TA St Martin, 10/07/2023, n°2100045

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 avril 2021, le 13 décembre 2021 et le 30 mars 2023, M. A B, représenté par Maître Laurent Frölich, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la délibération en date du 11 février 2021 par laquelle le conseil territorial de Saint-Martin a adopté un avenant n°2 à la convention de délégation de service public sous forme de concession, relative à la gestion de l'aéroport de Grand-Case, signé le 4 avril 2011 avec la société SNC Lavalin (désormais " EDEIS ") ;

2°) de mettre à la charge de la Collectivité d'outre-mer de Saint-Martin une somme de 5 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est recevable ;

- la délibération méconnait le droit d'être informé des élus : en ce que :

- l'avis de la commission consultative économique en date du 8 janvier 2019 n'a pas été transmis aux conseillers territoriaux préalablement au vote ;

- l'avis de la commission de délégation de service public n'a pas été communiqué aux membres de l'assemblée délibérante préalablement au vote en méconnaissance de l'article L. 1411-6 du code général de collectivités territoriales ;

- le business plan établi au mois d'octobre 2020 n'a pas été transmis aux élus avant le vote ;

- elle est irrégulière en ce qu'elle méconnait les dispositions des articles R. 3135-3, R. 3135-7 et R. 3135-8 du code de la commande publique en ce que les modifications du contrat sont substantielles : la durée de la concession a augmenté de plus de 20 % de la durée du contrat initial, le montant des investissements a augmenté de 82,41 % l'excédent brut d'exploitation a augmenté de 13,52 % soit au-delà du seuil de 10 % ;

- les travaux d'entretien, de nettoyage et de renouvellement visés dans l'avenant (re-surfaçage des chaussées, assainissement et balisage diurne et nocturne) sont prévus par la convention de délégation de service public ; l'avenant fait irrégulièrement pesé la charge des travaux sur le délégant alors que la convention de délégation de service public prévoit que les travaux sont à la charge du délégataire ;

- la délibération permet d'augmenter le montant de la convention initiale de 50 % par rapport à la convention initiale.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 octobre 2021, le 3 mars 2022 et le 17 avril 2023, la Collectivité de Saint-Martin, représentée par la SELARL Genesis Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que le recours est formé contre l'avenant n° 2 qui n'a pas pour objet de modifier substantiellement l'équilibre économique du contrat et ne peut donc s'analyser comme un nouveau contrat, le requérant ne pouvant en conséquence en demander la résolution sur le fondement de la jurisprudence Tarn et Garonne ;

- à titre subsidiaire, les moyens de la requête soulevés par M. B ne sont pas fondés.

Par un courrier du 24 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que le jugement est susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public, relevé d'office, tiré l'irrecevabilité d'un recours en excès de pouvoir à l'encontre d'une délibération approuvant l'avenant d'une convention.

Un mémoire présenté par M. B a été enregistré le 30 mars 2023 et a été communiqué.

Un mémoire présenté par la collectivité de Saint-Martin a été enregistré le 17 avril 2023 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance : / () / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (). ".

2. Par délibération du 11 février 2021, la collectivité de Saint-Martin a adopté un avenant n°2 à la convention de délégation de service public sous forme de concession relative à la gestion de l'aéroport de Grand-Case signé, le 4 avril 2011 à la société SNC Lavalin (désormais " EDEIS "). Par la présente requête, M. B demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération.

3. Ainsi que l'a dit pour droit le Conseil d'Etat dans la décision du 4 avril 2014 n° 358994, indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini, qui s'exerce à l'encontre des contrats signés à compter du 4 avril 2014.

4. La décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que la voie de recours définie ci-dessus, dont la mise en œuvre conditionne la contestation des contrats initiaux comme celle des avenants, trouve à s'appliquer, selon les modalités précitées et quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers, à l'encontre des contrats signés, à compter de la lecture de cette même décision.

5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'avenant dont il s'agit a été conclu en 2020. Il en résulte que tant ce contrat que la délibération l'approuvant n'étaient susceptibles d'être contestés que par la voie du recours de plein contentieux défini au 3 ci-dessus. Dans ces conditions les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 11 février 2021 sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées en application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Collectivité de Saint-Martin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B, une somme de 500 euros, au titre des frais exposés par la Collectivité de Saint-Martin.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : M. B versera à la collectivité de Saint-martin une somme de 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B, à la Collectivité de Saint-Martin et au préfet de la Guadeloupe.

Fait à Basse-Terre, le 10 juillet 2023.

Le président,

Signé :

S. GOUÈS

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

L'adjointe à la greffière en chef

Signé :

A. Cétol