TA Marseille, 28/07/2023, n°2210984
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 décembre 2022 et 3 mai 2023, la commune de Veynes et le centre communal d'action sociale (CCAS) de Veynes, représentées par Me Neveu, demandent au juge des référés, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à titre principal, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la compagnie Balcia Insurance SE à leur verser la somme de 451 544 euros à titre de provision pour les préjudices subis au titre des désordres affectant l'EPHAD ;
2°) de condamner solidairement la société Ailliaud, le bureau d'études Adret et leurs assureurs à leur verser la somme de 358 691 euros à titre de provision pour le préjudice lié aux fuites des canalisations ;
3°) de condamner la SMABTP à leur verser la somme de 80 000 euros à titre de provision pour le préjudice lié à la fermeture de la porte coupe-feu ;
4°) de condamner solidairement la société Groupe 6, les sociétés Betrec IG, Avenir Bois, Structure Bois, Apave Sud Europe et Métallerie Chevalier ainsi que leurs assureurs à leur verser la somme de 11 803 euros à titre de provision pour le préjudice lié aux infiltrations ;
5°) de condamner les sociétés Groupe 6 et Betrec IG ainsi que leurs assureurs à leur verser la somme de 1 050 euros à titre de provision pour le préjudice lié aux joints de dilatation ;
6°) de condamner les défendeurs aux dépens ;
7°) de mettre à la charge solidaire des défendeurs la somme de 4 000 euros à verser à la commune de Veynes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la garantie dommage-ouvrage est applicable dès lors que les désordres présentent un caractère décennal ;
- la responsabilité des constructeurs est engagée sur le fondement de la garantie décennale ;
- les sociétés Apave Sud Europe, Groupe 6, Betrec IG, Avenir Bois, Structure Bois, Métallerie Chevalier ainsi que leurs assureurs sont responsables du désordre lié aux infiltrations ;
- ces sociétés doivent les indemniser à hauteur de 11 803 euros HT pour ce préjudice ;
- la société Ailliaud, le bureau d'études Adret et leurs assureurs sont responsables des désordres liés aux fuites de canalisation ;
- ces sociétés doivent les indemniser à hauteur de 339 220 euros HT pour ce préjudice ;
- la compagnie Balcia doit être condamnée à lui verser la somme de 451 544 euros sur le fondement du contrat d'assurances dommages-ouvrages ;
- les sociétés Groupe 6, Betrec IG et la société Ocal Nicolas et Moutte sont responsables des désordres liés aux joints de dilatation ;
- son préjudice s'élève à la somme de 1 050 euros pour ce désordre ;
- la société Berriat est responsable du désordre lié à la fermeture de la porte coupe-feu du rez-de-chaussée administratif ;
- la SMABTP, assureur de la société Berriat, laquelle a été liquidée, doit garantir la commune à hauteur de 80 000 euros pour ce préjudice ;
- son préjudice s'élève à la somme totale de 451 544 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2023, les sociétés Structure bois et Axa France Iard concluent, à titre principal, à l'incompétence du juge administratif pour statuer sur les conclusions formées contre Axa, à titre subsidiaire, au rejet des demandes formées contre Axa, à ce que le montant de la condamnation prononcée contre Structure bois soit limité à 1 000 euros et enfin, à ce que les sociétés Groupe 6, Betrec IG, Apave Sud Europe et Avenir bois garantissent la société Structure bois du montant de la condamnation prononcée à son encontre.
