Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme à responsabilité limitée Canela a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la communauté de communes Les Avants-Monts à lui verser, à titre de provision, la somme de 15 723,50 euros.
Par ordonnance n° 2203626 du 18 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2023, la société Canela, représenté par Me Pion Riccio, demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 18 avril 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de condamner la communauté de communes Les Avants-Monts à lui verser, à titre de provision, la somme de 15 723,50 euros ;
3°) de mettre à la charge de cette communauté de communes une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé qu'elle n'était pas fondée à se prévaloir de l'existence d'un décompte général tacite ;
- ainsi, la réception n'a pas été prononcée sous réserves, contrairement à ce que l'ordonnance attaquée relève ;
- de plus, le projet de décompte final a été transmis dans le délai prévu par les stipulations du cahier des clauses administratives générales ;
- en raison de ce que la réception de l'ouvrage a été prononcée le 1er décembre 2021 sans réserve concernant les travaux dont l'exécution lui avait été confiée, contrairement à ce que prétend l'intimée, et après l'écoulement d'un délai de 30 jours, elle a transmis au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage un projet de décompte final ; comme elle n'a pas reçu ensuite la notification du décompte général par le maître d'œuvre, et en application des dispositions de l'article 13.4.4 du CCAG travaux, elle a notifié au maître d'ouvrage un projet de décompte général ; or, le représentant du pouvoir adjudicateur ne lui a pas notifié le décompte général dans le délai de dix jours visé à l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ; par voie de conséquence, le projet de décompte général est devenu, le 9 juin 2022, le décompte général et définitif du marché ; elle détient donc une créance non sérieusement contestable de 15 723,50 euros sur la communauté de communes intimée ;
- elle a transmis, par ailleurs, une réclamation préalable, bien que cette formalité exigée à l'article 50.1.1 de l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, ne soit pas ici applicable en raison de la survenance du décompte général et définitif du marché.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 août 2023, la communauté de communes Les Avants-Monts, représenté par Me Hamidi et Me Moreau, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que Mme A, mandataire du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre, la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, et, en toute hypothèse, à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que :
- il a été dressé procès-verbal des opérations préalable à la réception le 30 novembre 2021, l'annexe 1 à ce document indiquant que des travaux restaient à effectuer ; la société appelante était présente lors de ces opérations et savait parfaitement de quels travaux il s'agissait ; ces travaux étaient bien prévus au marché et n'ont jamais été exécutés ; en conséquence, l'appelante ne peut se prévaloir de l'existence d'un décompte général et définitif tacite et, par suite, de l'existence d'une créance non sérieusement contestable.
- à titre subsidiaire, si l'existence d'un décompte général et définitif tacite devait être retenue, la responsabilité du maître d'œuvre serait engagée et, dès lors, elle serait en droit d'être garantie entièrement par lui.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code de la commande publique
-l'arrêté du 8 septembre 2009 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 ;
-le code de justice administrative.
Vu la décision du 1er septembre 2022 par laquelle le président de la cour a désigné M. Éric Rey-Bèthbéder, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les demandes en référé en application des dispositions de l'article L. 555-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 18 février 2020, la communauté de communes Les Avants-Monts a attribué à la société Canela le lot n° 6 " cloisons, doublages, faux plafonds ", d'un montant de 57 055 euros hors taxes, dans le cadre du marché public d'aménagement et d'extension du bâtiment accueillant les services de cet établissement public de coopération intercommunale. Un procès-verbal des opérations préalables à la réception des travaux de ce lot a été dressé le 30 novembre 2021. Estimant pouvoir se prévaloir d'un décompte général et définitif, intervenu tacitement, la société précitée a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner la communauté de communes Les Avants-Monts à lui payer, à titre de provision, la somme de 15 723,50 euros correspondant au solde du marché.
2. La société Canela relève appel de l'ordonnance du 18 avril 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.
4. D'autre part et en premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 13.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable à l'espèce : " 13.3.2. Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. () Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. (). /13.3.3. Le maître d'œuvre accepte ou rectifie le projet de décompte final établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte final. /13.3.4. En cas de retard dans la transmission du projet de décompte final et après mise en demeure restée sans effet, le maître d'œuvre établit d'office le décompte final aux frais du titulaire. Ce décompte final est alors notifié au titulaire avec le décompte général tel que défini à l'article 13.4 () ". Aux termes de l'article 13.4 du même cahier, intitulé " Décompte général. - Solde " : " 13.4.1. Le maître d'œuvre établit le projet de décompte général () /13.4.4. Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé, composé : - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ; - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l'article 13.4.3. /Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. Le délai de paiement du solde, hors révisions de prix définitives, court à compter du lendemain de l'expiration de ce délai. Le décompte général et définitif lie définitivement les parties () ".
