TA Pau, 15/04/2024, n°2001862


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 septembre 2020 et les 31 mars, 18 octobre, 29 octobre et 15 décembre 2022, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Dax, représenté par Me Laveissière, doit être regardé comme demandant au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, de condamner in solidum, sur le fondement de la garantie décennale, la société Otce Aquitaine, la SA Axima Concept, anciennement Axima Seitha, ou à défaut de cette dernière, la société Energy Concept et la société à action simplifiée (SAS) Socotec Construction, à lui verser la somme de 144 626,05 euros au titre des travaux réparatoires et la somme de 26 915,97 euros en réparation des préjudices subis, assortis des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner les mêmes intervenants sur le fondement de la garantie de parfait achèvement à hauteur des fautes commises dans la conception, l'exécution, le contrôle et celle du maître d'œuvre Otce Aquitaine à raison du manquement au devoir de conseil lors de la réception des travaux ;

3°) de condamner la société Energy Concept sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle à lui verser les mêmes sommes ;

4°) de condamner l'ensemble des constructeurs et intervenants à lui verser la somme de 15 418,72 euros au titre des dépens correspondant aux frais d'expertise ;

5°) de mettre à la charge de l'ensemble des constructeurs la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la défaillance de la production d'eau chaude solaire affecte radicalement le fonctionnement de l'ouvrage, ce qui contraint le CCAS à supporter des coûts non prévus lors de la conception de ce système innovant. En outre le bâtiment n'est pas conçu pour se chauffer au gaz exclusivement mais seulement en appoint ; l'installation du chauffage au gaz devait être supplétif au système de chauffage solaire ;

- l'installation de production d'eau chaude solaire constitue un élément indissociable de la conception et du fonctionnement de l'ouvrage de sorte que la défaillance du système de chauffage solaire constitue un désordre caractérisant le fondement de la garantie décennale ;

- l'expertise conclut à l'impropriété de l'ouvrage à sa destination ;

- la responsabilité de la société Otce Aquitaine doit être engagée pour avoir donné son accord technique à la variante proposé par la société Axima Concept et par le manquement à son obligation de conseil en tant qu'elle n'a pas attiré l'attention du maître de l'ouvrage lors des opérations préalables à la réception ;

- contrairement à ce que soutient la société Axima Concept, le lien de causalité, entre les désordres et la corrosion apparue sur les serpentins en acier noir au lieu d'inox des ballons, a été mis en évidence par l'expert. La société avait la responsabilité contractuelle du lot n° 12 et ne peut se dégager de sa responsabilité au détriment de la société Energy Concept ;

- la société Energy Concept est intervenue dans les travaux en tant que participante et non en tant que fournisseur ou fabricant. A ce titre sa responsabilité quasi-délictuelle est recherchée à défaut de la responsabilité de la société Axima Concept, en raison de la faute extra contractuelle ayant consisté en la méconnaissance des dispositions applicables à la réalisation de ce type d'installation ;

- la SAS Socotec Construction, en tant que contrôleur technique, a la qualité de constructeur au sens des articles 1792 et 1792-1 du code civil et peut à ce titre, voir sa responsabilité être engagée ;

- la SAS Socotec Construction ne peut sérieusement soutenir que l'expert a retenu à tort sa responsabilité dès lors qu'elle a eu connaissance des plans d'exécution des installations et a eu accès aux matériels installés ;

- contrairement à ce que fait valoir la société Energy Concept, l'expert a relevé des points de corrosion et des perforations sur les échangeurs, alors que les ballons en inox comme prévu dans le CCTP permettaient d'éviter ce sinistre. Le matériel installé comportait un échangeur (en acier et non en inox) de séparation intégré et n'était pas une solution recommandée par le guide des règles de l'art Grenelle Environnement de 2012 alors en vigueur. L'acier noir, utilisé par la défenderesse n'est pas recommandé pour ce type de matériel. Il est clairement établi que le matériel installé en variante à celui préconisé par le CCTP n'est pas techniquement équivalent ;

- l'expert a mené des investigations suffisantes pour établir son rapport ;

