TA Montpellier, 10/04/2024, n°2302389


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoire enregistrés le 25 avril et le 15 novembre 2023, l'entreprise individuelle le Guidon futé, l'Eurl Vélocation, la société Blue Bear et la société Argelès vélo et trottinettes, représentées par la SCP Vial, Pech de Laclause, Escale, Knoepffler, Huot, Piret, Joubes, demandent au tribunal :

1°) à titre principal, d'annuler le contrat de délégation de service public pour l'exploitation des services de transport de voyageurs conclu le 25 février 2023 entre la commune d'Argelès-sur-Mer et la société Transports Pagès, et, à titre subsidiaire, de le résilier ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Argelès-sur-Mer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur requête est recevable car elles ont agi dans les délais de recours et elles ont intérêt à agir eu égard à leur activité ;

- le contrat de délégation de service public est irrégulier car la commune n'est pas compétente pour développer un service de transport scolaire ;

- la date de publication de l'offre, en période estivale, a porté atteinte à l'égalité de traitement des candidats ;

- le défaut d'allotissement en méconnaissance des dispositions des articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique est irrégulier et porte atteinte au principe de liberté du commerce et de l'industrie ;

- la durée de la délégation de service public est excessivement longue et s'oppose à une remise en concurrence régulière ;

- le contrat a été conclu dans des conditions qui violent le principe d'impartialité eu égard aux fonctions précédemment occupées par le directeur général des services de la commune et de ses déclarations.

Par deux mémoires, enregistrés les 17 août 2023 et 22 novembre 2023, la commune d'Argelès-sur-Mer, représentée par Me Le Chatelier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Le Guidon futé et autres le paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les requérantes n'ont pas intérêt à agir car les services de mobilité douce proposés par la délégation de service public sont différents de ceux assurés par les requérantes ;

- la commune est compétente en matière de transport scolaire en vertu d'une convention signée avec la région ;

- la date de publication de la procédure n'a pas porté atteinte à l'égalité de traitement des candidats eu égard à l'antériorité du projet et à la nécessité d'assurer un service efficace prestement ;

- il n'y avait pas d'obligation d'allotissement et le périmètre de la délégation est justifié par le service délégué ;

- la durée du contrat n'est pas excessive au regard des investissements demandés au délégataire ;

- aucune violation du principe d'impartialité n'est établie.

Par deux mémoires enregistrés les 18 août et 4 décembre 2023, la société Transports Pagès, représentée par l'AARPI Frêche et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Le Guidon futé et autres le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les requérantes n'ont pas intérêt à agir car elles ne pouvaient candidater au contrat, eu égard à leur activité, et elles n'établissent pas la possibilité que leur activité soit impactée par l'exécution du contrat ;

- la commune est compétente en matière de transport scolaire en vertu d'une convention signée avec la région ;

- la date de publication de la procédure n'a pas porté atteinte à l'égalité de traitement des candidats eu égard notamment au délai laissé pour y répondre ;

- il n'y avait pas d'obligation d'allotissement et le périmètre de la délégation est justifié par le service délégué ;

- la durée du contrat n'est pas excessive au regard des investissements demandés au délégataire ;

- aucune violation du principe d'impartialité n'est établie.

Par courrier du 7 février 2022, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'illicéité de la délégation de service public en litige pour incompétence de la commune dans la mesure où, en vertu de l'article

L. 1231-1 du code des transports, la région est l'autorité organisatrice de la mobilité depuis le 1er juillet 2021 et que la commune peut organiser librement les seuls services déjà organisés par elle-même à cette même date.

Par un mémoire enregistré le 12 février 2024, l'entreprise individuelle le Guidon futé et autres, représentées par la SCP Vial, Pech de Laclause, Escale, Knoepffler, Huot, Piret, Joubes, ont présenté des observations qui ont été communiquées.

Par un mémoire enregistré le 12 février 2024, la commune d'Argelès-sur-Mer, représentée par Me Le Chatelier, a présenté des observations qui ont été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des transports ;

- l'arrêté du 22 janvier 2015 définissant les caractéristiques et les conditions d'utilisation des véhicules autres que les autocars et les autobus, destinés à des usages de tourisme et de loisirs ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesimple, première conseillère,

- les conclusions de M. Lauranson, rapporteur public,

- les observations de Me Diaz, représentant la société Guidon futé et autres, celles de Me Houmer, représentant la commune d'Argelès-sur-Mer et celles de Me Strbik, représentant la société Transports Pagès.

