TA Versailles, 26/07/2024, n°2005557


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 août 2020 et 21 décembre 2023, la société Nouvelle Normen, représentée par Me Le Gué, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner le syndicat intercommunal pour la construction et la gestion d'une piscine à lui régler la somme de 116 432,27 euros TTC, correspondant au solde impayé du décompte général et définitif du lot n° 5 " menuiseries bois " du marché de réhabilitation et d'extension de la piscine olympique intercommunale de Saint-Germain-en-Laye, majorée des intérêts moratoires de droit ;

2°) d'ordonner le mandatement desdites sommes en principales et intérêts à son profit ;

3°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal pour la construction et la gestion d'une piscine la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché contractualise les stipulations du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux ;

- les 30 et 31 octobre 2019, à la suite de la réception des travaux du lot n°5 et conformément aux dispositions des articles 13.3.1 et 13.3.2 du CCAG, elle a notifié son projet de décompte final au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre, qui en ont accusé réception le 5 novembre 2019 ;

- malgré les stipulations de l'article 13.4.2 du CCAG, le syndicat ne lui a pas notifié son décompte général dans le délai de 30 jours, lequel a expiré le 5 décembre 2019 ;

- le 12 mars 2020, conformément aux dispositions de l'article 13.4.4 du CCAG, elle a notifié au syndicat son projet de décompte général signé, composé du projet de décompte final, du projet d'état du solde hors révision de prix définitive et du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive ;

- le syndicat ne lui a toujours pas notifié son décompte général dans le délai de 10 jours, soit avant le 31 mars 2020 dans l'hypothèse retenue qui serait la plus favorable au maître d'ouvrage et, en conséquence, il est définitivement acquis qu'elle peut à bon droit obtenir le paiement du solde restant à percevoir qui résulte du décompte général devenu définitif, intangible et indivisible, soit la somme de 116 432,27 euros TTC, sans qu'il soit besoin d'examiner les postes constituant ledit décompte ;

- le décompte général et définitif inclut une demande indemnitaire, laquelle chiffre le préjudice subi par la concluante en raison de l'allongement anormal du délai d'exécution des travaux passé de cinq à neuf mois et ayant induit des frais d'encadrement supplémentaires pour le suivi du chantier, une perte d'industrie en raison de la capacité de production mobilisée pour ce chantier, des coûts liés aux mesures conservatoires nécessaires pour protéger les travaux exécutés et des frais financiers supplémentaires d'assurance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2024, le syndicat intercommunal pour la construction et la gestion d'une piscine, représenté par Me Aaron, conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire, à son rejet au fond et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de la société Nouvelle Normen la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'à la date du 5 novembre 2019, à laquelle le syndicat et le maître d'œuvre ont réceptionné le projet de décompte final transmis par la société requérante, aucun procès-verbal constatant l'exécution des travaux ayant fait l'objet de réserves en application de l'article 41.5 du CCAG n'avait été établi et, en conséquence, la société requérante a, de manière prématurée, transmis ce projet et adressé ses projets de décompte des 12 mars 2020 et 21 avril 2020, estimant qu'elle ne peut prétendre au bénéfice d'un décompte général et définitif tacite mettant à la charge du syndicat la somme de 116 432,27 euros TTC ;

- la demande de la société requérante est mal fondée, dès lors, d'une part, qu'elle ne prend pas en compte plusieurs travaux complémentaires et modificatifs à sa charge, dont le montant est à déduire du montant de son marché, le montant des révisions des prix étant alors de 12 106,31 euros HT et non de 13 217,10 euros HT, d'autre part, que le bienfondé de la demande indemnitaire de 71 515,70 euros n'est aucunement démontré, cette demande ayant été considérée comme " caduque " et " non avenue " par le maître d'œuvre, ajoutant que l'allongement de la durée du chantier résulte pour partie de la propre défaillance de la société requérante, enfin, que la demande de paiement ne tient pas compte du montant de 31 500 euros au titre des pénalités de retards qui lui ont été appliquées en raison des très nombreux jours de retards de chantier qu'elle a accumulés et provoqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bélot,