Elles soutiennent que :
- le juge administratif est incompétent pour connaître des conclusions formées à l'encontre de la société Axa Iard en qualité d'assureur de Structure bois ;
- Structure Bois n'est intervenue que pour le bardage de l'aile 4 et sa responsabilité ne peut être retenue que pour les infiltrations ;
- Structure bois ne peut être condamnée pour un montant supérieur à 1 000 euros ;
- les sociétés Groupe 6, Betrec IG, Apave Sud Europe et Avenir bois doivent garantir Structure bois pour les condamnations prononcées à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, la société Groupe 6 conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation soit limitée à hauteur de 15%, à ce que l'indemnisation au titre des préjudices liés aux fuites de canalisation soit limitée à 322 259 euros, à ce que les sociétés les sociétés Apave Sud Europe, Avenir Bois, Structures bois, Ailliaud, ACEM, Métallerie Chevalier et Betrec IG la garantissent du surplus du montant des condamnations prononcées à son encontre et, enfin, à ce que soit mis à la charge de la commune, du CCAS ou de tout défendeur la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne peut être condamnée solidairement dès lors que le groupement de maîtrise d'œuvre est conjoint ;
- les demandes indemnitaires formées à l'encontre des locateurs d'ouvrage sont identiques à celles formées à l'encontre de la société Balcia et doivent donc être rejetées, un même préjudice ne pouvant être indemnisé deux fois ;
- elle n'est pas responsable des désordres liés aux infiltrations ;
- sa responsabilité doit être limitée à hauteur de 15%, soit 1 170,45 euros pour ce poste de préjudice ;
- elle n'est pas responsable du désordre lié au joints de dilatation, causé par un défaut d'exécution ;
- elle n'est pas responsable du désordre lié aux fuites de canalisation ;
- à titre subsidiaire, le CCAS est responsable d'un défaut de surveillance d'état des réseaux, notamment du contrôle des manchettes, qui à l'origine de ce désordre pour 5% ;
- l'indemnisation pour ce poste de préjudice doit donc être limitée au montant non contestable des travaux de reprise soit 322 259 euros, représentant 90% du montant total des travaux ;
- à titre subsidiaire, sa responsabilité ne peut excéder 15 % pour ce préjudice dès lors que le désordre provient d'un défaut de mise en œuvre imputable à l'entrepreneur ;
- la société Ailliaud doit la garantir des condamnations prononcées à son encontre pour ce désordre ;
- elle doit être garantie par les sociétés Apave Sud Europe, Avenir Bois, Structure bois, Ailliaud, ACEM, Métallerie chevalier et Betrec IG de toutes les condamnations prononcées contre elle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2023, la société Balcia Insurance SE conclut, à titre principal, au rejet des demandées formées par la commune et le CCAS de Veynes à son encontre, à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnisation soit limité aux montants retenus par l'expert, à ce que les sociétés Apave Sud Europe, Avenir Bois, Structures bois, Ailliaud, Métallerie Chevalier et le BET Adret la garantissent des condamnations prononcées à son encontre et à ce que soit mis à la charge du CCAS et de la commune de Veynes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la créance du CCAS et de la commune est prescrite ;
- leurs demandes doivent être rejetées dès lors qu'il appartient aux loueurs d'ouvrage d'assumer la charge finale des travaux de reprise ;
- les sociétés Apave Sud Europe, Groupe 6, Structure bois, Avenir Bois, Métallerie Chevalier doivent la garantir des condamnations prononcées contre elle au titre du préjudice lié aux infiltrations ;
- la société Groupe 6 doit la garantir des condamnations prononcées contre elle au titre du joint de dilatation ;
- le groupement de maîtrise d'œuvre est responsable du désordre lié aux fuites de canalisations ;
- le montant de l'indemnisation pour les travaux conservatoires liés aux fuites de canalisation doit être limité à la somme de 5 414,25 euros ;
- le montant de l'indemnisation lié aux travaux de réparation des fuites de canalisation doit être limité à 275 352,25 euros ;
- les sociétés Adret, Ailliaud doivent la garantir de toute condamnation prononcée contre elle au titre de ce désordre.
Par un mémoire, enregistré le 9 mai 2023, la société Axa France, en qualité d'assureur de la société ACEM, conclut à titre principal, à l'incompétence du juge administratif pour statuer sur les conclusions formées à son encontre, à titre subsidiaire, au rejet de l'appel en garantie formé par le Groupe 6 à son encontre et de tout autre appel en garantie, à la condamnation du Groupe 6 ou de toute autre partie perdante aux dépens et à ce que soit mis à la charge de la société Groupe 6 la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, le juge administratif est incompétent pour connaître des conclusions formées à son encontre ;
- à titre subsidiaire, la société ACEM n'est pas responsable des désordres.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2023, la société Betrec IG conclut, à titre principal, au rejet des demandes formées à son encontre, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Avenir bois, Structure bois, Métallerie Chevalier, Apave Sud Europe et Groupe 6 la garantissent des condamnations prononcées à son encontre et à ce que soit mis à la charge de ces sociétés la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'est pas responsable des désordres en cause, aucune faute ne peut lui être imputée ;
- à titre subsidiaire, les sociétés Avenir bois, Structure bois, Métallerie Chevalier, Apave Sud Europe et Groupe 6 doivent la garantir des condamnations prononcées à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2023, la SMABTP conclut à l'incompétence du juge administratif pour statuer sur les demandes formées à son encontre et ce que soit mis à la charge du CCAS de Veynes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La procédure a été communiquée aux sociétés Apave Sud Europe, Avenir Bois, Ailliaud, à Me Seranno, liquidateur judiciaire de la société ACEM et à la société Métallerie Chevalier, lesquels n'ont pas produit.