Une note en délibéré, présentée par la commune d'Argelès-sur-Mer, représentée par

Me Le Chatelier, a été enregistrée le 27 mars 2024.

Deux notes en délibéré, présentées par la société Transports Pagès, représentée par l'AARPI Frêche et Associés, ont été enregistrées les 27 mars et 2 avril 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Argelès-sur-Mer a lancé, le 1er juillet 2022, une consultation pour la passation d'un contrat de délégation de service public en vue de l'exploitation, à compter du 1er mai 2023, du service public de transport de voyageurs comprenant les services de transport public régulier, le transport scolaire, le transport touristique et le transport en mobilité douce. l'entreprise individuelle le Guidon futé, l'Eurl Vélocation, la société Blue Bear et la société Argelès vélo et trottinettes, demandent à titre principal l'annulation de la délégation de service public conclue le 25 février 2023 entre la commune d'Argelès-sur-Mer et la société Transports Pagès.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini.

3. D'une part, les sociétés requérantes établissent exploiter, sur le territoire de la commune, une activité privée de location de vélos sur une durée allant d'une heure ou une demi-journée jusqu'à plusieurs jours voire semaines. Elles font, par ailleurs, valoir que la saison estivale constitue la part la plus importante de leur activité dans la mesure où leurs services s'adressent en particulier aux touristes des campings et hébergements de la commune. Si aucun document ne vient au soutien de ces dernières allégations, elles apparaissent néanmoins vraisemblables au regard de la fréquentation touristique essentiellement estivale de la commune d'Argelès-sur-Mer.

4. Or, il résulte de l'instruction que l'offre de mobilité douce confiée au délégataire du contrat en litige consiste en la mise à disposition de vélos au moyen de bornes, dont certaines seront implantées à proximité immédiate des campings et hébergements de la commune, en vue de proposer la location de ces derniers. Alors même que le tarif prévu est similaire à celui proposé par les requérantes, la seule circonstance qu'il soit fixé à la minute, ne permet pas d'exclure des locations de plusieurs heures voire de plusieurs jours qui viendraient concurrencer directement l'activité des requérantes. Dès lors, ces dernières seront placées en situation de concurrence directe avec l'activité confiée au prestataire et elles établissent que l'exécution du contrat en litige est de nature à leur causer un préjudice économique.

Sur l'illicéité du contrat :

5. Aux termes de l'article L. 1231-1 code des transports : " I.- Les communautés d'agglomération, les communautés urbaines, les métropoles, la métropole de Lyon, les communes mentionnées au V de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales qui n'ont pas mis en œuvre le transfert prévu au second alinéa du II du présent article, les autres communes au plus tard jusqu'au 1er juillet 2021, les communautés de communes après le transfert de la compétence en matière de mobilité par les communes qui en sont membres, les syndicats mixtes mentionnés aux articles L. 5711-1 et L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales, les pôles métropolitains mentionnés à l'article L. 5731-1 dudit code et les pôles d'équilibre territorial et rural mentionnés à l'article L. 5741-1 du même code, après le transfert de cette compétence par les établissements publics de coopération intercommunale qui en sont membres, sont les autorités organisatrices de la mobilité dans leur ressort territorial. / II.- Au 1er juillet 2021, la région exerce de droit, en tant qu'autorité organisatrice de la mobilité, l'ensemble des attributions relevant de cette compétence sur le territoire de la communauté de communes où le transfert prévu au III de l'article 8 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités n'est pas intervenu, sauf en ce qui concerne les services déjà organisés, à cette même date, par une ou plusieurs communes membres de la communauté de communes concernée qui peuvent continuer, après en avoir informé la région, à les organiser librement et pour le financement desquels elles peuvent continuer à prélever le versement destiné au financement des services de mobilité. Lorsqu'une de ces communes a transféré sa compétence d'organisation de la mobilité à un syndicat mixte, ce syndicat demeure compétent sur le périmètre de cette commune () ".

