TA Toulouse, 01/06/2023, n°2206944

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 2 décembre 2022, 18 janvier et

3 février 2023, la société Bibaut Environnement, représentée par Me Coussy, demande au juge des référés :

1°) de condamner, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la commune de Toulouse, à lui payer une somme de 28 200 euros TTC, augmentée des intérêts de droit, à compter de la facture du 12 juillet 2022 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a signé un accord-cadre avec la commune de Toulouse, intitulé " travaux de curage de la Garonne, des cours d'eau, lacs et plans d'eau années 2020 à 2023 ", dont le premier lot est intitulé " Garonne et cours d'eau " ;

- par courriels des 5, 11, 15 et 19 avril, et 3 mai 2022, la commune de Toulouse lui a demandé d'intervenir hors marché pour des travaux de désensablement d'un ponton ;

- elle a adressé le 3 mai 2022 un devis à la commune,

- le devis indique que les prix appliqués sont établis sur la base des coûts des matières premières, carburants, impôts et taxes en vigueur, toute hausse pourra être répercutée sur les prix y compris en cours de prestation et ajoute que la prestation nécessite un bon de commande signé ou le présent devis daté et signé avec la mention "Bon pour accord" ;

- il ressort du devis qu'elle n'a pas entendu appliquer les prix du BPU ;

- en édictant son bon de commande le 24 mai 2022, la collectivité s'est référée au devis ;

- les travaux ont été réalisés et la facture a été adressée par le système Chorus, qui l'a rejetée ;

- la facture fait référence au marché, parce que le bon de commande a également mentionné ces références ;

- elle détient une créance non sérieusement contestable ;

- différents échanges avec la collectivité confirment qu'elle entendait s'affranchir du marché, compte tenu de l'urgence à intervenir notamment, puisqu'à aucun moment elle ne délivre d'ordre de service, mais bien un simple bon de commande, comme c'est toujours le cas dans un marché de gré à gré ;

- établir une nouvelle facture constituerait un faux ;

- sa facture ne devait pas comporter toutes les mentions exigées par l'article D. 2192-2 du code de la commande publique, puisqu'elle ne s'inscrivait pas dans l'exécution d'un marché.

Par deux mémoires en défense en date du 21 décembre 2022 et su 1er février 2023, la commune de Toulouse conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de la société Bibaut Environnement sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'accord-cadre s'exécute dans le cadre d'un groupement de commandes, dont le principe est prévu à l'article L. 2113-6 du code de la commande publique ;

- le service des Sports a bien précisé lors de sa demande de devis, par courriel en date du 16 février 2022, que cette prestation se ferait dans le cadre du marché ;

- au cours des échanges, le service a également indiqué avoir estimé la quantité de limon à enlever à 200m3, ce que la société devait vérifier et confirmer, ceci implicitement mais incontestablement dans le but de pouvoir appliquer les prix du BPU à ces quantités ;

- pour autant ni le devis, ni le bon de commande ne font référence à des quantités et aux prix unitaires du BPU ; ces deux documents établissent un montant total de prestations à 23 500 euros alors qu'en appliquant les prix unitaires du BPU aux quantités estimées, l'on parvient à un montant total de 23 765 euros ; en établissant son bon de commande sur la base du devis transmis par l'entreprise sans vérifier la conformité du montant total au regard des prix du BPU, la commune a certes commis une erreur ;

- néanmoins, les pièces du marché prévalent sur le bon de commande (article 2 du CCAP) ;

- la demande de paiement a été rejetée une première fois parce que les lignes du BPU n'apparaissaient pas sur la facture ;

- la facture n'est pas conforme à l'article D. 2192-2 du code de la commande publique ;

- ce refus permet à la société de réclamer des intérêts depuis le 22 juillet 2022 ;

- la demande d'intérêts est infondée car la société refuse d'émettre une facture conforme ;

- elle a transmis un modèle de facture à la société avec un total TTC de 28 518 euros ;

- en payant la facture la commune se mettrait en infraction.

Vu les autres pièces du dossier.

Par ordonnance en date du 18 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au

3 février 2023.

