Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 janvier 2021, le 15 novembre 2023, le 27 novembre 2023 et le 8 janvier 2024, la société Vert-Marine, représentée par la Selarl Muriel Gillette Avocat, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix à lui verser, à titre principal, la somme de 330 000 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros, sommes augmentées des intérêts de droit à compter du 17 septembre 2020, date de réception de la demande préalable d'indemnisation, capitalisées dans les conditions prescrites par l'article 1343-2 du code civil, en réparation du préjudice que lui a causé son éviction illégale de la concession pour l'exploitation du centre aquatique de Saint-Yrieix-la-Perche ;
2°) de mettre à la charge de toute partie succombant la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- indépendamment des exigences imposées par les documents de la consultation, la personne publique est dans l'obligation d'écarter une offre qui ne respecte pas la législation en vigueur ; en retenant l'offre de la société attributaire qui prévoyait la mise en œuvre de la convention collective Elac (espaces de loisirs, d'attraction et culturels), la collectivité a commis une illégalité fautive ;
- son manque à gagner du fait de son éviction illégale, doit être évalué par référence au compte prévisionnel d'exploitation produit dans le cadre de son offre, soit la somme de 330 000 euros HT correspondant au bénéfice attendu de l'exécution du contrat ; à titre subsidiaire, elle sollicite le versement d'une somme de 10 000 euros au titre des frais d'étude qu'elle a été contrainte d'engager.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er octobre 2021, le 15 novembre 2023, le 4 décembre 2023 et le 24 janvier 2024, la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix, représentée par la société d'avocats Deloitte, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Vert-Marine en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête ne relève pas de la compétence du jugement administratif ;
- la société Vert-Marine ne démontre pas l'existence d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine par la passation en litige ;
- le vice invoqué par la requérante n'est ni en rapport direct avec l'intérêt lésé dont elle se prévaut, ni d'une gravité telle que le juge devrait le relever d'office ; le vice n'est pas en rapport direct avec l'intérêt lésé dont elle se prévaut ;
- le pouvoir adjudicateur n'a pas l'obligation, s'agissant des contrats de concession, d'écarter une offre au motif qu'elle méconnaîtrait la législation en vigueur ; elle n'est pas compétente pour vérifier l'applicabilité de la convention collective lors de l'analyse des offres ; en tout état de cause, la société attributaire a choisi la convention collective qui lui est applicable ;
- le caractère certain du préjudice allégué n'est pas établi car la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid a remis en cause le bénéfice estimé au compte d'exploitation prévisionnel ;
- le montant des frais d'étude n'est pas justifié.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 octobre 2021 et le 5 décembre 2023, la société Action développement loisir (ADL) - Espace récréa, représentée par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Vert-Marine en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son intervention est recevable ;
- la société Vert-Marine ne démontre pas l'existence d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine par la passation en litige ; le choix de l'une ou l'autre des conventions collectives est sans lien avec le coût de la masse salariale de l'offre de la société Vert-Marine ;
- le moyen relatif à l'irrégularité du contrat en raison de la convention collective applicable est inopérant ;
- l'adhésion à une convention collective en particulier n'était pas un critère de choix de l'offre ni une condition ou une caractéristique du règlement de la consultation ; aucune disposition du code de la commande publique ni aucun principe ne justifie l'exclusion automatique d'un candidat au vu du seul constat de l'annonce ou de l'absence d'annonce de l'application de la convention collective du sport ;
- l'objet de la convention de délégation de service public porte sur l'exploitation d'un complexe sportif, culturel et évènementiel composé d'un espace aquatique, d'un espace bien-être et d'un espace associatif et évènementiel ; elle ne porte donc pas uniquement sur des activités sportives ; la société requérante n'apporte aucun élément qui démontrerait le prétendu avantage concurrentiel lié à l'application de la convention collective Elac et le prétendu surcoût en cas d'application de la convention collective du sport ;
- la société requérante avance un préjudice de 330 000 euros ; on peut valablement douter de la sincérité des chiffres apparaissant sur son compte d'exploitation dès lors que le rapport d'analyse des offres fait apparaître à plusieurs reprises la surévaluation ou le caractère très ambitieux des recettes commerciales estimées par cette société.
Par une ordonnance du 2 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2024 à 17h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gaullier-Chatagner,
- les conclusions de Mme Benzaïd, rapporteure publique,
- et les observations de Me Maret, substituant Me Gillette, représentant la société Vert-Marine, les observations de Me Kessler, représentant la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix et les observations de Me Bernard, représentant la société ADL - Espace Récréa.
