TA Pau, 17/01/2024, n°2303273


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 21 décembre 2023 et les 5 et 15 janvier 2024, la société à responsabilité limitée Rollin See, représentée par Me Ruffié, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'enjoindre à la Communauté de communes des Grands Lacs de lui communiquer les informations sollicitées au titre de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique ainsi que le procès-verbal d'ouverture des plis, l'avis de la commission, le dossier de réponse de l'entreprise retenue ainsi que le bordereau des prix unitaires (BPU) et le détail quantitatif estimatif (DQE) complétés de l'entreprise retenue ;

2°) de sursoir à statuer dans l'attente de la production des documents sollicités ;

3°) à titre principal, d'annuler les décisions de rejet de son offre notifiées par la communauté de communes des Grands Lacs pour des prestations de rechargement en sable de la plage de Biscarosse et d'attribution du marché à la société Buesa Sas ;

4°) d'annuler la procédure d'attribution du marché pour des prestations de rechargement en sable de la plage de Biscarosse, ou à défaut d'enjoindre à sa reprise complète au stade de l'avis d'appel public à la concurrence ;

5°) à titre subsidiaire, de suspendre la procédure d'attribution du marché pour des prestations de rechargement en sable de la plage de Biscarosse, ou à défaut d'enjoindre sa reprise complète au stade de l'avis d'appel public à concurrence ;

6°) d'enjoindre à la Communauté de communes des Grands Lacs de procéder à la reprise de la procédure de publicité et de mise en concurrence du marché pour des prestations de rechargement en sable de la plage de Biscarosse et de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

7°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Grands Lacs la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- les motifs détaillés du rejet de son offre ainsi que les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ne lui ont pas été communiqués en dépit de sa demande et de la communication du rapport d'analyse des offres, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique ; la communication des documents sollicités ne porte pas atteinte au principe du secret industriel et commercial ;

- l'accord cadre de fournitures courantes et de services est en réalité un marché public de travaux ; le règlement de consultation au code principal Common Procurement Vocabulary (CPV) " 45243400-6 " concerne les travaux de consolidation des plages lequel renvoie à l'article L. 1111-2 du code de la commande publique ; le cahier des clauses techniques particulières fait référence aux travaux mis en œuvre et à leurs spécificités techniques ; les prestations sont rémunérées par l'application d'un nombre d'heures exécutées ; la pondération du prix des prestations est de 35 points contre 55 points pour la valeur technique ; la pondération des critères est irrégulière et a eu une incidence sur le classement des candidats ; le cahier des clauses techniques particulières est imprécis ; la société Rollin see n'a pas pu faire apprécier ses justes compétences dès lors que la rémunération n'est pas fondée sur les volumes de sable transportés ;

- la Communauté de communes des Grands Lacs a manqué à ses obligations de mise en concurrence dès lors que les modèles de matériels évoqués dans le cahier des clauses techniques particulières font référence à une marque ;

- la Communauté de communes des Grands Lacs ne pouvait solliciter les renseignements demandés au titre de la candidature et au titre de l'offre ;

- les critères de sélection des offres sont imprécis ;

- le titulaire sortant du marché a bénéficié d'un avantage dès lors qu'aucune mise en concurrence ne sera effectuée ultérieurement et que le critère relatif aux références ne pouvait pas constituer un élément spécifique dans l'appréciation de l'offre de la société Buesa Sas.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 2 et 11 janvier 2024, la Communauté de commune des Grands Lacs, représentée par Me Bouët, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Rollin See la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- elle ne méconnait pas les obligations d'information des candidats évincés dès lors que le rapport d'analyse des offres a été communiqué à la société Rollin see le 21 décembre 2023 à 9h43 ; elle peut refuser de communiquer le BPU et le DQE sur le fondement de la protection du secret des affaires ;

