TA Pau, 05/08/2024, n°2401810


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 juillet 2024 et le 29 juillet 2024, la société par actions simplifiée Rossoni TP, représentée par Me Cayssials, demande au juge des référés statuant en application des articles L. 551-5 et L. 551-6 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'enjoindre au syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de l'Arrats et de la Gimone de produire les procès-verbaux d'ouverture des plis et de classement des offres relatifs à la procédure de passation d'un marché public de travaux que ce syndicat a lancée en vue du renouvellement de la canalisation d'eau potable Mauvezin-Maravat, ainsi que les demandes de régularisation et les annexes au rapport d'analyse des offres ;

2°) d'ordonner l'interruption de la procédure de passation au stade de l'analyse des offres et d'enjoindre au même syndicat, s'il entend la poursuivre, de reprendre cette procédure au stade de la rectification des offres, de déclarer l'offre du groupement SNAA Acchini - Carrère irrégulière et non régularisable et d'attribuer le marché public au groupement Rossoni TP - Cana TP ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner au même syndicat, soit d'abandonner la procédure, soit de reprendre l'ensemble de cette procédure, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à venir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à cette procédure ;

4°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de l'Arrats et de la Gimone une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les explications de l'entité adjudicatrice sur l'écart constaté entre les notes obtenues pour le sous-critère " caractéristiques des équipements et matériaux (marques, modèles, fournisseurs, fiches techniques) ", respectivement par le groupement Rossoni TP - Cana TP et le groupement SNAA Acchini - Carrère, ne lui ont pas été communiquées, en méconnaissance des articles R. 2181-1 et R. 2181-2 du code de la commande publique, ce qui constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ;

- la rectification de l'offre variante du groupement SNAA Acchini - Carrère, en l'absence de toute négociation, a eu pour objet une baisse du prix de cette offre de 10,78 %, ce qui en constitue une modification substantielle et aurait dû conduire l'entité adjudicatrice, soit à procéder à des négociations avec l'ensemble des candidats en application du principe d'égalité de traitement des candidats, soit à écarter l'offre de ce groupement comme n'étant pas régularisable en application de l'article R. 2152-2 du code de la commande publique et à attribuer le marché au groupement Rossoni TP - Cana TP ;

- le principe d'égalité de traitement des candidats a été méconnu dès lors que l'offre initiale du groupement SNAA Acchini - Carrère était irrégulière et a été modifiée sur des points techniques déterminants, tandis que le groupement Rossoni TP - Cana TP n'a pas été interrogé sur l'absence de production d'une fiche technique relative aux ventouses ;

- la même note a été attribuée aux deux groupements pour le sous-critère relatif aux moyens humains en dépit des différences de contenu des offres ;

- l'existence de négociations avec le seul groupement SNAA Acchini - Carrère n'est pas établie ; au demeurant, de telles négociations méconnaissent le principe d'égalité de traitement des candidats ;

- le marché public aurait dû être attribué au groupement Rossoni TP - Cana TP.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 juillet 2024, le 29 juillet 2024 et le 30 juillet 2024, la société à responsabilité limitée SNAA Acchini, représentée par Me Gallardo, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Rossoni TP une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Rossoni TP ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et un mémoire en production de pièce, enregistrés le 25 juillet 2024 et le 26 juillet 2024, le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de l'Arrats et de la Gimone, représenté par Me Soulié, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Rossoni TP une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Rossoni TP ne sont pas fondés.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. A comme juge des référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue le 30 juillet 2024 à 11 h 00, en présence de Mme Caloone, greffière d'audience, M. A a lu son rapport et entendu les observations :

- de Me Cayssials, représentant la société Rossoni TP, qui confirme ses écritures et fait également valoir que la modification du prix de l'offre du groupement SNAA Acchini - Carrère dans le détail quantitatif estimatif (DQE), pour un peu plus de cent cinquante mille euros, constitue une modification sur un point essentiel ; le groupement SNAA Acchini - Carrère ne pouvait pas modifier le prix de son offre dans le cadre d'une régularisation ; des négociations auraient dû être engagées avec l'ensemble des candidats ; le dirigeant de la société Prima ingénierie sud-ouest, qui assure la maîtrise d'œuvre, a précédemment été associé au sein de la société SNAA Acchini ;

