TA Nice, 08/08/2024, n°2100809


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2021, la société Métal Azur Concept, représentée par Me Pelgrin, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision par laquelle le président du service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande indemnitaire du 8 septembre 2020 aux fins de réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation du marché public portant sur les travaux de métallerie sur les sites du service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes ;

2°) de condamner le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à lui verser la somme de 400 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir le contrat et du manque à gagner en résultant ;

3°) d'assortir cette somme des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

4°) d'annuler le contrat conclu entre le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes et la société Régis Cottalorda ;

5°) subsidiairement, de prononcer la résiliation du contrat conclu entre le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes et la société Régis Cottalorda ;

6°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes a commis un manquement aux principes de transparence des procédures et d'égalité de traitement des candidats en ce qu'elle n'a pas été informée des motifs de rejet de son offre ; les informations que lui a communiquées le pouvoir adjudicateur sur sa demande, dont le rapport d'analyse des offres, sont incomplètes et ne lui ont pas permis de savoir comment les offres ont été objectivement analysées ;

- l'offre de l'attributaire était irrégulière et aurait donc dû être écartée ;

- la notation de son offre et de celle de l'attributaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; rien ne permet d'établir de quelle manière les critères du prix ont permis d'attribuer la note de 10 à la société attributaire ; elle disposait de moyens humains et de qualités techniques supérieurs à ceux de la société attributaire ; la méthode utilisée par l'acheteur permet d'accorder de manière discrétionnaire des notes dépourvues de valeur objective ;

- l'acheteur a méconnu les principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats en attribuant le marché à la société Régis Cottalorda ;

- la responsabilité pour faute et sans faute du service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes doit être engagée dès lors qu'elle a été irrégulièrement évincée et qu'elle avait une chance sérieuse d'emporter le marché ;

- les illégalités commises par le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes lui ont causé un préjudice moral et financier :

- elle a droit au versement de la somme de 3 000 euros pour les frais de formulation de son offre ;

- elle a droit à l'indemnisation de son manque à gagner correspondant au bénéfice normalement attendu de l'exécution du marché, évalué à la somme de 400 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2024, le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes, représenté par Me Suares, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Métal Azur Concept au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de passation, de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire et de l'analyse erronée des offres des deux sociétés finalistes sont infondés ;

- le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes n'a commis aucune faute dans l'attribution du marché à la société Régis Cottalorda ;

- la société requérante n'avait pas de chances sérieuses d'emporter le marché.

La procédure a été communiquée à la société Régis Cottalorda qui n'a pas produit d'observations.

Un courrier du 12 janvier 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 17 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2 juillet 2024 :

- le rapport de Mme Gazeau,

- les conclusions de Mme Belguèche, rapporteure publique,

- et les observations de Me Orlandini, représentant le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes.

Considérant ce qui suit :

1. Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes a engagé une procédure adaptée, sur le fondement de l'article L. 2123-1 du code de la commande publique, en vue de la conclusion d'un accord-cadre portant sur des travaux de métallerie, de réalisation de structures métalliques, de rénovation, de modification, d'entretien d'éléments métalliques et d'ouvrages de serrurerie et de ferronnerie sur les sites du SDIS des Alpes-Maritimes. Par une lettre du 7 juillet 2020, le pouvoir adjudicateur a écarté l'offre de la société Métal Azur Concept. Le marché a été attribué à la société Régis Cottalorda pour un montant total de 31 514 euros hors taxes. Par une lettre du 8 septembre 2020, reçue le 21 septembre suivant, la société Métal Azur Concept a présenté au SDIS des Alpes-Maritimes une demande préalable d'indemnisation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière. Par une lettre du 4 décembre 2020, réceptionnée le 15 décembre suivant, cette demande a été rejetée par le président du SDIS des Alpes-Maritimes. La société Métal Azur Concept demande au tribunal d'annuler le contrat conclu entre le SDIS et la société Régis Cottalorda, ou subsidiairement, de résilier ce contrat, et en tout état de cause, de condamner le SDIS des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 400 000 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi par elle en raison de la perte de chance de remporter le marché et du manque à gagner en résultant.

Sur le cadre du litige :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

3. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

Sur les conclusions en contestation de validité du contrat :

En ce qui concerne le moyen tiré du manquement à l'obligation de transparence de la procédure en l'absence de communication de certaines informations au concurrent évincé :

4. Aux termes de l'article L. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2181-1 du même code, applicable aux procédures adaptées : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Son article R. 2181-2 précise que : " Tout candidat ou soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été rejetée peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l'acheteur. / Lorsque l'offre de ce soumissionnaire n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, l'acheteur lui communique en outre les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché ".

5. Les modalités selon lesquelles est notifié le rejet des offres ne sauraient constituer la cause directe de l'éviction d'un candidat à un marché public. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du marché, du caractère incomplet des informations qui lui ont été délivrées par le pouvoir adjudicateur en application des dispositions précitées. Au demeurant, il résulte de l'instruction que les informations communiquées à la société requérante par le SDIS, d'une part, dans son courrier du 7 juillet 2020 lui notifiant le rejet de son offre, l'informant du nom de l'attributaire, de la note qu'elle a obtenue, de la note attribuée à l'offre de l'attributaire et de leur classement final, d'autre part, dans sa lettre du 30 juillet 2020 lui transmettant un extrait du rapport d'analyse des offres, étaient suffisantes pour lui permettre de contester utilement le rejet de son offre. Le moyen tiré du manquement à l'obligation de transparence de la procédure et au principe d'égalité de traitement des candidats doit donc être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire :

6. Aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ". L'article R. 2152-1 de ce code prévoit que : " Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. / Dans les autres procédures, les offres inappropriées sont éliminées. Les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables au cours de la négociation ou du dialogue, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. Lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin, les offres qui demeurent irrégulières ou inacceptables sont éliminées ". Enfin, aux termes de l'article R. 2152-2 du même code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ".