- la société Rollin see ne peut se prévaloir d'un manquement susceptible de l'avoir lésé ou de la léser ; l'imprécision des codes CPV n'est pas susceptible d'avoir lésée la société requérante dès lors que cette irrégularité se rapporte à une procédure antérieure à la sélection des offres ; il ne s'agit pas d'un marché de travaux dès lors qu'aucun ouvrage n'est construit et qu'il ne s'agit que de déplacer du sable ; la procédure de passation d'un marché de services est plus contraignante que celle relative à un marché de travaux ; l'offre de la société requérante n'a pas été déclarée irrégulière et sa candidature a été admise ; elle n'a pas intérêt à agir ;

- aucune marque n'est mentionnée dans le BPU ou dans un document de consultation ; la société Rollin n'apporte aucun élément caractérisant le lien entre ce manquement et le motif de rejet de son offre ; elle ne s'est pas limitée à proposer des véhicules de la marque Volvo ;

- la société n'établit pas avoir été lésée par la confusion entre l'analyse des candidatures et des offres ; l'ensemble des candidats aurait été lésé ; les éléments sont analysés dans un contexte différent ;

- si la société Rollin see avait obtenu la note maximale sur le critère relatif à la valeur technique elle n'aurait pas remporté le marché ; la société requérante a produit un mémoire technique de 73 pages contre 160 pages pour la société attributaire.

La requête et l'ensemble de la procédure ont été communiqués à la société Buesa Sas qui n'a produit aucune observation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme Sellès, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique tenue le 15 janvier 2024 à 14 heures 30 en présence de Mme Caloone, greffière d'audience :

- le rapport de Mme Selles ;

- les observations de Me Ruffié qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens développant l'avantage indu conféré à la candidature du titulaire sortant au détriment de l'analyse intrinsèque des offres ;

- et les observations de Me Bouët qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens répondant sur l'absence de favoritisme conféré au titulaire sortant au bénéfice de l'analyse de l'expérience des candidats sur les sites aux mêmes caractéristiques ;

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 28 octobre 2023 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, la Communauté de communes des Grands Lacs a lancé une procédure d'appel d'offres ouverts portant sur des prestations de rechargement en sable de la plage de Biscarosse. La société Rollin see a soumissionné en vue de l'attribution du marché. Toutefois, au terme de la procédure, la société Rollin a été informée du rejet de son offre par une lettre du 12 décembre 2023 et de l'attribution du marché à la société Buesa Sas. Par la présente requête, la société Rollin see demande au juge des référés précontractuels l'annulation, des décisions de rejet de son offre et d'attribution du marché à la société Buesa Sas ainsi que l'annulation et la suspension de la procédure de passation

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés précontractuels de se prononcer sur les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence incombant à l'acheteur, invoqués à l'occasion de la passation d'un contrat. En vertu de ces mêmes dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements de l'acheteur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

En ce qui concerne la communication des documents :

4. En premier lieu, la société Rollin See a, par une lettre du 20 décembre 2023, demandé à la Communauté de communes des Grands Lacs, en application de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique, de lui transmettre les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue. Toutefois, il n'entre pas dans l'office du juge des référés précontractuels tel que défini par l'article L. 551-1 du code de justice administrative d'enjoindre à titre principal, au pouvoir adjudicateur de fournir les éléments demandés par la société requérante dans son courrier du 20 décembre 2023. Par suite, les conclusions présentées en ce sens doivent être rejetées.

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Aux termes de l'article R. 2181-3 du même code, applicable aux marchés passés selon une procédure formalisée : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1 ". Aux termes de l'article R. 2181-4 de ce code : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : [] / 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ".

6. L'information sur les motifs du rejet de son offre et sur les caractéristiques de l'offre retenue dont est destinataire la société évincée en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de lui permettre de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge des référés précontractuels. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence, qui n'est cependant plus constitué si l'ensemble des informations requises a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue, dans le respect d'un délai suffisant pour lui permettre de contester utilement son éviction.

