TA Toulouse, 05/08/2024, n°2404274


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2024, la SARL MCC, représentée par Me Nerot, demande au juge des référés :

1°) avant-dire droit, d'enjoindre à la communauté d'agglomération du grand Montauban d'interrompre sans délai la procédure de passation du marché de travaux de restauration pour la remise en service de l'écluse de Sapiacou à Montauban et la mise en conformité de la chaussée de Sapiac sur le plan de la continuité écologique ;

2°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération du grand Montauban de suspendre la passation du contrat et de toutes les décisions y afférant et d'annuler toutes décisions consécutives aux irrégularités relatives à la procédure de publicité et de mise en concurrence ;

3°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération du grand Montauban de reprendre la procédure de passation au stade de la publicité préalable ;

4°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la communauté d'agglomération du grand Montauban en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis d'appel à concurrence publié au journal officiel de l'Union européenne ne mentionnait pas les modalités de financement du marché, de telle sorte que la procédure est entachée d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ;

- l'établissement n'a pas respecté les critères de notation des offres en ce qui concerne le calcul de la note relative au critère relatif au prix du marché ;

- dès lors qu'elle avait produit un devis d'entretien des équipements, la note relative à l'évaluation de ce document ne pouvait être égale à 0 ;

- alors qu'elle a fourni toutes les pièces requises quant aux caractéristiques de son offre, les notes qui lui ont été attribuées pour la qualité de la méthodologie de réalisation des travaux proposée, la cohérence et le détail du planning des travaux et la compréhension des spécificités du projet sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2024, la communauté d'agglomération du grand Montauban, représentée par Me Schmidt, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SARL MCC en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la société requérante sont infondés ou inopérants.

La demande de la SARL MCC a été communiquée à la société Rouby Industrie, attributaire, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Grimaud, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue le 30 juillet 2024 à 9 h 30, en présence de Mme Guérin, greffière d'audience, ont été entendus :

- le rapport de M. Grimaud,

- les observations de Me Nérot, représentant la SARL MCC,

- et les observations de Me Schmidt, représentant la communauté d'agglomération du grand Montauban.

La clôture d'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à candidatures publié le 6 mars 2024, la communauté d'agglomération du grand Montauban a engagé la procédure de passation d'un appel d'offres ouvert en vue de la réalisation à son bénéfice d'un chantier de restauration pour la remise en service de l'écluse de Sapiacou à Montauban et la mise en conformité de la chaussée de Sapiac sur le plan de la continuité écologique. Cette opération est divisée en trois lots correspondant, en ce qui concerne le lot n° 2 en litige, aux prestations de vantellerie. La SARL MCC, qui a proposé une offre en vue de l'attribution du contrat portant sur le lot n° 2, s'est vu notifier le rejet de cette offre le 10 juillet 2024.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 de ce code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".

En ce qui concerne les mentions de l'avis d'appel public à la concurrence :

3. Il résulte de l'instruction que l'avis d'appel public à la concurrence publié par la communauté d'agglomération du grand Montauban mentionnait, en son point 5.1.14 : " fonds propres + subventions Etat, région, département et agence de l'eau ". Le moyen tiré de ce que cet avis n'aurait pas comporté les modalités essentielles de financement du marché manque ainsi en fait. En outre, la SARL MCC n'indique pas en quoi ce vice, à le supposer caractérisé, aurait été susceptible de l'avoir lésée ou aurait risqué de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la communauté d'agglomération du grand Montauban a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sur ce point.