- les conclusions de Mme Chong-Thierry, rapporteure publique,

- et les observations de Me Aaron, pour le syndicat intercommunal pour la construction et la gestion d'une piscine.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal pour la construction et la gestion d'une piscine (SICGP), chargé de la construction et de la gestion de la piscine intercommunale située à Saint-Germain-en-Laye, a décidé, en 2009, de lancer une opération de réhabilitation. A cette fin, un marché de maîtrise d'œuvre a été conclu avec un groupement composé des sociétés TNA, mandataire solidaire du groupement conjoint, HDM Ingénierie, Soreib, Impact et Tecs Eurexo au mois d'août 2013 et un marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage a été conclu avec la société Missions H20 au mois de septembre 2014. Un avant-projet définitif a été validé par le SICGP le 2 juillet 2015 pour un montant de 8 346 116 euros HT. Parallèlement, dans le cadre de l'opération de réhabilitation de la piscine intérieure existante, le SICGP a lancé un projet de création d'un bassin extérieur. A cette fin, ont été conclus un marché complémentaire de maîtrise d'œuvre, le 29 mai 2015, avec le groupement de maîtrise d'œuvre TNA et un marché complémentaire d'assistance à maîtrise d'ouvrage avec la société Missions H20. L'avant-projet définitif a été modifié afin de regrouper les deux projets en un seul marché de travaux prévoyant une phase A relative à l'extension de la piscine existante avec construction du bassin extérieur et une phase B relative à la réhabilitation des espaces intérieurs de la piscine. La mission d'ordonnancement, pilotage et coordination des travaux a été confiée à la société Deltexplan au mois de septembre 2016.

2. Le marché de travaux a été alloti en vingt-et-un lots. Le lot n° 5 " menuiserie bois " a été attribué à la société Nouvelle Normen et le marché signé le 8 juillet 2016 pour un montant initial de 210 000 euros HT. L'ordre de service de démarrage des travaux a été signé le 21 septembre 2016. La réception des travaux a été prononcée, avec réserves et sous réserve, par le maître de l'ouvrage le 4 juin 2019, la date d'achèvement retenue étant le 24 avril 2019. Les réserves ont été levées le 15 juin 2020.

3. La société Nouvelle Normen a établi et transmis au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre, par des bordereaux d'envoi du 31 octobre 2019, son projet de décompte final. Par des courriers des 26 novembre 2019 et 6 janvier 2020, la société TNA a indiqué à la société requérante qu'il était nécessaire de lever préalablement les réserves. Par des courriers du 12 mars 2020, la société Nouvelle Normen a adressé son propre projet de décompte général signé. Par des courriers du 20 avril 2020, la société requérante, estimant désormais, compte tenu du silence du maître d'ouvrage, pouvoir se prévaloir d'un décompte général et définitif faisant état d'un montant total de 291 292,09 euros HT, soit 349 550,81 euros TTC, et d'un solde restant dû de 116 432,27 euros TTC, a mis en demeure le SICGP de procéder au mandatement de cette somme. Par un courrier du 23 juin 2022, le SICGP a mis en demeure la société Nouvelle Normen de lui notifier son projet de décompte final. Par un courrier du 12 juillet 2022, la société requérante a refusé de transmettre un nouveau projet de décompte. Le SICGP a notifié à la société Nouvelle Normen le décompte général de son lot le 14 avril 2023. La société Nouvelle Normen demande la condamnation du SICGP à lui régler la somme de 116 432,27 euros TTC, correspondant au solde impayé du décompte général et définitif de son lot.

4. Aux termes de l'article 13.3.1. du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux : " Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. / Le projet de décompte final est établi à partir des prix initiaux du marché, comme les projets de décomptes mensuels, et comporte les mêmes parties que ceux-ci, à l'exception des approvisionnements et des avances. Ce projet est accompagné des éléments et pièces mentionnés à l'article 13.1.7 s'ils n'ont pas été précédemment fournis. / Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final ". Aux termes de l'article 13.3.2. du même cahier : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. / Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. / S'il est fait application des dispositions de l'article 41.6, la date de notification de la décision de réception des travaux est la date retenue comme point de départ des délais ci-dessus ". Aux termes de l'article 41.5 de ce cahier : " S'il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, le maître de l'ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s'engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n'excède pas trois mois. La constatation de l'exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévu à l'article 41.2 ".

5. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 2, que les travaux réalisés par la société Nouvelle Normen ont fait l'objet d'une réception avec réserves et sous réserve et que les réserves ont été levées le 15 juin 2020. Par conséquent, le projet de décompte final établi et transmis au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre, par des bordereaux d'envoi du 31 octobre 2019, était prématuré et n'a pas été de nature à faire naître un décompte général et définitif tacite.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le SICGP, que les conclusions présentées par la société Nouvelle Normen tendant à la condamnation du SICGP à lui payer la somme de 116 432,27 euros TTC au titre du solde du lot n° 5 " menuiseries bois " doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce que soit ordonné le mandatement de cette somme et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Nouvelle Normen une somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par le SICGP et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Nouvelle Normen est rejetée.

Article 2 : La société Nouvelle Normen versera au syndicat intercommunal pour la construction et la gestion d'une piscine la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Nouvelle Normen et au syndicat intercommunal pour la construction et la gestion d'une piscine.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M. Mauny, président,

M. Bélot, premier conseiller,

M. Perez, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2024.

Le rapporteur,

signé

S. BélotLe président,

signé

O. Mauny

La greffière,

signé

G. Le Pré

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.