6. L'article L. 1231-1-1 du même code précise que : " I.- Sur son ressort territorial, chacune des autorités organisatrices de la mobilité mentionnées au I de l'article L. 1231-1, ainsi que la région lorsqu'elle intervient dans ce ressort en application du II du même article L. 1231-1, est compétente pour : 1° Organiser des services réguliers de transport public de personnes ; 2° Organiser des services à la demande de transport public de personnes ; 3° Organiser des services de transport scolaire définis aux articles L. 3111-7 à L. 3111-10, dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article L. 3111-7 et à l'article L. 3111-8 ; 4° Organiser des services relatifs aux mobilités actives définies à l'article L. 1271-1 ou contribuer au développement de ces mobilités ; 5° Organiser des services relatifs aux usages partagés des véhicules terrestres à moteur ou contribuer au développement de ces usages ; 6° Organiser des services de mobilité solidaire, contribuer au développement de tels services ou verser des aides individuelles à la mobilité, afin d'améliorer l'accès à la mobilité des personnes se trouvant en situation de vulnérabilité économique ou sociale et des personnes en situation de handicap ou dont la mobilité est réduite () ".

7. Il résulte de ces dispositions, issues de la codification de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, qu'à compter du 1er juillet 2021 les communautés de communes ou le cas échéant les régions, deviennent les autorités organisatrices de la mobilité, compétentes pour organiser les services publics de transport de personnes et seuls les services déjà organisés à cette date peuvent continuer d'être librement organisés par les communes.

8. Les dispositions antérieurement en vigueur du code des transports prévoyaient, s'agissant de l'article L. 1231-1, que les communes faisaient parties des autorités compétentes pour organiser la mobilité. Dans ce cadre, les dispositions des articles L. 1231-3 et L. 1231-4 de ce même code, dans leur version en vigueur jusqu'au 9 août 2015, prévoyaient que " Les services de transport public urbain de personnes sont organisés dans les limites des périmètres de transports urbains " et que " Le périmètre de transports urbains comprend le territoire d'une commune ou le ressort territorial d'un établissement public ayant reçu mission d'organiser le transport public de personnes. Sur demande du maire ou du président de l'établissement public, l'autorité administrative compétente de l'Etat constate la création du périmètre dans des conditions fixées par voie réglementaire ". A ces périmètres de transports urbains ont finalement été substitués les ressorts territoriaux des autorités organisatrices de la mobilité.

9. Enfin, aux termes de l'article L. 3111-7 du code des transports, le département, puis, à compter du 1er septembre 2017, la région, ont été successivement désignés comme l'autorité ayant la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement des transports scolaires. L'article L. 3111-8 de ce même code prévoyait néanmoins le transfert de cette compétence à l'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains en cas de création d'un périmètre de transports urbains. Toutefois, cet article prévoit désormais, depuis la codification de la loi du 24 décembre 2019 précitée, un transfert de la compétence aux seuls périmètres de transports urbains existants au 1er septembre 1984 ou aux ressorts territoriaux d'une autorité organisatrice de la mobilité. Parallèlement, l'article L. 1231-2 du code des transports, qui définit la compétence des autorités organisatrices de la mobilité, mentionnées à l'article L. 1231-1 du même code, inclut expressément les transports scolaires.

10. Il résulte de ces évolutions textuelles que le législateur a également entendu transférer aux autorités organisatrices de la mobilité, telles qu'elles sont définies par l'article

L. 1231-1 du code des transports dans sa version en vigueur depuis le 27 décembre 2019, la compétence en matière d'organisation du transport scolaire, seuls les services déjà organisés au 1er juillet 2021 par une commune pouvant continuer à être organisés librement par celle-ci.

11. D'une part, si la commune d'Argelès-sur-Mer établit avoir délibéré, le 18 mai 2021, afin de " conserver " la compétence mobilité, cette circonstance ne peut s'opposer à l'application des dispositions précitées de l'article L. 1231-1 du code des transports qui ne lui permettent pas, après le 1er juillet 2021, de demeurer l'autorité organisatrice des transports sur son territoire.

