TA Nice, 15/05/2023, n°2202036

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2022, la commune de Cannes, représentée par Me Dan, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative :

1°) de condamner solidairement la société Comet Ingenierie, la société Seeta, la société Ciel Ascenseurs, la société NSA Electro Alpes, la société Otis et M. A C à lui verser, à titre de provision, une somme de 35 968,09 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de réfection, une somme de 9 312,59 euros toutes taxes comprises au titre des préjudices financiers qu'elle a subis et une somme de 71 156,70 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise judiciaire ;

2°) de condamner solidairement les parties succombantes à lui verser une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la matérialité des faits :

- elle a entrepris la création d'une liaison verticale pour les personnes à mobilité réduite au droit du passage souterrain de la gare SNCF de Cannes-Centre ; suivant marché du 2 avril 2013, la maîtrise d'œuvre complète de l'opération a été confiée à la société Comet Ingenierie, laquelle était assurée auprès de la compagnie Sagebat ; le lot n° 1 du marché, comprenant les opérations de démolition, de terrassement, de gros-œuvre, de serrurerie, de carrelage, de peinture et de voierie et de réseaux divers (VRD), a été exécuté par la société Seeta, laquelle était assurée par la compagnie Axa France IARD ; le lot n° 2 du marché, relatif à l'ascenseur, a été exécuté par la société Ciel Ascenseurs, laquelle était assurée par la compagnie SMABTP ; enfin, le lot n° 3, relatif à l'électricité, a été exécuté par la société C ; l'ouvrage a été réceptionné au mois d'avril 2015 ;

- l'ascenseur a été endommagé à l'occasion des intempéries de 2015 et en dépit des travaux de remplacement effectués par la société NSA Electro Alpes, la persistance de désordres au niveau de l'ascenseur a été constatée dès le mois de mai 2017 ;

- le rapport d'expertise judiciaire, dressé par M. B, mentionne notamment que les désordres en cause procèdent d'erreurs de conception, de réalisation et de maintenance de l'ascenseur ;

- le maître d'œuvre de l'opération, la société Comet Ingenierie, a procédé à une description erronée de l'ouvrage lors de la rédaction du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) en prévoyant un " ascenseur " à la place d'une liaison pour personnes à mobilité réduite ;

- les venues d'eaux dans l'ascenseur sont dues à une absence de préconisation et de réalisation d'une grille avaloir de diamètre ;

- alors que le CCTP préconisait la mise en œuvre d'une canalisation d'un diamètre de 200 millimètres, il a toutefois été réalisé un caniveau de 145 millimètres et une canalisation en PVC de 40 millimètres ;

- les portes palières existantes ne respectent pas les normes "anti-vandalisme" ;

- l'expert judiciaire a indiqué, par un courrier du 25 novembre 2020, que l'ascenseur était impropre à sa destination au moment des faits ;

S'agissant des préjudices matériels :

- l'expert judiciaire préconise la mise en place de nouveaux auvents chiffrée à 1 340,56 euros ;

- le remplacement de la canalisation existante, préconisé par l'expert, est chiffré à 10 800 euros ;

- la réparation du téléphone de secours, lequel présente un défaut, s'élève à 1 800 euros ;

- le montant de la mise en conformité des boîtes à boutons palières et cabine est estimé à 1 046 euros ;

- le remplacement des portes palières est estimé à 5 000 euros ;

- le remplacement de la carte mère de l'ascenseur, laquelle présente des pointes d'oxydation, est estimé à 2 800 euros ;

- les travaux de remplacement du coffret TGBT PVAC par une armoire métallique TGBT sécurisée avec porte et fermeture à clé de sureté sont estimés à 3 365,11 euros ;

- les travaux de renforcement de l'appareil, destinés à palier d'éventuelles pannes, se chiffrent à 5 648,42 euros ;

- la société OTIS a établi un plan d'actions comprenant diverses interventions, hors remplacement des deux portes palières, pour un montant total de 4 168 euros ;

S'agissant des préjudices financiers :

- les factures produites confirment que les prestations réalisées par la société OTIS l'ont été en dehors de l'application du contrat de maintenance ;

- ces prestations ont été facturées au montant de 1 604,11 euros ;

- le coût de mobilisation des agents de la commune pour le suivi des opérations d'expertise judiciaire s'élève à 7 708,48 euros ;

Sur le caractère non-sérieusement contestable des obligations :

- le rapport d'expertise judiciaire dressé par M. B met en évidence la responsabilité des intervenants à l'acte de construire ;

- les désordres constatés par l'expert judiciaire sont de nature à engager la responsabilité décennale des entreprises en cause ;

- la société Comet Ingenierie est responsable d'un défaut de suivi du chantier en cause et, par suite, des pannes à répétition de l'ascenseur et de sa non-conformité à sa destination ;