- la circonstance que la variante de qualité de ballons en acier a été acceptée par la société Otce Aquitaine n'exonère pas la SAS Socotec Construction de sa responsabilité au regard des désordres constatés ;

- contrairement à ce que fait valoir la société Otce Aquitaine, l'expert a démontré le lien de causalité entre les désordres et la corrosion apparue sur les serpentins noirs des ballons, à ce titre la société a manqué à son obligation de conseil vis-à-vis du maître de l'ouvrage et ce durant toute la phase de préparation et d'exécution ;

- il est reproché à la société Energy Concept d'avoir livré du matériel non règlementaire dès lors que le marquage CE est inexistant et ne répondait pas aux prescriptions techniques du CCTP. Cette société a été dans l'incapacité de fournir des informations précises sur son matériel lors de l'expertise. Selon l'expert, cette dernière a positionné et mis en service le matériel, a fourni des schémas techniques de principe, a dimensionné le big fast, le volume des ballons tampons et les diamètres de raccordement du réseau solaire, ainsi elle est intervenue en tant que participante et sa responsabilité quasi-délictuelle peut donc être recherchée ;

- selon le tableau comparatif de l'expert, le devis des travaux réparatoires présenté par la société Axima Concept ne comprend ni le calorifugeage ni le dimensionnement des tuyauteries, de sorte que le devis présenté par la société Dalkia doit être retenu ;

- les travaux réparatoires sont estimés à 131 478,23 euros TTC, auxquels il convient d'ajouter les frais de maîtrise d'œuvre de 10 518,26 euros et les frais liés au contrôle technique estimés à 2 629,56 euros TTC soit un total de 144 626,05 euros toutes taxes comprises ;

- le CCAS de Dax est fondé à demander le versement de la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ne pas avoir pu percevoir la subvention ADEME de 10 833,88 euros, la surconsommation de chauffage liée au non fonctionnement de la production d'eau chaude solaire estimée à 16 081,79 euros soit un total de 26 915,69 euros toutes taxes comprises.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2021, la SAS Socotec Construction, représentée par Me Leridon, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et des appels en garantie formés à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés Otce Aquitaine, Axima Concept et Energy Concept, à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

3°) en tout état de cause à ce que soit mis à la charge de toutes parties succombantes, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle fait valoir que :

- la mission du contrôleur technique ne peut être assimilée à celle d'un constructeur, son rôle n'est pas identique à celui de la maîtrise d'œuvre qui lui assure le suivi et la direction des travaux ;

- la responsabilité du contrôleur technique est celle d'un prestataire de service assujetti à une obligation de moyens de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée sur la mauvaise conception ou exécution d'ouvrages dont les documents ne lui ont pas été transmis ;

- la société n'a pas été consultée sur le choix de la variante des matériaux utilisés ;

- en cas de condamnation prononcée à son encontre, elle forme un appel en garantie à l'encontre de la société Otce Aquitaine dès lors que cette dernière a accepté sans réserve la variante proposée par la société Axima Concept et la société Energy Concept, à l'encontre de la société Axima Concept qui a proposé cette variante et mis en service l'installation et à l'encontre de la société Energy Concept qui n'a pas fourni les documents nécessaires à l'appréciation du matériel.

Par deux mémoires, enregistrés les 24 février et 15 septembre 2022, la société (SASU) Energy Concept, représentée par la SCP Laydeker Sammarcelli Mousseau, conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête et des appels en garantie formés à son encontre ;

- à titre subsidiaire, de condamner la société Axima Concept, la société Otce Aquitaine et la SAS Socotec Construction, à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

- en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge de toutes parties succombantes, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'expert n'a pas mené d'investigations sur les ballons pour conclure que les désordres proviennent de l'installation du chauffage, il se borne à constater qu'ils ne sont pas certifiés CE ;

- la variante proposée par elle consiste à produire de l'eau chaude instantanément par le biais d'un module dédié contenant un échangeur de chaleur en inox ;

- le réservoir alimentant l'échangeur d'eau chaude instantanément ne contient pas d'eau sanitaire mais de l'eau de chauffage de sorte qu'il n'a pas besoin d'être en acier inox. Ainsi la solution proposée par elle est équivalente ;