La présidente du tribunal a désigné Mme Wolf, présidente honoraire, pour statuer sur les demandes de référé.

Vu :

- le code de la commandé publique ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 juin 2020, la métropole de Toulouse a attribué le lot n°1 " travaux de curage de la Garonne, des cours d'eau, lacs et plans d'eau années 2020 à 2023 ", à la société Bibaut Environnement, au titre d'un accord-cadre, qui devait donner lieu à l'émission de bons de commandes pour des travaux à réaliser chaque année entre le 15 janvier et le 15 mars et le

1er septembre et le 30 octobre. Le 16 février 2022, un cadre de la direction des sports et bases de loisirs de Toulouse Métropole a pris contact avec la société Bibaut Environnement, " dans le cadre du marché ", pour des travaux de désensablement du ponton de l'émulation nautique et demandé un devis. La société Bibaut Environnement a envoyé un devis de 28 200 euros TTC à cet interlocuteur le 3 mai 2022, sans faire référence au bordereau des prix unitaires de l'accord-cadre, et qui indiquait " nos prix sont établis sur la base des coûts des matières premières, carburants, impôts et taxes en vigueur, toute hausse pourra être répercuté sur les prix y compris en cours de prestation ". Le bon de commande a été signé par la commune de Toulouse, qui a constitué avec la métropole de Toulouse un groupement de commandes. Mentionnant les références de l'accord-cadre, il renvoyait simplement au devis. Après avoir exécuté les travaux, la société Bibaut Environnement n'en obtenant pas le paiement, au motif que la facture, qui reprenait les mentions du bon de commande, ne faisait pas référence aux prix unitaires du BPU, demande au juge des référés de condamner la commune de Toulouse à lui payer une somme provisionnelle de 28 200 euros TTC.

Sur la provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code justice administrative : "Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

3. En l'espèce, si le premier interlocuteur de la société Bibaut Environnement a fait référence au " marché " lorsqu'il a pris contact avec cette société pour réaliser les travaux de désensablement du ponton de l'émulation nautique, il résulte de l'instruction que le bon de commande, signé par la commune de Toulouse, tout en visant les références de l'accord-cadre a purement et simplement validé le devis de la société Bibaut Environnement bien que son détail s'écartait du bordereau des prix unitaires de l'accord-cadre. Par ailleurs, la commune de Toulouse ne critique pas tant le montant de la facture, que sa forme, puisqu'elle a proposé à la société Bibaut Environnement d'établir une nouvelle facture d'un montant de 28 518 euros TTC, dont le détail reprenait les prix du BPU, mais pas la consistance exacte des travaux réalisés par la requérante.

4. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors qu'il n'existe aucun désaccord sur l'exécution des travaux, ni sur leur coût, la créance de la société Bibaut Environnement qui se fonde sur un bon de commande, dont il ne résulte pas qu'il aurait été obtenu dans des conditions frauduleuses, n'est pas sérieusement contestable.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la commune de Toulouse à verser à la société Bibaut Environnement une somme de 28 200 euros TTC.

6. La société Bibaut Environnement a droit aux intérêts moratoires, non pas à compter du 12 juillet 2022, date du dépôt de sa facture dans le portail Chorus, mais à compter du 31ème jour suivant cette date, en application de l'article R. 2192-10 du code de la commande publique. La somme de 28 200 euros doit donc être majoré des intérêts moratoires décomptés dans ces conditions.

Sur les frais du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Bibaut Environnement, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, à verser à la commune de Toulouse. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 1 000 euros à verser à la société Bibaut Environnement sur le même fondement.

O R D O N N E :

Article 1er : La commune de Toulouse est condamnée à verser à la société Bibaut Environnement une provision d'un montant de 28 200 euros, majorée des intérêts moratoires, à compter du 31ème jours suivant la réception le 12 juillet 2022, de sa facture.

Article 2 : La commune de Toulouse versera à la société Bibaut Environnement une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Bibaut Environnement et à la commune de Toulouse.

Fait à Toulouse, le 1er juin 2023.

La juge des référés,

A. Wolf

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

la greffière en chef,

ou par délégation la greffière,