Une note en délibéré a été présentée pour la société Action développement loisir - Espace récréa le 4 avril 2024.
Une note en délibéré a été présentée pour la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix le 8 avril 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix a engagé au mois de juin 2016 une procédure de consultation afin de conclure une concession pour l'exploitation d'un complexe aqua-récréatif " VillaSport ". Deux sociétés candidates ont été agréées par la commission chargée d'analyser les offres. A l'issue d'une négociation, la société Vert-Marine a été informée, par courrier du 20 décembre 2016, de ce que l'offre présentée par la société Action développement loisir (ADL) - Espace récréa, avait été retenue par délibération du conseil communautaire du 19 décembre 2016. Par un courrier du 15 septembre 2020, la société Vert-Marine a saisi le président de la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix d'une demande d'indemnisation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution du contrat de concession. Une décision implicite de refus est née du silence gardé par la communauté de communes. La société Vert-Marine demande, par la présente requête, que celle-ci soit condamnée à lui verser une somme de 330 000 euros en réparation de son préjudice ou, à défaut, une somme de 10 000 euros au titre des frais d'études engagés.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. D'une part, aux termes de l'article 3 de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : " Les contrats de concession relevant de la présente ordonnance passés par des personnes morales de droit public sont des contrats administratifs ".
3. D'autre part, en vue d'obtenir réparation de ses droits lésés, le concurrent évincé a la possibilité de présenter devant le juge du contrat des conclusions indemnitaires, à titre accessoire ou complémentaire à ses conclusions à fin de résiliation ou d'annulation du contrat. Il peut également engager un recours de pleine juridiction distinct, tendant exclusivement à une indemnisation du préjudice subi à raison de l'illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé.
4. Le présent litige est présenté par la société Vert-Marine, concurrent évincé d'une procédure de passation d'une concession conclue par une communauté de communes, qui constitue un contrat administratif, afin d'obtenir la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en lien avec cette procédure. Par suite, ce litige relève de la compétence de la juridiction administrative, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ce litige soit susceptible de susciter une contestation relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, une telle contestation étant tout au plus susceptible de justifier le renvoi d'une question préjudicielle à l'autorité judiciaire à supposer qu'elle présente un caractère sérieux.
Sur les fins de non-recevoir soulevées en défense :
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Vert-Marine a présenté une offre dans le cadre de la procédure de passation concernant la concession en litige, laquelle a été " agréée " par la commission qui s'est réunie le 19 septembre 2016 pour examiner les offres des deux candidates. Ainsi, et en tout état de cause, en sa qualité de concurrent évincé, la société Vert-Marine dispose d'un intérêt à former un recours de pleine juridiction tenant à l'indemnisation de son préjudice à raison de l'illégalité de la conclusion du contrat dont elle a été évincée.
6. En second lieu, la société Vert-Marine invoque, au soutien de sa demande, l'obligation qu'aurait eu la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix d'écarter l'offre présentée par le candidat retenu, au motif que cette offre méconnaissait la législation du travail en vigueur. Par suite, la communauté de communes et la société titulaire de la concession en litige ne sont pas fondées à soutenir qu'à défaut de démontrer l'impact de l'application de la convention collective dont elle se prévaut sur l'appréciation des offres, la société requérante ne démontrerait pas la recevabilité de son offre.
7. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir soulevées en défense doivent être écartées.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la procédure de passation du contrat de concession :
8. Aux termes du I de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, alors applicable : " Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ".
9. Aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, () peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail (). ".
10. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées du code du travail que les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s'imposent aux candidats à l'octroi d'une délégation de service public lorsqu'ils entrent dans le champ d'application de cette convention. Par suite, une offre finale mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par l'autorité concédante et doit être écartée comme irrégulière par celle-ci. Au vu de ces éléments, le moyen tiré de ce que l'offre de la société ADL - Espace recrea ne pouvait être retenue, en raison de la convention collective applicable n'est pas, contrairement à ce que soutient cette société, inopérant dans le cadre d'une instance relative à la passation d'un contrat de concession, et l'irrégularité de l'offre dans une telle hypothèse ne dépend pas de la mention, dans le règlement de la consultation, de l'exigence tenant à une convention collective en particulier. Pour les mêmes motifs, la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix n'est pas fondée à soutenir qu'aucun texte ni aucun principe ne lui imposait d'écarter une offre en raison de la convention collective appliquée, ni qu'elle serait incompétente pour vérifier l'applicabilité d'une convention collective lors de l'analyse des offres.
11. En second lieu, lorsque, à l'occasion d'un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, une contestation sérieuse s'élève sur la détermination de la convention ou l'accord collectif de travail applicable à une entreprise, il appartient au juge saisi de ce litige de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation, sauf s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.
