TA Besançon, 17/01/2023, n°2202100

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 décembre 2022 et le 16 janvier 2023, la société Easypark, représentée par Me Sabattier, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la décision de la ville de Besançon prononçant le rejet de son offre comme irrégulière et l'attribution de l'accord-cadre relatif à des prestations de " Mise à disposition d'une solution de paiement à distance du stationnement sur le périmètre de la ville " aux sociétés Flowbird et PayByPhone ;

2°) d'annuler la procédure de passation au stade de l'analyse des offres ;

3°) d'enjoindre à la commune de Besançon de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Besançon la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- C'est au prix d'une erreur matérielle sur le contenu de son offre que la ville de Besançon a cru pouvoir la rejeter comme irrégulière entachant par là même d'irrégularité la procédure de passation de l'accord-cadre ;

- Elle est lésée par cette irrégularité dans la mesure où son offre n'a pas pu être analysée par l'acheteur ;

- La société a bien joint à son offre les annexes financières exigées, ces dernières ayant été simplement complétées par une offre à zéro euro ; le bordereau des prix unitaires et le détail quantitatif estimatif ont été remplis sans qu'aucune omission ne puisse lui être reprochée ;

- Quand la société entend remettre une offre à zéro euro, les tableurs excel qu'elle produit ne diffèrent pas de ceux composant le document de consultation mis à disposition des candidats par l'acheteur ; c'est sciemment que la société a remis une offre gratuite qui ne peut donc être déclarée non conforme ou incomplète ;

- La ville ne pouvait ignorer que l'offre présentée par la société était gratuite ; aucune disposition du document de consultation n'interdisait aux candidats de déposer une offre à zéro euro ; c'est une offre à zéro euro pour la commune et pour les usagers ;

- Le moyen tenant à ce que l'offre à zéro euro pouvait avoir pour effet de modifier le contrat est inopérant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2022, la commune de Besançon, représentée par Me Foglia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme A pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 16 janvier 2023, en présence de Mme Chiappinelli, greffière d'audience, Mme A a lu son rapport et entendu :

- les observations de Me Roudergues, représentant la société Easypark qui a renouvelé, en les développant ou les précisant, les conclusions et les autres moyens de la requête ;

- les observations de Me Thareau, représentant la commune de Besançon, qui a renouvelé, en les développant ou les précisant, les conclusions et les autres moyens de son mémoire en défense.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 5 septembre 2022, la ville de Besançon a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un accord cadre pluri-attributaires relatif à des prestations de "Mise à disposition d'une solution de paiement à distance du stationnement sur le périmètre de la ville". La société Easypark a présenté une offre. Par un courrier en date du 16 décembre 2022, la ville de Besançon lui a notifié le rejet de son offre au motif que cette dernière méconnaissait les exigences posées par les documents de consultation. Par ce même courrier, la ville de Besançon l'informait que les sociétés Flowbird et PayByPhone étaient attributaires de l'accord cadre. Par la présente requête, la société Easypark demande l'annulation de la décision de rejet de son offre et de la procédure de passation au stade de l'examen des offres.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat". Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

3. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : "L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. "Aux termes de l'article L. 2152-2 du même code : "Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale". Un candidat dont la candidature ou l'offre est irrégulière n'est pas susceptible d'être lésé par les manquements qu'il invoque sauf si cette irrégularité est le résultat du manquement qu'il dénonce.

4. En l'espèce, la ville de Besançon a considéré que l'offre de la société requérante était irrégulière dès lors que le bordereau des prix unitaires et le détail quantitatif estimatif n'avaient pas été remplis par cette dernière. La société Easypark fait toutefois valoir qu'elle n'a pas omis de remplir ces lignes mais qu'elle souhaitait rendre les prestations afférentes gratuites.

5. Si la société précise qu'elle a cherché à indiquer un tarif de zéro euro sur les prestations litigieuses, les tableaux, tel qu'ils ont été reçus par la ville, comprenaient des lignes à zéro euro comme dans les documents de consultation, sans aucune précision permettant de comprendre qu'il s'agissait d'un prix de zéro euro. En outre, aucun autre élément de l'offre de la société requérante ne précisait qu'il s'agissait de prestations gratuites dès lors que son mémoire technique évoquait une "optimisation financière", des "prix très compétitifs", la "répartition des coûts de la prestation" et le "caractère anormalement bas de son offre". Il en résulte que la ville de Besançon ne pouvait déduire sans ambiguïté de son bordereau des prix unitaires et du détail quantitatif estimatif que la société entendait rendre les prestations attachées à ces prestations gratuites. En outre, la ville de Besançon n'était pas tenue de demander des éclaircissements sur ce point à la société Easypark.

6. Il résulte de ce qui précède que la ville de Besançon pouvait écarter l'offre de la société requérante comme étant irrégulière sans entacher la procédure de passation en litige d'une méconnaissance des obligations de mise en concurrence qui lui sont imposées.

7. Dès lors, la requête de la société Easypark doit être rejetée dans l'ensemble de ses prétentions.

8. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société Easypark une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Besançon.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Société Easypark est rejetée.

Article 2 : La société Easypark versera à la commune de Besançon la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Easypark, à la commune de Besançon, à la société Flowbird et à la société PayByPhone.

Fait à Besançon, le 17 janvier 2023.

La juge des référés,

S. A

La République mande et ordonne au préfet du Doubs, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

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