Tribunal Administratif de la Guyane, 01 août 2022, n°2001181

REPUBLIQUE FRANCAISE 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 novembre 2020 et 24 novembre 2021, les sociétés Bouygues bâtiment centre sud-ouest (BBCSO), Bouygues bâtiment outre-mer (BBOM) et Bouygues énergies et services (BYES), représentées par Me Delavoye, demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article R. 541-1  du code de justice administrative : 

1°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de l'ouest guyanais (CHOG) à verser aux sociétés BBOM et BBSCO la somme de 169 886,51 euros et à la société BYES la somme totale de 388 752,70 euros à titre de provision  à faire valoir sur les intérêts moratoires ;

2°) de condamner le CHOG à verser aux sociétés BBOM et BBSCO la somme de 274 805,17 euros et à la société BYES la somme totale de 621 689,48 euros, à faire valoir sur le solde du marché  ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le CHOG à leur verser, d'une part, la somme de 414 084,70 euros à titre de provision  à faire valoir sur les intérêts moratoires et, d'autre part, la somme de 271 581,94 euros à titre de provision  à faire valoir sur le paiement du solde du marché  ;

4°) de mettre à la charge du CHOG la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les sociétés soutiennent que :

- la requête est recevable et respecte le formalisme exigé par l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;

- les délais de transmission du mémoire en réclamation  et de saisine du tribunal administratif ont été respectés, en application des prescriptions du cahier des clauses administratives générales  (CCAG) travaux, dans sa version applicable au litige ;

- l'acte d'engagement prévoit que le délai maximum de paiement des avances et des acomptes est de cinquante jours à compter de la réception de la demande d'acompte par le maître d'œuvre. Les décomptes généraux ne remettent pas en cause les demandes d'acompte. En application de l'article 96 du code des marchés publics, applicable au litige, elles sont créancières d'intérêts moratoires dès lors que les délais de paiement ont été dépassés. Les retards de paiement ne sont pas sérieusement contestables ; le CHOG reconnaît être débiteur, a minima de la somme de 414 084,70 euros, montant proposé lors de l'établissement des décomptes généraux du 6 août 2019 ;

- le solde du marché  n'est pas sérieusement contesté par le CHOG ; le centre hospitalier reconnaît être, a minima, débiteur de la somme de 271 581,94 euros au titre des soldes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2021, le CHOG, représenté par Me Bonfait, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 

Le centre hospitalier fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable au regard de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire :

o sur la demande de provision  au titre des intérêts moratoires : dès lors que les montants des intérêts moratoires dus pour chacun des lots par le maître de l'ouvrage ont été proposés par le CHOG lors de l'établissement des décomptes généraux le 6 août 2019, le désaccord sur de tels montant doit être réglé dans les conditions prescrites à l'article 50 du CCAG  travaux. Or le titulaire n'a pas respecté les délais pour adresser sa réclamation au pouvoir adjudicateur ni pour saisir le tribunal administratif ;

o sur la demande de provision  au titre des soldes des marchés : les montants réclamés par le requérant ne sont justifiés par aucun élément du dossier alors que selon les calculs du CHOG, les sommes restant dues s'élèvent à un total de 271 581,94 euros réparties en 261 973,96 euros pour le lot n°  1 et 199 973, 44 euros pour le lot n°  2, avec la retenue d'un 

trop-perçu de 190 365,46 euros pour le lot n°  3. Le CHOG indique que, sur la base de cette proposition de 271 581,94 euros, des pourparlers sont en cours avec le contrôleur financier des sociétés du groupe Bouygues.

Le président du tribunal a désigné M. A, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les demandes de référé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales  applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de l'ouest guyanais (CHOG) a lancé un marché de travaux ayant pour objet la construction du nouvel hôpital pluridisciplinaire de Saint Laurent du Maroni. Le marché comprenait neuf lots et chaque lot a fait l'objet d'un marché séparé. Le lot n°  1 relatif aux prestations de terrassement, gros œuvre et second œuvre a été attribué le 9 septembre 2014 à un groupement d'entreprises solidaires, composé de la société DV Construction et de la société GTC construction, au droit desquelles sont venues les sociétés Bouygues bâtiment centre 

sud-ouest (BBCSO) et Bouygues bâtiment outre-mer (BBOM), pour un montant à hauteur de 52 288 178 euros, les concernant, augmenté par un avenant du 2 février 2015 à 53 820 602 euros. Le lot n°  2 portant " Corps d'état 2-1 - Courants forts / Corps d'état 2-2 - Courants faibles " a été attribué le 11 décembre 2014 à la société Bouygues bâtiment énergies et services (BYES) pour un montant de 13 900 000 euros. Le lot n°  3 portant " Corps d'état - 1 - Plomberie sanitaire / Corps d'état 3-3 - Fluides médicaux " a été attribué le 11 décembre 2014 à la société Bouygues bâtiment énergies et services (BYES) pour un montant de 21 300 000 euros. Les marchés ont été conclus pour une durée de trente-six mois, dont trois mois de préparation. Par un ordre de service du 1er août 2017, un délai supplémentaire de deux mois et demi a été accordé au groupement attributaire  du lot n°  1, fixant la livraison de l'ouvrage au 15 juin 2018. 