Les parties ont été informées le 15 juin 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré du défaut d'intérêt à agir de la commune de Veynes dès lors que le maître d'ouvrage de l'opération en litige est le CCAS de Veynes.
Les parties ont été informées le 28 juin 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que la réception n'ayant pas été prononcée avec levée des réserves pour les lots n°2 (bardage bois), n°8 (menuiseries métalliques) et pour le lot "cloisons et doublages", seule la responsabilité contractuelle est susceptible d'être engagée pour les désordres en lien avec ces lots.
Vu :
- l'ordonnance n° 1606166 du 28 octobre 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné une expertise et désigné, en qualité d'expert, M. A ;
- le rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal le 3 novembre 2020 ;
- l'ordonnance du 20 novembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal a liquidé et taxé les frais d'expertise à la somme de 23 232,10 euros TTC ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné Mme B pour statuer sur les demandes de référés.
Considérant ce qui suit :
1. Le CCAS de Veyne a entrepris la construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sur la commune, dénommé " résidence Ouleta ", avenue Olympe de Gouges. La maîtrise d'œuvre de l'opération a été confiée à un groupement conjoint composé de la société Groupe 6, mandataire, des bureaux d'études Adret et Betrec IG. La société Apave Sud Europe s'est vue confier une mission de contrôle technique. Le lot n°2 bardage bois et charpente a été confié aux sociétés Avenir bois et Structure bois, le lot n°3 étanchéité à la société ACEM, la société Métallerie Chevalier s'est vue confier le lot n°8 menuiseries métalliques, la société Ailliaud frères le lot n°12 chauffage plomberie et la société Berriat, le lot n°5 menuiseries. Une assurance dommages-ouvrages a été souscrite auprès de la compagnie Balcia. La réception des travaux a été prononcée le 24 juillet 2013 avec réserves pour les lots n°2 et n°8. La levée des réserves est intervenue le 5 mai 2014 pour le lot n°3 et le 22 novembre 2013 pour le lot n°12. Les réserves n'ont pas été levées pour le lot n°5 dès lors que la société Berriat a été placée en liquidation en août 2013 avant d'avoir pu procéder aux travaux. Saisi par le CCAS à la suite de plusieurs désordres intervenus sur le bâtiment concernant des fuites de canalisations, des infiltrations ainsi que des joints de dilatation défectueux, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, par une ordonnance du 28 octobre 2016, désigné un expert judiciaire, qui a remis son rapport le 4 décembre 2020. Le CCAS demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la compagnie Balcia Insurance SE à lui verser la somme provisionnelle de 451 544 euros, de condamner solidairement l'entreprise Ailliaud, la société Adret et leurs assureurs à lui verser la somme provisionnelle de 358 691 euros, de condamner la SMABTP à lui verser la somme provisionnelle de 80 000 euros, de condamner solidairement les sociétés Groupe 6, Betrec IG, Avenir bois, Structure Bois, Apave Sud Europe et Métallerie Chevalier et leurs assureurs à lui verser la somme provisionnelle de 11 803 euros et enfin de condamner les sociétés Groupe 6 et Betrec IG ainsi que leurs assureurs à lui verser la somme provisionnelle de 1 050 euros.
Sur la demande de provision :
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou non sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi. De même, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que le juge des référés peut allouer n'a d'autre limite que celle qui résulte du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
En ce qui concerne la compétence du juge administratif :
4. Si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur du responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle se distingue de l'action en responsabilité contre l'auteur du dommage en ce qu'elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance. Dès lors, il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative.