7. Il résulte de l'instruction que le marché a été passé sous forme de procédure adaptée, avec négociation mais sans variante possible. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'analyse des offres que l'offre de la société Régis Cottalorda a été jugée incomplète en ce que le fichier DPGF avait été mal sauvegardé. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'acheteur a demandé à ce candidat de renvoyer le fichier DPGF, afin de régulariser son offre. Alors que la requérante ne démontre ni même n'allègue que l'offre de la société Régis Cottalorda aurait été anormalement basse, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la demande du pouvoir adjudicateur aurait conduit à en modifier les caractéristiques substantielles, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'offre de l'attributaire était irrégulière et aurait ainsi dû être rejetée.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la société requérante et de l'offre de la société attributaire :

8. Aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base du critère du prix ou du coût. L'offre économiquement la plus avantageuse peut également être déterminée sur le fondement d'une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Les modalités d'application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire () ". Aux termes de l'article L. 2152-8 de ce code : " Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur et garantissent la possibilité d'une véritable concurrence. Ils sont rendus publics dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État ". Aux termes de son article R. 2152-7 : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : / 1° Soit sur un critère unique qui peut être : / a) Le prix, à condition que le marché ait pour seul objet l'achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d'un opérateur économique à l'autre ; / b) Le coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie défini à l'article R. 2152-9 ; () ". Aux termes de son article R. 2152-11 : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation ".

9. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en œuvre de ces critères. Il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en œuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné. En outre, si le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères, il doit porter à la connaissance des candidats leurs conditions de mise en œuvre dès lors que ces sous-critères sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. En revanche, le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres.

10. L'article 5.2 du règlement de la consultation, relatif au jugement des offres, prévoit que les offres seront examinées selon le critère tiré du prix de l'offre apprécié au regard de la décomposition de prix global et forfaitaire ainsi que du bordereau de prix unitaire pour la main d'œuvre, pondéré à 100%. Il résulte de ces dispositions que, pour déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde sur un unique critère de prix.

11. Par ailleurs, le marché litigieux a pour objet de choisir un prestataire chargé de réaliser des travaux de métallerie. Le cahier des clauses particulières précise les caractéristiques et propriétés des matériaux et des finitions à réaliser. Les prestations sont ainsi normalisées et strictement encadrées. Il s'ensuit que le pouvoir adjudicateur pouvait, sans méconnaitre ses obligations de mise en concurrence, retenir le seul critère du prix pour apprécier l'offre économiquement la plus avantageuse au stade de l'examen des offres.

12. D'une part, la société requérante ne peut utilement soutenir, pour contester la note qui lui a été attribuée et celle obtenue par l'attributaire, qu'elle disposait de moyens humains et de qualités techniques supérieurs à ceux de la société Régis Cottalorda, dès lors que ces éléments ne relevaient pas des critères de comparaison des offres, ni même de sous-critères, définis par le règlement de la consultation.

13. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit et tel que cela résulte du règlement de la consultation, pour comparer les offres des candidats au regard d'un critère unique tiré du prix des prestations, le SDIS des Alpes-Maritimes a utilisé une méthode de calcul qui conduit à attribuer la première position à l'offre économiquement la plus avantageuse. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'analyse des offres, qui n'apparait pas incomplet ni arbitraire, que le SDIS des Alpes-Maritimes a attribué la note de 7,39 sur 10 points à la société Métal Azur Concept qui proposait un prix de 42 604,74 euros hors taxes pour les prestations objet du marché, et la note de 10 sur 10 à la société Régis Cottalorda qui proposait un prix de 31 514 euros hors taxes pour ces mêmes prestations, soit un écart de 2,61 points sur un total de 10. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur aurait commis, au regard du critère unique du prix fixé par le règlement de la consultation, une erreur manifeste d'appréciation dans l'attribution de ces notes ni qu'il aurait accordé, de manière discrétionnaire, des notes aux offres qui seraient dépourvues de valeur objective dans le seul but d'évincer son offre. Par ailleurs, pour ces mêmes motifs, il ne résulte pas de l'instruction qu'en attribuant le marché à la société Régis Cottalorda, le SDIS des Alpes-Maritimes aurait méconnu les principes d'égalité de traitement entre les candidats et de transparence des procédures.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que la société Métal Azur Concept n'est pas fondée à contester la validité du marché conclu entre le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes et la société Régis Cottalorda. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation ou de résiliation du contrat doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

15. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre.

16. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que la société Métal Azur Concept n'a pas été irrégulièrement évincée de la procédure d'attribution du marché en litige. Dès lors, ses conclusions tendant à être indemnisée de son manque à gagner, des frais de présentation de son offre et de son préjudice moral ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Métal Azur Concept la somme de 1 500 euros à verser au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise, au même titre, à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Métal Azur Concept est rejetée.

Article 2 : La société Métal Azur Concept versera au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Métal Azur Concept, au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes et à la société Régis Cottalorda.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M. Soli, président,

Mme Gazeau, première conseillère,

Mme Guilbert, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 août 2024.

La rapporteure,

signé

D. Gazeau

Le président,

signé

P. Soli La greffière,

signé

E. Gialis

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation, la greffière