- la société Seeta est responsable des défauts de canalisation constatés ;

- la société Ciel Ascenseurs est responsable des conséquences de l'absence de boîtes à boutons inviolables aux paliers et en cabine de l'ascenseur ;

- la société NSA Electro Alpes est responsable des désordres en cause dès lors qu'elle ne l'a pas alerté de l'absence de réalisation de boîtes à boutons palières et cabine anti-vandalisme et de trous ovalisés dans les rails des portes palières ;

- la société C est responsable des désordres en cause dans la mesure où elle a placé un coffret TGBT en lieu et place d'une armoire métallique TGBT ;

- si la responsabilité décennale des constructeurs ne devait pas être retenue, leur responsabilité contractuelle pourrait, en revanche, l'être ; il en va de même pour les sociétés NSA Electro Alpes et OTIS ;

S'agissant des frais d'expertise judiciaire :

- malgré diverses tentatives de règlement amiable de ce litige, aucune solution n'a pu être trouvée ; le coût total des opérations d'expertise judiciaire s'est élevé à 92 624,40 euros ;

- le tribunal administratif de Toulon a, par un jugement du 8 décembre 2021, ramené les honoraires de l'expert judiciaire à la somme de 65 000 euros outre 6 156,70 euros au bénéfice direct de son sapiteur, lesquels ont été réglés par la commune de Cannes ;

- les frais d'expertise judiciaire qu'elle a supportés sont, par suite, d'un montant de 71 156,70 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, la société Seeta, représentée par Me Rabhi, conclut au rejet de la requête de la commune de Cannes et sollicite sa condamnation à une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert judiciaire n'a constaté aucun désordre qui lui serait imputable ;

- aucun lien de causalité n'est établi entre les fissurations alléguées par la requérante et la défaillance de l'ascenseur ;

- l'obligation dont se prévaut la commune de Cannes à son encontre se heurte ainsi à des constatations sérieuses ;

- le principal désordre, qui porte sur l'ascenseur, ne la concernant aucunement, sa responsabilité ne saurait être engagée, même à titre solidaire ;

- les travaux de reprise de fissures ont déjà été réalisés dans le cadre de la garantie de parfait achèvement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2022, la société Ciel Ascenseurs, représentée par Me Zanotti, conclut :

- à titre principal, à sa mise hors de cause et au rejet des conclusions dirigées contre elle ;

- à titre subsidiaire, à la limitation de sa condamnation au montant de 1 046 euros au titre des travaux de reprise, à la limitation de sa condamnation au titre des frais de l'instance et à la condamnation des sociétés défenderesses à la relever à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcée à son encontre ;

- en tout état de cause, à la condamnation de la commune de Cannes au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appareil qu'elle a installé a fait l'objet d'une réception sans réserve le 17 mars 2015 et d'une attestation de contrôle final le 13 mai 2015 ;

- la maintenance totale de cet équipement a été confiée à la société NSA Electro Alpes à compter du 18 mars 2015 ;

- le rapport d'expertise mentionne que ni le matériel ascenseur ni le montage initial réalisé par la société Ciel Ascenseurs n'est en cause dans la survenance des désordres litigieux ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée ni sur le fondement décennal ni sur le fondement contractuel ;

- aucune solidarité légale n'ayant été instituée entre les constructeurs, une éventuelle condamnation prononcée à son encontre ne pourrait être ramenée qu'à justes proportions ;

- aucun des préjudices invoqués par la commune de Cannes n'est lié à l'usage des boutons d'ascenseur ou à la prestation qu'elle a réalisée ;

- elle n'a pas à supporter la carence des sociétés responsables des désordres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, la société Ineo Provence et Côte-d'Azur, venant aux droits de la société Ineo Réseaux Côte-d'Azur, elle-même venant aux droits de la société C, représentée par la SCP De Angelis-Semidei-Vuillquez-Habart-Melki Bardon-De Angelis, conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête de la commune de Cannes ;

- à titre subsidiaire, à la limitation de sa condamnation à une somme de 3 365,11 euros et à la condamnation conjointe et solidaire des sociétés défenderesses à la relever et à la garantir de toutes condamnations éventuelles prononcées à son encontre ;

- en tout état de cause, à la condamnation de la commune de Cannes au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de la commune de Cannes est mal-fondée dès lors que le prononcé d'une condamnation in solidum suppose que la faute de chacun des coobligés ait concourue de manière indissociable à l'entier préjudice, ce qui n'est, en l'espèce, pas le cas ;

- les désordres litigieux ne lui sont pas imputables ;

- la non-conformité de l'armoire électrique n'est pas démontrée et, au demeurant, n'a fait l'objet d'aucune réserve lors de sa réception ;

- la quote-part de sa responsabilité éventuelle ne saurait excéder le montant de 3 365,11 euros.