- contrairement à ce que soutient le CCAS, la documentation technique a été fournie ;

- en 2014, année d'achat des ballons, aucune norme n'imposait le marquage CE mais était même interdit. En outre, la directive évoquée par l'expert ErP n'a été mise en application qu'à partir du 26 septembre 2015 et ne concerne que les ballons d'une capacité inférieure à 2 000 litres ;

- le système préconisé répond globalement aux exigences de la circulaire DGS/SD7A/DHOS/E4/DGAS/SD2/2005/493 du 28 octobre 2005 relative à la prévention du risque lié aux légionnelles dans les établissements sociaux et médico-médicaux d'hébergements pour personnes âgées, grâce au traitement thermique de l'ECS avant distribution ;

- la proposition a été validée par la société Axima Concept ;

- elle n'a pas installé le dispositif, le technicien s'est déplacé pour la première fois en octobre 2014 alors que le dispositif solaire avait déjà été remplacé car il était défectueux, il n'existe donc pas de contrat liant la société Energy Concept ;

- la corrosion du serpentin du ballon solaire ne provient pas de la mauvaise qualité des matériaux vendus par elle mais par le gel des capteurs solaires qui sont dus à l'acidification du fluide solaire consécutif aux surchauffes répétées dues à un mauvais suivi de l'installation. La mesure du PH et de la teneur en antigel n'a pas été réalisée ;

- les parties en contact avec l'ECS sont bien en inox ;

- la chaufferie, tout comme l'installation solaire ne sont pas des locaux pouvant recevoir du public, l'expert a confondu la directive ErP (Energy Related Products) et la directive ERP (établissements recevant du public) ce qui vicie son expertise ;

- la société Energy Concept n'est pas intervenue en tant que sous-traitante ni en qualité de participante mais seulement de fournisseur du matériel, de sorte que ni la responsabilité quasi-délictuelle ni contractuelle ne peut être recherchée. Les constructeurs tels que la société Axima Concept et le contrôleur technique doivent voir leur garantie décennale engagée.

Par un mémoire, enregistré le 25 octobre 2022, la SA Axima Concept, représentée par Me Hounieu, conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête et des appels en garantie formés à son encontre ;

- à titre subsidiaire, à ce que le montant des préjudices susceptibles d'être indemnisés soit limité à la somme de 128 072,01 euros toutes taxes comprises ;

- à ce que sa part de responsabilité soit limitée à 20 % au titre des préjudices et des dépens ;

- à la condamnation des sociétés Otce Aquitaine, Energy Concept et Socotec Construction à la garantir et à la relever indemne à proportion de leur part de responsabilité des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

- en tout état de cause à ce que soit mis à la charge du CCAS de Dax la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les désordres constatés ne sont pas suffisamment graves pour être caractérisés de désordres décennaux. En outre, ils ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination et n'affectent pas sa solidité. En effet, ni le fait qu'un chauffage n'atteigne pas les performances en matière de consommation initialement calculées, ni la méconnaissance thermique RT 2005 ne constituent une impropriété à sa destination ;

- de plus, la société Axima Concept n'est pas responsable des désordres constatés. La panne est consécutive au percement causé par la corrosion, il appartenait aux sociétés exploitantes de contrôler régulièrement la qualité de l'eau ;

- l'expert ne peut pas conclure à un lien de causalité entre ce qu'il qualifie de non-conformité des ballons et des désordres et la responsabilité de la société ne peut être reconnue ;

- la société Energy Concept est intervenue dans l'installation du chauffage ;

- les dommages invoqués par le CCAS de Dax n'ont pas fait l'objet de réserves à la réception, par suite les relations contractuelles sont éteintes entre la société Axima Concept et le CCAS de Dax de sorte que la responsabilité contractuelle ne peut être recherchée ;

- n'ayant commis aucune faute, aucun appel en garantie ne pourra être accueilli ;

- à titre subsidiaire, le montant des travaux réparatoires doit être limité à 126 112,80 euros et le CCAS de Dax ne produit aucun élément permettant de chiffrer la surconsommation de gaz et ne pourra être limité qu'à 1 959,21 euros toutes taxes comprises ;

- si elle devait être reconnue responsable sa part doit être limitée à 20 % ;

- la société Energy Concept est intervenue en tant que fabricant de sorte que sa responsabilité peut être recherchée devant le juge administratif. Cette dernière sera condamnée à garantir et à relever la société.