12. Aux termes de l'article L. 2261-2 du code du travail : " La convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. / En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables ".
13. Par arrêté du ministre en charge du travail du 21 novembre 2006, la convention collective nationale du sport a été étendue et son champ d'application est ainsi défini par son article 1.1 dans sa version alors en vigueur : " La convention collective du sport règle, sur l'ensemble du territoire y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises exerçant leur activité principale dans l'un des domaines suivants : / - organisation, gestion et encadrement d'activités sportives ; / - gestion d'installations et d'équipements sportifs ; / enseignement, formation aux activités sportives et formation professionnelle aux métiers du sport ; - promotion et organisation de manifestation sportives () ". Le champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, étendue par un arrêté ministériel du 25 juillet 1994, est ainsi défini par son article 1er, dans sa rédaction applicable au litige : " La convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels règle, sur l'ensemble des départements français, y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises de droit privé à but lucratif : / () - qui gèrent des installations et / ou exploitent à titre principal des activités à vocation récréative et / ou culturelle, dans un espace clos et aménagé avec des installations fixes et permanentes comportant des attractions de diverse nature : manèges secs et/ou aquatiques ; / - spectacles culturels ou de divertissements avec présentation ou non d'animaux (). / Les entreprises concernées exercent, d'une manière générale, une ou plusieurs activités ludiques et / ou culturelles, en y associant : restauration, attractions, boutiques, destinées, dans le cadre urbain et / ou rural, et / ou commercial, à un marché familial. / Sont notamment, comprises dans le champ d'application, les activités suivantes () parc aquatique () / Sont exclues du champ d'application les entreprises de droit privé, à but lucratif, répertoriées sous l'ancienne codification NAF 92.6 " gestion d'installations sportives " et " autres activités sportives ", remplacée par la codification suivante : 93. 11Z : " gestion d'installations sportives " () / gestion d'installations sportives à caractère récréatif et de loisir. / Et, plus précisément, les installations et les centres des activités suivantes : / les piscines () ".
14. Il résulte du cahier des charges joint au dossier de consultation que le complexe sportif objet du litige comporte trois secteurs, composés d'un complexe multisports, un complexe aquatique et des parties communes. Le complexe aquatique comprend quant à lui trois bassins couverts et deux bassins extérieurs. L'article 2 de ce cahier des charges prévoit, en outre, dans son article 2 relatif à l'étendue des missions confiées au délégataire que celui-ci assure les missions d'organisation de la baignade publique dans les bassins prévus à cet effet, d'accueil des groupes sur le complexe aquatique ou sur le complexe multisports, la surveillance des séances pédagogiques à destination des élèves, l'encadrement des séances pédagogiques, l'organisation des activités aquatiques telles que les cours de natation, les activités de gymnastique aquatique, ainsi que les activités de fitness, proposées au sein de l'équipement dans le nouvel espace bien-être en cours de construction. Le délégataire assure, par ailleurs, les missions de gestion technique, administrative, financière et commerciale du complexe. Les missions faisant l'objet du contrat en litige ont donc principalement une vocation sportive en lien avec des activités de natation, alors même qu'elles comprennent par ailleurs à titre accessoire, des équipements dédiés à des activités de détente et de loisirs. L'activité ainsi exploitée ne se confond pas avec celle des parcs aquatiques entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels et relève dès lors de la convention nationale du sport, sans qu'il soit utile de saisir l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle eu égard à la jurisprudence établie du juge judiciaire sur ce point.
15. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'analyse des offres, que si la société ADL - Espace récréa n'a pas expressément mentionné dans son offre qu'elle entendait faire application de la convention Elac (espaces de loisirs, d'attraction et culturels), le pouvoir adjudicateur a retenu que la société entendait appliquer cette convention collective, ce point devant être confirmé en phase de négociation. La communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix confirme, dans ses écritures que " la société attributaire a choisi la convention collective qui lui est légalement applicable, à savoir la convention ELAC ", et si cette société soutient quant à elle qu'il ne ressortait pas de son offre qu'elle se serait engagée sur l'application d'une convention collective spécifique, si bien que son offre n'était pas nécessairement irrégulière, elle n'affirme ni ne démontre qu'elle aurait fait application de la convention nationale du sport. Il résulte de ces éléments que la société Action développement loisir - Espace récréa a méconnu la législation et la règlementation sociale en vigueur. Son offre était par suite irrégulière et aurait dû, pour ce motif, ne pas être retenue, sans qu'il soit nécessaire de démontrer que l'application de cette convention aurait entraîné un surcoût. La société Vert-Marine est ainsi fondée à soutenir que la procédure de passation du contrat de délégation de service public est entachée d'irrégularité, et à en déduire que la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix, en n'écartant pas comme irrégulière l'offre remise par la société ADL - Espace récréa, a commis une faute qui est à l'origine directe de l'éviction de la requérante.