5. En second lieu et aux termes de l'article 41.2 de ce cahier des clauses administratives générales : " 41. 2. Les opérations préalables à la décision de réception comportent, en tant que de besoin : - la reconnaissance des ouvrages exécutés ; - les épreuves éventuellement prévues par le marché ; - la constatation éventuelle de l'inexécution des prestations prévues au marché ; -la vérification de la conformité des conditions de pose des équipements aux spécifications des fournisseurs conditionnant leur garantie ; - la constatation éventuelle d'imperfections ou malfaçons ; - la constatation du repliement des installations de chantier et de la remise en état des terrains et des lieux ; - les constatations relatives à l'achèvement des travaux. /Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal dressé sur-le-champ par le maître d'œuvre et signé par lui et par le titulaire. Si le titulaire refuse de signer le procès-verbal, il en est fait mention. Un exemplaire est remis au titulaire. /Dans le délai de cinq jours suivant la date du procès-verbal, le maître d'œuvre fait connaître au titulaire s'il a ou non proposé au représentant du pouvoir adjudicateur de prononcer la réception des ouvrages et, dans l'affirmative, la date d'achèvement des travaux qu'il a proposé de retenir, ainsi que les réserves dont il a éventuellement proposé d'assortir la réception. /Dans le cas où le maître d'œuvre ne respecte pas le délai de cinq jours mentionné à l'alinéa précédent, le titulaire peut transmettre un exemplaire du procès-verbal au représentant du pouvoir adjudicateur, afin de lui permettre de prononcer la réception des travaux, le cas échéant () ". Aux termes de l'article 41.3 de ce cahier des clauses administratives générales : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. /La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux / () à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire ".
5. Ainsi qu'exposé au point 1 de la présente ordonnance, le maître d'œuvre a établi, le 30 novembre 2021, le procès-verbal des opérations préalables à la réception mentionnant l'exécution des travaux confiés à la société Canela, et des réserves correspondant à des travaux non effectués, indiqués à l'annexe 1 à ce procès-verbal, qui avaient déjà été portées à la connaissance de cette société par un courriel du 21 septembre précédent. Il résulte de l'instruction que ce procès-verbal a été accepté par cette société le 1er décembre 2021 et que le maître d'ouvrage n'a pas pris de décision dans le délai de trente jours après la transmission par le maître d'œuvre de ce procès-verbal. Il suit de là qu'en application des stipulations du dernier alinéa de l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, la proposition du maître d'œuvre de réceptionner les travaux sous réserves doit être regardée comme ayant été acceptée. Or, aucune levée des réserves n'est ensuite intervenue. En conséquence, si l'appelante a transmis, le 6 avril 2022, au maître d'ouvrage un projet de décompte final établi par ses soins, aucune réception des travaux lui incombant n'a pu être prononcée. Par suite, en application des stipulations précitées de l'article 13.3.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, le point de départ du délai prévu à l'article 13.3 du même cahier des clauses administratives générales, à compter duquel le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, n'a pas commencé à courir, de sorte que le projet de décompte général transmis par la société Canela n'a pu devenir tacitement le décompte général et définitif du marché. Dès lors, la créance de 15 723,50 euros dont cette dernière entend se prévaloir, en invoquant la naissance d'un décompte général et définitif tacite, présente, comme l'a estimé le premier juge, un caractère sérieusement contestable.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Canela n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Canela une somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes Les Avants-Monts au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de cette communauté de communes la somme que demande la société Canela au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 23TL00974 de la société Canela est rejetée.
Article 2 : La société Canela versera à la communauté de communes Les Avants-Monts une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société anonyme à responsabilité limitée Canela et à la communauté de communes Les Avants-Monts.
Fait à Toulouse, le 17 avril 2024.
Le juge d'appel des référés,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
No 23TL00974