Par un mémoire, enregistré le 23 novembre 2022, la société Otce Aquitaine, représentée par Me Sornique, conclut :

- à titre principal au rejet de la requête et des appels en garantie formés contre elle ;

- à titre subsidiaire, à ce que sa responsabilité soit limitée à 10 % et à la condamnation des sociétés Axima Concept, Energy Concept et Socotec Construction à la relever et à la garantir indemne de toute condamnation susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

- en tout état de cause à ce que sa condamnation soit limitée à la somme de 114 648 euros toutes taxes comprises et à ce que soit mis à la charge du CCAS de Dax et de toutes parties succombantes la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les désordres sont dépourvus du caractère décennal ;

- la société Otce Aquitaine n'est pas responsable des manquements relatifs à l'installation ;

- le maître d'ouvrage s'est délibérément abstenu des impératifs de maintenance de l'installation ;

- en l'absence de faute elle ne pourra ni voir sa responsabilité engagée ni être condamnée à relever indemne et à garantir les autres constructeurs ;

- les travaux réparatoires ne peuvent pas excéder la somme totale de 114 648 euros toutes taxes comprises et la surconsommation de gaz à 16 081,79 euros et la subvention ADEME n'est pas prévue dans le montage et ne pourra qu'être rejetée.

Une note en délibéré, présentée pour le CCAS de Dax a été enregistrée le 23 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Crassus,

- les conclusions de Mme Beneteau, rapporteure publique,

- les observations Me Laveissière, représentant le CCAS de Dax,

- les observations de Me Sornique, représentant la société Otce Aquitaine,

- les observations de Me Hubert, représentant la société Axima Concept,

- et les observations de Me Sammarcelli, représentant la société Energy Concept.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 3 janvier 2011, le centre communal d'action sociale de Dax a confié au groupement conjoint constitué de la société Agence J. Bellocq architectes, mandataire, de la société Otce Aquitaine, de M. C, de la SARL J. Bariac et de la société Intégrale de Restauration, la maîtrise d'œuvre pour la construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) situé rue André Malraux à Dax. Par convention de mandat du 14 décembre 2009, la maîtrise d'ouvrage a été confiée à la société Satel et Sepa. Par un marché du 21 juillet 2011, la mission ordonnancement pilotage et coordination (OPC) a été confiée à la société CIIAT. Par un marché de travaux en date du 22 octobre 2012, les travaux du lot n° 12 " chauffage, ventilation équipement sanitaires " ont été confiés à la société Axima Concept. La société Energy Concept a fourni le matériel de chauffage à la société Axima Concept. Le contrôle technique a été confié à la SAS Socotec Construction par le marché du 4 novembre 2010. Suite à la réception des travaux dont les réserves ont été levées le 10 décembre 2014, des dysfonctionnements du chauffage solaire ont été constatés. Par ordonnance du 31 octobre 2017, une expertise a été diligentée et confiée à M. A. Ce dernier a déposé son rapport le 6 décembre 2019. Par sa requête, le CCAS de Dax demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures de condamner in solidum sur le fondement de la garantie décennale, la société Otce Aquitaine, la société Axima Concept ou à défaut la société Energy Concept et la SAS Socotec Construction à lui verser la somme de 144 626,05 euros au titre des travaux réparatoires et la somme de 26 915,97 euros en réparation des préjudices subis assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de l'incompétence de la juridiction pour statuer sur les conclusions du CCAS dirigées à titre subsidiaire contre la société Energy Concept, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle et sur les conclusions d'appel en garantie de la société Axima Concept à l'encontre de la même société :

2. S'il appartient, en principe, au maître d'ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un vice imputable à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d'ouvrage, il lui est toutefois loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n'a pas conclu de contrat de louage d'ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d'un contrat conclu avec l'un des constructeurs. S'il peut, à ce titre, invoquer, notamment, la violation des règles de l'art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires, il ne saurait, toutefois, se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles. En outre, alors même qu'il entend se placer sur le terrain quasi-délictuel, le maitre d'ouvrage ne saurait rechercher la responsabilité de participants à l'opération de construction pour des désordres apparus après la réception de l'ouvrage et qui ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. Il en va de même pour des désordres qui devraient être regardés comme apparents lors de la réception.