Par un mémoire en réponse, enregistré le 15 septembre 2022, la commune de Cannes, représentée par Me Dan, doit être regardée comme maintenant l'ensemble des conclusions de sa requête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2022, la société OTIS, représentée par Me Josserand, conclut au rejet de l'ensemble des conclusions dirigées contre elle et sollicite la condamnation de la ville de Cannes à lui verser une somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est ni concepteur ni fabricant de l'appareil présentant les désordres en cause ;

- il n'existe aucune démonstration d'une carence lui étant imputable dans l'exécution de son contrat ;

- elle a assuré la maintenance de l'appareil en cause le 17 avril 2017, soit deux années après sa mise en service

- l'obligation dont se prévaut la commune de Cannes est sérieusement contestable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, la société Ciel Ascenseurs, représentée par Me Zanotti, doit être regardée comme maintenant l'ensemble des conclusions contenues dans son mémoire du 12 septembre 2022.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2022, la société Nouvelle Société d'Ascenseurs (NSA), représentée par Me Ortolland, conclut :

- à titre principal, au rejet de l'ensemble des conclusions dirigées à son encontre ;

- à titre subsidiaire, au rejet de la demande d'appel en garantie formée à son encontre par la société Ciel Ascenseurs et à la condamnation de celle-ci à la relever et à la garantir de toutes condamnations ;

- en tout état de cause, à la condamnation de la commune de Cannes à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas participé à l'opération de construction ;

- elle a procédé, suite aux intempéries de 2015, au remplacement à l'identique de l'appareil à l'exception d'une porte, du contrepoids et des guides ;

- elle a réalisé la maintenance de l'appareil jusqu'au 16 avril 2017 ;

- la demande de la commune de Cannes se heurte à une contestation sérieuse dès lors qu'elle ne démontre pas que l'ouvrage lui-même serait impropre à sa destination ; c'est ce qui ressort des termes du rapport d'expertise dressé par M. B ;

- la garantie de parfait achèvement est expirée ;

- il ne lui appartenait pas de se substituer au maître d'œuvre et n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

- il ne lui appartenait pas de rechercher les risques d'incivilité, cause partielle des désordres constatés ;

- les préjudices invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réponse, enregistré le 22 mars 2023, la commune de Cannes, représentée par Me Dan, doit être regardée comme maintenant l'ensemble des conclusions contenues dans sa requête du 25 avril 2022 et dans son mémoire du 15 septembre 2022.

Vu l'ordonnance du 28 juillet 2022 par laquelle le juge des référés a fixé la clôture de l'instruction au 15 septembre 2022 à 12 heures.

Vu l'ordonnance du 21 septembre 2022 par laquelle le juge des référés a rouvert l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Vu la décision par laquelle la présidente du tribunal a désigné M. Soli, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 30 mars 2023 :

- le rapport de M. Soli, juge des référés ;

- les observations de Me Magnand, substituant Me Dan, représentant la commune de Cannes ;

- les observations de Me Ortolland, représentant la société NSA ;

- les observations de Me Guigon-Bigazzi, substituant Me Zanotti, représentant la société Ciel Ascenseurs ;

- les observations de Me Vezier, substituant Me Rabhi, représentant la société Seeta ;

- les observations de Me Josserand, représentant la société OTIS ;

- et les observations de Me Boyvienau, représentant la société Ineo Provence et Côte-d'Azur.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Cannes a entrepris la création d'une liaison verticale pour les personnes à mobilité réduite (PMR) au droit du passage souterrain de la gare SNCF de Cannes-Centre. Suivant marché du 2 avril 2013, la maîtrise d'œuvre complète de l'opération a été confiée à la société Comet Ingenierie. Le lot n° 1 de ce marché, relatif aux opérations de démolition, de terrassement, de gros-œuvre, de serrurerie, de carrelage, de peinture et de voierie et de réseaux divers (VRD), a été exécuté par la société Seeta. Le lot n° 2 du marché, relatif à l'ascenseur, a été exécuté par la société Ciel Ascenseurs. Enfin, le lot n° 3, relatif à l'électricité, a été exécuté par la société C. L'ouvrage en cause a été réceptionné au mois d'avril 2015 et la ville de Cannes, suivant rapport d'expertise judiciaire, a constaté plusieurs désordres. Par la présente requête, elle demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement la société Comet Ingenierie, la société Seeta, la société Ciel Ascenseurs, la société NSA Electro Alpes, la société Otis et M. A C à lui verser, à titre de provision, une somme de 35 968,09 euros toutes taxes comprises au titre des travaux réparatoires, une somme de 9 312,59 euros toutes taxes comprises au titre des préjudices financiers qu'elle a subis et une somme de 71 156,70 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise judiciaire.

