidats, cet élément d'appréciation ne peut avoir une incidence significative sur l'élaboration des offres, dès lors que, d'une part, cet élément d'appréciation ne permet pas, en l'espèce, de départager effectivement les offres et, d'autre part, comme il a été dit précédemment, le pouvoir adjudicateur a indiqué dans les documents de consultation qu'il attachait une grande importance aux critères de solidité et à ce que les fournitures présentent une bonne résistance et une bonne insonorisation. Par ailleurs, si le nombre de points d'injection des bacs ne ressort pas explicitement du rapport d'analyse des offres en tant qu'élément d'appréciation étudié par le pouvoir adjudicateur, il constitue une composante des produits dont il peut être tenu compte au stade de l'évaluation de leur solidité. Dès lors que la solidité, la résistance et le poids des fournitures ont été appréciés par le pouvoir adjudicateur notamment à l'aune du mémoire technique et des fiches techniques fournis par les candidats, il n'est pas établi, alors même que le pouvoir adjudicateur n'y fait pas expressément référence, que le nombre de points d'injection n'aurait pas été évalué par celui-ci dans le cadre de la notation de ce sous-critère de la valeur technique. Au surplus, le nombre de points d'injection ne peut caractériser à lui seul un critère de performance du produit notamment au regard de sa solidité ou sa résistance, devant être évalué séparément des autres éléments d'appréciation, dès lors que la solidité d'un objet plastique dépend également de l'épaisseur de l'objet, de la durée suffisante de son cycle de fabrication raccourci, le cas échéant, par la multiplicité des points d'injection et de la localisation sur l'objet desdits points d'injection lorsqu'il est fait le choix de les multiplier. Enfin, outre que les mentions non masquées du rapport d'analyse des offres produit à l'instance indiquent que des tests identiques d'insonorisation et de solidité des fournitures ont été réalisés, la société requérante n'apporte aucun élément pour démontrer l'inverse.

11. En revanche, les défendeurs ne peuvent soutenir que la solidité des bioseaux a été étudiée lors de l'analyse des offres, alors qu'il n'y est pas fait référence dans les parties du rapport qui leur sont consacrés. Dès lors comme il a été rappelé au point 8 que la solidité avec la praticité est l'une des caractéristiques essentielles des bioseaux sur lesquelles l'attention du pouvoir adjudicateur est portée, la méthode d'évaluation de ces fournitures particulières qui omet d'évaluer cet aspect doit être regardée comme étant irrégulière. Toutefois il résulte, d'une part, du rapport d'analyse des offres que l'offre de la société requérante a obtenu la note globale de 83,92/100 et celle de 9/15 sur le sous-critère litigieux de la valeur technique, alors que l'offre de l'attributaire atteint le score de 89/100 et 12/15 sur ce même sous-critère technique. Il résulte, d'autre part, du rapport d'analyse des offres que les fournitures de la société attributaire et plus particulièrement les bacs à déchets ont été jugés par le pouvoir adjudicateur plus qualitatifs notamment au regard des caractéristiques essentielles attendues telles que la solidité et l'insonorisation. Dans ces conditions, l'irrégularité de la méthode de notation afférente à l'évaluation des bioseaux correspondant à un très faible nombre d'unité par rapport au nombre de bacs devant être livrées par le titulaire n'aurait pas pu, si elle n'avait pas été commise, permettre à la société Sulo France d'obtenir 6 points sur ce second sous-critère de la valeur technique noté sur 15. Par suite, la société Sulo France n'a pu être lésée par ce manquement aux règles de mise en concurrence.

11. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'un quelconque manquement aux obligations de mise en concurrence.

12. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes Pévèle Carembault que les conclusions tendant à l'annulation de la procédure de passation du marché en litige présentée par la société Sulo France doivent être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires à fin d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Pévèle Carembault, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sulo France la somme de 1 500 euros à verser, d'une part, à la société Ese France et, d'autre part, à la communauté de communes Pévèle Carembault, au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Sulo France est rejetée.

Article 2 : La société Sulo France versera une somme de 1 500 euros tant à la société Ese France qu'à la communauté de communes Pévèle Carembault en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Sulo France, la société Ese France et la communauté de communes Pévèle Carembault.

Fait à Lille, le 18 avril 2023.

Le juge des référés,

Signé

P. LASSAUX

La République mande et ordonne au préfet du Nord, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N°2302699