TA Toulouse, 02/05/2023, n°2301608

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 mars 2023 et le 20 avril 2023, la société Institut supérieur des communications de l'avenir (Linguapole - Le challenge des langues), représenté par Me Magrini, demande au juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure de consultation lancée par l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) en vue de la passation d'un accord-cadre portant sur la fourniture de prestations d'enseignement dans le domaine de l'anglais au bénéfice des élèves et stagiaires de l'école en tant qu'elle a abouti à l'attribution des lots n° 1 et n° 2 ;

2°) de mettre à la charge de l'ENAC la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-sa requête est recevable ;

-elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

-la société attributaire ne dispose pas des capacités financières suffisantes pour exécuter le marché et sa candidature aurait donc dû être écartée ;

-l'attributaire ne dispose pas des moyens humains nécessaires pour assurer les prestations sollicitées dans le cadre des lots n° 1 et n° 2 ;

-ces manquements ont été de nature à la léser.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2023, l'école nationale de l'aviation civile, représentée par Me Herrmann, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société Institut supérieur des communications de l'avenir la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

-la requête est irrecevable dès lors que l'intention de la société Institut supérieur des communications de l'avenir est en réalité de contester le choix opéré par l'autorité adjudicatrice et d'inviter le juge du référé précontractuel à se prononcer sur les mérites respectifs des offres ;

-faute de démontrer la présence de clauses discriminatoires à son encontre au sein du dossier de consultation, et alors que les sociétés ayant concouru étaient parfaitement en mesure de répondre aux conditions de l'appel d'offres, la demande présentée par la société requérante excède manifestement les pouvoirs conférés au juge du référé précontractuel par les dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ;

-la société requérante ne démontre pas en quoi elle aurait été lésée dans l'examen de ses offres pour les deux lots et ne justifie dès lors pas d'un intérêt à agir ;

-à titre subsidiaire, l'évaluation des capacités de la société Focal point, à qui ont été attribués les lots litigieux, a été effectuée au vu des pièces qu'elle a produites et la société requérante n'établit pas ses allégations selon lesquelles ces capacités financières et techniques seraient insuffisantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2023, la société Focal point, représentée par Me Lévy, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Institut supérieur des communications de l'avenir la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la société requérante n'établit pas ses allégations selon lesquelles ces capacités financières et techniques seraient insuffisantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a délégué M. A, en application des articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, pour statuer sur les référés précontractuels.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 20 avril 2023, en présence de Mme Tur, greffière d'audience :

-le rapport de M. A,

-les observations de Me Dupuy de Goyne substituant Me Magrini, représentant la société Institut supérieur des communications de l'avenir, qui a repris ses écritures et a soulevé deux nouveaux moyens tirés de ce que l'ENAC ne lui a pas communiqué les motifs détaillés du rejet de ses offres et qu'elle n'a pas précisé, dans les documents de consultation, la méthode de notation des prix en ne distinguant pas le volume respectif des cours collectifs et individuels, ce qui ne lui a pas permis de présenter des offres appropriées,

-les observations de Me Herrmann, représentant l'école nationale de l'aviation civile, qui a repris ses écritures en précisant notamment que les marchés en cause sont des marchés à bons de commande, que le cahier des clauses particulières prévoyait un maximum et que l'appréciation a été faite sur le coût horaire des différentes prestations,

-et les observations de Me Amri, substituant Me Levy, représentant la société Focal point, qui a repris ses écritures.

La clôture de l'instruction a été différée au 24 avril 2023.

Par un nouveau mémoire enregistré le 20 avril 2023, la société Institut supérieur des communications de l'avenir conclut aux mêmes fins que sa requête.

Elle soutient en outre que :

-il incombe à l'ENAC d'établir que la société attributaire disposait bien des ressources financières suffisantes pour exécuter les marchés dès lors qu'elle n'est elle-même pas en mesure d'obtenir le formulaire DC2 produit par cette société ;

-seul le chiffre d'affaires sur les trois dernières années était demandé aux candidats pour permettre à l'acheteur d'apprécier les capacités financières des candidats et sauf à méconnaître le principe d'égalité, l'ENAC n'avait pas à tenir compte des marchés ultérieurs attribués à la société Focal point, et ce, encore moins au stade de la négociation des offres alors que l'analyse des candidatures était déjà terminée ;

-en tout état de cause, l'analyse des capacités financières s'effectue au regard d'éléments concrets, à savoir les chiffres d'affaires passés, et non pas en tenant compte de résultats potentiels ;