Sur la provision :

Sur la garantie décennale due par les constructeurs :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. En application de ces principes, est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ou qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, ainsi que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'expert estime, page 41 de son rapport, qu' " à la lecture des pièces remises par les parties, notamment le rapport initial de contrôle technique et des dispositions relatives à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement en date du 21 Octobre 2014 et du rapport final en date du 17 Avril 2015 dressés par le bureau de contrôle SOCOTEC, du dernier compte rendu du sapiteur et de ses conclusions, des questions posées au cours des 5 réunions d'expertise et des réponses apportées par les parties, et par le sapiteur (), les désordres constatés ne sont pas de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ". Si la commune de Cannes soutient que dans un courrier, daté du 25 novembre 2020, l'expert a indiqué " que l'ascenseur était impropre à sa destination au moment des faits, mais qu'une fois les mesures correctives () réalisées, celui-ci sera conforme à sa destination ", il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que cette impropriété de l'ouvrage serait établie. Aucun élément du dossier n'indique que l'ascenseur aurait cessé d'être utilisé. Au regard de l'absence d'évidence du caractère décennal des désordres litigieux, la commune de Cannes n'est pas fondée à soutenir que les créances dont elle se prévaut au titre de l'application de la garantie décennale des constructeurs ne sont pas sérieusement contestables.

Sur la responsabilité contractuelle des constructeurs :

6. A titre subsidiaire, la commune de Cannes recherche la responsabilité contractuelle des constructeurs les sociétés Comet Ingénierie, maître d'œuvre, Ciel Ascenseurs, NSA Electro Alpes et Pignata.

7. La réception de l'ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l'ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage et de surveillance des entreprises. Cependant, le maître d'œuvre qui s'abstient d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves, commet un manquement à son devoir de conseil de nature à engager sa responsabilité. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cannes n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Comet Ingénierie pour les défauts de conception et de surveillance du chantier mais que cette responsabilité du maître d'œuvre est en revanche engagée pour son manquement à son devoir de conseil lors des opérations de réception.

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise que la société Comet Ingénierie aurait dû, lors des opérations de réception de l'ouvrage, signaler à la commune de Cannes, d'une part, l'absence de boîtes à boutons inviolables aux paliers et dans la cabine de l'ascenseur prévu par le CCTP dans ses articles 2.3 " Boutons et Voyants " et 2.5 " Cabine ", page no7 du CCTP et, d'autre part, que le coffret de Tableau Général Basse Tension (TGBT), non verrouillé n'était pas conforme aux stipulations du CCTP qui prévoyait une armoire métallique verrouillée. L'expert a chiffré à 1046 euros l'installation des boîtes à boutons et à 3 365,11 euros la mise en place d'une armoire métallique. Il y a lieu de mettre ces sommes à la charge de la société Comet Ingenierie.

9. La réception mettant fin aux relations contractuelles entre le maître d'ouvrage et les constructeurs autres que le maître d'œuvre pour ce qui concerne sa mission d'assistance aux opérations de réception, la commune de Cannes n'est pas fondée à rechercher la responsabilité des sociétés Ciel Ascenseurs, NSA Electro Alpes et Ineo Provence et Côte-d'Azur.

Sur la responsabilité contractuelle des sociétés en charge de la maintenance de l'équipement litigieux :

10. La commune de Cannes recherche la responsabilité contractuelle des sociétés NSA Electro Alpes et Otis en tant que chargées de la maintenance de l'appareil litigieux. Il ressort cependant des pièces du dossier que les dysfonctionnements de l'ascenseur sont sans rapport avec les opérations de maintenance. Par ailleurs, le moyen soutenu par les deux sociétés en cause selon lequel aucun devoir de conseil sur des modifications à apporter à l'appareil en cause ne leur incombe dans le cadre de leur mission de maintenance constitue une contestation sérieuse de l'obligation dont se prévaut la commune de Cannes à leur égard.

Sur les frais d'expertise :

11. Il n'appartient pas au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de statuer sur les frais d'expertise.

Sur l'appel en garantie :

12. Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en appel en garantie présentées par la société Ciel Ascenseurs en l'absence de condamnation à son encontre.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par les parties et tendant à l'application des dispositions susvisées.

O R D O N N E :

Article 1er : La société Comet Ingénierie est condamnée à verser à la commune de Cannes, les sommes de 1046 euros et 3 365,11 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel en garantie formé par la société Ciel Ascenseurs.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'ensemble des parties sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au sociétés Comet Ingenierie, Seeta, Ciel Ascenseurs, NSA Electro Alpes, Otis et Ineo Provence et Côte-d'Azur et à la commune de Cannes.

Fait à Nice, le 15 mai 2023.

Le juge des référés,

signé

P. SOLI

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation, la greffière.