12. D'autre part, il est établi que la commune d'Argelès-sur-Mer a délibéré, le 19 janvier 2012, en vue de créer un périmètre de transport urbain, dont la création a été actée par un arrêté du préfet du 3 août 2012. Néanmoins, pour satisfaire l'organisation des transports urbains et scolaires sur son territoire, dont la responsabilité lui incombait alors, la commune a conclu avec le département des Pyrénées-Orientales, désigné comme autorité organisatrice de second rang, une convention entrée en vigueur le 2 janvier 2015, afin que ce dernier mette en œuvre les lignes locales et scolaires sur le territoire de la commune. S'il est vrai que cette convention prévoyait un renforcement de l'offre départementale sur le territoire de la commune en contrepartie d'une prise en charge des dépenses supplémentaires correspondant au service rendu, la commune ne décidait pas de l'offre tarifaire des transports et elle ne disposait d'aucun bien ni d'aucune ressource permettant d'assurer le service rendu.

13. Par ailleurs, ce n'est qu'à compter du 1er juillet 2021 que la commune a décidé de proposer un service de transport urbain en régie avec l'ouverture de deux lignes de transport assurées par des minibus conduits par trois chauffeurs directement recrutés par elle. S'agissant, par ailleurs, du transport scolaire, ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2022 que la commune a conclu avec la région une convention lui permettant d'assurer directement le transport scolaire pour les trajets dont l'origine et la destination sont sur son territoire et qu'elle a décidé de confier à un prestataire l'organisation de ce service dans le cadre d'un marché public de transport. En outre, il est constant que la commune n'a jamais organisé de service de transports relevant de la mobilité douce.

14. S'agissant du transport dit " touristique ", visant à faciliter les déplacements des visiteurs et résidents estivaux de la commune, il résulte de l'instruction que la commune a contracté de façon " sui generis ", entre 2012 et 2018 avec la société privée Trainbus, en vue d'encadrer partiellement l'activité de transport de personnes par petits trains touristiques exercée par cette société en contrepartie d'une rémunération forfaitaire. Toutefois, ces accords, ne couvrant que quelques mois de l'année et une partie seulement des itinéraires exploités par ladite société, sans qu'au demeurant la commune n'intervienne dans la politique tarifaire de celle-ci, ne permettent pas de conclure que la commune était à l'origine de l'organisation d'un service public de transport de personnes. En tout état de cause, cette collaboration avait visiblement cessé après 2018. Et, la seule circonstance que le maire de la commune soit sollicité pour rendre un avis non conforme, préalablement à la délivrance de l'autorisation préfectorale autorisant la circulation du petit train touristique sur son territoire, portant notamment sur la sécurité de l'itinéraire envisagé, conformément aux dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 22 janvier 2015 susvisé, ne permet nullement de conclure que la commune serait organisatrice du service de transport ainsi exécuté.

15. Enfin, il résulte de l'instruction que le budget consacré au transport par la commune était, avant que ne soit conclue la délégation de service public en litige, de 740 000 euros annuels pour le transport urbain et de 174 000 euros annuels au maximum pour le transport scolaire. Or, le contrat en litige prévoit une participation annuelle de la commune fixe, comprise entre 970 000 et 1 182 000 euros par an, à quoi s'ajoute une part variable pouvant atteindre, en vertu du contrat signé, la somme de 1 000 000 d'euros par an. Enfin, la commune a aussi investi 940 000 euros dans l'achat et l'aménagement d'un dépôt de véhicules afin, notamment, de permettre l'exploitation des services de transport sur son territoire.

16. Il résulte donc de tout ce qui précède, qu'à supposer même que soit reconnue l'organisation de services de transports urbain et scolaire par la commune d'Argelès-sur-Mer avant le 1er juillet 2021, la présente délégation de service public, qui prévoit notamment, d'une part, que 24 nouvelles lignes scolaires, en plus des 23 lignes existantes, pourront être confiées au délégataire, d'autre part, la possibilité d'accroître l'offre de transport urbain avec le développement de lignes additionnelles, ainsi que le développement d'une offre de mobilité douce avec l'installation de bornes permettant la location de vélos, et l'exploitation d'un service de transport dit " touristique " par petits-trains, comprenant 4 itinéraires sur chacun desquels doivent être affectés au moins deux petits-trains assurant 14 rotations minimales par jour, ne peut être assimilé à la poursuite de l'exécution des " services déjà organisés " au 1er juillet 2021 par la commune au sens des dispositions précitées de l'article L. 1231-1 du code des transports.