3. Il résulte de l'instruction, que la société Axima Concept s'est fournie en matériel utile pour l'installation du chauffage solaire auprès de la société Energy Concept. Cette dernière était donc liée à la société Axima Concept par un contrat de droit privé de simple fourniture, seule la responsabilité de la société Axima Concept, constructeur, peut être utilement recherchée par le CCAS, Par conséquent il appartient seulement aux juridictions judiciaires de connaître des conclusions du CCAS dirigées contre la société Energy Concept sur le fondement quasi-délictuel ainsi que des conclusions d'appel en garantie présentées par la société Axima Concept à son encontre qui ont pour fondement, un éventuel manquement de la société Energy Concept aux obligations résultant pour elle du contrat de fourniture de matériel, contrat de droit privé.

Sur la responsabilité décennale des constructeurs :

4. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Est notamment réputé constructeur de l'ouvrage tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

5. Il incombe au juge administratif, lorsqu'est recherchée devant lui la garantie décennale des constructeurs, d'apprécier, au vu de l'argumentation que lui soumettent les parties sur ce point, si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs.

En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :

6. Il résulte de l'instruction que l'installation du chauffage telle que prévue dans les documents contractuels, reposait sur un système mixte entre le chauffage gaz et le chauffage solaire. Aux termes du CCTP, le système de production solaire d'eau chaude sanitaire, composé de capteurs plans à haut rendement énergétique, positionnés en toiture et orientés au sud, associé à un volume de stockage d'eau chaude, devait être dimensionné pour assurer un taux de couverture de 50 % minimum. Si la levée des réserves a eu lieu le 4 décembre 2014, diverses pannes de l'installation d'eau chaude sanitaire dès le mois de juillet 2015 et en 2016 ont entraîné un gel de l'installation et une détérioration des panneaux et du circuit d'eau glycolée. Par suite, le système solaire ayant été isolé, seul le dispositif au gaz était en état de marche.

7. D'une part, il est constant que les désordres constatés ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage.

8. D'autre part, aucun élément ne permet d'établir que les désordres constatés auraient eu des conséquences sur le fonctionnement de l'établissement dès lors que la production d'ECS a été correctement assurée par le système au gaz sans que cela ait une grave incidence sur le fonctionnement de l'EHPAD, hormis une consommation de gaz supérieure aux prévisions. Il ne résulte pas plus du rapport d'expertise que les désordres seraient impropres à l'ouvrage. Par suite, les désordres affectant le système de production d'ECS solaire ne sont pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et à engager la responsabilité décennale des constructeurs.

Sur la responsabilité contractuelle des constructeurs :

En ce qui concerne la garantie de parfait achèvement à l'encontre du bureau d'études Otce Aquitaine, de la société Axima Concept et de la société Energy Concept :

9. La garantie de parfait achèvement, d'une durée d'un an à compter de la réception des travaux et résultant du contrat, fait obligation aux constructeurs de remédier aux désordres signalés dans ce délai afin de rendre l'ouvrage conforme aux prévisions du marché. La garantie de parfait achèvement s'étend à la reprise, d'une part, des désordres ayant fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception et, d'autre part, de ceux qui apparaissent et sont signalés dans l'année suivant la date de réception.

