Tribunal administratif de Bastia, 29 août 2022, n°2200870 

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2022, la SAS Sandoz, représentée par Simmons et Simmons LLP, demande au juge des référés du tribunal :

1°) de condamner le centre hospitalier de Castelluccio, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1  du code de justice administrative, à lui verser, à titre de provision, d'une part, la somme de 117 608,37 euros au principal, augmentée des intérêts moratoires prévus à l'article R. 2192-32 du code de la commande publique  et de la capitalisation de ces intérêts et, d'autre part, la somme de 2 520 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue à l'article D. 2192-35 du code de la commande publique  ;

2°) d'enjoindre le centre hospitalier de Castelluccio à lui verser la provision  dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Castelluccio la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier n'a pas réglé les factures correspondant à plusieurs prestations exécutées ou les a réglées avec retard ;

- l'obligation du centre hospitalier n'est pas sérieusement contestable.

La requête a été communiquée au centre hospitalier de Castelluccio qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la commande publique  ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement régional corse d'achats de produits de santé dont le centre hospitalier de Bastia est le coordonnateur et dont est membre le centre hospitalier de Castelluccio, a conclu avec la SAS Sandoz, le 31 décembre 2019, un marché public  relatif à la fourniture de spécialités pharmaceutiques et assimilées passé selon une procédure d'appel d'offres ouvert, pour les lots n° 134, 139, 361, 362, 363, 483, 490, 493, 514, 535 et 536, sous la forme d'un accord cadre à bons de commande. Plusieurs factures ne lui ayant pas été payées, la SAS Sandoz a mis en demeure le centre hospitalier de Castelluccio de procéder au règlement de la somme de 185 061,67 euros, par un courrier du 31 janvier 2022 notifié le 4 février 2022. L'établissement public de santé n'ayant pas réglé la totalité de sa dette, un mémoire en réclamation  de la somme de 161 315,19 euros TTC en principal lui a été adressé par courrier du 6 mars 2022, notifié le 29 mars 2022, à la suite duquel le centre hospitalier a versé une partie de la somme réclamée. La SAS Sandoz demande au juge des référés du tribunal de condamner le centre hospitalier de Castelluccio, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1  du code de justice administrative, à lui verser, à titre de provision, la somme de 117 608,37 euros au principal, augmentée des intérêts moratoires prévus à l'article R. 2192-32 du code de la commande publique  et de la capitalisation de ces intérêts, ainsi que la somme de 2 520 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue à l'article D. 2192-35 du code de la commande publique.

2. Aux termes de l'article R. 541-1  du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision  au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision  à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision  que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision  résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 1 et de l'état joint à la requête que le centre hospitalier de Castelluccio n'a pas réglé à la SAS Sandoz les sommes dues au titre de trente-et-une factures correspondant à la fourniture de spécialités pharmaceutiques par le titulaire du marché, pour un total de 117 608,37 euros. L'établissement public de soins, qui n'a produit aucune observation en défense à la requête qui lui a été communiquée le 13 juillet 2022, ne conteste au demeurant ni l'existence de son obligation ni le caractère non sérieusement contestable de celle-ci. Les éléments soumis au juge des référés par la société requérante sont de nature à établir l'existence de l'obligation du centre hospitalier avec un degré suffisant de certitude. Ainsi, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Castelluccio à verser à la SAS Sandoz une provision  de 117 608,37 euros au titre des factures non réglées.

4. L'article R. 2192-11 du code de la commande publique  prévoit que par dérogation à l'article R. 2192-10, le délai de paiement est fixé à cinquante jours pour les établissements publics de santé. L'article L. 2192-13 du même code dispose que dès le lendemain de l'expiration du délai de paiement, le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires dont le taux est fixé par voie réglementaire, ainsi qu'au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par voie réglementaire. Selon l'article R. 2192-31 du code de la commande publique, le taux des intérêts moratoires mentionnés à l'article L. 2192-13 est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. En vertu de l'article R. 2192-32 du même code, ces intérêts courent à compter du lendemain de l'expiration du délai de paiement ou de l'échéance prévue par le marché jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. Enfin, l'article D. 2192-35 fixe à 40 euros le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

5. Le centre hospitalier de Castelluccio ne conteste pas que, exception faite des factures n° 3385144807 du 25 septembre 2020 et n° 3385150082 du 9 décembre 2020, les soixante-et-une autres factures mentionnées dans l'état joint à la requête, ont fait l'objet, pour trente-et-une d'entre elles, d'un retard de paiement et, pour les trente autres, d'un défaut de règlement à l'expiration du délai de paiement. En application des dispositions mentionnées au point précédent, les sommes dues en principal au titre de chacune de ces factures porteront intérêts moratoires à l'expiration du délai de paiement de cinquante jours de chacune d'elles. Ces intérêts moratoires seront calculés par application du taux déterminé selon les modalités précisées au point précédent et courront, pour les trente factures demeurées impayées, jusqu'à leur complet règlement.

6. Il résulte de l'instruction, et le centre hospitalier de Castelluccio ne conteste d'ailleurs pas, que les soixante-et-une factures mentionnées au point précédent n'ont pas été réglées dans le délai imparti. Il suit de là que l'obligation de l'établissement public de santé au titre des indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement de chacune de ces soixante-et-une factures n'est pas sérieusement contestable, à hauteur de la somme de 2 440 euros.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Castelluccio doit être condamné au versement à la SAS Sandoz d'une provision  d'un montant de 120 048,37 euros, ainsi qu'au paiement des intérêts moratoires dans les conditions indiquées au point 5.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer contre le centre hospitalier de Castelluccio, à défaut pour lui de justifier de l'exécution du versement à la SAS Sandoz de la provision  de 120 048,37 euros augmentée des intérêts moratoires dans un délai de trente jours à compter de sa notification, une astreinte de cent euros par jour jusqu'à la date à laquelle cette ordonnance aura reçu exécution.

9. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. "

10. La SAS Sandoz demande la capitalisation des intérêts moratoires prévus aux articles L. 2192-12 et R. 2192-32 du code de la commande publique. En l'état de l'instruction, cette demande ne peut être regardée comme non sérieusement contestable.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Castelluccio la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Sandoz et non compris dans les dépens.

ORDONNE

Article 1er : Le centre hospitalier de Castelluccio est condamné à verser à la SAS Sandoz une provision  de 120 048,37 euros augmentée des intérêts moratoires dans les conditions indiquées au point 5, dans un délai de trente jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sous astreinte de cent euros par jour de retard.

Article 2 : Le centre hospitalier de Castelluccio versera à la SAS Sandoz la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Sandoz et au centre hospitalier de Castelluccio.

Fait à Bastia, le 29 août 2022.

Le juge des référés,

Signé.

T. VANHULLEBUS

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Signé.

H. NICAISE

N°2200870

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