Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juin et 5 juillet 2024, la société C. B. Autocars, représentée par Me Salen, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la procédure engagée par la communauté de communes Bugey Sud pour la passation d'un accord cadre ayant pour objet l'exploitation d'un service de transport urbain constitué d'une ligne régulière desservant la commune de Belley ainsi que toute décision s'y rapportant, subsidiairement d'enjoindre à l'établissement de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres, en omettant les sous-sous-critères " Gestion des perturbations liées à l'environnement du service " et " Gestion interne de la continuité du service ", et le sous-critère " Dispositions permettant de limiter l'impact environnemental du service, dont motorisation des véhicules " ;
2°) d'enjoindre à l'établissement de communiquer, sous 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue, le rapport d'analyse des offres et les notations par sous-sous-critères pour l'attributaire et la requérante ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Bugey Sud la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- sa requête est recevable ;
- son offre est régulière dès lors que les caractéristiques du véhicule de réserve étaient librement et aisément accessibles compte tenu des informations transmises (carte grise) d'une part, et d'autre part, que l'attestation de repérage suffisait en l'absence d'éventuelles difficultés quant à la faisabilité des itinéraires au cours de ce repérage, la note détaillée accompagnée de photographie n'étant que facultative en vertu de l'article 5.3 du règlement de la consultation ;
- le pouvoir adjudicateur a méconnu son obligation d'information en ne lui communiquant pas, spontanément puis malgré sa demande, le détail de la notation par sous-sous-critères ni aucune explication précise et suffisamment explicite sur son choix ;
- les sous-sous-critères " Gestion des perturbations liées à l'environnement du service " et " Gestion interne de la continuité du service " ne permettent pas de juger l'offre elle-même mais concernent en réalité l'aptitude des candidats à exécuter le service ;
- le sous-critère " Dispositions permettant de limiter l'impact environnemental du service, dont motorisation des véhicules " est trop imprécis et induit des exigences environnementales non spécifiques et objectivement quantifiables ;
- le critère tiré de la valeur technique neutralise tous les autres critères et a pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur.
Par un mémoire enregistré le 4 juillet 2024, la communauté de communes Bugey Sud, représentée par la société Philippe Petit et Associés (Me Dumas), conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société C. B. Autocars au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- le courrier informant la requérante du rejet de l'offre en seconde position, dont se déduisent les motifs, comportait les informations requises par l'article R. 2181-3 du code de la commande publique et des informations complémentaires suffisantes lui ont été communiquées en cours d'instance ;
- l'offre de la société requérante étant incomplète s'agissant d'une part des caractéristiques du véhicule de réserve malgré une demande d'information complémentaire (art. 6.2.1 du CCTP) et d'autre part de la note détaillée illustrée de photos des itinéraires envisagés (art. 3.1 du CCTP), elle est irrégulière ;
- les manquements soulevés sont inopérants dès lors qu'à supposer qu'ils soient neutralisés, le classement des offres n'aurait pas changé compte tenu du critère tiré du prix ;
- les sous-sous-critères sont liés à l'objet du marché et aux conditions de son exécution, formulés d'une manière non discriminatoire et suffisamment précise ;
- il n'appartient au juge des référés, dans l'analyse de ces manquements, de contrôler l'appréciation portée sur les mérites de l'offre ;
- en l'absence de demande d'information complémentaire sur le sous-critère tiré de l'impact environnemental, et compte tenu tant du niveau de connaissance de la société requérante que des éléments exposés dans les documents du marché ainsi de l'absence d'obligation de prévoir un indicateur chiffré de performance, la société requérante n'établit pas le caractère illégal de celui-ci ;
- le critère de la valeur technique n'est pas, par son imprécision alléguée qui aurait dû donner lieu à une demande d'information complémentaire, de nature à neutraliser les autres critères.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
La présidente du tribunal ayant désigné M. Reymond-Kellal, premier conseiller, pour statuer sur les demandes en référé en matière de contrats de la commande publique ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Lors de l'audience publique, M. Reymond-Kellal a donné lecture de son rapport et entendu les observations de Me Salen pour la société C. B. Autocars, et les observations de Me Masson pour la communauté de communes Bugey Sud.