10. Il résulte de l'instruction que les réserves à la réception ont été levées le 10 décembre 2014. Le prolongement de la responsabilité contractuelle de la société Axima Concept, du au remplacement de la pompe en 2015, a pour conséquence de fixer la date à laquelle la garantie de parfait achèvement s'éteint, sous réserve de saisine du juge des référés, en 2016 au plus tard. Or, le juge des référés a été saisi le 1er août 2017, soit trois ans après la réception des travaux et la levée des réserves, ce qui n'a pas pu prolonger la responsabilité contractuelle. Par suite, la garantie de parfait achèvement de la société Axima Concept ne pouvait plus être recherchée à la date d'introduction du recours soit le 28 septembre 2020. En outre et en tout état de cause, le maître d'œuvre et le contrôleur technique ne peuvent être condamnés au titre de la garantie de parfait achèvement dès lors que l'arrêt de l'installation est survenu après l'expiration du délai de garantie.

En ce qui concerne la responsabilité du maître d'œuvre à raison de son devoir de conseil lors des opérations de réception :

11. Au sein du groupement de maîtrise d'œuvre, la société Otce Aquitaine, mandataire du groupement conjoint, a pris part, tant à la conception, qu'au suivi et à la réception des travaux.

12. La responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves.

13. Il résulte de l'instruction qu'il y a bien eu erreur de conception du maitre d'œuvre, lorsque le bureau d'études Otce Aquitaine a accepté la variante de matériel proposée par la société Axima Concept, dès lors qu'il a validé une équivalence performancielle en l'absence d'équivalence technique du matériel proposé. Ainsi, les négligences relevées par l'expert lors de la mise en service de l'installation qui sont à l'origine de la corrosion du matériel de substitution en acier, auraient dû conduire le bureau d'études Otce Aquitaine, en qualité de maître d'œuvre, à alerter le maître d'ouvrage pour qu'il soit en mesure de prononcer la réception de l'installation avec des réserves ce qui n'a pas été fait.

14. Par suite, la société Otce Aquitaine en tant que professionnel, maître de son art, se devait d'alerter le maître d'ouvrage sur les insuffisances techniques de l'installation qu'elle a réalisée. A ce titre la responsabilité de la société Otce Aquitaine peut être engagée à raison d'un manquement à son obligation de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage lors de la réception des travaux. La part de responsabilité du BET Otce Aquitaine, eu égard aux missions qui lui ont été confiées, doit être fixée à 30 %.

15. Par conséquent, le CCAS de Dax est fondé à demander la condamnation de la société Otce Aquitaine en tant qu'elle a manqué à son obligation de conseil sur l'équivalence du matériel utilisé à hauteur de 30 % du montant des préjudices.

Sur la réparation des préjudices :

En ce qui concerne les travaux réparatoires :

16. Il résulte de l'expertise que les travaux réparatoires consistent à déposer le matériel actuel, à installer des quatre nouveaux panneaux solaires et de nouveaux ballons de stockage en inox avec un échangeur serpentin. Ces travaux non prévus au contrat, s'avèrent nécessaires pour remédier aux désordres du bâtiment concerné et s'élèvent selon le devis de la société Dalkia à la somme de 109 565,20 hors taxe, soit 131 478,24 euros toutes taxes comprises.

17. Le CCAS de Dax sollicite l'indemnisation du coût des travaux de remplacement et de remise en état du chauffage solaire dont le montant correspond au devis produit pas la société Dalkia sollicitée par l'expert et estimée à la somme 131 478,23 euros toutes taxes comprises auxquels s'ajoutent 8 % de frais de maîtrise d'œuvre soit la somme de 10 518,26 euros toutes taxes comprises et 2 % de contrôle technique soit la somme de 2 629,56 euros toutes taxes comprises soit un total de 144 626,05 euros toutes taxes comprises.

18. Par suite, il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société Otce Aquitaine, en tant que bureau d'étude et mandataire du groupement conjoint de maîtrise d'œuvre à verser au CCAS de Dax la somme 30 % du devis majoré des frais de maîtrise et de contrôle technique soit le montant de 43 387,82 euros toutes taxes comprises.

En ce qui concerne les autres préjudices :

19. Le CCAS de Dax sollicite la somme globale de 26 915,97 euros toutes taxes comprises correspondant à la surconsommation de gaz en l'absence du fonctionnement du chauffage solaire et de la non perception de la prime ADEME.

20. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le montant de la surconsommation de gaz du fait de n'avoir que le chauffage gaz de fonctionnel s'élève à 16 081,79 euros. Si l'expert a retenu ce montant, la société Axima Concept fait valoir que ce calcul part de la consommation totale de l'EHPAD. Il y a donc lieu de soustraire à cette consommation celle relevée pour le gaz en considérant que l'installation était susceptible de produire 50 % des besoins en ECS. Il convient de condamner la société Otce Aquitaine à verser au CCAS de Dax 30 % de ce surcoût, soit la somme de 587,76 euros toutes taxes comprises. La subvention ADEME n'a pas lieu d'être prise en compte dans les autres préjudices dès lors qu'il n'est pas établi qu'en l'absence de désordres, cette prime aurait été versée.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

21. Le CCAS de Dax a droit aux intérêts au taux contractuel sur la somme de 43 975,58 euros (43 387,82 + 587,76) toutes taxes comprises à compter du 28 septembre 2020, date d'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal.

22. Le CCAS de Dax demande la capitalisation des intérêts. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 septembre 2021, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts et chaque année à la même date.

Sur les dépens :

23. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. () ".

24. Les frais d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme de 15 418,72 euros toutes taxes comprises. Il y a lieu, en application des dispositions précitées de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Otce Aquitaine à hauteur de sa part de responsabilité fixée à 30 % soit la somme de 3 083,74 euros toutes taxes comprises, le surplus est laissé à la charge du CCAS de Dax.

Sur les appels en garantie :

25. D'une part, la présente décision ne prononce aucune condamnation à l'encontre des sociétés Axima Concept, Energy Concept et la SAS Socotec Construction, par suite les conclusions d'appel en garantie qu'elles forment sont sans objet.

26. D'autre part, la responsabilité contractuelle de la société Otce Aquitaine à raison de son devoir de conseil en sa qualité de bureau d'études est reconnue, ce dernier n'est fondé à appeler en garantie ni la société Axima Concept qui a exécuté les travaux, ni la société Energy Concept qui a fourni le matériel ni la société Socotec Constrcution qui avait une mission de contrôle technique. Par conséquent les conclusions d'appel en garantie formées par la société Otce Aquitaine à l'encontre des autres participants à l'opération de travaux, qui ne sont pas des cotraitants sont rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Otce Aquitaine la somme de 1 500 euros à verser au CCAS de Dax au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de Dax une somme quelconque au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions du CCAS de Dax dirigées à titre subsidiaire contre la société Energy Concept, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle sont rejetées comme étant présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Axima Concept d'appel en garantie à l'encontre de la société Energy Concept sont rejetées comme étant présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : La société Otce Aquitaine est condamnée à verser la somme de 43 387,82 euros (quarante-trois mille trois cent quatre-vingt-sept euros et quatre-vingt-deux centimes) toutes taxes comprises au titre des travaux réparatoires et de la somme de 587,76 euros (cinq cent quatre-vingt-sept euros et soixante-seize centimes) toutes taxes comprises au titre des préjudices financiers, assorties des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2020 avec capitalisation à compter du 28 septembre 2021.

Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 15 418,72 euros (quinze mille quatre cent dix-huit euros et soixante-douze centimes) toutes taxes comprises, sont mis à la charge de la société Otce Aquitaine à hauteur de 30 %, soit la somme de 3 083,74 euros toutes taxes comprises.

Article 5 : La société Otce Aquitaine versera au CCAS de Dax la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée au centre communal d'action sociale de Dax, à la société Otce Aquitaine, à la société Axima Concept, à la société Energy Concept et à la SAS Socotec Construction.

Copie pour information en sera adressée à M. A, expert.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Sellès, présidente,

Mme Corthier, conseillère,

Mme Crassus, conseillère.

Rendue publique par mise à disposition au greffe le 15 avril 2024.

La rapporteure,

Signé

L. CRASSUS

La présidente,

Signé

M. SELLÈSLa greffière,

Signé

M. B

La République mande et ordonne à la préfète des Landes en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition :

La greffière,