-alors que pour chacun des lots n° 1 et n° 2, le règlement de consultation prévoit que le chiffre d'affaires des candidats doit être deux fois plus important que le montant du marché, la société Focal point ne pouvait, au vu du dernier chiffre d'affaires connu réalisé sur l'exercice 2020, faire une proposition financière sauf à ce qu'il s'agisse d'une offre anormalement basse ;

-le calcul de l'offre financière maximale des candidats est impossible dès lors que l'ENAC ne distingue pas le volume des cours collectifs par rapport aux cours individuels alors même que les tarifs horaires ne sont pas les mêmes ;

-la société Focal point a entrepris de débaucher ses collaborateurs, ce qui laisse apparaître qu'elle ne disposait pas du personnel nécessaire pour exécuter les lots litigieux ;

-en cours de procédure juste avant la tenue des négociations, l'ENAC a adressé à la société Focal point certains bons de commandes qui avaient été émis à son intention dans le cadre de l'exécution du marché en cours, donnant à cette société des indications sur les tarifs qu'elle proposait et lui permettant de calibrer son offre financière, ce qui a été de nature à compromettre le libre jeu de la concurrence et par suite à la léser ;

-l'ENAC a méconnu les dispositions des articles R. 2181-2 à R. 2181-4 du code de la commande publique dès lors que, malgré sa demande, elle ne lui a pas communiqué les motifs de rejet de son offre et en particulier ne l'a pas informée du montant de l'offre financière faite par la société Focal point, ce qui la prive de la possibilité de comprendre son classement en 2ème position sur le critère du prix, tant sur le lot n° 1 que sur le lot n° 2.

Par un nouveau mémoire en défense enregistré le 24 avril 2023, l'ENAC maintient ses écritures.

Elle fait en outre valoir que :

-il ressort du dossier de candidature déposé par la société Focal point que son chiffre d'affaires annuel hors taxe lui permettait de présenter des offres pour les lots n° 1 et n° 2 en total respect des prescriptions du règlement de la consultation en son article 6 et au vu de l'estimation maximale qu'elle a établie pour chacun des lots ;

-contrairement à ce qu'allègue la société requérante, elle a suffisamment défini ses besoins dès lors que, d'une part, les prestations attendues donnent lieu à un accord-cadre à bons de commande sans volume minimum mais un volume maximum annuel conformément à l'article R. 2162-4 du code de la commande publique, d'autre part, l'article 2 du cahier des clauses particulières précisait clairement la nature distincte des cours collectifs et individuels, appelant des propositions de prix propres à l'une et l'autre de ces prestations, ce qu'au demeurant a effectivement fait la société Institut supérieur des communications de l'avenir (Linguapole - Le challenge des langues) ;

-s'agissant des moyens humains, il ressort des offres émises notamment par la société Focal point que ses ressources étaient largement suffisantes pour exécuter les prestations attendues, sachant que tant cette société que la société requérante délivrent depuis plusieurs années à son bénéfice des prestations linguistiques ;

-c'est par totale inadvertance, dans le contexte de la prolongation des marchés linguistiques antérieurs détenus tant par la société Focal point que par la société Institut supérieur des communications de l'avenir que l'allongement du délai de consultation initialement prévu a rendu nécessaire, qu'elle a transmis en février 2023 au gérant de la première de ces deux sociétés des bons de commande pour des prestations spécifiques qui étaient en réalité destinés à la seconde, et cette erreur ponctuelle a été sans incidence sur la procédure en litige ;

-le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 2181-2 à R. 2181-4 du code de la commande publique manque en fait dans la mesure où ont été communiqués à la société requérante le détail de la notation de son offre, le nom du candidat retenu, le montant de son offre et les notes qui lui ont été attribuées ainsi que des éléments de comparaison entre les deux offres et les compléments qu'elle a sollicités dans son courrier daté du 23 mars 2023 relèvent des documents relatifs à l'examen des offres, qui sont des documents préparatoires et qui n'avaient vocation ni à être demandés ni à être communiqués.

Par un dernier mémoire enregistré le 24 avril 2023, la société Institut supérieur des communications de l'avenir persiste dans ses écritures.

