TA Paris, 17/06/2024, n°2413289


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 mai, 5 et 12 juin 2024, la société STILOG I.S.T., représentée par Me Cabanes, demande au juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la procédure de passation de l'accord-cadre de services relatif à la mise en œuvre, l'hébergement, la maintenance et les prestations de service associées d'une solution de planification de la programmation, de la gestion de la production et de la gestion de l'activité du Centre Pompidou et du marché subséquent n°1 ;

2°) de mettre à la charge du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre Pompidou n'a opéré, dans les documents de consultation, aucune distinction entre l'accord-cadre et le marché subséquent n° 1 ;

- la nature et l'étendue des besoins à satisfaire n'ont pas été définies avec suffisamment de précisions ;

- le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions des articles L. 2152-1 et L. 2152-2 du code de la commande publique ; l'offre de la société IT4CULTURE, attributaire de l'accord-cadre en litige, est irrégulière, faute pour celle-ci d'avoir proposé une solution pour les plannings du service des expositions du Centre Pompidou, condition explicitement prévue à l'article 4.8.1 du cahier des clauses techniques particulières ;

- la méthode de notation du critère prix n'était pas régulière ;

- le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou a méconnu les dispositions des articles L. 2152-5 et L. 2152-6 du code de la commande publique en omettant de mettre en œuvre la procédure de détection d'une offre anormalement basse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2024, le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, représenté par Me Lauret, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Stilog la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La société IT4CULTURE, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Le Roux, vice-présidente de section, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Roux,

- et les observations de Me Michaud, représentant la société STILOG I.S.T.et de Me Chaves-Guillon, représentant le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou.

Une note en délibéré présentée par le Centre National d'art et de culture Georges Pompidou a été enregistrée le 14 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis public d'appel à la concurrence publié le 22 novembre 2023, le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou a lancé une consultation, dans le cadre d'un appel d'offres ouvert, en vue de l'attribution d'un accord-cadre ayant pour objet la mise en œuvre, l'hébergement, la maintenance et les prestations de service associées d'une solution de planification de la programmation, de la gestion de la production et de la gestion de l'activité du Centre Pompidou et du marché subséquent n° 1. La société STILOG I.S.T., qui a remis une offre pour l'attribution de ces accord-cadre et marché subséquent, a été informée, par un courrier du 16 mai 2024, que son offre n'avait pas été retenue et que l'offre de la société IT4CULTURE était retenue comme économiquement la plus avantageuse. Par la présente requête, la société STILOG I.S.T. demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation de l'accord-cadre et du marché subséquent n°1 en litige.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations () ".

3. Aux termes de l'article L. 2125-1 du code de la commande publique : " L'acheteur peut, dans le respect des règles applicables aux procédures définies au présent titre, recourir à des techniques d'achat pour procéder à la présélection d'opérateurs économiques susceptibles de répondre à son besoin ou permettre la présentation des offres ou leur sélection, selon des modalités particulières. / Les techniques d'achat sont les suivantes : / 1° L'accord-cadre, qui permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d'une période donnée. () ". L'article R. 2162-2 du même code indique que : " Lorsque l'accord-cadre ne fixe pas toutes les stipulations contractuelles, il donne lieu à la conclusion de marchés subséquents dans les conditions fixées aux articles R. 2162-7 à R. 2162-12 ". L'article R. 2162-6 précise que : " Les marchés subséquents () sont conclus ou émis entre les acheteurs identifiés à cette fin dans l'avis d'appel à la concurrence, dans l'invitation à confirmer l'intérêt ou, en l'absence d'un tel avis ou d'une telle invitation, dans un autre document de la consultation, et le ou les opérateurs économiques titulaires de l'accord-cadre ". Aux termes de l'article R. 2162-7 : " Les marchés subséquents précisent les caractéristiques et les modalités d'exécution des prestations demandées qui n'ont pas été fixées dans l'accord-cadre. Ils ne peuvent entraîner des modifications substantielles des termes de l'accord-cadre ". Enfin, selon l'article R. 2162-9 : " Pour les pouvoirs adjudicateurs, lorsqu'un accord-cadre est conclu avec un seul opérateur économique, les marchés subséquents sont attribués dans les conditions fixées par l'accord-cadre. Préalablement à la conclusion des marchés subséquents, le pouvoir adjudicateur peut demander par écrit au titulaire de compléter son offre ".

4. Conformément aux dispositions citées au point 3, il appartient au pouvoir adjudicateur d'informer les candidats sur les conditions d'attribution des marchés subséquents à un accord-cadre mono-attributaire dès l'engagement de la procédure d'attribution de cet accord-cadre, dans l'avis d'appel public à la concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. La circonstance qu'un accord-cadre soit conclu avec un seul opérateur économique n'implique pas que son titulaire bénéficie de l'octroi automatique des marchés subséquents passés dans ce cadre. Aucune disposition du code de la commande publique ni aucun principe ne fait en effet obstacle à ce que les offres remises par le titulaire d'un accord-cadre mono-attributaire pour l'attribution des marchés subséquents soient notées et analysées, et que les marchés ne lui soient attribués que sous réserve de remplir certaines conditions. Il en va de même dans l'hypothèse où la procédure de passation de l'accord-cadre mono-attributaire envisagerait l'attribution simultanée d'un premier marché subséquent et où les candidats à l'attribution de l'accord-cadre seraient de ce fait invités à remettre également une offre pour ce premier marché, sous réserve que la comparaison des offres des candidats porte uniquement sur l'accord-cadre et non, de façon concomitante, sur celles remises pour le premier marché.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du règlement de consultation que les candidats ont été invités à remettre une offre unique pour l'accord-cadre et le marché subséquent n°1, les offres présentées étant appréciées en fonction des mêmes critères et sous-critères sans que soient clairement identifiées les deux étapes que doivent constituer l'attribution de l'accord-cadre mono-attributaire et celle du marché subséquent n°1. Il résulte également de l'instruction que les offres ont fait l'objet d'une analyse conjointe ayant abouti à une seule décision d'attribution. Dans ces conditions, le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou a méconnu le principe de transparence applicable à la procédure de passation en litige.

6. Ce manquement a été de nature à affecter les conditions d'élaboration des offres présentées en vue de l'attribution de l'accord cadre et du marché subséquent et susceptible d'avoir lésé la société Stilog I.S.T. qui est, par suite, fondée sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation de l'ensemble de la procédure de passation en litige.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou présentées sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Stilog I.S.T et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La procédure de passation de l'accord-cadre de services relatif à la mise en œuvre, l'hébergement, la maintenance et les prestations de service associées d'une solution de planification de la programmation, de la gestion de la production et de la gestion de l'activité du Centre Pompidou et du marché subséquent n°1 est annulée.

Article 2 : Le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou versera la somme de 1 500 euros à la société Stilog I.S.T sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société STILOG I.S.T., au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et à la société IT4CULTURE.

Fait à Paris, le 17 juin 2024.

La juge des référés,

M.-O. LE ROUX

La greffière,

F. RAJAOBELISON

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

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