5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par le CCAS de Veynes à l'encontre de la compagnie Balcia Insurance SE, de la SMABTP, des assureurs des sociétés Groupe 6, Betrec IG, Métallerie Chevalier, Apave Sud Europe ainsi que d'Axa France Iard en sa qualité d'assureur des sociétés Avenir bois et Structure bois, qui tendent uniquement à obtenir le paiement des sommes dues par ces sociétés au titre de leurs obligations de droit privé, relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et sont ainsi portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
En ce qui concerne les conclusions présentées par la commune de Veynes :
6. La commune de Veynes n'étant pas maître d'ouvrage de l'opération en litige, elle n'a pas intérêt à agir dans la présente instance qui tend à engager la responsabilité des opérateurs au titre des désordres subis par l'EHPAD. Par suite, ses conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.
En ce qui concerne la demande de provision présentée sur le fondement de la garantie dommage-ouvrage :
7. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, () fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1 ".
8. Le CCAS de Veynes sollicite " l'application de la garantie dommages-ouvrage " sans autre précision, tout en invoquant en premier lieu la responsabilité décennale des constructeurs. Il ne produit pas davantage le contrat qui la lie à la société Balcia. Ce faisant, il ne met pas à même le tribunal d'apprécier les garanties prévues par le contrat d'assurance souscrit auprès de la société Balcia insurance et qui devraient ainsi être couvertes par cette société, alors même que la société Balcia fait valoir que le contrat n'a pas vocation à financer le montant des travaux de réparation. Par suite, la créance sollicitée par la requérante à l'encontre de cette société présente un caractère sérieusement contestable et il y a lieu de la rejeter.
En ce qui concerne la demande de provision présentée sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs :
S'agissant du principe de responsabilité :
9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les désordres dont le CCAS demande réparation portent sur des infiltrations, lesquelles sont en lien avec les travaux effectuée pour le lot n°2 (bardage bois), le lot n°8 (menuiseries métalliques) et le lot n°3 (étanchéité), sur des joints de dilatation, lesquels relèvent du lot " cloisons et doublages " et sur des fuites de canalisation, lesquelles relèvent du lot n°12 (chauffage-plomberie).
10. Il résulte de l'instruction que la réception des travaux des lots n°3 et n°12 a été prononcée le 24 juillet 2013 avec levée des réserves respectivement le 5 mai 2014 et le 22 novembre 2013. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction, le CCAS ne produisant aucune pièce contractuelle, qu'une réception des travaux serait intervenue pour le lot " cloisons et doublages " ni que la levée des réserves formulées lors du procès-verbal de réception du 24 juillet 2013, dont il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'elles ne porteraient pas sur les désordres en cause, serait intervenue pour les lots n°2 et n°8. Dans ces conditions, l'existence d'une obligation sur le fondement de la garantie décennale en lien avec les travaux concernant ces lots apparaît sérieusement contestable. Par suite, il y a lieu de rejeter les demandes de provision du CCAS formées à l'encontre des entreprises Structure Bois et Avenir bois, titulaires du lot n°2 et Métallerie chevalier, titulaire du lot n°8, ainsi qu'à l'encontre du Groupe 6, maître d'œuvre chargé du suivi de ces lots et de la société Apave Sud Europe, contrôleur technique, s'agissant de ces lots. Il y a également lieu de rejeter la demande de provision formée à l'encontre de la société Groupe 6, maître d'œuvre chargé du suivi du lot " cloisons et doublages " et, en tout état de cause, de Betrec IG, s'agissant des désordres liés au joints de dilatation.
11. Il résulte de ce qui précède que le CCAS est fondé à rechercher la garantie décennale des constructeurs seulement en ce qui concerne les infiltrations, pour la part du préjudice en lien avec le lot n°3 (étanchéité) dont étaient chargées les entreprises ACEM, Groupe 6 comme maître d'œuvre et Apave en tant que contrôleur technique, et les fuites de canalisation, lesquelles relèvent du lot n°12, dont étaient chargées les entreprises Ailliaud, le bureau d'études Adret comme maître d'œuvre, et Apave.