En ce qui concerne l'évaluation des offres par le pouvoir adjudicateur :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 8.1 du règlement de consultation du marché : " Avant de procéder à l'examen des candidatures, s'il apparaît que des pièces du dossier de candidature sont manquantes ou incomplètes, le pouvoir adjudicateur peut décider de demander à tous les candidats concernés de produire ou compléter ces pièces dans un délai maximum de 5 jours. / Les candidatures conformes et recevables seront examinées, à partir des seuls renseignements et documents exigés dans le cadre de cette consultation, pour évaluer leur situation juridique ainsi que leurs capacités professionnelles, techniques et financières ". Aux termes de l'article 8.2 de ce règlement : " Le jugement des offres sera effectué dans les conditions prévues aux articles L.2152-1 à L.2152-4, R. 2152-1 et R. 2152-2 du Code de la commande publique et donnera lieu à un classement des offres. / L'attention des candidats est attirée sur le fait que toute offre irrégulière pourra faire l'objet d'une demande de régularisation, à condition qu'elle ne soit pas anormalement basse. En revanche, toute offre inacceptable ou inappropriée sera éliminée. / Les critères retenus pour le jugement des offres sont pondérés de la manière suivante : / () / Pour le lot n° 02 : / () 1-Prix des prestations 40.0% / 1.1-Proposition financière au regard du devis quantitatif transmis / 38.0 / 1.2-Proposition d'un devis d'entretien des équipements sur 5 ans / 2.0 () ". En vertu de l'annexe du règlement de consultation du marché : " La note du critère " Prix des Travaux " sera déterminée par application de la formule suivante sur le prix global : / N1 = (Pmin / Po)² x C / dans laquelle : / * C est le coefficient de pondération affecté au critère coût des travaux (40) / * Po est le coût total des travaux de l'offre analysée / * Pmin est le coût total des travaux de l'offre la plus basse. / L'offre la moins disante se voit accorder la note maximale de 40 points ".

5. Ces dispositions impliquent, eu égard à leurs termes, que l'évaluation du critère de prix du marché doit reposer sur le coût total des travaux comprenant la phase initiale du chantier et le devis d'entretien. Il s'ensuit que la SARL MCC, entreprise moins-disante avec une offre de 488 905,30 euros hors taxes, a à juste titre obtenu la note de 38 points sur 38, tandis que la société Rouby Industrie, attributaire, ayant présenté une offre de 577 100 euros hors taxes, devait obtenir la note de 28,7 points sur 38.

6. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". Aux termes des dispositions de l'article L. 2152-2 de ce code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ". Aux termes des dispositions de l'article R. 2152-2 de ce code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ".

7. Si le pouvoir adjudicateur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l'offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu'elle n'est pas anormalement basse et que la régularisation n'a pas pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles, il ne s'agit toutefois que d'une faculté et non d'une obligation.

8. En l'espèce, il est constant que l'offre déposée par la SARL MCC ne comprenait pas le devis d'entretien des équipements sur cinq ans exigés par les documents de la consultation. Par un courrier adressé par voie électronique le 23 avril 2024 et intitulé " demande de précision ", la communauté d'agglomération du grand Montauban a demandé à la société requérante de préciser où se situait le devis d'entretien dans son offre. Eu égard aux termes de ce courrier, il ne peut être regardé comme une demande de complément formulée en vue d'assurer la régularisation de l'offre de la SARL MCC. Il s'ensuit que cette offre, qui était irrégulière et pouvait pour ce seul motif être rejetée par la communauté d'agglomération du grand Montauban, a pu à juste titre recevoir une note de 0 en ce qui concerne le sous-critère " Proposition d'un devis d'entretien des équipements sur cinq ans ".

9. En troisième lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

10. Si la SARL MCC soutient que l'appréciation de son offre au regard du critère technique est erronée en ce qui concerne la qualité de la méthodologie de réalisation des travaux proposée, la cohérence et le détail du planning des travaux et la compréhension des spécificités du projet, elle ne soutient pas que cette appréciation résulterait d'une dénaturation des termes de son offre et, ainsi qu'il vient d'être dit, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler les mérites des différentes offres soumises au pouvoir adjudicateur ni l'évaluation de la qualité de ces offres par celui-ci.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 5 à 10 de la présente ordonnance que la SARL MCC est seulement fondée à soutenir que la notation du critère prix de l'offre de la société Rouby Industrie, attributaire, était entachée de l'erreur relevée au point 5. Il s'ensuit que la note totale attribuée à l'offre de cette société aurait dû être fixée à 84,2, la note attribuée à la sienne demeurant fixée à 78,25. Dès lors, l'erreur ayant affecté la notation de l'offre de la société Rouby Industrie a été sans incidence sur l'attribution du marché.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL MCC n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du marché. Sa requête doit donc être rejetée.

Sur les frais du litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à ce titre à la charge de la communauté d'agglomération du grand Montauban, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL MCC la somme demandée par la communauté d'agglomération du grand Montauban au titre des mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la SARL MCC est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du grand Montauban au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL MCC, à la communauté d'agglomération du grand Montauban et à la société Rouby Industrie.

Fait à Toulouse, le 5 août 2024.

Le juge des référés,

P. GRIMAUD

La greffière

S. GUERIN

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

la greffière en chef,

ou par délégation, la greffière,