7. Il résulte de l'instruction que le courrier du 12 décembre 2023, adressé par la Communauté de communes des Grands Lacs à la société Rollin See pour lui notifier le rejet de son offre, précisait le nom de la société attributaire, les notes, globales et sur chacun des critères, mises à la société attributaire et à la société Rollin See, dont se déduisait également le classement de l'offre de la société requérante en deuxième position, et le délai de suspension de la signature du marché. Toutefois, le pouvoir adjudicateur a transmis, dans le cadre de son mémoire en défense enregistré le 2 janvier 2024 et communiqué dans un délai suffisant pour permettre à la société requérante de contester utilement son éviction, le détail des notations de la société Rollin see et de la société Buesa Sas pour chaque critère. Si cette communication ne comportait pas d'analyse littérale des avantages et des caractéristiques de l'offre retenue, elle permet, à la société requérante de bénéficier d'une information suffisante sur les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue par rapport aux caractéristiques de son offre pour lui permettre de contester utilement son éviction devant le juge administratif. Par ailleurs, et en tout état de cause, ces informations ont été complétées par la communication du rapport d'analyse des offres et du montant de l'offre retenue à la date à laquelle la juge des référés a statué sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la nature de la procédure mise en œuvre :

8. La société Rollin See soutient que le marché de services et de fournitures que la communauté de communes de grands Lacs a entendu passer est un marché de travaux, que les codes CPV utilisés dans l'avis d'appel public à la concurrence et dans le règlement de consultation ne sont pas cohérents. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante, dont la candidature a été admise et qui a présenté une offre correspondant à l'objet du marché, soit susceptible d'avoir été lésée ou risque d'être lésée par les irrégularités ainsi invoqués, qui se rapportent à une phase de la procédure antérieure à la sélection de son offre. Dans ces conditions, compte tenu de l'office du juge des référés précontractuels, la société Rollin See ne peut se prévaloir de tels manquements, à supposer qu'ils existent, à l'appui de sa requête, il s'ensuit qu'il y a lieu d'écarter ce moyen.

En ce qui concerne l'absence de distinction entre la phase de candidature et la phase d'analyse des offres :

9. La société Rollin See soutient que la communauté de communes des Grands Lacs a méconnu la séparation entre la phase de sélection des candidatures et celles de jugement des offres. Toutefois, si le pouvoir adjudicateur ne peut en principe se fonder sur des critères portant sur les capacités générales de l'entreprise qu'au stade de l'examen des candidatures, il lui est en revanche loisible de retenir au stade de l'examen de la valeur intrinsèque des offres, à la condition qu'ils soient non discriminatoires et liés à l'objet du marché, des critères relatifs aux moyens en personnel et en matériel affectés par le candidat à l'exécution des prestations mêmes font l'objet du marché, afin d'en garantir la qualité technique. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société requérante, la communauté de communes des Grands Lacs pouvait prévoir au stade de l'examen des offres la prises en considération des moyens humains. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté

En ce qui concerne l'imprécision des critères :

10. Aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. Les modalités d'application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire. / Les offres sont appréciées lot par lot. / Le lien avec l'objet du marché ou ses conditions d'exécution s'apprécie conformément aux articles L. 2112-2 à L. 2112-4 ". Aux termes de l'article L. 2152-8 du même code : " Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur et garantissent la possibilité d'une véritable concurrence. Ils sont rendus publics dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État ". L'article R. 2152-11 du même code dispose : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation ".

11. Il résulte des dispositions précitées que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire dès l'engagement de la procédure d'attribution. Le pouvoir adjudicateur est ainsi tenu d'informer les candidats dans les documents de consultation des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou hiérarchisation. S'il décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. En revanche, il n'est pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres lorsqu'il se borne à mettre en œuvre les critères annoncés.