2. Le 3 mai 2018, les sociétés BBSCO et BYES ont adressé au CHOG deux mémoires en réclamation aux fins d'indemnisation des préjudices qu'elles estiment avoir subis en raison de la crise économique et sociale intervenue en Guyane durant les mois de février, mars et avril 2017. S'agissant du lot n°1, la société BBSCO a sollicité 1 121 306 euros hors taxes au titre des perturbations sociales et 274 805,17 euros de solde à percevoir compte tenu de litiges sous-traitants. S'agissant du lot n°  2, la société BYES a sollicité 321 246 euros hors taxes au titre des perturbations sociales, 99 231 euros hors taxes liés à la fluctuation de la tension électrique et 337 499,38 euros hors taxes au titre du solde restant à percevoir. S'agissant du lot n°  3, la société BYES a sollicité 496 186 euros au titre des perturbations sociales, 548 385,25 euros hors taxes liés à la mise en œuvre de points complémentaires non prévus au marché et 284 190,10 euros hors taxes de solde restant à percevoir. Par ailleurs, la société BBCSO a sollicité, le 17 septembre 2018, la mise en paiement des intérêts moratoires et de l'indemnité de frais de recouvrement. Par des courriers du 5 juin 2019, la société BBCSO, agissant comme mandataire du groupement titulaire du lot n°  1, et la société BYES, agissant pour les lots n° 2 et n° 3, ont adressé la copie d'un projet de décompte final au CHOG. Par des courriers du 22 juillet 2019, les sociétés requérantes ont mis en demeure le CHOG de procéder à la notification du décompte général des lots n° 1, n° 2 et n° 3. Cette dernière demande a été satisfaite par des courriers du 6 août 2019, notifiés le 19 août 2019. Enfin, les sociétés ont réitéré en vain leurs réclamations par des courriers du 30 septembre 2019. Dans ce contexte, il est demandé, du juge des référés, statuant sur le fondement de l'article R. 541-1  du code de justice administrative, à titre principal, de condamner le CHOG à verser, d'une part, aux sociétés BBCSO et BBOM la somme de 169 886,51 euros à valoir sur les intérêts moratoires et 274 805,17 euros à valoir sur le solde du marché  et, d'autre part, à la société BYES la somme totale de 388 752,70 euros à titre de provision  à valoir sur les intérêts moratoires et la somme totale de 621 689, 48 euros, à valoir sur le solde du marché. 

Sur la fin de non-recevoir : 

3. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. () ". L'article R. 414-1 du même code dispose : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant. () ". Aux termes des dispositions de l'article 

R. 414-3 du même code, dans leur rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1 et R. 412-2, les requérants sont dispensés de produire des copies de leur requête et des pièces qui sont jointes à celle-ci et à leurs mémoires. / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats. / Si les caractéristiques de certaines pièces font obstacle à leur communication par voie électronique, ces pièces sont transmises sur support papier, dans les conditions prévues par l'article R. 412-2. L'inventaire des pièces transmis par voie électronique en fait mention ".

4. Les dispositions précitées relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions et organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête ou aux écritures des parties à partir de leur inventaire détaillé. Cet inventaire doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite. Ces dispositions imposent également de désigner chaque pièce dans l'application Télérecours au moins par le numéro d'ordre qui lui est attribué par l'inventaire détaillé, que ce soit dans l'intitulé du signet la répertoriant dans le cas de son intégration dans un fichier unique global comprenant plusieurs pièces ou dans l'intitulé du fichier qui lui est consacré dans le cas où celui-ci ne comprend qu'une seule pièce. Dès lors, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.

5. La requête des sociétés requérantes a été présentée au tribunal le 

27 novembre 2020 par leur conseil et au moyen de l'application Télérecours. Cette requête était accompagnée d'un inventaire présentant de manière exhaustive les pièces jointes à ces écritures et comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite. Si certains signets ne comportent pas un intitulé identique à celui inscrit sur l'inventaire de pièces, il apparaît que chacun des signets était intitulé d'après le numéro d'ordre affecté par l'inventaire détaillé et les mentions conformes à cet inventaire. Dans ces conditions, les sociétés requérantes n'ont pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 414-3 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée en défense doit être écartée.