S'agissant du caractère décennal des désordres :
12. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans à compter de la réception de l'ouvrage, de nature à compromettre la solidité de celui-ci ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même si ces désordres ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le caractère apparent des désordres à la réception fait obstacle à ce que la responsabilité des constructeurs puisse être engagée sur le fondement de la garantie décennale. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
13. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'EHPAD est le siège d'infiltrations à l'étage et en rez-de-chaussée, au droit des joints de dilatation raccordant les quatre ailes du bâtiment du noyau central. Les joints de dilatation des ailes sont défectueux, des déchirures sont observées à la liaison du linteau des portes fermant l'accès aux ailes avec le faux-plafond, ce qui entraine des défauts d'étanchéité à l'air. Il résulte encore de l'instruction que le bâtiment présente de nombreuses fuites sur canalisations cuivre des réseaux de distribution eau chaude, eau froide et bouclage, qui circule en général dans les faux plafonds. Ces désordres, qui n'étaient pas apparents à la réception, rendent l'ouvrage impropre à sa destination. En conséquence, ils sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.
S'agissant de l'imputabilité des désordres :
En ce qui concerne les infiltrations :
14. Il résulte de l'instruction que les infiltrations, lesquelles sont liées à un ensemble de points défectueux, proviennent de défauts d'exécution causés par la mauvaise coordination et gestion de l'interface entre lots. L'expert relève que ces désordres sont imputables au contrôleur technique, au maître d'œuvre en charge du suivi d'exécution et aux entreprises Avenir bois, Structure bois, lesquelles ont réalisé les bardages bois, et Métallerie Chevalier, qui a fourni et posé les portes fermant l'accès aux combles des ailes en R+1.
15. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 que seule la responsabilité des constructeurs intervenant en lien avec le lot n°3 " étanchéité " est susceptible d'être engagée sur le fondement de la garantie décennale. Le marché de maîtrise d'œuvre conclu avec la société Groupe 6, en charge du suivi de ce lot, incluait la mission direction de l'exécution des travaux (DET), comprenant la direction des réunions de chantier. Dès lors, le Groupe 6 n'est pas fondé à soutenir qu'il n'avait pas en charge la coordination des entreprises chargées des travaux sur le chantier, quand bien même son contrat n'incluait pas la mission Ordonnancement Pilotage Coordination (OPC). La circonstance, ainsi que le fait valoir cette société, que le groupement de maîtrise d'œuvre était conjoint et non solidaire est sans influence sur la condamnation in solidum qui peut être prononcée contre elle avec les autres intervenants à l'origine de ce désordre. Par suite, le CCAS de Veynes est fondé à rechercher la responsabilité solidaire des sociétés Apave Sud Europe et Groupe 6 sur le fondement de la garantie décennale au titre des désordres liés aux infiltrations en lien avec le lot n°3.
En ce qui concerne les joints de dilatation :
16. Ainsi qu'il a été dit au point 10, la créance du CCAS de Veynes fondée sur la garantie décennale pour les désordres en lien avec les joints de dilatation, lesquels relèvent du lot " cloisons et doublages ", est sérieusement contestable dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la réception de ces travaux soit intervenue pour ce lot. La demande de provision à ce titre doit donc être rejetée.
En ce qui concerne les fuites de canalisation :
17. Il résulte de l'instruction que les fuites de canalisation sont imputables à la société Ailliaud, en charge du lot n°12, et au maître d'œuvre en charge du suivi d'exécution de ce lot, la société Adret. En conséquence, la responsabilité solidaire du bureau d'étude Adret et de l'entreprise Ailliaud est engagée sur le fondement de la garantie décennale.
S'agissant du montant de la provision :
18. L'expert chiffre le montant des réparations relatives aux infiltrations à la somme de 11 803 euros HT. Le préjudice en lien avec l'étanchéité concerne le défaut de recouvrement par le pare-pluie de la couvertine en pied de façade. Au regard des autres préjudices subis en matière d'infiltrations, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en ce qui concerne le lot n°3 en l'évaluant à 10% du montant total de ce préjudice, soit 1 180,30 euros HT. Cette créance n'étant pas sérieusement contestable, il y a lieu de condamner les sociétés Apave Sud Europe et Groupe 6 à verser au CCAS de Veynes la somme provisionnelle de 1 180, 30 euros au titre de ce préjudice.