En ce qui concerne la perte de chance d'emporter le contrat :
16. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre.
17. Il résulte de l'instruction que la société Vert-Marine a été admise à participer aux négociations avec la société attributaire. Si l'offre de la société Vert-Marine a été jugée par la commission d'analyse des offres comme " moins intéressante et moins travaillée en terme de contenu " que l'offre de la société finalement retenue, il n'est pas établi que son offre aurait été inappropriée, irrégulière ou inacceptable. Il résulte également des développements qui précèdent que l'offre de la société Vert-Marine était la seule offre régulière soumise au pouvoir adjudicateur. Il ne résulte, en outre, d'aucune des pièces versées aux débats que la communauté de communes, qui se borne à faire valoir que le montant des subventions de fonctionnement était nettement plus important dans l'offre de la société évincée, aurait été conduite à déclarer la procédure infructueuse ou sans suite si elle avait éliminé l'offre de la société Action développement loisir - Espace récréa comme irrégulière, aucun élément ne laissant, par ailleurs, supposer qu'elle aurait pu renoncer à signer le contrat pour un motif d'intérêt général. Dans ces conditions, l'irrégularité mentionnée ci-dessus a privé la société Vert-Marine d'une chance sérieuse de remporter le contrat, sans qu'il soit utile que la requérante démontre l'impact économique de la convention collective du sport sur l'offre présentée.
En ce qui concerne les préjudices invoqués :
18. Pour justifier la réalité et le quantum de son manque à gagner qu'elle estime à 330 000 euros au titre du contrat en litige, la société Vert-Marine produit le compte de résultat prévisionnel du 15 novembre 2016, joint à son offre, lequel fait apparaître un résultat brut de 55 000 euros au titre des six années correspondant à la durée du contrat, ainsi qu'une attestation comptable qui énonce que " ce compte de résultat prévisionnel a été obtenu à partir d'un chiffre d'affaires annuel qui permet de dégager pour chaque exercice un résultat prévisionnel du délégataire prévu au contrat de délégation, compte tenu d'une structure de frais fixes prédéterminée, et de frais variables liés à ce chiffre d'affaires ". Si ces éléments confirment l'existence d'un préjudice, il convient toutefois de retrancher du résultat brut avancé par la société requérante à l'appui de son offre le montant correspondant à la " participation des salariés ", lequel ne fait l'objet d'aucune justification, ce qui porte à 46 402 euros le résultat annuel à prendre en considération. En outre, et dès lors que le contrat a été conclu pour une durée de six ans à compter du 1er janvier 2017, il convient de retrancher la moitié de ce résultat annuel prévisionnel pour les années 2020 et 2021, afin de tenir compte des fermetures intervenues durant la période de crise sanitaire liée au covid19. Enfin, et afin de tenir compte du caractère " optimiste " des estimations de la fréquentation sur laquelle était basée l'offre de la société requérante selon le rapport d'analyse des offres, il sera en définitive fait une juste appréciation du préjudice de la société requérante en l'évaluant à la somme globale de 130 000 euros, tous intérêts compris au jour du présent jugement.
Sur les frais du litige :
19. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par la société Vert-Marine et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la société Vert-Marine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes dont la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix et la société Action développement loisir - Espace récréa demandent le versement au même titre.
D E C I D E :
Article 1er: La communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix versera à la société Vert-Marine la somme de 130 000 (cent trente mille) euros, intérêts compris, en réparation de son préjudice lié à son éviction illégale.
Article 2 : La communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix versera la somme de 1 800 (mille huit cents) euros à la société Vert-Marine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la communauté de communes du Pays de Saint-Yrieix et de la société Action développement loisir (ADL) - Espace récréa, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5:Le présent jugement sera notifié à la société Vert-Marine, à la société Action développement loisir (ADL) - Espace récréa, et à la communauté de commune du Pays de Saint-Yrieix.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2024 où siégeaient :
- M. Normand, président,
- Mme Siquier, première conseillère,
- Mme Gaullier-Chatagner, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.
La rapporteure,
N. GAULLIER-CHATAGNER
Le président,
N. NORMAND
La greffière d'audience,
M. A
La République mande et ordonne
au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
Pour expédition conforme
La Greffière en Chef
A. BLANCHON
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