Sur la demande de provision  :

6. Aux termes de l'article R. 541-1  du code de justice administrative : " Le juge des référés  peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision  au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision  à la constitution d'une garantie. " ;

7. Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision  est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation, ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi. Pour apprécier si l'existence d'une obligation est dépourvue de caractère sérieusement contestable, le juge des référés  peut s'appuyer sur l'ensemble des éléments figurant au dossier qui lui est soumis pourvu qu'ils présentent un caractère de précision suffisante et qu'ils aient été soumis à la contradiction des parties.

En ce qui concerne les soldes des marchés :

8. Pour obtenir qu'il soit fait droit à leurs demandes, les sociétés requérantes soutiennent que la crise sociale survenue en Guyane entre mars et avril 2017 a occasionné des surcoûts financiers considérables, notamment liés à l'arrêt du chantier et à l'immobilisation des matériels et personnels, qui doivent être pris en charge par le maître d'ouvrage. 

9. D'une part, aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales  applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable au litige : "Les dispositions du présent arrêté  entrent en vigueur au 1er avril 2014. Les marchés publics pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d'appel public à la concurrence envoyé à la publication avant cette date demeurent régis, pour leur exécution, par les dispositions du cahier des clauses administratives générales  applicables aux marchés publics de travaux auxquels ils se réfèrent dans leur rédaction antérieure aux dispositions du présent arrêté". D'autre part, aux termes de l'article 2.2 du cahier des clauses administratives particulières  (CCAP) applicable au marché : " Les documents applicables sont ceux en vigueur au 1er jour du mois d'établissement des prix tel que ce mois est défini à l'acte d'engagement. / Suivant le cas : / 1. Le cahier des clauses administratives générales  (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux en vigueur au moment de la passation du marché ()".

10. Il résulte de l'instruction que l'avis de marché a été publié le 18 septembre 2013 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP). Toutefois, il est constant que le marché a été approuvé en septembre 2014 pour le lot n°  1 et en décembre 2014 pour les lots n° 2 et n° 3. Dans ces conditions, en application de l'article 2.2 du CCAP  précité, la version du CCAG  Travaux applicable est la version en vigueur postérieurement au 1er avril 2014.

11. Aux termes de l'article 50.1.1 de l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié portant approbation du cahier des clauses administratives générales  applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable à la date de la publication de l'avis de marché : " Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ". Aux termes de l'article 50.1.2 de l'arrêté précité : " Après avis du maître d'œuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la réception du mémoire en réclamation  ". Aux termes de l'article 50.1.3 du même texte : " L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire ". Aux termes de l'article 50.2 de ce texte : " Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées aux articles 50.3 à 50.6 ". Aux termes de l'article 50.3.1 du même texte : " A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation ". Aux termes de l'article 50.3.2 du texte précité : " Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent ".

12. L'article 50.3.2 du CCAG  travaux prévoit notamment que pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur et que passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision, ce qui rend irrecevable toute réclamation. En vertu des stipulations combinées des articles 50.1.2 et 50.1.3 du CCAG, l'absence de notification d'une décision dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation  dans ce délai vaut rejet de la demande.

13. Pour les contrats qui se réfèrent expressément au CCAG  Travaux, les stipulations de l'article 50 régissent seules les modalités de règlement des différends survenus entre les parties et les délais de saisine du juge.

14. En l'espèce, l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières  du marché renvoyait expressément au CCAG  Travaux en vigueur, ce dernier constituant ainsi un document contractuel qui reflète la volonté des cocontractants et les oblige. Il ne résulte pas de l'instruction que les parties aient entendu déroger à ces stipulations contractuelles, ou y renoncer, s'agissant des articles 50.1.2, 50.1.3 et 50.3.2 précités.

15. En l'espèce, le CHOG a, par des courriers du 6 août 2019, établi les décomptes généraux des lots n° 1, n° 2 et n° 3, lesquels ont été notifiés aux sociétés requérantes le 19 août 2019. En application des dispositions précitées de l'article 50.1.1 de l'arrêté du 8 septembre 2009, les sociétés requérantes disposaient d'un délai de trente jours à compter du 19 août 2019, soit jusqu'au 18 septembre 2019, pour présenter leurs réclamations. Dès lors, les réclamations du 30 septembre 2019 sont nécessairement tardives au regard des exigences de l'article 50 du CCAG  Travaux. Par ailleurs, et en tout état de cause, si les sociétés requérantes ont, par des requêtes enregistrées le 5 juin 2020, porté leurs réclamations devant le tribunal administratif de Guyane, ces recours sont également intervenus postérieurement à l'expiration du délai de six mois fixé par l'article 50.3.2 du CCAG  Travaux. Dans ces conditions, l'existence de l'obligation du CHOG relative au paiement des soldes des marchés envers les sociétés requérantes, notamment s'agissant des montants liés aux surcoûts, ne présente pas, en l'état de l'instruction, un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1  du code de justice administrative. 