A l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 juillet 2024, présentée par la société C. B. Autocars.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de commune Bugey Sud a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un accord-cadre ayant pour objet l'exploitation d'un service de transport urbain constitué d'une ligne régulière desservant la commune de Belley. Le contrat a été attribué à la société Cars Philibert. La société C. B. Autocars, qui a été informée de ce que son offre classée en deuxième position n'avait pas été retenue par un courrier du 11 juin 2024, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler cette procédure.
2. Aux termes de l'article L.551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet () la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation (). / () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".
Sur le défaut d'information :
3. Aux termes de l'article R. 2181-3 du code de la commande publique : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet () de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre () ". Aux termes de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : / () / 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue. ".
4. Par un courrier du 11 juin 2024, la communauté de communes du Bugey Sud a indiqué à la société C. B. Autocars le nom de la société attributaire ainsi que le détail de la notation de sa proposition et celle de sa concurrente qui a été retenue pour chaque critère et sous-critère. Ce courrier a été complété le 2 juillet 2024 à la demande de la société C. B. Autocars par l'indication des notes attribuées à sa proposition et celle de sa concurrente pour chaque sous-sous-critère ainsi que du rapport d'analyse des offres dans le respect de la protection des éléments couverts par le secret des affaires. La société requérante a ainsi disposé des documents demandés et d'une information suffisamment complète sur les motifs qui ont conduit l'acheteur à écarter son offre et à retenir l'offre de la société Cars Philibert, de nature à lui permettre, avant que le juge des référés ne statue, de contester utilement la légalité de la procédure de passation et les conditions dans lesquelles a été attribué le contrat litigieux. Par suite, la société C. B. Autocars n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées du code de la commande publique ont été méconnues. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la communauté de communes Bugey Sud de lui communiquer divers documents ne peuvent qu'être rejetées en tout état de cause.
Sur l'irrégularité de l'offre de la société requérante soulevée en défense :
5. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières (). ". L'article L. 2152-2 du même code précise qu'une offre irrégulière est : " une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète (). ". Alors même qu'il aurait procédé à son examen et à son classement, l'acheteur peut se prévaloir du caractère irrégulier de l'offre présentée par l'auteur du référé pour soutenir, devant le juge du référé précontractuel, que celui-ci n'est pas susceptible d'être lésé par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu'il invoque.
6. En premier lieu, le point 5.1 du règlement de la consultation impose aux candidats de produire, comme pièce du dossier, une " attestation sur l'honneur de réalisation d'une visite de terrain, accompagnée d'une note spécifique détaillée et illustrée (photos) ". Le point 5.3 de ce règlement précise que : " Une reconnaissance des parcours au moyen d'un véhicule correspondant aux spécifications du CCTP est obligatoire. Le Soumissionnaire produira une note indiquant les éventuelles difficultés qui devront être traitées pendant la période de préparation, et les dispositions qu'il se propose de prendre pour les résoudre, en particulier en matière d'horaires. Il illustrera cette note avec des photos de cette reconnaissance ". Par ailleurs, l'article 3.1 du CCTP prescrit que : " Le Titulaire dispose en la matière d'un rôle de proposition. En particulier, pour s'assurer de la faisabilité des itinéraires envisagés, il doit effectuer une reconnaissance sur le terrain avant la mise en œuvre ou la modification des services de transports et proposer les ajustements nécessaires. A cet effet, il fournira dans son offre une note détaillée qu'il illustrera de photos de cette reconnaissance. ". L'article 6.2.1 du même document prescrit en outre que : " Le Candidat s'engage à réaliser un test de l'itinéraire avec le matériel roulant pressenti, et à intégrer à sa note méthodologique un compte rendu de ce test ".