12. En premier lieu, il ressort de l'article 7.2 du règlement du marché que les offres sont appréciées selon trois critères : " le prix des prestations ", pondéré à 35%, " la valeur technique ", pondérée à 55% lequel comprend trois sous-critères, 2.1 " Moyens humains et matériels ", 2.2 " Méthodologie et protocole d'action projetés pour la réalisation " et 2.3 " Références sur chantiers et milieux similaires ", respectivement pondérés à 20, 20 et 15%, et les " Performances en matière de protection de l'environnement " pondéré à 10%. La société Rollin soutient que la Communauté de communes Grands Lacs n'a pas défini avec précisions ses attentes s'agissant des trois sous-critères. Toutefois, des précisions étaient apportées, d'une part par le règlement de consultation, quant aux pièces et informations que devaient fournir les candidats pour l'appréciation de la valeur technique de l'offre, et d'autre part, par le cahier des clauses techniques particulières, qui donnait aux soumissionnaires des indications importantes sur les attentes du pouvoir adjudicateur relativement aux prestations à offrir. Ces précisions étaient suffisantes pour permettre aux candidats de formuler leur offre et d'identifier les éléments sur lesquels porteraient leur évaluation. Par ailleurs, et en tout état de cause, la société requérante n'allègue ni n'établit avoir saisie la Communauté de communes Grands Lacs de questions en vue d'obtenir des précisions sur la portée des sous-critères critiqués dans le cadre du présent recours, tandis que la société Buesa Sas n'a disposé d'aucune information supplémentaire sur les critères prévus par le règlement de consultation, de sorte que les deux sociétés se trouvaient dans une situation identiques en termes d'information sur les critères. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'imprécision des critères d'attribution.

En ce qui concerne la référence à des spécifications techniques :

13. Aux termes de l'article R. 2111-4 du code de la commande publique : " Les spécifications techniques définissent les caractéristiques requises des travaux, des fournitures ou des services qui font l'objet du marché. / Ces caractéristiques peuvent se référer au processus ou à la méthode spécifique de production ou de fourniture des travaux, des produits ou des services demandés ou à un processus propre à un autre stade de leur cycle de vie même lorsque ces facteurs ne font pas partie de leur contenu matériel, à condition qu'ils soient liés à l'objet du marché et proportionnés à sa valeur et à ses objectifs. ". Selon l'article R. 2111-7 du même code : " Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d'un mode ou procédé de fabrication particulier ou d'une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type lorsqu'une telle mention ou référence est susceptible de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. / Toutefois, une telle mention ou référence est possible si elle est justifiée par l'objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l'objet du marché n'est pas possible sans elle et à la condition qu'elle soit accompagnée des termes "ou équivalent". ". L'article R. 2111-11 du même code énonce que : " Lorsque l'acheteur formule une spécification technique par référence à une norme ou à un document équivalent, il ne peut pas rejeter une offre au motif que celle-ci n'est pas conforme à cette norme ou à ce document si le soumissionnaire prouve, par tout moyen approprié, que les solutions qu'il propose satisfont de manière équivalente aux exigences définies par cette norme ou ce document. / Lorsque l'acheteur formule une spécification technique en termes de performances ou d'exigences fonctionnelles, il ne peut pas rejeter une offre si celle-ci est conforme à une norme ou à un document équivalent correspondant à ces performances ou exigences fonctionnelles. Le soumissionnaire prouve, par tout moyen approprié, que cette norme ou ce document équivalent correspond aux performances ou exigences fonctionnelles définies par l'acheteur. ". Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu d'examiner si la spécification technique a ou non pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits, puis, dans l'hypothèse seulement d'une telle atteinte à la concurrence, si cette spécification est justifiée par l'objet du marché ou, si tel n'est pas le cas, si une description suffisamment précise et intelligible de l'objet du marché n'est pas possible sans elle.