16. Cependant, il ressort des écritures même du CHOG que ce dernier reconnaît que le montant restant dû au titre des soldes des trois lots s'élève à 271 581,94 euros. Dans ces conditions, l'existence de l'obligation dont se prévalent les sociétés BBCSO, BBOM et BYES n'est, sur ce point, pas sérieusement contestable. De fait, le CHOG reconnaît que le solde restant dû au titre du lot n°  1 aux sociétés BBSCO et BBOM s'élève à 261 973,96 euros. Il fait par ailleurs valoir que, si au titre du solde du lot n°  2, il reste redevable d'une somme de 

199 973,44 euros à la société BYES, cette dernière a bénéficié d'un trop-perçu de 190 365,46 euros au titre du lot n°  3, qu'il convient de déduire. Dans ces conditions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CHOG au versement d'une provision  de 271 581,94 euros répartie entre les sociétés requérantes à hauteur de 261 973,96 euros pour les sociétés BBCSO et BBOM au titre du solde du lot n°  1 et 9 607,98 euros pour la société BYES au titre du solde des lots n° 2 et n° 3.

En ce qui concerne les intérêts moratoires : 

17. Aux termes de l'article 6.3 du cahier des clauses administratives particulières  : " Les paiements seront effectués dans les conditions fixées à l'acte d'engagement. / Le taux des intérêts moratoires applicables en cas de dépassement du délai maximum de paiement est le taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points ". Aux termes de l'article 6.1 des actes d'engagement concernant les lots n° 1, n° 2 et n° 3 : " () le délai maximum de paiement des acomptes est de 50 jours à compter de la réception de la demande d'acompte par le maître d'œuvre. / Le délai maximum de paiement du solde est de 50 jours à compter de l'acceptation du décompte général ". L'article 6.2 de ces textes prévoit que : " Le maître d'ouvrage se libèrera des sommes dues au titre du marché selon la répartition définie ci-dessus par virement établi à l'ordre des membres du groupement conjoint () ".

18. Pour demander la condamnation du CHOG au paiement d'une provision  de 558 639,21 euros, les sociétés requérantes soutiennent que les paiements de situations mensuelles des lots n° 1, n° 2 et n° 3, au cours de l'exécution du marché, sont intervenus avec du retard. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux énoncées aux points 14 et 15 de la présente décision, les réclamations dirigées contre les décomptes généraux étant tardives, les obligations du CHOG envers les sociétés requérantes, relatives aux intérêts moratoires, ne sauraient être regardées comme présentant un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1  du code de justice administrative. Par suite, les conclusions des sociétés requérantes tendant à la condamnation du CHOG au versement d'une provision  au titre des intérêts moratoires doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme demandée par le CHOG sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHOG la somme globale de 1 500 euros à verser aux sociétés BBCSO, BBOM et BYES au titre de cet article.

O R D O N N E :

Article 1er : Le centre hospitalier de l'ouest guyanais est condamné à verser, d'une part, aux sociétés Bouygues bâtiment centre sud-ouest et Bouygues bâtiment outre-mer la somme de 261 973,96 euros et, d'autre part, à la société Bouygues énergies et services la somme de 9 607,98 euros, l'ensemble à titre de provision  à valoir sur le solde des lots n° 1, 2 et 3 du marché de travaux ayant pour objet la construction du nouvel hôpital pluridisciplinaire de Saint Laurent du Maroni.

Article 2 : Le centre hospitalier de l'ouest guyanais versera aux sociétés Bouygues bâtiment centre sud-ouest, Bouygues bâtiment outre-mer et Bouygues énergies et services la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Bouygues bâtiment centre sud-ouest, à la société Bouygues bâtiment outre-mer, à la société Bouygues énergies et services et au centre hospitalier de l'ouest guyanais Franck Joly.

Rendue publique par mise à disposition au greffe, le 1er août 2022.

Le juge des référés,

Signé

D. HEGESIPPE

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le Greffier en Chef,

Ou par délégation le greffier,

Signé

M-Y. METELLUS

A lire également