Tribunal Administratif de la Martinique, 22/07/2022, n°2200213
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2022, la société Est Industries Sentis, représentée par la Selarl Soler-Couteaux et associés, demande au juge des référés :
1°) de condamner le Syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets à lui verser une provision d'un montant total de 748 120, 95 euros correspondant à une créance de 565 604, 53 euros au titre du solde du marché public, assortie d'un montant de 39 264, 19 euros au titre des révisions de prix et, d'un montant de 143 252, 23 euros au titre des intérêts moratoires et frais forfaitaires de recouvrement en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge du syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la créance est non sérieusement contestable dès lors que le décompte général est devenu tacitement définitif en application de l'article 13.4.4 du CCAG travaux ;
- les révisions de prix sont indiquées au titre du projet de décompte, et sont conformes aux stipulations contractuelles, ainsi qu'au décompte transmis par le maître d'œuvre ;
- les intérêts moratoires sont dus dès lors que le délai de paiement de 30 jours n'a pas été respecté à compter du dépôt de la facture sur l'application Chorus.
Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2022, la société Est Industries Sentis a déclaré se désister de ses conclusions principales à hauteur de 565 604, 53 euros au titre du solde du marché, à la suite des règlements perçus en cours d'instance mais maintient ses conclusions tendant au versement d'une somme de 39 264,19 euros au titre des révisions de prix ainsi que ses conclusions accessoires réévaluées à 150 107,61 euros au titre des intérêts moratoires et frais forfaitaires de recouvrement.
La procédure a été communiquée le 7 avril 2022 au syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets, inscrit dans l'application télérecours, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de la commande publique ;
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- l'arrêté ministériel du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement signé le 31 juillet 2019, le syndicat martiniquais
de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) a confié à la société Est Industries Sentis, le marché public ayant pour objet la rénovation des parois de deux fours-chaudières de l'unité de traitement et de valorisation des déchets située à Fort-de-France. Dans le dernier état de ses conclusions, la société Est Industries Sentis demande au juge des référés, le versement d'une somme de 39 264,19 euros au titre des révisions annuelles des prix et d'une somme
de 150 107,61 euros au titre des intérêts moratoires et frais forfaitaires de recouvrement.
Sur la créance due au titre des révisions annuelles des prix
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.
3. Il résulte de l'instruction que l'article 7 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) stipule que : " Les éléments de rémunération des prestations sont révisés annuellement au 1er janvier de chaque année en application du coefficient d'indexation () ". Ainsi, il ressort des modalités de calcul présentées par la société requérante qui ne sont pas utilement contestées en défense, que le montant de la révision des prix pour l'année 2020 s'élève à 1 246,75 euros et à 37 999,44 euros pour l'année 2021. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, l'existence de l'obligation de paiement d'un montant total de 39 246, 19 euros n'est pas sérieusement contestable. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets au versement d'une provision d'un montant de 39 246, 19 euros.
Sur les intérêts moratoires et les frais exposés pour recouvrer les sommes en litiges
4. Aux termes de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 : " Les sommes dues en principal par un pouvoir adjudicateur, y compris lorsqu'il agit en qualité d'entité adjudicatrice, en exécution d'un contrat ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public sont payées, en l'absence de délai prévu au contrat, dans un délai fixé par décret qui peut être différent selon les catégories de pouvoirs adjudicateurs. Le délai de paiement prévu au contrat ne peut excéder le délai fixé par décret ". Aux termes de l'article 38 de la même loi : " Le retard de paiement est constitué lorsque les sommes dues au créancier, qui a rempli ses obligations légales et contractuelles, ne sont pas versées par le pouvoir adjudicateur à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement ". Selon les articles 1er et 2 du décret susvisé du 29 mars 2013 le délai de paiement est, en l'espèce, de trente jours et court à compter de la réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur ou, si le contrat le prévoit, par le maitre d'œuvre ou toute autre personne habilités à cet effet. Enfin, aux termes de l'article 8 du même décret : " Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse ". En application des stipulations de l'article 6.1 du CCAP : " Le délai ouvert au SMTVD pour procéder au paiement des sommes dues au titre du présent marché est de 30 jours au plus à compter de la date de réception de la demande de paiement ou de la date d'admission des prestations concernées si celle-ci est postérieure à la date de facturation. ".
5. En outre, aux termes de l'article 40 de la loi précitée du 28 janvier 2013 : " Le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. / Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. / L'indemnité forfaitaire et l'indemnisation complémentaire sont versées au créancier par le pouvoir adjudicateur. Les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements ainsi que les établissements publics de santé sont remboursés par l'Etat, de façon récursoire, de la part de l'indemnité forfaitaire et, le cas échéant, de l'indemnisation complémentaire versées imputables à un comptable de l'Etat ". Et aux termes de l'article 9 du décret susvisé du 29 mars 2013 " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé à 40 euros ".
6. La société requérante a droit aux intérêts au taux légal correspondant au montant de chacune des factures à compter du 30ème jour de la date de réception des factures ainsi qu'il ressort des attestations de l'application Chorus versées au dossier. Par ailleurs, le syndicat ne conteste pas le calcul des intérêts et des frais de recouvrement présenté par la société Est Industries Sentis. Par suite, la société requérante est fondée à demander le versement d'une somme de 150 107,61 euros au titre des intérêts moratoires et des frais de recouvrement.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge du syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets, la somme de 1 500 euros à verser à la société Est Industries Sentis.
O R D O N N E :
Article 1er : Le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets est condamné à verser à la société Est Industries Sentis une provision d'un montant de 39 246,19 euros au titre des révisions annuelles des prix, et des intérêts moratoires au taux légal à compter du 30ème jour suivant le dépôt des factures jusqu'à la date de leur paiement effectif, assortis des frais de recouvrement.
Article 2 : Le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets versera à la société Est industries sentis la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Est industries sentis et au syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets.
Fait à Schœlcher, le 22 juillet 2022.
Le juge des référés,
M. A
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique et au ministre en charge des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.