7. Sauf à imposer une exigence manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres, les prescriptions des documents de la consultation précitées ne peuvent être interprétées comme exigeant de produire, outre une attestation de réalisation de la visite de terrain, une note spécifique détaillée et illustrée de photos lorsque cette visite n'a pas révélée, selon le soumissionnaire, d'éventuelles difficultés susceptibles de donner lieu à des propositions d'ajustement de parcours ou d'horaire notamment. Par suite, la communauté de communes Bugey Sud, qui n'a au demeurant pas demandé de compléter l'offre sur ce point, n'est pas fondée à soutenir, pour contester l'opérance des autres moyens soulevés par la société C. B. Autocars, que son offre est irrégulière faute d'avoir produit cette note détaillée alors que l'attestation de visite a été elle-même produite et que l'absence de cette note doit être regardée, ainsi que la requérante le soutient, comme révélant l'absence de difficultés susceptibles de justifier des propositions d'ajustement de sa part.
8. En second lieu et toutefois, les articles 2.3 et 5.2 du règlement de la consultation n'autorisent la modification, au titre d'une variante, d'aucun autre élément du CCTP ou du CCAP que celui portant sur la carburation des véhicules de ligne (hors véhicule de réserve). L'article 6.2 du CCTP prescrit, en ce qui concerne le matériel roulant, que le titulaire est tenu de mettre en place un véhicule dit de réserve en cas d'indisponibilité momentanée ou inopinée d'un véhicule de service, permettant le transport simultané d'au moins 10 personnes assises, un usager en fauteuil roulant et au minimum 5 personnes debout.
9. Il résulte de l'instruction qu'en raison de l'absence d'information sur le véhicule de réserve dans la note méthodologique produite par la société C. B. Autocars au soutien de son offre initiale, l'acheteur lui a demandé d'en préciser les caractéristiques. En réponse, la société requérante s'est bornée à indiquer qu'il s'agissait d'un " sprinter Mercedes de 2022 en norme Euro 6 comprenant 22 places assises (voir carte gris ci-joint) ". Si la société requérante soutient que ces éléments permettaient, à eux seuls, d'identifier la conformité de la configuration du véhicule aux exigences requises, notamment en ce qui concerne l'espace pour les personnes debout, grâce à une simple et accessible recherche dans les éléments publics à disposition de l'acheteur comme en témoignerait une brochure commerciale du fournisseur produite pour la première fois en cours d'instance, il ressort des mentions non spécialement contestées du rapport d'analyse des offres (reproduites dans le mémoire en défense) que le véhicule de réserve identifiable par les données communiquées lors de la procédure de passation " ne correspond pas aux stipulations du CCTP (pas de place debout, pas d'emplacement UFR) ". Dans ces conditions, la communauté de communes de Bugey Sud est fondée à soutenir que l'offre de la société C. B. Autocars, qui ne produit pas la carte grise en question, était irrégulière quand bien même elle a été analysée et classée avec la mention " moyennement satisfaisant " sur ce point. Par suite, elle est fondée à soutenir que la société requérante n'est pas susceptible d'être lésée par les manquements invoqués qui se rapportent à la légalité de certains sous-critères et sous-sous-critères permettant d'apprécier la valeur technique de son offre ou plus globalement les effets du critère de la valeur technique sur la liberté de choix de l'acheteur.
10. Il résulte de ce qui précède que la société C. B. Autocars n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure de passation contestée, ni, par voie de conséquence, qu'il soit enjoint de la reprendre dans les conditions qu'elle précise. Sa requête doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 1 400 euros à verser à la communauté de communes de Bugey Sud au titre des mêmes dispositions.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la société C. B. Autocars est rejetée.
Article 2 : La société C. B. Autocars versera la somme de 1 400 euros à la communauté de communes de Bugey Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés C. B. Autocars et Cars Philibert et à la communauté de communes de Bugey Sud.
Fait à Lyon, le 9 juillet 2024.
Le juge des référés,
R. Reymond-Kellal
La greffière,
K. Schult
La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Un greffier