Elle ajoute que :

-elle ne comprend pas la méthode de notation utilisée par l'ENAC et le manque de précision quant aux volumes des cours individuels et collectifs, le bordereau n'en faisant notamment pas état, ne lui a pas permis de proposer sa meilleure offre financière ;

-elle avait alerté l'ENAC de cette difficulté dans le cadre des questions réponses et sollicité des explications sur la méthode de calcul de l'offre finale ;

-il apparaît que, pour noter le critère prix des offres, l'ENAC a entendu se baser sur le taux horaire des prestations par addition des prix unitaires des cours individuels et collectifs, puis de les multiplier par le volume donné, méthode invalidée par la jurisprudence ;

-au vu des prix ressortant du bon de commande produit dans l'instance par la société Focal point elle-même, son offre pour le lot n° 2 aurait dû être classée en première position sur le critère du prix.

Par un mémoire enregistré le 26 avril 2023, la société Focal point maintient ses écritures.

Elle fait en outre valoir que :

-elle dispose bien des moyens humains suffisants pour l'exécution des marchés en cause, certains des intervenants qu'elle propose étant à ce jour encore auto-entrepreneurs, mais pourront être engagés avec un contrat à durée indéterminée intermittent ou un contrat à durée indéterminée dès l'attribution définitive du marché ;

- en tout état de cause, les prestations qu'elle assure aujourd'hui au sein de l'ENAC et hors marché pour les lots litigieux démontrent sa capacité à honorer les prestations pour lesquelles elle a été choisie ;

-les prises de contact qu'elle a effectuées avec les formateurs cités par la société requérante ne visaient pas tant à augmenter les effectifs de celle-ci qu'à assurer une continuité pour les personnes chargées d'assurer les enseignements de langue anglaise, ces pratiques étant fréquentes dans le milieu de la formation en langues d'autant plus lorsque les enseignants sont sous le statut d'autoentrepreneurs.

Par un ultime mémoire en défense enregistré le 27 avril 2023, l'ENAC maintient ses écritures.

Elle ajoute que :

-la demande de prix horaires pour les trois prestations pédagogiques et linguistiques sollicitées dans les lots n° 1 et n° 2 est par définition indépendante des volumes dont le maximum a été indiqué et elle a clairement fait savoir que le montant horaire était l'information primordiale ;

-antérieurement et postérieurement à la phase de négociation, la société requérante a toujours présenté des prix horaires pour les cours collectifs, les cours individuels et les tâches connexes, supérieurs en valeur à ceux présentés par la société Focal point, ce alors-même qu'elle était attributaire du lot n° 1 depuis 2018.

L'ENAC a remis au greffe du tribunal, sur le fondement et dans les formes prévues par les dispositions des articles R. 412-2-1 et R. 611-30 du code de justice administrative, des pièces qu'elle a indiqué être couvertes par le secret des affaires, soit le DC2 établi par la société Focal point, les mémoires techniques produits par cette société pour les lots n° 1 et n° 2 ainsi que le rapport d'analyse technique et financière, et a demandé que ces pièces soient soustraites au contradictoire.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence, l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) a lancé une consultation en vue de la passation d'un accord-cadre portant sur la fourniture de prestations d'enseignement dans le domaine de l'anglais au bénéfice des élèves et stagiaires de l'école. La société Institut supérieur des communications de l'avenir (Linguapole - Le challenge des langues) a candidaté pour les lots n° 1 et n° 2 de cette consultation. Par un courrier en date du 16 mars 2023, l'ENAC l'a informée d'une part du rejet de ses offres, d'autre part de la désignation comme attributaire des deux marchés de la société Focal point. Par la présente requête, la société Institut supérieur des communications de l'avenir demande au juge des référés, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, d'annuler la procédure de consultation en tant qu'elle a abouti à l'attribution des lots n° 1 et n° 2.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " I. - Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. ". L'article L. 551-10 prévoit que : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat ou à entrer au capital de la société d'économie mixte à opération unique et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas où le contrat doit être conclu par une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou un établissement public local. () ".

3. Il appartient au juge des référés, saisi en vertu des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de manière suffisamment vraisemblable de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique :

4. L'article L. 2181 du code de la commande publique pose comme principe que : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". L'article R. 2181-1 de ce code dispose que : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. ". L'article R. 2181-3 du même code énonce que : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1. ". Enfin les dispositions de l'article R. 2181-4 de ce code prévoient que : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : () / 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue. ".

