TA Polynésie f, 13/01/2023, n°2201048
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 29 décembre 2022, complétée par un mémoire enregistré le 12 janvier 2023, la société Mardi8, représentée par la Selarl Froment-Meurice et Associés, demande au juge des référés :
1) d'annuler la décision en date du 19 décembre 2022 par laquelle l'établissement public à caractère industriel et commercial Grands Projets de Polynésie n'a pas retenu sa candidature présentée pour le lot n°28 " production des audiovisuels et des multimédias " du marché portant sur la construction d'un espace scénographique consacré à Paul Gauguin au sein du jardin botanique de Papeari ;
2) de mener une action en urgence, avant la signature du marché ;
3) de mettre à la charge de Grands Projets de Polynésie une somme de 150 000 F CFP à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Mardi8 soutient que :
- contrairement à ce qui lui a été opposé, elle a régularisé sa candidature avant le 7 novembre 2022 en produisant l'intégralité des documents complémentaires requis ;
- le contenu de son envoi du 4 novembre ne fait aucun doute : un document de 2,3 Mo et qui comptait 22 pages dont les différentes attestations de bonne exécution ; ces documents ont tous été signés et datés par les clients précédemment à la date d'envoi dudit document et la société requérante n'avait aucun intérêt à obtenir ces attestations dans les délais, les intégrer dans un document, pour au final ne pas les communiquer à l'établissement public ; étant une société renommée elle n'avait aucune difficulté à obtenir ces attestations ;
Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2023, Grands Projets de Polynésie conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Mardi8 une somme de 200 000 FCFP à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Grands Projets de Polynésie soutient que :
- le règlement de la consultation imposait notamment en son article 11 de produire un dossier complet sous peine de rejet de la candidature ou de l'offre ; si a été offerte au candidat la possibilité de régulariser sa candidature en vertu de l'article LP 235-1, I, alinéa 1, du code polynésien des marchés publics, la requérante a transmis un complément de régularisation, par un document pdf d'une taille de 1Mb, par courriel en date du 04 novembre 2022, qui ne comportait pas les attestations de bonne exécution demandées lors de la demande de régularisation du 24 octobre 2022, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de la commission d'appel d'offres du 13 décembre 2022 ; la candidature étant irrégulière car ne comportant pas les documents expressément demandés par le règlement de consultation, Grands Projets de Polynésie était contraint de la rejeter ;
- la pièce n°3 jointe à la requête pour tenter de justifier avoir régularisé dans le délai prescrit la candidature fait une taille de 2 Mb et comporte 22 pages alors que la pièce jointe au courriel de régularisation du 04 novembre 2022 ne mesure que 1 Mb et comporte uniquement 13 pages ; la requérante produit ainsi sciemment un faux document qui ne pourra qu'être écarté par la juridiction ;
La procédure a été communiquée à la société Sarl Clap35.
Par une ordonnance en date du 29 décembre 2022, le juge des référés a suspendu l'exécution du contrat jusqu'au 18 janvier 2023.
Après avoir entendu lors de l'audience publique du 12 janvier 2023 à 10h00 M. Devillers juge des référés en son rapport, Me Lavoye pour la société Mardi8 et M. A pour Grands Projets de Polynésie.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code polynésien des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L.551-24 du code de justice administrative : " () en Polynésie française (), le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés et contrats publics en vertu de dispositions applicables localement. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le haut-commissaire de la République dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. / Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. ".
2. La société Mardi8 a déposé auprès des services de Grands Projets de Polynésie (G2P) une offre pour le lot n°28 " production des audiovisuels et des multimédias " du marché portant sur la construction d'un espace scénographique consacré à Paul Gauguin au sein du jardin botanique de Papeari. Par un courriel réceptionné le 28 octobre 2022, l'établissement lui a demandé de régulariser sa candidature avant le 7 novembre 2022 en produisant les documents complémentaires suivants : une déclaration sur l'honneur (LC3) avec la mention " Déclaration certifiée sincère et véritable " et, pour elle et ses cotraitants, les justifications relatives aux capacités techniques et professionnelles du candidat comprenant des attestations de bonne exécution pour les travaux les plus importants ainsi que les titres d'études. Le 19 décembre, Grands Projets de Polynésie a informé la société Mardi8 de ce que sa candidature ne pouvait être retenue, n'ayant pas été fournies, dans le délai prescrit, les attestations de bonne exécution pour les travaux les plus importants, mais seulement deux attestations signées par le dirigeant de la société requérante. La société Mardi8 soutient que, par cette décision, Grands Projets de Polynésie méconnaît ses obligations de publicité et de mise en concurrence dès lors qu'elle a bien fourni dans le délai prescrit, le 4 novembre 2022, les justificatifs réclamés.
3. Aux termes de l'article 11.1 du règlement de la consultation du marché : " Constitution du dossier de candidature. Conformément aux articles A. 233-1 et suivants du Code Polynésien des Marchés Publics, le candidat devra fournir les documents suivants le concernant, ainsi que l'ensemble des opérateurs économiques sur lesquels il entend s'appuyer : () C - Les justifications relatives aux capacités techniques et professionnelles du candidat (Article A. 233-2 du CPMP) Liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années, appuyée d'attestations de bonne exécution pour les travaux les plus importants. Ces attestations indiquent le montant, l'époque et le lieu d'exécution des travaux et précisent s'ils ont été effectués selon les règles de l'art et menés régulièrement à bonne fin () ".
4. La société Mardi8 expose avoir fourni, dans le délai accordé pour la régularisation de sa candidature, les attestations requises par le règlement de la consultation et produit, à ce titre, une copie de l'avis d'émission de son courriel du 4 novembre 2022, montrant une pièce jointe d'une capacité de 2,3 Mo, ainsi qu'une copie du document correspondant, comportant 22 pages dont de nombreuses attestations de bonne exécution. Grands Projets de Polynésie y oppose, également copies à l'appui, que la pièce qui a été réceptionnée par ses services, jointe au courriel de régularisation du 4 novembre 2022, n'a qu'une capacité d'1 Mb et comporte uniquement 13 pages, à l'exclusion des attestations de bonne exécution sollicitées lors de la demande de régularisation du 24 octobre 2022. A l'audience, le représentant de l'établissement public montre au juge des référés et à la partie adverse, au moyen d'un ordinateur du service, le courriel reçu de la société Mardi8 le 4 novembre 2022 sur la messagerie du bureau des marchés, dont il ressort que le document joint à ce courriel a une capacité d'1Mb. Dans ces circonstances, il ne peut être considéré que c'est à tort que Grands Projets de Polynésie, ayant ainsi constaté le non-respect des exigences du règlement de la consultation rappelées au point 3, lesquelles n'apparaissent pas dépourvues d'utilité, a rejeté la candidature de la société Mardi 8 par la décision en date du 19 décembre 2022.
5. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et alors que G2P ne justifie pas avoir supporté de frais spécifiques à l'occasion de la présence procédure, de faire droit à ses conclusions présentées sur ce fondement.
ORDONNE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Grands Projets de Polynésie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Mardi8, à Grands Projets de Polynésie et à la Sarl Clap35.
Fait à Papeete, le 13 janvier 2023.
Le juge des référés,
Pascal Devillers
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Un greffier,