CAA Paris, 16/12/2022, n°20PA02637
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SMACL Assurances, subrogée dans les droits de la commune de Brou-sur-Chantereine, a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la société Dubois à lui verser la somme de 21 085,49 euros au titre des travaux de réparations du chéneau de la toiture de la salle multi-activité Jean-Baptiste Clément, assortie des intérêts à taux légal à compter du
25 juin 2016.
Par un jugement n° 1605439 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de la SMACL Assurances.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 septembre 2020 et 15 juillet 2021, la société Dubois, représentée par Me Pareydt, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1605439 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la SMACL Assurances devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la SMACL Assurances les frais d'expertise à hauteur de 7 445,30 euros ;
4°) de mettre à la charge de la SMACL Assurances la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Dubois soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de fait concernant le dimensionnement du chéneau ;
- sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée en l'absence de faute dans la conception et la réalisation du chéneau en litige dès lors que, d'une part, le calcul de la surface que devait avoir le chéneau en litige est impacté par l'existence de deux évacuations et que, d'autre part, la surface relevée par le rapport d'expertise est celle consécutive aux travaux réalisés par une autre entreprise à la suite du dégât des eaux.
Par des mémoires enregistrés les 5 février 2021 et 16 août 2021, la SMACL Assurances, représentée par Me Clavier, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Dubois ;
2°) de confirmer le jugement n° 1605439 du 7 juillet 2020 ;
3°) de mettre à la charge de la société Dubois la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SMACL Assurances soutient que :
- le rapport d'expertise judiciaire du 14 novembre 2019 confirme la responsabilité contractuelle de la société Dubois du fait d'un vice de conception et d'exécution du chéneau litigieux.
Par une ordonnance du 2 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 20 décembre 2011, la commune de Brou-sur-Chantereine a attribué à la société Dubois l'exécution du lot n° 3 " couverture " travaux de reconstruction de la salle multi-activités Jean-Baptiste Clément. En mai et juin 2013, les locaux techniques, les vestiaires et les sanitaires de la salle municipale ont subi d'importantes infiltrations provenant de la toiture. Par courrier du 20 juin 2013, la commune a déclaré le sinistre auprès de son assureur, la SMACL Assurances, au titre de la garantie
dommage-ouvrage. Après expertise amiable réalisée en juillet 2013, la SMACL Assurances a versé à la commune de Brou-sur-Chantereine la somme de 21 085,49 euros. Par un jugement avant dire droit, du 11 mai 2018, le tribunal a ordonné une expertise afin de déterminer notamment l'origine des désordres. Le rapport d'expertise a été déposé le 20 novembre 2019. La société Dubois, qui a réalisé les plans d'exécution du chéneau qui serait à l'origine des désordres, relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à la SMACL Assurances la somme de 21 085,49 euros au titre de sa responsabilité contractuelle.
2. Aux termes de l'article 41.2 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en cause : "Les opérations préalables à la décision de réception comportent, en tant que de besoin: - la reconnaissance des ouvrages exécutés ; - les épreuves éventuellement prévues par le marché ; - la constatation éventuelle de l'inexécution des prestations prévues au marché ; - la vérification de la conformité des conditions de pose des équipements aux spécifications des fournisseurs conditionnant leur garantie ; - la constatation éventuelle d'imperfections ou malfaçons ; - la constatation du repliement des installations de chantier et de la remise en état des terrains et des lieux ; - les constatations relatives à l'achèvement des travaux. Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal dressé sur-le-champ par le maître d'œuvre et signé par lui et par le titulaire. Si le titulaire refuse de signer le procès-verbal, il en est fait mention. Un exemplaire est remis au titulaire. ()" et aux termes de l'article 41.3 : "Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. Sauf le cas prévu à l'article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire.". Enfin, aux termes de l'article 7.3 "Plans d'exécution - notes de calcul - études de détail" du CCAP, la société Dubois était responsable des plans d'exécution des ouvrages et des spécifications techniques détaillées qui devaient être soumis au contrôleur technique pendant la période de préparation.
3. Il résulte de l'instruction que la proposition du maître d'œuvre à la réception des travaux en date du 28 mai 2013, signée seulement par lui le 3 juin 2013 était assortie de réserves ainsi libellées : "assurer un suivi des fuites apparues au niveau du chéneau encaissé". Compte tenu des réserves ainsi formulées par le maître d'œuvre et de l'absence de régularisation de ces désordres avant la résiliation du marché le 9 juillet 2013, la réception des travaux n'a pas eu pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre la commune et la société Dubois pour ce qui concerne les prestations à l'origine des désordres.
4. En premier lieu, si la société Dubois soutient que la dimension du chéneau constatée par l'expert judiciaire ne peut être retenue dès lors qu'elle prend en compte le chéneau étanché résultant de l'intervention de la société chargée de la réhabilitation totale de la toiture après le dégât des eaux, il est constant que l'expert, comme d'ailleurs la société Dubois dans son courrier du 13 juillet 2021, se base sur le schéma des deux chéneaux réalisé lors de l'expertise amiable du 24 juillet 2013, soit antérieurement aux travaux effectués en août 2013. Ce constat ressort également du rapport de visite technique de Be Batitech du 16 avril 2013 et des comptes rendus de chantier des 23 avril et 21 mai 2013, qui avaient relevé le sous-dimensionnement des chéneaux. La société Dubois, qui n'a pas répondu aux demandes d'observations émises par le bureau de contrôle et n'a pas participé aux opérations d'expertise amiable malgré la convocation qui lui avait été adressée, n'apporte aucun élément de nature à contredire ces différents documents. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise judiciaire du 20 novembre 2019 que, compte tenu de la surface à collecter de 100 m² pour la toiture basse et de 280 m² pour la toiture haute, la section de chéneau dont le calcul prend en compte la pente, la surface de toiture concernée ainsi que la forme trapézoïdale du chéneau pour déterminer ses dimensions devait, selon le mode de calcul fixé par le document technique unifié 60.11 partie Il § 2 fixant les règles de calcul des installations de plomberie sanitaire et d'eaux pluviales, être comprise entre 264 et 280 cm². Contrairement à ce que soutient la société Dubois, le chéneau initialement réalisé ne comportait pas une section de
300 cm², cette dimension ayant été relevée lors de l'expertise judiciaire après les travaux de reprise, mais une section de l'ordre de 170 cm² comme l'avait constaté l'expert amiable dans son rapport du 24 juillet 2013. Ainsi, la surface utile de la section de chéneau initiale étant inférieure à la norme minimale établie à 264 cm², comme il a été dit ci-dessus, était sous dimensionnée.
5. En second lieu, si la société Dubois soutient que le calcul de la surface du chéneau nécessaire à l'évacuation des eaux pluviales est impactée par l'existence de deux évacuations et qu'ainsi la surface doit être divisée par deux, elle ne justifie pas de l'existence de ce système d'évacuation alors même que l'expert judiciaire a constaté l'insuffisance du chéneau bas correspondant à la toiture basse de 250 x 150 cm, et du chéneau haut correspondant à la toiture haute de 200 x 100 cm, et que l'expert amiable avait indiqué que la section de 170 cm² était insuffisante même pour la seule toiture basse qui reçoit, en outre, une grande partie des eaux de la toiture haute.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Dubois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser la somme de 21 085,49 euros à la SMACL Assurances. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge de cette dernière et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Dubois la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Dubois est rejetée.
Article 2 : La société Dubois versera à la SMACL Assurances la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dubois et à la SMACL Assurances.
Copie en sera adressée à la commune de Brou-sur-Chantereine.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.
La rapporteure,
C. BRIANÇON
La présidente,
M. A La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.