TA Marseille, 30/03/2023, n°2302427

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13, 23 et 27 mars 2023, la société Assistance conformité technique, représentée par Me Rollin, demande au juge des référés :

1°) sur le fondement de l'article L. 551-5 du code de justice administrative, d'enjoindre à la Régie des transports métropolitains de régulariser la procédure en cause, notamment en déclarant régulières ses offres et en rejetant la candidature de la société Otis ou, subsidiairement, en déclarant sans suite la procédure, et de suspendre cette procédure, ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de la Régie des transports métropolitains la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la Régie des transports métropolitains a méconnu le principe du secret des affaires et le principe d'impartialité en révélant la structure de ses prix ;

- la candidature de la société Otis n'aurait pas dû être retenue dès lors qu'elle ne dispose pas des capacités professionnelles et techniques nécessaires et au regard de la mauvaise exécution du marché de maintenance en cours dont est titulaire cette société ;

- la notification du rejet de ses offres est insuffisamment motivée ;

- ses offres n'étaient pas irrégulières dès lors que certaines pièces ou prestations n'existaient pas ou n'étaient pas réalisables en fonction des appareils ;

- les critères d'appréciation des offres étaient inadaptés au regard des différences techniques existantes entre les appareils alors que les bordereaux de prix et les devis descriptifs et estimatifs étaient identiques ;

- les lots ont été attribués postérieurement au terme du délai de validité des offres du 31 décembre 2022, sans lui avoir demandé son accord, nécessaire dès lors que son offre n'avait pas été rejetée antérieurement ;

- le rejet de son offre qui aurait été décidé avant le 6 décembre 2022 ne lui a pas été notifié sans délai, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique ;

- la Régie des transports métropolitains ne lui a pas communiqué, ou avec retard, des informations, en méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats, et notamment les demandes de précision postérieures à la remise des offres et le courrier de clôture des négociations ;

- les marchés ont été attribués en méconnaissance de l'article 6-6 du règlement de la consultation en l'absence de séances de négociation et de la soumission d'une proposition de classement des offres à la commission d'appel d'offres ;

- les membres de la commission d'appel d'offres n'étaient pas compétents ;

- la durée excessive de la procédure, pendant laquelle la situation économique a évolué, le placement en liquidation judiciaire de l'unique fournisseur de pièces détachées de la société Otis, la caducité des offres et la révélation des prix de la société Assistance conformité technique, imposent de déclarer sans suite la procédure.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22, 24 et 28 mars 2023, la Régie des transports métropolitains, représentée par Me Bainvel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Assistance conformité technique la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés et que, notamment :

- la société requérante était suffisant informée des motifs du rejet de ses offres au regard de la demande de régularisation du 27 mai 2022 ;

- les offres de la société requérante étaient irrégulières dès lors que les bordereaux de prix et les devis estimatifs étaient incomplets ;

- la prolongation de l'offre de la société requérante ne lui a pas été demandée le 6 décembre 2022 dès lors que l'irrégularité de ses offres avait été constatée à l'issue des négociations, et alors que cette demande de prolongation n'était pas nécessaire ;

- le choix de la société Otis n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il lui appartenait de communiquer les données chiffrées relatives à l'exécution du précédent marché, en application du principe d'égalité de traitement des candidats.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Gonneau, vice-président, pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties, dont la société Otis, ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique du 28 mars 2023 tenue en présence de M. Benoist, greffier d'audience, M. A a lu son rapport et a entendu les observations de Me Rollin, représentant la société Assistance conformité technique qui a conclu aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens, de Me Buchet substituant Me Bainvel, représentant la Régie des transports métropolitains qui a maintenu les termes de ses mémoires en défense.

La société Otis n'était pas représentée.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. La Régie des transports métropolitains a soumis à la concurrence, par une procédure avec négociation, le marché de la maintenance des escaliers mécaniques du métro de Marseille, divisé en quatre lots suivants la marque et le type des escaliers mécaniques. Par une décision du 2 mars 2023 la Régie des transports métropolitains a informé la société Assistance conformité technique que ses offres pour les quatre lots étaient irrégulières et étaient donc rejetées, dès lors qu'elles étaient demeurées incomplètes à l'issue des négociations. La société Assistance conformité technique demande au tribunal, sur le fondement de l'article L. 551-5 du code de justice administrative, d'enjoindre à la Régie des transports métropolitains de régulariser la procédure, ou, subsidiairement, de la déclarer sans suite.

