CAA Nancy, 23/03/2023, n°20NC03153

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A B a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le contrat conclu entre la commune de Thionville et l'établissement E dans le cadre de l'opération " Rive et cœur de ville en fête 2018 " et de condamner la commune de Thionville à lui verser la somme de 47 850 euros en réparation de son préjudice matériel.

Par un jugement n° 1805765 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 octobre 2020 et le 18 novembre 2021, M. A B, représenté par Me Perez demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juillet 2020 ;

2°) d'annuler les contrats conclus entre la ville de Thionville et les opérateurs économiques dans le cadre du marché à procédure adaptée " rives et cœur de ville en fêtes " ;

3°) de condamner la commune de Thionville à lui verser la somme de 47 850 euros en réparation de son préjudice ;

4°) de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 3 000 euros à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure suivie par le tribunal est irrégulière dès lors que l'instruction a été incomplète et ne s'est construite qu'à décharge ;

- la procédure de sélection est irrégulière dans la mesure où une candidate était informée de sa sélection et jouissait des droits afférents à l'octroi du marché avant même que l'autorité décisionnaire n'ait statué ;

- la ville ne pouvait retenir le critère esthétique alors qu'aucun élément n'est demandé aux candidats sur cette question.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 février 2021 et le 28 février 2022, la commune de Thionville, représentée par Me Keller, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance de M. B était irrecevable dès lors qu'il ne justifie pas d'un intérêt lésé alors qu'il n'est pas un candidat évincé ;

- la société No Limites-The Falcon était titulaire d'une autorisation d'occuper le domaine public depuis le 19 mars 2018 et cette installation n'est pas en lien avec la procédure en litige ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu :

- le code général de la propriété publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président,

- et les observations de Me Hassan, représentant la commune de Thionville.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Thionville a lancé une consultation en vue de la conclusion de conventions d'occupation temporaire du domaine public dans le cadre de la manifestation " Rive et cœur de ville en fête 2018 ", dont l'attribution a été effectuée le 27 avril 2018. M. B a demandé l'annulation de la convention conclue entre la commune et l'établissement " D " ainsi que l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi. M. B relève appel du jugement du 22 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En application de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, l'instruction est conduite par le rapporteur sous l'autorité du président de la formation de jugement. Par ailleurs, il est toujours loisible au tribunal de communiquer la requête à toutes les personnes dont il estime utile de recueillir les observations.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que le rapporteur a entendu prescrire la communication de la requête aux personnes qui avaient un intérêt au maintien de la décision attaquée. A cet effet, le tribunal a communiqué la requête et les mesures d'instruction à l'établissement Johanna, signataire du contrat contesté. La circonstance que cette personne, mise en cause, n'ait pas produit d'observations n'est pas de nature à entacher la procédure d'instruction suivie par le tribunal d'irrégularité.

Sur la validité des contrats conclus entre la ville de Thionville et les opérateurs économiques dans le cadre de la procédure adaptée " rives et cœur de ville en fêtes " :

4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative (CJA), tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.

5. Aux termes de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. / Lorsque l'occupation ou l'utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d'autorisations disponibles pour l'exercice de l'activité économique projetée n'est pas limité, l'autorité compétente n'est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d'un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d'attribution. ".

6. En premier lieu, M. B soutient que l'établissement " D ", classé neuvième et dernier attributaire de la consultation, a été favorisé par la commune de Thionville au motif que l'établissement aurait débuté son activité dès le 1er avril 2018, alors que la procédure de sélection n'aurait pas été menée à son terme.

7. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société No limites-The Falcon était titulaire d'une autorisation d'occuper le domaine public depuis le 19 mars 2018 et que cette installation n'est pas en lien avec la procédure en litige. Dans ces conditions, le constat d'huissier et les attestations produites en appel relatives à cette installation ne viennent pas sérieusement contredire les éléments de la ville démontrant que les installations ouvertes au public en avril 2018 n'étaient pas exploitées par la responsable de l'établissement chez Johanna. En tout état de cause, les conventions dont la validité est contestée s'inscrivaient dans le cadre des manifestations " Rive et cœur de ville en fête 2018 ", qui n'ont débuté qu'en juin 2018. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la candidate retenue en neuvième position était informée de sa sélection et jouissait des droits afférents à l'octroi du marché avant même que l'autorité décisionnaire n'ait statué.

8. En second lieu, aux termes de l'article 62 du décret n°360-2016 alors en vigueur : " II. - Pour attribuer le marché public au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : 1° Soit sur un critère unique qui peut être : a) Le prix, à condition que le marché public ait pour seul objet l'achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d'un opérateur économique à l'autre ; b) Le coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie au sens de l'article 63 ; 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché public ou à ses conditions d'exécution au sens de l'article 38 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir, par exemple, des critères suivants : a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ;() ". Aux termes de l'article 9.3 du règlement général du festival : " Les autres installations éphémères de type guinguette devront présenter un caractère esthétique soigné et de qualité. Une esquisse ou une photo de l'installation sera obligatoirement jointe au dossier de candidature ".

9. Il résulte de l'instruction que la consultation prévoyait trois critères, dont celui de la " qualité esthétique des infrastructures des installations proposées " pondéré à hauteur de 20 %. Un tel critère n'est pas sans rapport avec l'objet du contrat ou avec ses conditions d'exécution. Si les dossiers de candidature de la commune ne comportaient pas de demande de description des chalets privés proposés par les exploitants, à l'exception d'une ligne concernant leur dimension, il était indiqué, sous cette ligne, que les documents commerciaux devaient impérativement être joints au dossier. Ainsi, la production de pièce concernant les chalets privés était exigée afin que la commune puisse apprécier les offres au regard du critère esthétique. Ainsi le moyen tiré de ce que la commune ne pouvait pas retenir un critère esthétique doit être écarté comme non fondé.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par le requérant doivent également être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Thionville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. B une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Thionville sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : M. B versera une somme de 1 500 euros à la commune de Thionville sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A B, à la commune de Thionville et à l'établissement E.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. CL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : J.-B. Sibileau

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

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