19. Le montant du préjudice lié aux fuites de canalisation évalué par l'expert et non sérieusement contestable s'élève à la somme de 5 414, 25 euros HT au titre des mesures conservatoires, 5 918 euros HT au titre des investigations conduites par la société Ecostel et 264 020 euros HT au titre des travaux de reprise, dont 245 000 euros HT sur la base d'un devis de travaux établi par Adret, validé par l'expert. Il y a lieu de rejeter les demandes du CCAS pour la prise en charge de nouvelles factures de travaux conservatoires pour des montants de 2 020 euros HT et 4482, 20 euros HT, lesquelles sont contestées en défense, ainsi que la réévaluation du montant des travaux à réaliser par le bureau d'études Adret portant la somme de 245 000 à 320 000 euros HT, laquelle n'est pas justifiée par la seule production d'un devis intitulé " lot plomberie et travaux divers ", contesté en défense. Dans ces conditions, le montant non sérieusement contestable de la créance du CCAS au titre de ce préjudice s'élève à la somme totale de 275 352, 25 euros HT. Il y a lieu de condamner solidairement Adret et l'entreprise Ailliaud à verser au CCAS la somme de 275 352, 25 euros à titre de provision pour le préjudice lié aux fuites des canalisations.
Sur les frais d'expertise :
20. Les frais et honoraires d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme totale de 23 232,10 euros TTC par une ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 20 novembre 2020. Il y a lieu de mettre ces frais à la charge solidaire des sociétés Ailliaud, Adret, Groupe 6 et Apave Sud Europe.
Sur les appels en garantie :
21. Aucune condamnation n'ayant été prononcée à l'encontre des sociétés Betrec IG, et Structure bois, leurs conclusions d'appel en garantie doivent être rejetées.
22. Aucune condamnation n'ayant été prononcée à l'encontre du Groupe 6 s'agissant des fuites de canalisation, ses conclusions d'appel en garantie pour les condamnations prononcées au titre de ce désordre doivent être rejetées.
23. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'Apave est également responsable des infiltrations et que, au regard de sa mission de contrôle, sa faute peut être évaluée à 5% dans la survenance de ce dommage. Il résulte encore de l'instruction que ce désordre n'est pas imputable à l'entreprise ACEM, de sorte que Groupe 6 n'est pas fondé à l'appeler en garantie. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner Apave à garantir Groupe 6 à hauteur de 5% du montant de la condamnation prononcée contre elle au point 19 au titre des infiltrations.
Sur les frais d'instance :
24. Les conclusions présentées par la commune de Veynes ayant été rejetées comme irrecevables, les conclusions du CCAS et de la commune de Veynes visant à verser à la commune de Veynes une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés Groupe 6, Balcia insurance, Axa France Iard, Betrec IG et SMABTP sur ce même fondement.
O R D O N N E :
Article 1er : Les sociétés Apave Sud Europe et Groupe 6 sont condamnées in solidum à verser la somme provisionnelle de 1 180, 30 euros au CCAS de Veynes au titre du préjudice lié aux infiltrations.
Article 2 : Les sociétés Adret et Ailliaud sont condamnées in solidum à verser au CCAS la somme de 275 352, 25 euros à titre de provision pour le préjudice lié aux fuites des canalisations.
Article 3 : La société Apave Sud Europe garantira le Groupe 6 à hauteur de 5% du montant de la condamnation prononcée contre cette société à l'article 1er.
Article 4 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 23 232,10 euros, sont mis à la charge solidaire des sociétés Ailliaud, Adret, Groupe 6 et Apave Sud Europe.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée au CCAS de Veynes, à la commune de Veynes, à la société Groupe 6, à la société Apave Sud Europe, à la Société Betrec IG, à Me Serrano, liquidateur de la société ACEM, à la société Adret, à Axa France Iard, à Balcia insurance CE, à la Société Avenir bois, à la Société Structure bois, à la Société Ailliaud frères, à la Société Métallerie chevalier, à la SMABTP, et à Abeille Iard et Santé.
La juge des référés,
Signé
C. B
La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
P. La greffière en chef,
La greffière,