2. Aux termes de l'article L. 551-5 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les entités adjudicatrices de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () ". Aux termes de l'article L. 551-6 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations en lui fixant un délai à cette fin. Il peut lui enjoindre de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat ou à la constitution de la société d'économie mixte à opération unique. Il peut, en outre, prononcer une astreinte provisoire courant à l'expiration des délais impartis. () ".

3. Aux termes de l'article L. 2124-3 du code de la commande publique : " La procédure avec négociation est la procédure par laquelle l'acheteur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques. ". Aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Aux termes de l'article R. 2181-3 du même code : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. () ".

4. L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de permettre à cette société de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations mentionnées aux articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-5 du code de justice administrative, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

5. En l'espèce, à supposer que le courrier du 2 mars 2023 par lequel la Régie des transports métropolitains s'est bornée à indiquer à la société Assistance conformité technique que ses offres étaient rejetées car elles étaient " restées irrégulières pour cause d'incomplétude à l'issue des négociations ", sans autres précisions, étaient insuffisamment motivé, le motif exact de l'irrégularité de ses offres a en tout état de cause été porté à la connaissance de l'entreprise dans un délai raisonnable antérieurement à l'audience, au plus tard par le mémoire en défense enregistré le 22 mars 2023. Par suite le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de rejet de ses offres doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ". Aux termes de l'article R. 2152-1 du même code : " Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. Dans les autres procédures, les offres inappropriées sont éliminées. Les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables au cours de la négociation ou du dialogue, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. Lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin, les offres qui demeurent irrégulières ou inacceptables sont éliminées ".

7. Il résulte de l'instruction que la commission d'appel d'offres réunie le 7 février 2023 a estimé que les offres de la société Assistance conformité technique étaient restées irrégulières au terme des négociations le 7 juin 2022, date à laquelle les dernières offres des candidats devaient être déposées sur la plateforme d'échange, et qu'elles devaient être rejetées pour cette raison. Il est constant que la société Assistance conformité technique n'a pas renseigné l'ensemble des lignes des bordereaux de prix et des devis estimatifs qu'elle devait fournir, " sans modification, ni dérogation, ni complément et renseigné dans leur totalité " comme cela était indiqué par les dispositions de l'article 6 de l'invitation à soumissionner, et qu'ainsi ses offres étaient irrégulières, alors qu'elle a été informée de la nécessité de les compléter. Si la société Assistance technique fait valoir, comme elle l'a d'ailleurs indiqué à la Régie des transports métropolitains lors de la remise de ses dernières offres, qu'elle n'a pas renseigné les lignes des bordereaux de prix et devis estimatifs qui étaient relatives à des pièces et des prestations qui ne pourraient pas être installées ou effectuées sur les marques et types d'escaliers mécaniques concernés par ces documents, il n'est toutefois pas manifeste, au regard de l'office du juge des référés, que certains prix ou prestations demandés par la Régie des transports métropolitains n'avaient pas de rapport avec l'objet du marché et que la société Assistance conformité technique était dans l'impossibilité de renseigner de manière exhaustive ces bordereaux de prix et devis estimatifs. Par suite la société Assistance conformité technique n'est pas fondée à soutenir que ses offres ne pouvaient être qualifiées d'irrégulières.

8. Un candidat dont la candidature ou l'offre est irrégulière n'est pas susceptible d'être lésé par les manquements qu'il invoque sauf si cette irrégularité est le résultat du manquement qu'il dénonce ou s'il soulève l'irrégularité de l'offre de la société attributaire du contrat en litige. Par suite les autres moyens soulevés par la société Assistance conformité technique, visés ci-dessus, sont inopérants.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Assistance conformité technique fondées sur l'article L. 551-5 du code de justice administrative doivent être rejetées. Par suite ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code doivent être rejetées.

10. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Assistance conformité technique une somme au titre des frais exposés par la Régie des transports métropolitains et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Assistance conformité technique est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Régie des transports métropolitains présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Assistance conformité technique, à la Régie des transports métropolitains et à la société Otis.

Le juge des référés,

signé

P-Y. A

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

P/ La greffière en chef,

La greffière