14. La société Rollin see soutient que le pouvoir adjudicateur a porté atteinte aux obligations de mise en concurrence en restreignant l'accès au marché à l'utilisation de véhicules prédéterminés. Toutefois, si le BPU définissait pour le marché, les spécifications techniques attendues pour le chantier de rechargement en sable de la plage de Biscarosse, notamment la quantité d'engins minimum et maximum et faisait référence à des modèles d'engins, la référence à ces modèles était précédée de la mention " type ". Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que, la référence à des modèles précis ait eu pour effet d'éliminer les candidats qui n'étaient pas en mesure de présenter les véhicules prédéterminés mentionnés à titre indicatif dans le BPU dès lors que les candidats pouvaient présenter des véhicules répondant aux spécifications techniques ou avec des caractéristiques équivalentes. En outre, il résulte également de l'instruction que la mention de caractéristiques détaillées pour chaque véhicule était justifiée par l'objet du marché relatif au rechargement en sable de la plage de Biscarosse lequel s'inscrit dans une autorisation de rechargement en sable pluriannuelle pour un volume de sable moyen de 70 000 m3 à prendre en aval-dérive jusqu'en 2029. Par ailleurs, et en tout état de cause, la société requérante, qui est arrivée en deuxième position sur le critère de la valeur technique, a obtenu la note de 41 justifiée par la présentation d'une capacité de chargement de tombereaux supérieure aux seuils mentionnés dans le BPU et le cahier des clauses techniques particulières. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 2111-11 du code de la commande publique doit être écarté.

En ce qui concerne l'avantage accordé au titulaire sortant :

15. Aux termes de l'article R. 2152-7 du code de la commande publique : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : () / 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants : / a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; / b) Les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; / c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché. ()".

16. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

17. Il résulte de l'instruction que si le pouvoir adjudicateur s'est fondé, pour apprécier la valeur technique des offres des sociétés candidates, sur deux sous-critères, il n'apparait pas que la mise en œuvre de ces sous-critères aurait avantagé par principe la société Buesa Sas, titulaire sortant. De plus, s'agissant, d'une part, du sous-critère relatif à la " " méthodologie et protocole d'action projetés pour la réalisation " , le pouvoir adjudicateur a apprécié la capacité des chargements de tombereaux de 19 mètres cubes proposée par la société requérante, émettant des doutes sur leur capacité de chargement réel, supérieurs aux seuils mentionnés dans le BPU et le cahier des clauses techniques particulières compte tenu de la nature du matériau qui est du sable humide, ce qui aura une incidence sur le prix si la quantité n'est pas respectée. Parallèlement, la communauté de communes des Grands Lacs a apprécié la parfaite prise en considération des aspects sécurité et anticipation du risque de la société Buesa Sas, ces éléments ne sauraient révéler, à eux seuls, un avantage concédé à la société attributaire dans la mesure où les considérations de sécurité sont essentielles dans un marché relatif à la gestion du trait de côte. D'autre part, il ressort également du rapport d'analyse des offres que le pouvoir adjudicateur a effectivement pris en considération l'expérience du titulaire sortant sur le sous-critère " références sur chantiers et milieux similaires ", cette seule mention ne permet pas, à elle seule non plus, d'établir une rupture d'égalité entre les candidats, alors que l'expérience sur des sites identiques de la société requérante a été prise en considération avec un bémol sur la durée des interventions (seulement deux mois). Dans ces conditions, il ne ressort ni de la définition des sous-critères relatifs au critère technique que le pouvoir adjudicateur les ait déterminés en fonction uniquement d'une expérience antérieure impliquant une rupture d'égalité entre les candidats, ni du rapport d'analyse des offres qu'il les ait dénaturées en avantageant le titulaire sortant. Il s'ensuit que le moyen sera écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1du code de justice administrative par la société Rollin see doivent, par suite, être rejetées, ainsi consécutivement que celles à fin d'injonction.

Sur les frais de l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté de communes des Grands Lacs, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Rollin See la somme de 1500 euros à verser à la communauté de communes des Grands Lacs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Rollin See est rejetée.

Article 2 : La société Rollin See versera à la communauté de communes des Grands Lacs une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société à responsabilité limitée Rollin See, à la communauté de communes des Grands Lacs et à la société Buesa Sas.

Fait à Pau, le 17 janvier 2024

La juge des référés,

Signé

M. SELLESLa greffière,

Signé

M.CALOONE

La République mande et ordonne à la préfète des Landes en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition,

Le greffier,

Signé