5. L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations, mentionnées aux articles du code de la commande publique précités, a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

6. En l'espèce, il ressort des énonciations de la lettre 16 mars 2023 par laquelle l'ENAC a informé la société Institut supérieur des communications de l'avenir du rejet de ses offres dans le cadre de la consultation en litige qu'elle fait mention, d'une part, du nom de la société attributaire pour les deux lots concernés, des notes qu'elle a obtenues pour chaque critère et sa note totale ainsi que le montant de l'offre retenue, d'autre part, des motifs pour lesquels elle n'a pas été retenue ainsi que des notes qu'elle a elle-même obtenues pour l'ensemble des critères et sa note totale, et fait également état de son classement au terme de l'analyse des offres, soit en deuxième place pour chacun des deux lots. L'ENAC a ainsi fourni à la société requérante les informations respectivement visées par les articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique et les explications qui lui ont été apportées étaient suffisamment claires pour être comprises et pour lui permettre de contester utilement le rejet qui lui est opposé.

En ce qui concerne les capacités financières du groupement attributaire :

7. Aux termes de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. ". Aux termes de l'article R. 2142-1 du même code : " Les conditions de participation à la procédure de passation relatives aux capacités du candidat mentionnées à l'article L. 2142-1, ainsi que les moyens de preuve acceptables, sont indiqués par l'acheteur dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt ou, en l'absence d'un tel avis ou d'une telle invitation, dans les documents de la consultation. ". Aux termes de l'article R. 2143-3 de ce code : " Le candidat produit à l'appui de sa candidature : / () 2° Les renseignements demandés par l'acheteur aux fins de vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles du candidat. ". L'article R. 2144-1 de ce code prévoit que : " L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, y compris en ce qui concerne les opérateurs économiques sur les capacités desquels le candidat s'appuie. Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles R. 2144-3 à R. 2144-5. ".

8. Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public. Les documents ou renseignements exigés à l'appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser. Le juge du référé précontractuel ne peut censurer l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les niveaux de capacité technique exigés des candidats à un marché public, ainsi que sur les garanties, capacités techniques et références professionnelles présentées par ceux-ci que dans le cas où cette appréciation est entachée d'une erreur manifeste.

9. En l'espèce, il n'apparaît pas, à l'examen du contenu du DC2 établi par la société Focal point, produit dans l'instance par l'ENAC et soustrait au contradictoire conformément aux dispositions des articles R. 412-2-1 et R. 611-30 du code de justice administrative, que le pouvoir adjudicateur aurait commis une erreur manifeste en estimant que cette société justifiait des capacités financières et des moyens humains suffisants pour l'exécution des lots n° 1 et n° 2 de l'accord-cadre en cause.

En ce qui concerne la méthode de notation :

10. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

11. En l'espèce, il ressort tant du règlement de consultation que des échanges d'informations durant la procédure de passation ou encore des écritures en défense, que le pouvoir adjudicateur a entendu apprécier les offres au regard du critère prix au vu des seuls montants horaires proposés par les candidats pour chacune des trois prestations pédagogiques et linguistiques sollicitées dans l'un et l'autre des lots n° 1 et n° 2, soit notamment les prix des cours collectifs et de cours individuels, sans aucunement tenir compte du volume horaire respectif de ces prestations qui au demeurant n'a nullement été défini, seul un volume global et indistinct de 3 200 heures pour le lot n° 1 et de 4 200 heures pour le lot n° 1 correspondant aux volumes maximum annuels ayant été fixé conformément aux dispositions de l'article R. 2162-4 du code de la commande publique. Il apparaît, à l'examen du contenu du rapport d'analyse technique et financière produit dans l'instance par l'ENAC et soustrait au contradictoire conformément aux dispositions des articles R. 412-2-1 et R. 611-30 du code de justice administrative, que le pouvoir adjudicateur a effectivement appliqué cette méthode de notation pour le classement des offres sur ce critère prix. En tout état de cause, il ressort de ce rapport d'analyse technique et financière que, tant pour le lot n° 1 que le lot n° 2, les prix horaires proposés par la société Institut supérieur des communications de l'avenir pour les cours collectifs, les cours individuels et les tâches connexes étaient chacun supérieurs à ceux proposés par la société Focal point.

12. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la société Institut supérieur des communications sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ENAC, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Institut supérieur des communications de l'avenir demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Institut supérieur des communications de l'avenir une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ENAC et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Focal point présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Institut supérieur des communications de l'avenir est rejetée.

Article 2 : la société Institut supérieur des communications de l'avenir versera à l'ENAC une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Focal point présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Institut supérieur des communications de l'avenir (Linguapole - Le challenge des langues), à l'école nationale de l'aviation civile et à la société Focal point.

Fait à Toulouse, le 2 mai 2023.

Le juge des référés,

B. A

La greffière,

P. TUR

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

la greffière en chef,

ou par délégation, la greffière,