- de M. Gomer, président de la société Rossoni TP,

- de Me Soulié, représentant le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de l'Arrats et de la Gimone, qui confirme ses écritures et fait également valoir que, selon le règlement de la consultation, en cas de discordance entre les prix indiqués dans le bordereau des prix unitaires (BPU) et ceux indiqués dans le DQE, le BPU prévaut et le montant du DQE doit être rectifié en conséquence ; la modification du DQE par le groupement SNAA Acchini - Carrère constitue une simple rectification matérielle ; il n'y a pas eu de négociation ni de modification substantielle de l'offre de ce groupement ;

- et de Me Gallardo, représentant la société SNAA Acchini, qui confirme ses écritures et fait également valoir que la procédure de régularisation de l'offre a respecté les dispositions de l'article 8.2 du règlement de la consultation ; le prix de l'offre n'a pas été modifié dès lors que seul le DQE, et non le BPU, a été rectifié dans le cadre de la procédure de régularisation ; en outre, l'entité adjudicatrice n'a engagé aucune négociation.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Des pièces, présentées pour le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de l'Arrats et de la Gimone, ont été enregistrées le 30 juillet 2024 à 14 h 09.

Une note en délibéré, présentée pour la société Rossoni TP, a été enregistrée le 30 juillet 2024 à 21 h 41.

Une note en délibéré, présentée pour la société SNAA Acchini, a été enregistrée le 31 juillet 2024.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 551-5 du code de la commande publique : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les entités adjudicatrices de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Aux termes de l'article L. 551-6 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations en lui fixant un délai à cette fin. Il peut lui enjoindre de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat (). Il peut, en outre, prononcer une astreinte provisoire courant à l'expiration des délais impartis. / () ". Aux termes de l'article L. 551-7 de ce code : " Le juge peut toutefois, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, écarter les mesures énoncées au premier alinéa de l'article L. 551-6 lorsque leurs conséquences négatives pourraient l'emporter sur leurs avantages. ".

2. D'autre part, aux termes de l'article L. 1211-1 du code de la commande publique : " Les pouvoirs adjudicateurs sont : / 1° Les personnes morales de droit public ; / () ". Aux termes de l'article L. 1212-1 du même code : " Les entités adjudicatrices sont : / 1° Les pouvoirs adjudicateurs qui exercent une des activités d'opérateur de réseaux définies aux articles L. 1212-3 et L. 1212-4 ; / () ". Aux termes de l'article L. 1212-3 de ce code : " Sont des activités d'opérateur de réseaux : / 1° La mise à disposition, l'exploitation ou l'alimentation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution : / () c) d'eau potable. / () ".

3. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 8 avril 2024, le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable (SAEP) de l'Arrats et de la Gimone, entité adjudicatrice, a lancé une procédure de marché public adaptée ouverte pour le remplacement de la canalisation d'eau potable reliant la commune de Mauvezin et la commune de Maravat sur une distance de 13,5 kilomètres. Selon le règlement de la consultation, les candidats devaient présenter une offre de base, ainsi qu'une variante sur le matériau de la canalisation et deux propositions de prestations supplémentaires éventuelles (PSE), pour l'antenne du chemin de Touron et l'antenne de Maravat. Les offres ont été appréciées en fonction de trois critères, à savoir la valeur technique pondérée à 50 %, le prix pondéré à 40 % et les performances en matière de protection de l'environnement pour 10 %. Deux groupements d'entreprises ont candidaté, le groupement Rossoni TP - Cana TP, représenté par la société Rossoni TP, et le groupement SNAA Acchini - Carrère, représenté par la société SNAA Acchini. Les offres présentées par ces deux groupements, s'agissant de la variante assortie des prestations supplémentaires, ont obtenu les notes respectivement de 18,54 et de 18,75 sur 20. Par courrier du 5 juillet 2024, le SAEP a informé le groupement Rossoni TP - Cana TP du rejet de son offre. La société Rossoni TP demande au juge des référés, dans le dernier état de ses écritures, sur le fondement des articles L. 551-5 et L. 551-6 du code de justice administrative, d'ordonner à l'entité adjudicatrice, à titre principal, de lui communiquer les documents relatifs aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue et d'interrompre la procédure de passation du marché de travaux publics au stade de l'analyse des offres, après avoir jugé que l'offre du groupement SNAA Acchini - Carrère n'est pas régularisable, à titre subsidiaire, de reprendre l'ensemble de la procédure de passation du marché et, dans l'attente, de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à cette procédure.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 551-5 et L. 551-6 du code de justice administrative :

4. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-5 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'entité adjudicatrice. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements de l'entité adjudicatrice à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 2181-2 du même code, applicable aux marchés passés selon une procédure adaptée comme en l'espèce : " Tout candidat ou soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été rejetée peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l'acheteur. / Lorsque l'offre de ce soumissionnaire n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, l'acheteur lui communique en outre les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché. ".

6. L'information sur les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre dont est destinataire l'entreprise évincée de la procédure de conclusion d'un marché public, en application des dispositions de l'article R. 2181-2 du code de la commande publique, a notamment pour objet de lui permettre de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-5 du code de justice administrative. Dès lors, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations mentionnées à cet article a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-5 du code de justice administrative, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

7. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 5 juillet 2024, le président du SAEP de l'Arrats et de la Gimone a informé le groupement Rossoni TP - Cana TP du rejet de son offre et de l'attribution du marché au groupement SNAA Acchini - Carrère. Par message électronique du même jour, la société Rossoni TP a demandé à cette même autorité de lui communiquer les motifs de rejet de son offre ainsi que le rapport d'analyse des offres. Par courrier du 12 juillet 2024, l'entité adjudicatrice l'a notamment informée que son offre a obtenu les notes de 7,79 sur 8 sur le critère du prix, de 2 sur 2 sur le sous-critère " mode opératoire de la partie études " et de 2,5 sur 3 sur le sous-critère " caractéristiques des équipements et matériaux (marques, modèles, fournisseurs, fiches techniques) ", et que l'offre du groupement SNAA Acchini - Carrère a obtenu respectivement les notes de 8 sur 8, de 1,5 sur 2 et de 3 sur 3 sur ces mêmes critère et sous-critères. Le 26 juillet 2024, le syndicat a communiqué au tribunal, dans le cadre de la présente instance, un extrait du rapport d'analyse des offres qui précise que la note précitée obtenue par le groupement Rossoni TP - Cana TP sur le sous-critère relatif aux caractéristiques des équipements et matériaux résulte de l'absence de ventouse dans le contenu de son offre tandis que le groupement SNAA Acchini - Carrère a présenté un dossier complet sur ce point. Dans ces conditions, la société Rossoni TP a été en possession, au plus tard le 26 juillet 2024, date à laquelle l'extrait du rapport précité lui a été communiqué par le tribunal, de l'ensemble des informations décrites par l'article R. 2181-2 du code de la commande publique, qui lui permettaient de contester utilement la procédure litigieuse, et il n'est ni allégué ni établi que le délai qui lui restait avant le 30 juillet 2024, date de l'audience, était trop court pour préparer cette contestation dans le cadre de la présente instance. Par suite, l'entité adjudicatrice n'a pas commis sur ce point de manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". Aux termes de l'article L. 2152-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ". Aux termes de l'article R. 2152-2 de ce code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles. ".