17. Dès lors, la commune d'Argelès-sur-Mer était incompétente pour conclure la délégation de service public en litige et le contenu de celle-ci est donc entaché d'un vice d'une particulière gravité.

18. En outre, si la région, autorité organisatrice de la mobilité, a la possibilité, en vertu des dispositions de l'article de l'article L. 1231-4 du code des transports de déléguer, par convention, toute attribution ainsi que tout ou partie d'un service ou plusieurs services à une collectivité territoriale qui exercerait au nom et pour le compte du délégant, conformément à une convention fixant notamment la durée, les objectifs à atteindre et les modalités de contrôle de l'autorité délégante, il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle convention aurait été envisagée ni, surtout, que le contrat en litige remplirait les objectifs à la définition desquels devrait participer la région. Dans ces conditions, alors que la procédure de passation et la signature du contrat en litige sont intervenues sans que la possibilité d'une convention de délégation conforme aux dispositions de l'article L. 1231-4 du code des transports et ses éventuelles implications ne soient envisagées, le vice ci-dessus relevé n'apparaît pas régularisable.

Sur les conséquences de l'illicéité du contrat :

19. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

20. D'une part, il résulte de ce qui précède que la délégation de service public en litige n'est nullement indispensable au maintien des seuls services qui étaient organisés par la commune avant le 1er juillet 2021.

21. D'autre part, si la commune ainsi que la société Transports Pagès font valoir l'incidence financière de l'annulation de la délégation conclue, en arguant d'un coût potentiel pour la commune de près de 5,5 millions d'euros, la justification de ce montant, ainsi que des investissements effectivement réalisés, ne sont que partiellement établis. Par ailleurs, le coût de l'annulation du contrat doit être mis en relation avec le coût annuel restant à la charge de la commune en lien avec l'exécution du contrat dont la durée restante est de près de sept ans ainsi qu'avec la volonté du législateur de limiter les investissements des communes en matière de transport afin de permettre une organisation supra-communale.

22. En revanche, eu égard à la nécessité d'éviter toute interruption du transport scolaire, de permettre la continuité des services de transport offerts aux résidents de la commune ainsi qu'aux visiteurs de celle-ci, nombreux durant la période estivale, et enfin, compte tenu de la mise à disposition, par le délégant, des véhicules au service du plan communal de sauvegarde il y a lieu de différer l'annulation du contrat en litige au 1er septembre 2024. Eu égard au périmètre de la délégation de service public, à la volonté d'opérer une mutualisation des coûts et de l'organisation de ce service et enfin à l'intérêt général qui s'attache à la continuité du service public de transport de voyageurs, il n'y a pas lieu de limiter le différé de cette annulation à une partie seulement des services de transport proposés.

23. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête qu'il y a lieu de prononcer l'annulation de la délégation de service public conclue le 25 février 2023 entre la commune d'Argelès-sur-Mer et la société Transports Pagès à compter du 1er septembre 2024.

Sur les frais du litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la société Guidon futé et autres, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une sommer à verser à la commune d'Argelès-sur-Mer ou à la société Transports Pagès. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Argelès-sur-Mer une somme de 1 500 euros à verser à la société Guidon futé et autres sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La délégation de service public conclue le 25 février 2023 entre la commune d'Argelès-sur-Mer et la société Transports Pagès est annulée à compter du 1er septembre 2024.

Article 2 : La commune d'Argelès-sur-Mer versera une somme de 1 500 euros à la société Guidon futé et autres sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Guidon futé et autres est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Argelès-sur-Mer et la société Transports Pagès sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Guidon futé, en sa qualité de représentant unique, à la commune d'Argelès-sur-Mer et à la société Transports Pagès.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Eric Souteyrand, président,

Mme Adrienne Bayada, première conseillère,

Mme Audrey Lesimple, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.

La rapporteure,

A. Lesimple Le président,

E. Souteyrand

La greffière,

M-A. Barthélémy

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 10 avril 2024.

La greffière,

M-A. Barthélémy