9. Il résulte de l'instruction que, par des courriers du 4 juin 2024 et du 13 juin 2024, le président du SAEP de l'Arrats et de la Gimone a demandé aux deux groupements candidats de régulariser leur offre respective et d'apporter des précisions, avant le 7 juin 2024 à 12 heures et le 20 juin 2024 à la même heure. Il était en particulier demandé au groupement SNAA Acchini - Carrère, d'une part, de compléter son offre par la production de documents manquants et, d'autre part, de corriger des erreurs et incohérences découlant de la confrontation du bordereau des prix unitaires (BPU) et du détail quantitatif estimatif (DQE), sur la base duquel le prix de l'offre a été établi. A ce dernier titre, l'entité adjudicatrice a notamment relevé, outre des écarts de prix mimines sans réelle conséquence, deux discordances majeures. La première concerne le coût de la préparation du chantier évalué à 4 500 euros dans le BPU alors qu'il était estimé à 45 000 euros dans le DQE. La seconde concerne les canalisations DN 180 mm de l'offre variante dont le prix unitaire par mètre linéaire était de 27,50 euros dans le BPU alors qu'il était de 36 euros dans le DQE. D'une part, la correction de ces discordances, qui a consisté à appliquer les coûts indiqués dans le BPU, qui prévalent sur ceux indiqués dans le DQE en application de l'article 8.2 du règlement de la consultation, relève du champ de la procédure de régularisation dans la mesure où il s'est agi de corriger l'offre soumise à l'appréciation de l'entité adjudicatrice afin qu'elle corresponde au prix qui devra être réellement supporté. D'autre part, l'erreur de plume commise dans le coût de la préparation du chantier, de l'ordre de 40 500 euros, et la correction du prix global des canalisations DN 180 mm, en raison de l'importance de la quantité requise, ont conduit à un abaissement du prix de l'offre variante du groupement SNAA Acchini - Carrère d'un peu plus de cent cinquante mille euros, pour un prix total rectifié de son offre variante assortie des prestations supplémentaires de près d'un million deux cent quatre-vingt-quinze mille euros. Cette régularisation, dont il n'est pas établi qu'elle résulterait d'une manœuvre ou d'une intention délibérée du candidat retenu, ne peut être regardée comme ayant eu pour effet de modifier les caractéristiques substantielles de son offre. A cet égard, la seule circonstance qu'après l'analyse des offres, le candidat attributaire du marché a été retenu au seul bénéfice du meilleur prix ne rend pas rétrospectivement illégale la régularisation. Par ailleurs, les demandes de précisions sur des points techniques ne présentent pas davantage le caractère de modifications substantielles. De plus, l'entité adjudicatrice n'était pas tenue de demander au groupement Rossoni TP - Cana TP de compléter son offre s'agissant de l'absence de ventouse. Enfin, l'entité adjudicatrice n'a engagé aucune négociation, ainsi qu'elle pouvait en décider en application de l'article 8.3 du règlement de la consultation. Il s'ensuit que le SAEP de l'Arrats et de la Gimone n'a pas méconnu les dispositions énoncées au point 8 ni le principe d'égalité de traitement entre les candidats à la commande publique.

10. En troisième lieu, si la société Rossoni TP conteste les notes attribuées pour le critère de la valeur technique, notamment pour le sous-critère relatif aux moyens humains, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par l'entité adjudicatrice, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un marché, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres.

11. En dernier lieu, la société Rossoni TP a fait allusion, à la toute fin de l'audience, au fait que le représentant légal de la société agissant pour le groupement attributaire du marché avait détenu des parts dans le capital social de l'agence du maître d'œuvre qui assiste le SAEP de l'Arrats et de la Gimone. Une telle allégation, non étayée en droit et insuffisamment développée en fait, ne peut, dans ces conditions, qu'être écartée, la requérante ne démontrant pas avoir été dans l'impossibilité de soulever un moyen avant la clôture de l'instruction prononcée à l'issue de l'audience.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de la société Rossoni TP présentées sur le fondement des articles L. 551-5 et L. 551-6 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent jugement, qui rejette les conclusions principales de la requête de la société Rossoni TP, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte de cette même requête doivent également être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

15. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le juge des référés ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la société Rossoni TP doivent dès lors être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière des sommes de 1 200 euros au titre des frais exposés respectivement par le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de l'Arrats et de la Gimone et la société SNAA Acchini et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Rossoni TP est rejetée.

Article 2 : La société Rossoni TP versera respectivement au syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de l'Arrats et de la Gimone et à la société SNAA Acchini une somme de 1 200 (mille deux cents) euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée Rossoni TP, au syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de l'Arrats et de la Gimone et à la société à responsabilité limitée SNAA Acchini.

Fait à Pau, le 5 août 2024.

Le juge des référés,

F. ALa greffière

M. CALOONE

La République mande et ordonne au préfet du Gers en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme :

La greffière,